Abstracts
Résumé
Qu’est-ce que la mort au zoo? Cet article propose de documenter empiriquement un cas spécifique dans lequel la mort apparait comme une abstraction, renvoyant à l’extinction des espèces, sa dimension concrète étant euphémisée et invisibilisée. On propose l’hypothèse qu’il existe un discours et une pratique à vocation unificatrice sur la mort au zoo, qui relève d’une forme de biopolitique, dans le cadre de pratiques d’élevage. Ainsi, la fonction première du zoo serait de déconnecter la naissance de la mort, afin de mettre en valeur son rôle social de conservation des espèces, mais également de se décharger des enjeux moraux concernant la mort (qu’est-ce qu’une bonne mort? comment la justifier?). Pour autant, la mort concrète ressurgit constamment pour les travailleurs, les animaux et parfois pour les visiteurs. Elle est prise en charge par des régimes de justifications variables selon les contextes et les hiérarchies de nos attachements. C’est dans le détail de cette confrontation que la complexité du vivant apparait et que le noeud gordien qui unit la mort et la vie est nécessairement retissé.
Mots-clés :
- mort,
- zoo,
- biopolitique,
- élevage
Abstract
This paper is an empirical exploration of death at the zoo. Death is mostly an abstraction that supports the narrative about animal extinction but its materiality is often nowhere to be seen. I will argue that most zoos' breeding activity is associated with biopolitical practices that attempt to disconnect birth and death in an effort to highlight its social function as a species conservation sanctuary and to offload the moral burden of animal death. The materiality of death is nonetheless a daily presence for the zoo’s workers, animals and visitors and needs to be justified accordingly to the specificity of its socio-cultural context and to a hierarchy of attachments to animals. This confrontation makes obvious the meshing of death and life.
Keywords:
- death,
- zoo,
- biopolitics,
- breeding
Resumen
¿Qué es la muerte en el zoológico? Este artículo propone documentar empíricamente un caso específico en el que la muerte aparece como una abstracción, en referencia a la extinción de especies, siendo su dimensión concreta, eufemismo e invisibilidad. La hipótesis propuesta es que existe un discurso unificador sobre la muerte en el zoológico, que nace de una forma de biopolítica, en el contexto de las prácticas de crianza. Su función principal sería desconectar el nacimiento de la muerte, a fin de resaltar su rol social de conservación de la especie, pero también de deshacerse de los riesgos morales de la muerte (¿cómo justificarla? ¿Es una buena muerte? Sin embargo, la muerte concreta resurge constantemente para los trabajadores, los animales y, a veces, para los visitantes. Está respaldado por regímenes de justificaciones que varían según los contextos y las jerarquías de nuestros sentimientos Es a través del detalle de esta confrontación que aparece la complejidad de la vida y el nudo gordiano que une la muerte y la vida se entrelaza necesariamente.
Palabras clave:
- muerte,
- zoológico,
- biopolítica,
- cría
Appendices
Bibliographie
- AGEMBEN, G. (1998). Homo sacer. Le pouvoir souverain et la vie nue, Paris, Seuil.
- ARIÈS, P. (1977). L’Homme devant le mort, Paris, Seuil.
- BARATAY, E. (2011). « Chacun jette son chien. De la fin d’une vie au xixe siècle », Romantisme, vol. 3, no 153, p. 147-162.
- BONDAZ, J. (2014). L’exposition postcoloniale. Musées et zoos en Afrique de l’Ouest, Paris, L’Harmattan.
- BOURILLON, F., C. DEGUEURCE et J. ESTEBANEZ (dir.) (2015). « Animaux dans la ville 1 », Histoire Urbaine, vol. 3, no 44.
- BRAVERMAN, I. (2018). « Saving species, one individual at a time: Zoo veterinarians between welfare and conservation », Humanimalia, vol. 9, no 2, p. 1-27.
- CHRULEW, M. (2011). « Managing love and death at the zoo: The biopolitics of endangered species preservation », Australian Humanities Review, no 50.
- DESCOLA, P. (2004). « Le sauvage et le domestique », Communications, no 76, p. 17-39.
- DONALDSON, S. et W. KYMLICKA (2016). Zoopolis, une théorie politique des droits des animaux, Paris, Alma éditeur.
- ESTEBANEZ, J. (2010). « Le zoo comme dispositif spatial : mise en scène du monde et de la juste distance entre l’humain et l’animal », L’Espace géographique, vol. 39, no 2, p. 172-179.
- FOUCAULT, M. (1997). Il faut défendre la société. Cours au collège de France – 1976, Paris, Gallimard / Les Éditions de l’EHESS.
- GARDIN, J., J. ESTEBANEZ et S. MOREAU (2019). « Comme la biche tétanisée dans les phares de la bagnole. La justice spatiale et les animaux », Justice spatiale/Spatial Justice, no 13.
- HARAWAY, D. (1984). « Teddy bear patriarchy: Taxidermy in the Garden of Eden, New York City, 1908-1936 », Social Text, no 11, p. 20-64.
- HARAWAY, D. (1995). « A cyborg manifesto: Science, technology and socialist-feminism in the 1980s », Socialist Review, no 80, p. 7-40.
- HARAWAY, D. (2003). The Companion Species Manifesto: Dogs, People, and Significant Otherness, Chicago, Prickly Paradigm Press.
- MICHALON, J. (2014). « Pourquoi faut-il parler de la mort des animaux de refuge? », Études sur la mort, no 145, p. 73-82.
- MICOUD, A. (2010). « Sauvage ou domestique, des catégories obsolètes? », Sociétés, vol. 2, no 108, p. 99-107.
- MOURET, S. (2012). Élever et tuer des animaux, Paris, Presses universitaires de France.
- NORTON, B. et al. (dir.) (1996). Ethics on the Ark, Washington, D.C., Smithsonian Institution Press.
- PORCHER, J. (2011). Vivre avec les animaux. Une utopie pour le xxie siècle, Paris, La Découverte.
- POUILLARD, V. (2015). « Quelques éclairages sur l’histoire des relations entre hommes et animaux de zoo, issus du jardin zoologique de Londres (1828-vers 2000) », Histoire Urbaine, vol. 3, no 44, p. 125-138.
- RÉMY, C. (2009). La fin des bêtes. Une ethnographie de la mise à mort des animaux, Paris, Economica.
- ROTHFELS, N. (2008). Savages and Beasts. The Birth of the Modern Zoo, Baltimore (MD), John Hopkins University Press.