Abstracts
Résumé
Cet article présente les enjeux relevant des débats de la formation enseignante concernant la problématique de l’interdisciplinarité depuis le début des années 1970 en France. Cette contribution aborde le processus d’ancrage de l’interdisciplinarité dans la formation enseignante correspondant à l’impulsion du colloque d’Amiens et à la création du dispositif des 10 % pédagogique (1973-1974), puis la mise en place de l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres (1989) et enfin la création de l’École supérieure du professorat et de l’éducation (2013). Cette évolution de la place et du statut de l’enseignant au sein des établissements français rend l’exercice du métier beaucoup plus complexe à appréhender. Un haut niveau de compétences lui est désormais indispensable afin d’envisager la multiplicité des enjeux disciplinaires.
Mots-clés :
- Approche interdisciplinaire,
- formation des enseignants,
- politique éducative,
- innovation pédagogique,
- échec scolaire
Abstract
This article presents the issues arising from the debates on teacher training faced with the problem of interdisciplinarity since the 1970s in France. This contribution focuses on the process of anchoring interdisciplinarity in teacher training. This is corresponding to the impetus of the Amiens conference and the creation of the 10% educational system (1973-1974), then the establishment of the University Institute for Teacher Training (1989) and finally the creation of the Higher School of Teaching and Education (2013). This evolution of the position and status of teachers within French schools makes the practice of the profession much more complex to understand. A high level of skills is now essential for him to consider the multiplicity of disciplinary.
Keywords:
- Interdisciplinary approach,
- teacher training,
- educational policies,
- educational innovation,
- school failure
Article body
Introduction
L’interdisciplinarité, un concept répandu dans la formation enseignante
Parler d’interdisciplinarité, c’est soulever une boîte de Pandore. En effet, tous les dispositifs interdisciplinaires (…) s’inscrivent dans des considérations pédagogiques plus globales : pédagogie du projet, travail en équipe des élèves, pédagogie différenciée, éducation au choix, autonomie des élèves, diversification des supports de communication. Ce qu’on pourrait schématiquement désigner sous l’expression « pédagogies actives » (Hugon, 2016, p. 86).
L’interdisciplinarité en tant qu’objet reste présente dans les idées et les idéologies d’un grand nombre d’acteurs politiques, syndicaux et pédagogiques malgré une diffusion confuse véhiculée dans l’institution. Les frontières disciplinaires se mêlent avec l’interdisciplinarité à l’instant où les didacticiens et pédagogues placent ce sujet comme une des préoccupations majeures au début des années 1970 (Prost, 2013 ; Robert, 2014).
Dans le monde de la recherche scientifique, autant que dans le prolongement des sciences de l’éducation, le concept d’interdisciplinarité prend souvent la forme d’une chimère, difficile à définir, à cerner et à mobiliser. Il a été introduit au travers des « discours » politiques, scientifiques (Stichweh, 1991) et éducatifs dépeignant une catégorie d’action du pouvoir plutôt qu’une catégorie de connaissances (Sinacoeur, 1983, p.28). Ce concept est régulièrement confondu avec des notions analogues. En effet, « les notions de pluridisciplinarité et d’interdisciplinarité ont confusément émergé dans la communauté scientifique et universitaire, au cours des années soixante » (Bourguignon, 1997). D’une part, la pluridisciplinarité caractérise « la simple juxtaposition de deux ou de plusieurs disciplines et, par-là, l’absence de relations quelconques directes entre les disciplines » (Lenoir, 2020, p. 7). D’autre part, « la transdisciplinarité est une vision globale et intégrée, qui réorganise les savoirs disciplinaires en vue de la résolution d’un problème complexe […], mais situerait ces liaisons à l’intérieur d’un système total sans frontières stables entre les disciplines » (Perrig-Chiello & Darbellay, 2002, p. 24).
L’interdisciplinarité désigne l’interaction entre deux ou plusieurs disciplines. « Cette interaction peut aller de la simple communication des idées jusqu’à l’intégration mutuelle des concepts directeurs, de l’épistémologie, de la terminologie, de la méthodologie, des procédures, des données de l’organisation de la recherche et de l’enseignement s’y rapportant » (Berger, 1972). Lenoir (2001) définit l’interdisciplinarité en ajoutant une nouvelle perspective à l’ensemble du concept : « au sens large, une expression générique et au sens restreint, interactions entre deux ou plusieurs disciplines portant sur leurs concepts, leurs démarches méthodologiques, leurs techniques ».
Sur le plan pratique, le terme « interdisciplinarité » revêt donc une grande diversité sémantique chez les différents acteurs politiques et éducatifs qui le mobilisent. Néanmoins, l’étude des multiples significations introduites par ces « discours » nous permet toutefois d’en dégager une définition fondée sur un plus petit dénominateur commun, celui « d’une modalité d’organisation pédagogique visant l’association de plusieurs disciplines avec la présence ou non de projet visant à améliorer les modalités d’acquisition de savoir pour les individus » (Cramarégeas, 2021, p. 161).
La thématique interdisciplinaire reste sensible à traiter tant l’idéologie est complexe – dans la perception d’établir des liens – entre les différentes frontières (Resweber, 2011a, 2011b). Il faut noter que la volonté de s’opposer au changement domine le pré carré disciplinaire. Le propos intellectuel se construit tant sur la tolérance des rapports pratiques que sur l’exigence des discussions scientifiques :
Bien que les notions de pluridisciplinarité, d’interdisciplinarité et de transdisciplinarité soient souvent utilisées avec des contenus sémantiques variables, elles se laissent néanmoins clairement distinguer tant par la nature des démarches concrètes mises en oeuvre que par les motivations qui en constituent le fondement
Karli, 1997
En effet, deux visions contrastées de l’interdisciplinarité se concentrent dans le monde avec un développement propre à chacune, l’une en Amérique du Nord et l’autre en Europe au cours de la décennie 1970. La première conception citée est plus pragmatique et opérationnelle tandis que la seconde est fortement marquée socialement, épistémologiquement et idéologiquement (Apostel & Vanlandschoot, 1994). En Occident, la forte demande pour l’introduction de l’interdisciplinarité en éducation (Emmanuel, 1972) émane des pouvoirs politiques qui réclament ou imposent selon les différents pays des structurations curriculaires à orientation interdisciplinaire (Lenoir & Sauvé, 1998). La promotion d’une tension entre les spécialisations disciplinaires légitime – de fait – la dimension disciplinaire des acquisitions scolaires, mais impose « leur interconnexion » (Squire, 1995). Parallèlement à cette situation, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) se révèle être un des acteurs importants des travaux menés. Un mouvement de professionnalisation enseignante – originel des États-Unis dans les années 1980 (Tardif, 2010) et relayé par des institutions internationales comme l’OCDE et l’UE – s’inscrit alors dans le paradigme du « praticien réflexif » (Altet, 2011).
Naturellement, l’entrée de l’interdisciplinarité dans le système éducatif bouscule les frontières disciplinaires de l’enseignement. Notre propos réside dans l’existence d’une composition de l’interdisciplinarité plus marquée tant sur le plan intellectuel que du point de vue institutionnel et politique dans le domaine de la formation de l’enseignant du second degré depuis la fin du XXe siècle. Notre propos s’inscrit précisément dans les sciences de l’éducation et de la formation avec une portée historique. En l’occurrence, nous souhaitons mettre en lumière l’intensité des forces disciplinaires et interdisciplinaires qui peuvent s’exprimer dans la formation enseignante en France depuis le début des années 1970 selon des dimensions essentiellement politiques et pédagogiques.
Méthodologie
Nous passerons en revue successivement chacune des trois étapes majeures du déploiement de l’interdisciplinarité avec le dispositif des 10 % pédagogique en 1973-1974 (I), la mise en place de l’IUFM – Institut Universitaire de Formation des Maîtres en 1989 (II) et enfin la création des ESPE – École supérieure du professorat et de l’éducation en 2013 (III), en prenant soin de mettre à jour les modalités historiques de leur élaboration et des discussions politiques, syndicales et corporatives associées.
Cet article trouve également sa place dans le périmètre de production de l’interdisciplinarité scolaire. Citons les travaux d’auteurs scientifiques d’une interdisciplinarité dans le primaire comme Baillat et Renard (2001), le secondaire avec Allieu-Mary (1998), Barratier et Grosson (2016) et à l’étranger (Lenoir, 1999, 2002). Les conceptions, les discours et les représentations des acteurs politiques et éducatifs seront particulièrement analysés dans l’étude des configurations tant institutionnelles qu’intellectuelles et politiques visant l’instauration de dispositifs à vocation interdisciplinaire depuis le début des années 1970 en France.
Le colloque d’Amiens et les 10 % pédagogiques : la poursuite d’une envie interdisciplinaire
Évènement majeur dans l’histoire de l’éducation en France, le colloque d’Amiens avait pour thèmes la linguistique structurale, la sémiotique, la pragmatique et la psycholinguistique (Robert, 2008). Dès lors, la réforme du système éducatif français prend forme dans le but de promouvoir une nouvelle école à travers principalement l’utilisation des méthodes actives dans l’enseignement (Seguy, 2022).
Prise de conscience de la communauté éducative en faveur de l’interdisciplinarité lors du colloque d’Amiens
Le colloque d’Amiens associe la réflexion sur les enseignements disciplinaires et la volonté des enseignants de se former au cours de leur carrière. Cet acte fondateur permet la création d’un lycée expérimental lancée en septembre 1969 par M. Legrand, directeur du service de la recherche à l’INRDP (AN 19770580/1-2-3). Cette élaboration du modèle éducatif impose l’étude de sa généralisation à une commission :
Supprimer la distinction entre les « sections » et les remplacer par un système d’options qui permette de tenir compte des intérêts des élèves ; intégrer l’enseignement technique et l’enseignement général : donner une large place au travail personnel de façon que les jeunes aient davantage de responsabilités dans leur propre formation ; revoir les programmes en fonction de l’interdisciplinarité et de l’ouverture au monde moderne (…) conçus comme un ensemble interdisciplinaire et non comme une « mosaïque » de matières (Gaussen, 1971).
Cette commission présuppose une complémentarité des différents dispositifs dans le but de former un ensemble harmonisé pour la formation de l’élève. La présence du thème sur « l’interdisciplinarité » apparaît novatrice dans les sous-commissions disciplinaires. Dans la sous-commission de mathématiques, un paragraphe est notamment consacré aux « liaisons interdisciplinaires » : « Cette idée, conçue ici comme méthode pédagogique, devrait certainement figurer parmi les objectifs d’un système général d’éducation » (Institut national de recherche et de documentation pédagogiques, 1975, p. 132).
Dans la sous-commission de l’enseignement des sciences humaines, l’interdisciplinarité nécessite une bonne préparation au préalable : « l’interdisciplinarité, qui est affaire de méthode plus que de sujet, serait assurée par l’articulation d’enseignements différents suivant les options, par le contact avec des non-enseignants et, surtout par un travail très sérieux d’organisation au début de chaque semestre » (INRDP, p. 171).
L’observation des efforts effectués bouscule, ici et là, la mise en réflexion et en application de l’interdisciplinarité par rapport à tel ou tel domaine de l’enseignement, des sciences formelles aux sciences humaines. L’INRDP ajoute à son tour un « résumé » de l’interdisciplinarité qui fait référence à :
L’image de la marguerite. Autour du coeur se disposeraient des enseignements coordonnés qui, étant eux-mêmes un langage, exigent une pratique continue (…) Un tel enseignement suppose la souplesse dans la définition du service, la possibilité d’activités animées par plus d’un professeur dans la même classe et au même moment, une véritable direction d’études par le professeur responsable de l’option. L’équipe liée à l’option devrait chaque semestre définir les thèmes et organiser le travail
INRDP, p. 175
La stabilité des équipes d’enseignants est un facteur sine qua non de prise en compte comme l’engagement du corps enseignant à la fabrique de l’interdisciplinarité[1]. Les sous-commissions élaborent un travail de réflexion et de conception dans la relation de la discipline avec l’interdisciplinarité, avec les autres disciplines. Dans la sous-commission de l’enseignement du français, un travail similaire à l’introduction de M. Legrand a été réalisé sur la notion d’approfondissement liée intimement à la créativité et à l’ouverture sur les autres disciplines. L’approfondissement développerait « à la fois la réflexion personnelle et le sens de la relativité des cultures » (INRDP, p. 229). La sous-commission d’éducation physique profite de cette situation afin d’aborder le sujet d’une « école ouverte vers l’extérieur, une école moderne utilisant tous les moyens audio-visuels actuels, une école ne se contentant pas d’apporter des connaissances, mais contribuant à la formation d’adultes responsables » (INRDP, p. 265). Dans ce souci de légitimation par rapport aux autres disciplines scolaires, l’éducation physique et sportive souhaite agir sur l’individu dans sa totalité et « contribue à la formation de sa personnalité en l’aidant à s’épanouir physiquement, intellectuellement et moralement (…) nous aurions contribué très sérieusement et plus certainement que tout autre discipline à la formation d’hommes adaptés à la vie moderne » (INRDP, p. 266). L’EPS, à travers le processus historique et la diversité de champs disciplinaires, se place au coeur des revendications pour l’adaptation de l’élève à son avenir. La confirmation du projet expérimental du lycée mené par Louis Legrand s’appuie sur la revue Recherches Pédagogiques pour préciser les objectifs recherchés de ce dispositif :
Le lycée expérimental dont le projet est soumis à l’attention de M. le Ministre est conçu comme devant être un des instruments de cette transformation qualitative. Il en sera en quelque sorte un laboratoire expérimental de pédagogique appliquée permettant l’étude systématique des problèmes essentiels posés par les enseignements de second cycle, dont la liste peut être dressée comme suit : 1) Individualisation de l’enseignement (…) 3) Travail personnel : La recherche doit permettre d’évaluer dans quelle mesure la part de l’enseignement collectif et didactique doit diminuer au profit d’une formation individuelle que les élèves assumeront eux-mêmes (…) 6) interdisciplinarité
p.340
Le constat implique que l’interdisciplinarité devienne la sixième priorité du projet expérimental du lycée, prenant donc le relais des autres prédispositions du projet. L’interdisciplinarité s’installe progressivement dans la communauté éducative comme un élément de prise en compte supplémentaire de la formation de l’enseignant du secondaire.
Le dispositif des 10 %, un précurseur d’interdisciplinarité dans la formation enseignante
L’interdisciplinarité la plus souvent pratiquée – tant que la définition des objectifs n’est pas arrêtée – reste beaucoup plus une « coordination des progressions » à partir d’une confrontation des thèmes traités (AN 20010362/1-2). Cette interdisciplinarité demeure souvent partielle, car toutes les disciplines historiques – porteuses de caractéristiques propres – n’encouragent pas chaque enseignant respectif à s’investir dans cette nouvelle expérience. C’est dans le cadre d’une même discipline, ou bien d’une même division, que le travail en équipe se développe en faveur des 10 % pédagogiques. Les professeurs sont ainsi amenés à coopérer davantage, à conforter ou élargir les équipes déjà constituées, à en créer de nouvelles. Le franchissement des étapes intermédiaires – nécessaires à l’atteinte de l’objectif final de la pédagogie par objectifs (Cahiers pédagogiques, 1976) – mérite d’être étudié :
L’unanimité des membres du groupe de réflexion n’a pas pu se faire sur tous les points (…) Les deux notions sur lesquels reposent tout le projet, l’interdisciplinarité (inséparable de l’approfondissement) et le transfert (inséparable de l’enseignement par objectifs) ne sont pas suffisamment familières pour que l’idée d’option ne soit pas (…) un déchirement
Recherches Pédagogiques n°72, Propositions pour un lycée expérimental, INRDP, 1975, p.74
Poursuivie en parallèle des travaux des commissions disciplinaires encore en activité, et même si des relations existent, cette nouvelle dynamique de réforme semble alors se faire contre, ou pour le moins sans les disciplines. Les propos de Lagarrigue en octobre 1973, regrettant le désintérêt du ministère pour sa commission, sont à ce sujet révélateurs d’un effacement de discipline dans cette période Fontanet (AN 20010360/2). Débordant sur les aspects pédagogiques et organisationnels, les avancées des commissions disciplinaires, se réservent – en lien avec l’Inspection Générale – la réflexion des programmes. La logique consultative suivie par Fontanet s’écarte donc de celle retenue par ses prédécesseurs. Prêt dès janvier 1974 et déposé à l’Assemblée nationale le 29 mars suivant, le projet ne peut être discuté à la suite du décès du président Georges Pompidou, le 2 avril.
En contexte de bouillonnement pédagogique, cette étape majeure dans le déploiement de l’interdisciplinarité positionne le milieu enseignant dans une forme de réception positive de la réforme de l’enseignement. En effet, l’interdisciplinarité prend racine dans le courant des méthodes actives et redistribue les cartes pédagogiques et didactiques de la fin des années 1960 à la fin des années 1980.
L’IUFM : la structuration d’une volonté interdisciplinaire au corps défendant de l’identité enseignante
L’IUFM introduit l’interdisciplinarité dans la formation enseignante en lui assignant une place modeste – voire mineure selon les académies – au sein de la première structure commune au corps enseignant primaire et secondaire confondus. Lors de cette période échelonnée (1975-1995), concernant les politiques scolaires, mais pas seulement, l’État entre dans une phase structurelle d’hésitations. Ces hésitations s’appuient sur les fins assignées à l’entreprise d’éducation et de formation, et sur les moyens à mettre en oeuvre pour parvenir à ces fins.
Du milieu des années 1990 au milieu des années 2000 à la faveur d’un mouvement mondial, l’État souhaite se détacher de son caractère providentiel pour s’affirmer comme managérial, exerçant une gouvernance où sa part propre et celle de ses agents diminuent au profit de l’intervention d’acteurs privés, réputés plus libres et innovateurs. Preuve de cette volonté politique affichée, les systèmes scolaires des pays de l’OCDE ont été marqués depuis la fin des années 1980 par des mutations d’ampleur (Maroy, 2007 ; Mons, 2008), en lien avec le « tournant néolibéral » (Jobert, 1994) qui définissent l’ensemble des secteurs de l’action publique. Parmi ces réformes s’imposent de façon massive, à partir des années 1990, de nouveaux outils quantitatifs de régulation des politiques publiques, en particulier les évaluations standardisées des acquis des élèves (Mons, 2009).
Mouvement d’unification des pratiques enseignantes par la création des IUFM
L’affirmation, dans les dernières décennies du XXe siècle, des approches liées à la didactique des disciplines remet au coeur des débats la réforme de la formation des enseignants. La loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 déclenche la création des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). Dans son article premier, cette loi programmatique proclame que « l’éducation » est la première priorité nationale. Entre 1989 et 1991, ces instituts font une nouvelle tentative de conciliation entre les savoirs universitaires et les réalités pratiques du terrain. Elle se soumet en même temps à quelques idées fortes :
1er principe : la formation et le recrutement des enseignants du premier et du second degré à partir de la licence ; 2ème principe : la formation unifiée des enseignants et troisième principe de base : l’interaction explicite des différents degrés qui doivent concourir à la formation des jeunes enseignants
Beillerot, 1992, p. 7-18
Les IUFM provoquent la réponse à un état de crise des formations. Cette tentation à l’occultation prend parfois le dessus, mais s’appuie sur une construction théorique créée pour des raisons idéologiques. La rénovation de la réflexion sur la formation des enseignants s’inscrit au coeur du processus pédagogique au cours des années 1980 dans un contexte de risque de pénurie des candidatures et de transformations rapides de la fonction enseignante.
Le ministère s’aperçoit que les cohortes d’enseignants, recrutés pour répondre à la croissance des années 1960, vont partir à la retraite au moment même où la seconde vague de croissance, suscitée par l’objectif de 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat (1985), exigera des postes supplémentaires. Ces circonstances amènent le ministère à « attirer, former et retenir des enseignants de qualité », dans un contexte de « risque de pénurie d’enseignants » (Cros et Obin, 2003). À la rentrée 1988, un séminaire s’appuie sur un document de 60 pages dactylographiées (AN 20040313/2) écrit par le conseiller spécial de Lionel Jospin (ministre de l’Éducation Nationale), en la personne de Claude Allègre, à travers le titre : Faire du neuf avec du vieux (Allègre, 1988, p.33). Un programme pour adapter notre éducation aux temps futurs. La question des contenus d’enseignement, « source principale de dysfonctionnement de notre système éducatif » (p.33), prend une place prééminente, car « les programmes scolaires (surtout au niveau du secondaire) sont encombrés et surchargés. L’enseignement extensif a pris le pas sur toute autre forme ». Il s’agit de « penser le problème globalement et non par cycle. Ceci se traduit notamment par la mise en place de comité de programmes verticaux allant de l’école maternelle à l’université » (p.33) :
Les programmes resteraient nationaux : il s’agirait surtout de programmes d’objectifs et de programmes-cadres dans lesquels pourrait se développer l’innovation pédagogique. Leur conception relèvera d’une commission dont la composition sera modifiée périodiquement statutairement. Elle ne serait plus confiée aux inspecteurs généraux
p.31
Cette ouverture du statut des enseignants est liée à une complémentarité des différents profils dans la construction programmatique des niveaux d’enseignement. Lors de ce séminaire, un consensus émerge sur l’allègement des programmes, « leur lourdeur et leur non-interdisciplinarité est un non-sens scientifique », ajoute Daniel Bancel, ancien chargé de mission auprès du ministre Jospin (1988-1991) et recteur de Lyon. Cette preuve manuscrite prouve toute la difficulté des personnalités concernées par cette réunion à traduire dans les faits une quelconque relation ou articulation entre les responsables disciplinaires de chaque programme.
Critiques, dilemmes et réalités pédagogiques : une construction contrariée des IUFM
Les représentations du métier d’enseignant et les mises en oeuvre qui en découlent sont particulièrement visées dans cet argumentaire. Différentes dimensions seront mises en avant, celles-ci étant à la fois d’ordre institutionnel, politico-scientifique et socioculturel.
De nouveaux aspects de l’activité enseignante résultent de la création des IUFM – Instituts universitaires de formation des maîtres – dans une optique d’unification des corps enseignants dont le projet remonte notamment au plan Langevin-Wallon, c’est-à-dire que « les actions de formation […] comprennent des parties communes à l’ensemble des corps et des parties spécifiques en fonction des disciplines et des niveaux d’enseignement ». La mise en place d’un Conseil national des programmes présent dans le même sillon amène à formuler des propositions au ministre « sur la conception générale des enseignements, les grands objectifs à atteindre, l’adéquation des programmes et des champs disciplinaires à ces objectifs et leur adaptation au développement des connaissances ». Renouant avec les années 1981-1984, cette nouvelle institution prive de ses anciennes prérogatives l’Inspection Générale, à laquelle de nombreux acteurs du système, dont de hauts fonctionnaires (Gauthier, 1988), reprochent l’immobilisme et la conception protectionniste de chaque discipline. La création des IUFM constitue un tournant dans la vision de la formation enseignante :
Le statut social et l’identité professionnelle, qui reposaient sur une culture faite de hauts savoirs, se voient menacés entre autres par une restructuration de la formation à l’enseignement, par l’introduction d’autres façons de concevoir l’apprentissage et par le déplacement de la transmission d’un patrimoine culturel à une adaptation aux exigences de la vie contemporaine
Lenoir, 2002, p. 110
Le métier d’enseignant est conçu dans un parcours professionnel avec un nouveau statut auprès de la communauté éducative et du ministère de l’Éducation nationale. La Loi d’orientation de 1989 ou loi Jospin préconise la mise en place d’« une indispensable réflexion en profondeur sur les contenus de l’enseignement et des programmes ». Le but est d’assurer à tous les jeunes « l’acquisition d’une culture générale et d’une qualification reconnue », notamment en favorisant l’insertion des institutions et des programmes dans leur époque, dans leur contexte, auprès d’une population de plus en plus éloignée de la culture scolaire. L’interdisciplinarité constitue, dès lors, une chance à saisir contre le manque de cohérence des programmes.
La création des IUFM en 1989 – grâce à l’impulsion du colloque d’Amiens 1968, rapport de Peretti – met fin à la forte résistance d’une tradition « intellectualiste, aristocratique et hiérarchique » (Léon, 1980, p. 231) établissant une relation entre prestige social des enseignements et formation au métier :
Un aspect me déroutait dans l’enseignement du lycée. C’était le cloisonnement des disciplines, l’isolement de chaque matière. (…) Chaque discipline ne fonctionnait en circuit fermé, en ignorant les autres. Aux élèves de se débrouiller pour construire leur petit univers et lui trouver de la cohérence. À chacun sa synthèse s’il en éprouvait le besoin
Jacob, 1987, p. 72
Chercheur biologiste français et prix Nobel, François Jacob évoque le morcellement et la parcellisation des disciplines dans le deuxième cycle du secondaire, le lycée, de facto nuisible à la compréhension des processus d’apprentissage. En réponse, seulement 10 % de l’horaire global des étudiants est inscrit à la formation générale commune à tous les enseignants[2] dans les IUFM. Confrontés par les circonstances à des impératifs d’urgence et placés dans une position unique par rapport à la logique universitaire, les nouveaux instituts n’échappent pas aux difficultés initiales que connaissent toutes les organisations (Crozier & Friedberg, 1977). En 1992, plusieurs rapports élaborés (Rapports de l’Académie des sciences, du Sénat, de l’Inspection générale) prouvent que ces instituts – fondements de la nouvelle formation professionnelle, chantier extrêmement important pour l’avenir du système – sont largement perfectibles.
Les IUFM sont critiqués par leur supposé abandon de l’identité disciplinaire et le déclin des savoirs. Pour autant, dans la nouvelle vision éducative qui doit être approuvée : « enseigner, c’est faire face à la complexité » (Perrenoud, 1999, p. 17), autrement dit, recourir à de l’interdisciplinarité. Ainsi, la logique d’émancipation de l’élève doit trouver son ancrage dans la multiplication des voies d’apprentissage et d’accès aux savoirs : « Le système éducatif actuel vise plutôt à apprendre pour faire alors que, pour qu’il y ait sens, il faudrait faire pour apprendre » (De Vecchi & Carmona-Magnaldi, 1996, p. 22). Une remise en question exhaustive des méthodes d’apprentissage du système éducatif français s’impose petit à petit dans les esprits et les moeurs en cette fin de XXe siècle.
L’étude de cette deuxième étape nous pousse à discuter de l’ambition des IUFM dans le cadre de la formation enseignante dans un contexte de structuration de l’offre enseignante. Pensés en vue d’une unification des corps enseignants, les IUFM y ont répondu en partie en concevant le métier d’enseignant avec de nombreux dénominateurs communs (stratégies d’intervention, méthodes d’enseignement, partage d’expériences) bénéficiant à la diffusion de l’interdisciplinarité dans les formations enseignantes.
L’ambition interdisciplinaire entre une culture commune et une culture partagée dans les ESPE
L’interdisciplinarité développe l’expansion intellectuelle dans la recherche d’un universalisme des sociétés contemporaines. En effet, chaque pays occidental participe, à sa façon, à donner plus de sens dans leur système éducatif en luttant contre l’ignorantisme et l’obscurantisme de plusieurs factions. La lecture des textes officiels de l’Éducation nationale confirme ce flou conceptuel important tant sur un plan général que sur la dimension des innovations pédagogiques. En l’absence de définition officielle sur l’interdisciplinarité[3], l’obligation à parcourir le nouveau dispositif des EPI (Enseignements Pratiques Interdisciplinaires) est prépondérante à la rentrée de 2016 dans les collèges. Cet agencement revêtant un caractère « applicatif » permet d’évaluer les différentes tensions existantes au sein du système éducatif et du pouvoir politique.
EPI : la légitimité de l’interdisciplinarité dans la formation enseignante
L’entrée des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) marque le début d’une réflexion à travers des leviers, des moyens dirigés vers le basculement de l’enseignement ouvert sur les disciplines : « Qui pourrait être intellectuellement opposé à l’interdisciplinarité ? (…) tous les spécialistes savent que l’accès à l’interdisciplinarité passe par un préalable : la bonne maîtrise disciplinaire (…) l’interdisciplinarité n’est possible et réaliste où, ex ante, il y a une bonne maîtrise des fondements disciplinaires » (Hetzel, 2016)[4]. La question sous-jacente problématise le passage d’un enseignement disciplinaire transmissif à un apprentissage de connaissances, de compétences et d’attitudes portées par le sens que confère l’action, l’agir, concret du sujet.
Les EPI à la rentrée scolaire 2016 bousculent le politique entre un discours autour des conflits et des résistances disciplinaires. Dans la tribune publiée dans les journaux du 5 juin 2015, « Pour un collège de l’exigence » signée par trois anciens ministres de l’éducation : François Bayrou, Jean-Pierre Chevènement, Luc Ferry, et deux philosophes, Michel Onfray et Pascal Bruckner, les auteurs déclarent : « Nous n’acceptons pas l’affaiblissement des disciplines au profit d’une interdisciplinarité floue, sans contenu défini, dont les thèmes sont choisis selon la mode et l’air du temps, imposés autoritairement et uniformément par le ministère, conduisant au “zapping” pédagogique » (Develay, 2015). Depuis le début du XXIe siècle, le débat scolaire utilise une même rhétorique pour la « formation des compétences » et les « éducations à ». Celle-ci met en avant l’insuffisance des savoirs scolaires dans la préparation des jeunes aux exigences de la vie sociale. Cette constatation est portée par la référence aux considérations d’Edgar Morin (1990, 2000) sur la complexité croissante du monde. L’objectif final participe à former des savoirs et des devoirs. Cette finalité demeure difficilement atteignable en raison des tensions de la conjoncture historique et de la transmission d’exigences pratiques de la vie adulte.
Les politiques saisissent alors à bras-le-corps ce constat depuis le début des années 1990 pour transformer l’esprit des concitoyens sur les problématiques interdisciplinaires du milieu scolaire :
C’est cette même lucidité, loin des nostalgies et des idéologies, qui nous a conduit à mettre les nouveaux programmes en phase avec la société et les apprentissages d’aujourd’hui (…) Ces liens explicites entre les disciplines participeront de la consolidation des apprentissages par leur mise en résonance. Ils répondent à la nécessité d’appréhender et de comprendre la complexité de notre monde, comme la nouvelle dimension numérique des programmes.
Vallaud-Belkacem, 2015a
Évaluation de politiques éducatives et recherche d’une stabilité institutionnelle de l’interdisciplinarité
À l’heure du projet de Refondation de l’école et de la création des ESPE – École supérieure du professorat et de l’éducation – en 2013, les traces laissées par les structures d’Éducation nouvelle restent présentes tant l’ampleur de leurs réseaux a été porteuse d’innovation. À propos des nouveaux dispositifs des ESPE, des tensions ont concerné les partisans d’une approche de la formation par les compétences professionnelles – globalement plutôt les formateurs des enseignants du premier degré et le ministère de l’Éducation nationale – et les tenants de l’approche disciplinaire – globalement plutôt les universitaires des disciplines et le ministère de l’enseignement supérieur. Ce clivage cristallise la mise en oeuvre du « tronc commun » de formation dispensée à tous les futurs enseignants en vue d’une culture professionnelle commune affirmée.
Les évaluations internationales (PISA, PIRLS) ont montré que le collège aggrave la difficulté scolaire et cristallise les « défauts de notre système éducatif » selon le gouvernement Valls. C’est pourquoi il est stipulé dans le BO n°11 du 26 novembre 2015 :
L’élève oeuvre au développement de ses compétences, par la confrontation à des tâches plus complexes (…) Cette appropriation croissante de la complexité du monde (naturel et humain) passe par des activités disciplinaires et interdisciplinaires dans lesquelles il fait l’expérience de regards différents sur des objets communs. Tous les professeurs jouent un rôle moteur dans cette formation, dont ils sont les garants de la réussite »
Bulletin officiel spécial n°11 du 26 novembre 2015, MEN
Dans cette logique, « pour qu’une initiative pionnière soit qualifiée d’innovation, il faut qu’elle percole dans le système » (Lebrun, 2016). Les formats pédagogiques qui se sont inscrits dans la tradition scolaire ont constitué autant de réponses efficaces aux mutations de l’école dans une société en mouvement : « Pour les professeurs, ces EPI représenteront des possibilités nouvelles pour travailler ensemble des thèmes de leurs programmes qu’ils traitent seuls aujourd’hui » (Vallaud-Belkacem, 2015b). Ce renouvellement pédagogique répond à une école qui passe d’une logique cumulative à une visée productive et participative des savoirs, un écosystème plutôt qu’un empilement d’outils :
Il est essentiel que les futurs programmes et le futur socle puissent bénéficier d’une cohérence jamais réalisée jusqu’ici entre les connaissances, les compétences et la culture. Cette cohérence nouvelle permettra en particulier de favoriser les liens entre les disciplines et les compétences en matière de résolution de problèmes complexes, car nos élèves souffrent, selon les études internationales, d’un trop grand cloisonnement des apprentissages
Peillon, 2013
Ce cloisonnement n’est pas qu’intentionnel ou historique, il est ancré dans la matrice organisationnelle du monde scolaire. L’opacité obscure ou le manque de commissions depuis une trentaine d’années sur l’interdisciplinarité a permis une montée progressive en sous-terrain de cet élément dans le débat politique comme fer de lance de la réforme du collège en septembre 2016 :
Ces enseignements ne sont pas interdisciplinaires au sens où ils mobiliseraient nécessairement des notions et concepts communs à des disciplines différentes. Ils permettent en revanche de s’appuyer sur des connaissances issues des disciplines, mais appliquées à des objets communs au sein d’un projet porté par des équipes
CSP, Projet de programme pour le cycle 4, 2015, MEN
Par ailleurs, l’interdisciplinarité possède une acception polysémique, notamment entre, avec ou contre des éléments constitutifs des disciplines. Les EPI ne sont pas positionnés à côté des enseignements disciplinaires, mais intégrés et superposés à ces derniers presque comme une invitation à aborder de façon différente l’interdisciplinaire dans le disciplinaire. La démarche de projet se place au coeur des enseignements disciplinaires dans les EPI. L’EPI peut ainsi être apparenté à un véritable laboratoire d’appropriation pédagogique du socle commun : « De définir un contenu d’enseignement sous forme de connaissances, il y en a trop… donc le choix devient impossible » (Raulin, 2017).
Cette réforme convoque différemment la réflexion disciplinaire en interrogeant son articulation avec le socle commun et avec les enjeux sociétaux contemporains : « Il s’agit de faire en sorte que les différentes disciplines d’enseignement s’articulent mieux et concourent toutes au développement de compétences qui permettent aux élèves de se préparer à la vie future » (Debuchy, 2016, p. 14). Au-delà de l’intérêt de l’introduction d’enseignements interdisciplinaires, le changement de pratiques pédagogiques et d’organisation des enseignements provoque une réflexion profonde entraînant la remise en question du métier d’enseignant, de routines pédagogiques, de nouvelles lignes des jeux de pouvoir. La construction de nouveaux outils de gestion, le questionnement d’un management interne et l’apparition des contraintes liées aux nouvelles modalités de communication restent d’actualité.
Ce dernier éclairage a permis d’instaurer l’interdisciplinarité dans le dispositif institutionnel des EPI. Des collaborations entre enseignants ou des projets existants ont été formalisés dans un cadre prévu à cet effet. L’interdisciplinarité se présente – à ce moment – comme une pratique enseignante, inscrite dans leurs services, qui tend à se généraliser à l’ensemble des formations enseignantes.
Conclusion – L’interdisciplinarité : l’expression d’une utilité dans la formation enseignante
Les éléments que nous avons présentés se combinent, s’éclairent et se complètent tour à tour pour formuler clairement l’approche de l’Éducation nationale. Comme souvent dans ce cas, les réticences se sont cristallisées autour des mots, source d’incompréhension. Le dispositif de l’interdisciplinarité aura été celui qui symbolise le mieux cette incompréhension du langage, raison pour laquelle des réflexes d’unification du langage sont apparus. Il est intéressant de découvrir l’un des exemples les plus significatifs avec le dispositif des EPI. Force est de constater que le générique « interdisciplinarité », censé créer une unification de langage, est malgré tout resté prisonnier des divers concepts qui le composent et qui se sont égrenés dans les textes officiels avec le désordre évoqué tout au cours de cet argumentaire. C’est pourquoi l’acquisition du savoir dépend de la manière dont il est structuré, mais aussi de la démarche intellectuelle associée.
Parmi les changements les plus notables, un vaste mouvement de décentralisation est observé pour offrir davantage d’autonomie et de responsabilité aux établissements, à l’implantation de nouvelles approches curriculaires et à l’essor de nouvelles politiques éducatives territoriales et de nouveaux modes de régulation depuis les années 1990. Les EPI auraient donc émergé en réponse à l’écart de plus en plus important d’inégalités sociales et scolaires du système éducatif français (Cayouette-Remblière, 2016). L’interdisciplinarité se situe-t-elle entre une logique d’innovation ou une logique d’adaptation aux difficultés actuelles du système éducatif français ? Telle est l’une des questions au coeur du débat au sein du système éducatif français.
L’élargissement du périmètre d’intervention de l’interdisciplinarité lui permet d’exister différemment dans la formation enseignante pour s’imposer progressivement dans les cursus de formation enseignant. En effet, cette hybridation des disciplines constitue une plus-value pour l’ouverture d’esprit de citoyens responsables. Ce positionnement prend une option significative face au courant anti-libéral d’une majorité d’acteurs en faveur d’un conformisme scolaire. La renommée récente de l’ESPE en INSPE (Institut National Supérieur du Professorat et de l’Éducation) qui rappelle la dénomination IUFM représentera-t-elle un retour en arrière ou un pas vers l’avant en faveur de l’interdisciplinarité ?
En outre, l’interdisciplinarité constitue une nouvelle voie ambitieuse sur le chemin de l’apprentissage et de l’intégration des compétences pour l’élève dans le système scolaire français. Le développement professionnel des enseignants et l’interdisciplinarité s’associent selon des conciliations disciplinaires[5] et une culture partagée entre enseignants au cours de leur formation initiale. La dynamique européenne et mondiale se résume aussi à une dynamique davantage curriculaire que disciplinaire même si la question mérite encore d’être débattue (Lenoir & Houssaye, 1999). In fine, la sémantique développée et la fonctionnalité de l’interdisciplinarité fusionneront-elles à l’avenir dans l’enseignement secondaire en France afin d’obtenir une institutionnalisation formelle des pratiques enseignantes ?
Appendices
Notes
-
[1]
L’interaction des disciplines définit ce qui est interdisciplinaire : « peut aller de la simple communication des idées jusqu’à l’intégration mutuelle des concepts directeurs de l’épistémologie, de la terminologie, de la méthodologie, des procédures… ». (Marquet P.B., L’éducation, n°141, mai 1972 dans Francine Best, Pour une pédagogie de l’éveil, Chapitre 4 – Activités ou disciplines ?, Bourrelier-Education, Librairie Armand Colin, 1973, p. 79).
-
[2]
Le numéro 13 de Recherche et formation (INRP, 1993) est consacré à la formation commune. Dans ce numéro, l’article suivant permet d’évoquer les tensions autour des IUFM : Robert, A. et Terral, H., « La formation commune en IUFM : entre mythe fondateur et mise en oeuvre effective ».
-
[3]
L’IGEN a bien inscrit dans son programme de travail pour 1998-1999 le thème de « l’interdisciplinarité : situation des pratiques, formation des professeurs, perspectives ».
-
[4]
Conseiller éducation, enseignement supérieur et recherche du Premier ministre François Fillon de mai 2007 à août 2008 et directeur général pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (2012-2016).
-
[5]
L’apparition progressive du tronc commun au sein des Master MEEF est un premier révélateur de l’uniformisation des parcours au métier d’enseignant.
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