ChroniquesÉthique en éducation

L’impartialité enseignante : un regard scientifique et réglementaire[Record]

  • Bruce Maxwell and
  • Mathilde Senécal

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  • Bruce Maxwell
    Université de Montréal (Canada)

  • Mathilde Senécal
    Université de Montréal (Canada)

Lorsque j’aborde des sujets politiquement sensibles en classe, dois-je montrer chaque côté du débat ? Est-ce que j’ai le droit de divulguer mon propre point de vue à mes élèves ? Est-il légitime pour un.e enseignant.e ou pour une école d’encourager ses élèves, directement ou indirectement, à appuyer une cause politique ? L’impartialité enseignante est aussi controversée chez les enseignant.e.s qu’elle est mal comprise. Cet article vise à dissiper le brouillard entourant la question en présentant quelques éléments saillants tirés des recherches récentes sur l’impartialité et un aperçu du cadre réglementaire et juridique de l’impartialité enseignante. Pour les enseignant.e.s, les résultats des recherches sur l’impartialité sont d’intérêt, car ils permettent de mieux cerner le sens du devoir d’impartialité en enseignement dans toute sa complexité. La perspective réglementaire sur l’impartialité, pour sa part, sert à aider les enseignant.e.s à saisir les attentes de la société et de la profession enseignante envers eux en ce qui concerne la nécessité de faire preuve d’impartialité lorsqu’ils et elles abordent des thèmes sensibles à l’école. Comme nous le verrons, on ne s’attend ni à ce qu’on soit parfaitement objectif ni à ce qu’on s’abstienne systématiquement de partager son opinion avec ses élèves. Ce qui est demandé principalement, c’est d’éviter d’abuser de sa position d’autorité en faisant la promotion de ses points de vue personnels auprès de ses élèves. Même si la neutralité et l’impartialité sont souvent considérées comme synonymes, suivant Kelly (1986), il est fort utile de les distinguer. La neutralité fait référence à la prise de position d’un.e enseignant.e devant les élèves. Lorsqu’un.e enseignant.e fait preuve de neutralité, il ou elle s’abstient de divulguer son point de vue aux élèves lors du traitement d’un thème sensible en classe. L’impartialité, par contre, fait référence à l’approche pédagogique adoptée par un.e enseignant.e. Lorsqu’un.e enseignant.e fait preuve d’impartialité, il ou elle traite le thème sensible à l’étude de manière équilibrée et non biaisée en montrant aux élèves plusieurs côtés de la question et en demeurant ouvert.e et tolérant.e à l’égard des différentes perspectives. La neutralité et l’impartialité enseignante soulèvent des questions d’ordre éthique très différentes (Hess et McAvoy, 2015). Axée principalement sur le rapport aux élèves, la neutralité soulève la question de savoir à quel point divulguer son point de vue risque d’influencer indument les opinions et les affirmations des élèves. Vont-ils et elles chercher à émuler l’enseignant.e, que ce soit par désir d’approbation ou par peur de représailles, au lieu d’apprendre à penser pour eux-mêmes ? Vont-ils et elles ajuster leur comportement s’ils et elles connaissent le point de vue de l’enseignant.e ? Axée principalement sur le rapport aux savoirs, l’impartialité soulève des questions telles que : « à quel point mon traitement pédagogique d’un thème est-il réellement représentatif du débat public ? » et « ai-je une obligation de faire preuve d’impartialité lorsque j’aborde ce sujet en particulier ou est-ce que j’ai l’obligation de promouvoir un point de vue particulier ? ». Plusieurs enseignant.e.s se posent cette dernière question face aux thèmes sensibles comme l’homosexualité, certaines pratiques ou croyances racistes ou sexistes, et les changements climatiques. Certes, ce sont des thèmes sensibles pour certain.e.s. Cependant, considérant le mandat des enseignant.e.s de socialiser les élèves aux valeurs libérales et démocratiques (l’égalité homme-femme et d’autres droits fondamentaux) et de transmettre des connaissances fiables sur le monde, il s’avère plausible que les enseignant.e.s ont plutôt un devoir de partialité et d’engagement face à de tels thèmes, plutôt qu’un devoir d’impartialité et de neutralité (Agostinone-Wilson, 2005). Les recherches sur la perspective enseignante sur le traitement des thèmes sensibles à l’école montrent qu’une forte majorité d’enseignant.e.s préfèrent adopter une posture …

Appendices