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Il s’avère parfois complexe de planifier des moments d’observation liés à des activités d’éveil aux mathématiques puisque, comme le mentionne le Programme-cycle à l’éducation préscolaire, la place du jeu libre est centrale avec la prescription de deux périodes, d’un minimum 45 minutes par jour (MÉQ, 2021). En dehors de ces périodes de jeux libres, les enseignantes planifient des situations d’apprentissage qui sont adaptées au contexte de l’éducation préscolaire et aux savoirs mathématiques visés (St-Jean et al., 2021), à leur observation, à leur documentation et ainsi à leur évaluation.

Force est de constater que l’éducation préscolaire est considérée comme étant distincte du primaire. En effet, les apprentissages, ainsi que leur documentation, sont réalisés plutôt de façon ludique, ce qui est moins présent dans les autres secteurs d’enseignement. Ainsi, les recherches sur le jeu à l’éducation préscolaire (ex., Pyle et al., 2017 ; Pyle et Danniels, 2017) montrent que le jeu, qu’il soit dirigé par l’enfant ou l’enseignante ou encore, guidé par l’enseignante, offre des opportunités de développement personnel, social, mais également scolaire (Pyle et al., 2017). Le tableau 1 ci-dessous expose que le jeu peut être un objet, un contexte ou un prétexte (St-Jean et al. 2022), et ce, peu importe sa finalité : libre, guidé, collaboratif, activité ludique ou apprentissage par le jeu.

Tableau 1

Différents types de jeux (Adapté de Pyle et Danniels (2017) et St-Jean et al. 2022)

Différents types de jeux (Adapté de Pyle et Danniels (2017) et St-Jean et al. 2022)

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Comment observer pour ensuite évaluer les enfants dans les différents types de jeux ? Cette question demeure entière. En effet, dans une perspective de progression développementale de l’enfant, ce dernier se développe à son rythme. Comment rendre cette évaluation cohérente avec le contexte ludique ? Comment éviter la normalisation des apprentissages de l’enfant et prendre plus en compte son développement ?

À cet égard, des difficultés ont été observées en collaboration avec 58 enseignantes à l’éducation préscolaire concernant la pédagogie et l’évaluation dans et par le jeu lors d’activités d’éveil aux mathématiques. Nous les présentons et exposons quelques pistes de réflexions qu’elles suscitent, à travers leurs réponses à la question suivante : En tant qu’enseignante à l’éducation préscolaire, quelle est la principale difficulté que vous rencontrez dans vos activités d’éveil aux mathématiques ? tirée d’un questionnaire autodéclaré, issu d’une recherche subventionnée par FIR-UQAR, intitulée Pratiques d’activités d’éveil aux mathématiques d’enseignantes de la maternelle (St-Jean et Rajotte, 2021).

Principales difficultés de la pédagogie par le jeu lors d’activités d’éveil aux mathématiques

Des enseignantes sondées reconnaissent que les activités d’éveil aux mathématiques peuvent occasionner des difficultés, comme l’exprime une enseignante :

« J’ai parfois de la difficulté à proposer des activités variées. J’aimerais avoir plus de formation en lien avec l’enseignement des mathématiques au préscolaire. Aussi, il y a des concepts mathématiques que je travaille plus que d’autres. J’adore enseigner les math aux petits et j’en comprends l’importance, mais il manque de ressources pédagogiques pour les enseignants. »

E29

À cela s’ajoutent, pour d’autres enseignantes, le manque de temps, de connaissances, de précision du programme d’éducation préscolaire, d’espace dans le local ainsi que le grand nombre d’enfants par groupe.

Les réponses des enseignantes laissent même entrevoir que l’éveil aux mathématiques n’a pas été mis de l’avant lors de leur formation initiale, comme le mentionnent deux d’entre elles :

« Ma principale difficulté est de créer des problèmes à résoudre ajustés à l’âge des élèves. J’ai été formée à développer la résolution de problèmes chez des élèves du primaire »

E49

« Je ne sais pas ce que je dois faire avec les enfants. Sauf apprendre les chiffres et les quantités, je ne suis pas certaine d’en faire assez. Je travaille avec un cahier des nombres, c’est ce que je fais le plus. »

E1

Une autre difficulté émerge des résultats. Une enseignante mentionne avoir besoin d’aide au regard des attentes en fonction de l’âge (4-5 ans) lors d’activité d’éveil aux mathématiques :

« J’aurais besoin d’une formation sur les éléments en mathématiques, ce qui doit être fait au préscolaire et [ce qu’ils] doivent avoir acquis à la fin de l’année. »

E50

Le fait est qu’elles mentionnent être moins outillées en ce qui concerne le développement des savoirs « plus formels » liés à une discipline du primaire, soit les mathématiques, en contexte d’éducation préscolaire porte à suggérer que la formation initiale n’outille pas suffisamment les enseignantes sur les pratiques d’enseignement des mathématiques. Il appert que les savoirs formels sont davantage mis en scène lors d’activités dirigées par l’enseignante.

Principales difficultés de l’évaluation par le jeu lors d’activités d’éveil aux mathématiques

D’autres enseignantes sondées reconnaissent que l’observation puis l’évaluation ressortent comme étant une difficulté lors des activités d’éveil aux mathématiques. En ce sens, une enseignante fait référence à sa difficulté d’observer en contexte de jeu :

« Je trouve que je ne suis pas capable de bien observer les mathématiques lorsqu’ils jouent. »

E40

Par ailleurs, deux enseignantes ajoutent que la tâche d’intervenir dans l’action afin de réguler les apprentissages représente la principale difficulté lors d’activités d’éveil aux mathématiques :

« [C’est] parfois difficile pour une seule enseignante de bien vérifier la compréhension et le raisonnement des enfants lors des activités de manipulation en grand groupe »

E37

Alors qu’une indique que c’est la « rétroaction aux élèves pendant l’activité » qui est sa principale difficulté (E11).

Ainsi, lorsqu’elles observent, documentent et évaluent différents savoirs mathématiques dans le jeu, les enseignantes facilitent-elles les apprentissages lors des jeux libres ? Sont-elles des guides afin de bonifier les apprentissages ? Utilisent-elles le questionnement afin d’approfondir les apprentissages par le jeu ? À la lumière de nos résultats, il est possible de constater que ces questionnements demeurent encore à explorer dans de futures recherches.