Une « bonne mort », un deuil serein, cela existe, mais la recherche en parle bien peu. En fait, ce sont les trajectoires difficiles et les embuches sous-jacentes qui font surtout l’objet des études, avec raison d’ailleurs puisque l’objectif relève souvent de la volonté d’offrir aux personnes endeuillées un accompagnement qui réponde à leurs besoins. C’est autour des enjeux liés à la confrontation à la mort et au deuil que le présent numéro de Frontières se construit, selon des approches qui mettent à contribution plusieurs champs disciplinaires, notamment la psychologie, la sociologie, l’anthropologie culturelle, les études sur les médias et le cinéma. Les articles ont été sélectionnés parmi ceux reçus par la rédaction afin d’explorer quelques-unes des trajectoires du mourir qui peuvent rendre un deuil plus lourd à porter : quand la mort frappe autour de soi lorsqu’on est encore un enfant ou alors qu’on se sent déraciné de son pays natal, ou lorsqu’elle survient par suicide. Le choix que fait une personne de demander l’assistance médicale à mourir peut aussi, dans certains cas, susciter des problématiques encore mal connues, les lois sur l’aide médicale à mourir étant relativement récentes. Pour aborder les trajectoires et les embuches présentées, certains des textes intègrent à la discussion des considérations sur l’influence des films, des séries télévisées et des réseaux sociaux en ligne. En clôture du numéro, deux articles décrivent des façons de rendre plus humaine et plus digne la confrontation à la mort dans le contexte hospitalier. L’un d’eux nous rappelle qu’il est possible, et même bénéfique, de continuer de rire et de chanter même lorsque l’échéance connue et annoncée est la mort; l’autre insiste sur le respect de la dépouille après que la mort ait fait son oeuvre. Le problème qui suscite des débats sans cesse renouvelés consiste à distinguer, dans le respect du vécu des personnes endeuillées, les trajectoires qui relèvent d’un processus normal et celles qui constituent une pathologie. Pour améliorer l’intervention clinique, il est nécessaire de repérer des indicateurs pour détecter rapidement ces trajectoires chez les adultes (Djelantik et al., 2017) et chez les enfants (Melhem et al., 2013). Le deuil et les complications qu’il peut susciter font l’objet d’un nombre important d’études théoriques et de recherches empiriques qui, au fil des ans, continuent d’être rapportées dans des recensions d’écrits et des méta-analyses (voir, parmi les plus récentes : Eisma et Stroebe, 2020; Djelantik et al., 2020; Kakarala et al., 2020; Johannsen et al., 2019). Diverses catégories de deuil ont ainsi été répertoriées. Dans ce numéro, l’article d’Hélène Romano sur le deuil chez l’enfant et celui d’Imen Ben-Cheikh et ses collègues quant au deuil en contexte de migration soulignent les insuffisances de ces tentatives de catégorisation. Les critères proposés dans les classifications internationales ne font pas l’unanimité (Comtesse et al., 2020; Simon et al., 2020), notamment en ce qui concerne le deuil chez l’enfant (Boelen, Spuij et Lenferink, 2019). La version 11 de la Classification internationale des maladies (Organisation mondiale de la Santé, 2018), qui prendra effet le 1er janvier 2022, propose des critères pour identifier le « deuil prolongé » (Prolonged Grief Disorder). Quant à la version 5, en français, du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (American Psychiatric Association, 2015), elle fournit, à la section portant sur les « Affections proposées pour des études supplémentaires » (p. 1018-1019), des critères pour identifier le « deuil complexe persistant » (Persistent Complex Bereavement Disorder). La discussion se poursuit avec la publication, au printemps 2020, d’un projet de modification de ces critères. L’appellation révisée deviendrait …
Appendices
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