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Introduction

Après deux décennies d’implantation dans les universités canadiennes (Gallardo, 2020), l’évaluation des compétences professionnelles doit encore composer avec de nombreux défis dans différents domaines professionnels, dont la médecine, les soins infirmiers, ainsi qu’en formation initiale à l’enseignement (Le Boterf, 2017). Des recherches réalisées dans ces domaines ont exposé la complexité d’évaluer les compétences sans les dénaturer (Jonnaert, 2011) et sans les décontextualiser en plusieurs observables distincts (ME, 2020; ten Cate et al., 2015). Elles ont également montré le défi d’offrir des attentes de développement suffisamment claires pour qu’elles soient comprises par l’ensemble des formateurs impliqués (superviseurs universitaires et enseignants associés) (Gouin et Hamel, 2015).

Ce défi jumelé aux difficultés d’évaluer les compétences professionnelles des stagiaires a constitué le point de départ de la mise en oeuvre d’un projet de recherche-développement mené dans une université québécoise. Ce projet a pour but de réfléchir au processus qui mènera à l’évaluation des compétences professionnelles des stagiaires en formation à l’enseignement secondaire.

Contexte et enjeux de la recherche

Définir des attentes partagées entre formateurs et stagiaires : un incontournable

Dans les universités québécoises, quatre stages en enseignement au secondaire sont répartis sur les quatre années du baccalauréat et proposent plus de 700 heures de stage (ME, 2020) en alternance avec des cours théoriques. Peu de prescrits circonscrivent l’accompagnement des stagiaires (ME, 2020 ; Portelance, 2009) afin d’assurer le développement et l’évaluation de leurs compétences professionnelles. Reconnaissant que les compétences sont des savoir-agir complexes et que leur développement se poursuit à l’intérieur d’étapes progressives menant à l’accomplissement d’une activité professionnelle essentielle, l’évaluation devrait s’appuyer sur trois valeurs, soit la validité, l’équité et la fidélité, afin de déterminer si le stagiaire a atteint le niveau attendu (Tardif, 2017). L’équité permet d’éviter toute forme de discrimination sur la base d’attentes communes lors du processus évaluatif. La validité réfère, quant à elle, à la qualité de l’instrument, et la fidélité repose sur les évaluateurs qui pourront s’appuyer sur des outils communs pour porter un jugement qui soit avant tout professionnel même s’il n’est pas parfaitement identique aux autres. Pour assurer le respect de ces valeurs, la concertation des formateurs pour s’entendre sur des attentes partagées de développement et d’évaluation s’avère donc nécessaire (Van Nieuwenhoven et Colognesi, 2015). De façon plus précise, le concept d’attentes partagées, tel qu’utilisé dans ce projet, désigne la compréhension qu’ont les individus des connaissances, des habiletés et des attitudes qui sont mobilisées à l’intérieur d’activités professionnelles essentielles mises en place pour permettre aux étudiants de développer leurs compétences (Hawkins et al., 2015).

Cependant, il apparaît évident que le nouveau référentiel n’est ni un référentiel d’évaluation ni même un référentiel de formation selon les distinctions établies par Parent et Jouquan (2015) qui permettrait d’obtenir des niveaux pour chaque stage et assurer ainsi le respect des valeurs évaluatives. Pas plus que ce référentiel n’exploite le concept d’attentes partagées comme cela peut être fait, par exemple, dans le programme de formation de l’école québécoise ou encore, dans celui destiné aux ostéopathes français (Tardif, 2012). De plus, des recherches ont montré qu’un grand nombre de formateurs (enseignants associés et superviseurs universitaires – ces derniers peuvent être des professeurs ou des chargés de cours) évoluent auprès des stagiaires en ayant des attentes de développement qui diffèrent d’un formateur à l’autre, faute d’attentes partagées (Gouin et Hamel, 2015 ; Van Nieuwenhoven et Colognesi, 2015).

Dans le contexte de l’université ciblée, ils sont plus de 150 formateurs uniquement pour le premier stage. Ces derniers évoluent dans des milieux physiques différents (à l’université et dans plusieurs écoles réparties sur un grand territoire), ce qui limite les possibilités de concertation. De plus, à plus grande échelle, dans les universités québécoises, les superviseurs universitaires et les enseignants associés ne partagent pas le même rôle d’accompagnement. Les premiers s’assurent d’accompagner les stagiaires selon les attentes universitaires, favorisent les liens théorie-pratique (Gouin et Hamel, 2022) ainsi que le développement de la pratique réflexive (ex. : analyse de la pratique enseignante à partir de vidéos). Les deuxièmes partagent leur classe avec le stagiaire et sont des guides au quotidien qui, grâce à leurs expériences de l’enseignement, encadrent la planification, le fonctionnement du groupe-classe, et permettent aux stagiaires de prendre un certain recul par rapport à ce qu’ils vivent dans la classe (Portelance et al., 2018). À ces rôles d’accompagnement distincts s’ajoute celui d’évaluateur. Tous les deux sont responsables d’évaluer l’ensemble des compétences professionnelles issues du référentiel en partageant souvent des outils communs tout en portant des regards différents sur les compétences professionnelles des stagiaires. Cela peut potentiellement nourrir une certaine confusion.

De plus, dans notre contexte universitaire, les grilles d’évaluation ne sont pas sans poser un problème en renvoyant davantage à un découpage de comportements observables évalués (liste à cocher, Le Boterf, 2017) qu’à une réelle évaluation des compétences professionnelles. Un exemple de libellé tiré d’une grille d’évaluation utilisée en stage 4 illustre la problématique : « Faire montre de la maitrise de la langue d’enseignement à l’écrit, utiliser un vocabulaire précis et veiller à la qualité de la communication ». Cet exemple témoigne de la présence de plusieurs observables (maitrise de la langue, vocabulaire et qualité de la communication), ce qui augmente la confusion chez les formateurs. Le contexte (famille de situations, Tardif, 2019) n’est pas non plus précisé, décontextualisant ainsi la compétence. Finalement, ce libellé est présent dans toutes les grilles des quatre stages, ne complexifiant pas les attentes entre ces derniers (Le Boterf, 2017).

C’est à la suite de ces constats que le projet de recherche-développement a été amorcé en janvier 2021. Il devait aussi favoriser les échanges avec le milieu scolaire dans une période de réflexion à plus large échelle sur les enjeux et les orientations futures du partenariat à préserver, voire renforcer. Ce projet a débuté par une analyse du nouveau référentiel de compétences des enseignants (ME, 2020).

Quelques éléments d’analyse exploratoire du référentiel de compétences des enseignants

Le nouveau référentiel (ME, 2020) offre certaines balises quant aux attentes de développement des compétences professionnelles. En prenant appui sur des bases théoriques largement présentées, il propose une vision et une description des compétences et des dimensions qui les composent. Le développement de 13 compétences professionnelles est attendu et le tableau 1 les présente de manière synthétique (ME, 2020, p. 43). De ces compétences, neuf ont été regroupées en trois champs interreliés (ME, 2020), deux d’entre elles ont été regroupées comme compétences fondatrices et deux autres encore comme compétences transversales. Les auteurs du référentiel mentionnent qu’elles ne sont pas toutes sur le même pied quant à leur importance relative.

Tableau 1

Synthèse des 13 compétences professionnelles du personnel enseignant

Synthèse des 13 compétences professionnelles du personnel enseignant

Note : Adaptation du tableau tiré du référentiel de compétences (ME, 2020, p.43).

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Tout comme dans l’ancien référentiel (MEQ, 2001), le développement à chaque stage des 13 compétences est peu abordé. Il ne vient pas pallier le besoin d’attentes claires en matière d’évaluation, laissant aux universités québécoises le défi de réfléchir à un processus évaluatif basé sur cette approche par compétences. Différentes recherches (Chen et al., 2015; ten Cate et al., 2010, 2015) abordent la difficulté à rendre compte de la complexité d’une compétence à l’intérieur du processus d’évaluation : la transposition d’une compétence en observables ou en objectifs à atteindre ne rend pas compte de cette complexité.

Dans la littérature, des auteurs se sont intéressés aux caractéristiques des compétences pour en cerner la complexité. La première de ces caractéristiques, centrale à l’actuelle recherche-développement, est le fait que les compétences se développent en contexte, à l’intérieur d’activités professionnelles essentielles (ten Cate, 2005) qui se définissent comme l’ensemble des activités appartenant à une profession. Une deuxième caractéristique renvoie à l’aspect développemental des compétences, c’est-à-dire qu’elles se développent en formation initiale et tout au long de la carrière. Des auteurs (Khan et Ramachandran, 2012 ; Tardif, 2017 ; ten Cate et al., 2015) proposent d’ailleurs d’élaborer des trajectoires de développement qui vont de novice (en formation initiale) à expert (en carrière) ou qui se déploient sur des niveaux de 1 à 5 afin de préciser des attentes communes. Une troisième caractéristique fait référence à la mobilisation de ressources internes telles que les savoirs, les habiletés ainsi que des ressources externes (ex. : l’utilisation d’un logiciel) (Lacasse et al., 2014 ; Tardif, 2019). Une dernière caractéristique réfère à l’autonomie (ten Cate et al., 2015) attendue par les stagiaires. En effet, un stagiaire en enseignement pourrait montrer un certain niveau d’autonomie en stage 3 lors de la réalisation d’une activité professionnelle, mais éprouver des difficultés majeures dans un contexte professionnel différent en stage 4. Il importe donc de réfléchir au niveau d’autonomie attendu selon les contextes scolaires qui peuvent varier d’un milieu à l’autre (Lacasse et al., 2014).

En lien avec ces quatre caractéristiques, le nouveau référentiel (ME, 2020) aborde l’importance de penser les compétences professionnelles à partir du travail enseignant (en contexte) : « Son travail [celui de l’enseignant] n’est pas constitué de tâches et d’actes fragmentés ou isolés et chaque fois uniques : il renvoie à des familles d’activités et de situations qui présentent des caractéristiques communes (organisation, fonctionnement, dynamique, etc.) que tous enseignants rencontrent dans leur travail » (ME, 2020, p. 40). Cette définition du travail enseignant rejoint d’ailleurs plusieurs auteurs qui ont traité de la complexité des tâches exigées en enseignement (Goigoux, 2007 ; Mukamurera et al., 2019). Pour identifier ces familles d’activités, trois champs d’intervention ont été précisés dans le référentiel : 1) les activités réalisées pour la réussite des élèves ; 2) les activités réalisées pour la réussite des élèves en collaboration avec des intervenants et 3) les activités réalisées qui relèvent de l’exercice du professionnalisme et de l’appartenance à la profession. Chacun de ces champs d’intervention est constitué de compétences professionnelles qui sont elles-mêmes définies par des dimensions. Selon les auteurs du référentiel, ces dimensions renvoient aux activités et aux situations professionnelles (ME, 2020). Cependant, ces dimensions sont de différente nature et ne réfèrent pas toujours à des activités de la profession comme l’entendent des chercheurs en développement professionnel (ex. : ten Cate et al., 2015). Ces dimensions présentent parfois des ressources internes et externes à mobiliser (Maîtriser les règles et les usages de la langue dans l’ensemble de ses communications), parfois elles réfèrent à des microtâches (présenter aux élèves l’intention pédagogique, les compétences visées […]) et parfois, relèvent d’activités professionnelles (mettre en place diverses approches et stratégies ainsi que des tâches stimulantes et variées […]). Le fait d’avoir traité ainsi les familles d’activités dans le référentiel – en les regroupant en champs, puis en les décortiquant par des dimensions de différentes natures – n’encourage pas nécessairement la prise en compte des caractéristiques des compétences. Nous avons également constaté qu’aucune de ces dimensions ne présente des niveaux de développement (évolutifs) en cours de formation initiale. Ce sont plutôt des niveaux d’acquisition généraux à travers le développement professionnel continu (ME, 2020, p. 86) qui offre des balises très larges aux formateurs de stagiaires : début de l’appropriation de la compétence, compétence en partie maitrisée, en large partie maitrisée ou pleinement maitrisée. Pourtant, plusieurs auteurs (Le Boterf, 2018 ; Tardif, 2019) traitent de l’importance de s’appuyer sur des niveaux de développement afin d’obtenir des balises claires quant au développement attendu pour chaque stage et tout au long de la carrière. Finalement, la caractéristique de l’autonomie est présentée de façon générale dans le référentiel : « L’activité professionnelle exige donc des capacités de raisonnement, de jugement et de réflexion en fonction du contexte précis d’intervention et des intentions d’apprentissage poursuivies. Agir en professionnelle ou en professionnel, c’est être appelé à faire des choix et à prendre des décisions de manière autonome et intelligente » (ME, 2020, p. 28). À ce propos, des auteurs (Chen et al., 2015; ten Cate et al., 2015) mentionnent la pertinence de préciser l’autonomie attendue pour chaque activité professionnelle essentielle (ou familles d’activité) et selon les contextes scolaires, information non abordée dans le référentiel.

À la lumière de ces caractéristiques, il est apparu important d’entreprendre une recherche- développement dont la première partie comporte les objectifs suivants : 1) identifier les activités professionnelles essentielles vécues par les stagiaires pour les quatre stages du baccalauréat en enseignement secondaire ; 2) identifier les compétences professionnelles et les dimensions mobilisées pour chaque activité professionnelle ; 3) identifier les niveaux d’autonomie attendus pour chacune des activités et pour chaque stage.

La réalisation de l’objectif de développement portant sur la refonte des outils visant l’évaluation des compétences en formation ne sera pas présentée ici. Il renvoie à une étape et à une restitution extérieure du travail de recherche.

Cadre conceptuel

Le cadre conceptuel aborde la caractéristique centrale de cette recherche-développement, soit les activités professionnelles essentielles (ten Cate, 2005). Ces dernières dépendent étroitement des compétences professionnelles.

Compétences professionnelles

Apprendre à enseigner est reconnu comme un processus dynamique et complexe qui permet de développer des compétences (Walkington, 2005). Le Boterf (2018) établit une distinction entre « avoir des compétences et « agir avec compétence » puisque le cumul des compétences n’est pas le gage d’être compétent. Pour cet auteur, la compétence permet d’agir et de résoudre des problèmes professionnels de manière satisfaisante dans un contexte particulier, en mobilisant diverses ressources intégrées. « La personne compétente se donne le “pouvoir d’agir”, parce qu’elle dispose des connaissances et de l’expérience de situations dans lesquelles il convient d’agir, et que de surcroît elle se montre capable de juger de la pertinence de son action. La compétence correspond ainsi à ce que nous nommerons un savoir agir réfléchi » (Develay, 2015, p. 51-52).

Un professionnel compétent est donc une personne qui est l’acteur du processus « savoir agir et interagir avec pertinence, compétence et éthique dans une situation » (Le Boterf, 2018, p. 64). À l’intérieur de ce processus, le professionnel compétent s’engage à l’intérieur d’activités professionnelles en mobilisant des ressources internes et externes tout en réfléchissant aux résultats obtenus. Il remédie aux problèmes rencontrés et il cible les pratiques enseignantes efficientes et celles à modifier auprès des élèves. Les activités professionnelles essentielles sont le contexte dans lequel le savoir-agir du professionnel se déploiera.

Activités professionnelles essentielles

En didactique professionnelle et en psychologie ergonomique, la notion de situation est le plus souvent considérée comme environnement social et culturel, autrement dit comme les conditions du travail (Mayen, 2012). En ergonomie toujours, l’activité est considérée comme une tâche réelle, c’est-à-dire un ensemble d’actions situées, incarnées dans une situation impliquant d’autres acteurs se distinguant ainsi de la tâche prescrite. La réalisation des activités en situation de travail requiert la mobilisation de compétences professionnelles (Le Boterf, 2017) préalablement identifiées. Dans le domaine de l’enseignement, des travaux ont contribué à délimiter des domaines d’activités et à identifier les compétences professionnelles à partir de l’analyse du travail réel (voir par exemple : Darling-Hammond et al., 2012). Certains auteurs parlent des fonctions de l’instituteur pour définir les activités professionnelles (Van Nieuwenhoven et al., 2014) : gérer le quotidien, gérer les relations, échanger sur ses pratiques, former, se former, gérer les apprentissages cognitifs et sociocognitifs. D’autres abordent les activités professionnelles comme des préoccupations qui forment un agenda multitâche (Bucheton et Soulé, 2009) : le pilotage des tâches, le tissage, l’étayage, l’atmosphère et les objets de savoir.

Dans le cas de cette étude, les chercheurs ont tenté de mieux comprendre et cerner les activités professionnelles essentielles des enseignants. Selon ten Cate (2005), il est pertinent de définir, pour chacune des compétences, les activités professionnelles essentielles qui les composent. Pour cet auteur, l’opérationnalisation et l’évaluation des compétences sont réalisables à partir d’une matrice formée d’une interrelation entre une activité professionnelle essentielle et les compétences qui s’y déploient. L’absence d’activités professionnelles essentielles augmente le risque de n’évaluer que des gestes professionnels, des objectifs ou des habiletés isolés plutôt que des compétences. Bien que les recherches de ten Cate et ses collègues (2010, 2015) soient dans le domaine médical, le concept de compétences professionnelles est le même (en matière de caractéristiques). De plus, tout comme l’enseignement, le domaine médical offre plusieurs contextes professionnels différents. Les activités professionnelles essentielles sont en fait des activités que la société et les experts considèrent comme appartenant à cette profession et qui ne devraient être exercées que par un spécialiste formé (ten Cate, 2005). Cet auteur a élaboré une liste de huit conditions pour qu’une activité soit considérée comme professionnelle et essentielle :

  • Est essentielle pour un professionnel dans un contexte donné ;

  • Nécessite des connaissances, des capacités et des attitudes spécifiques ;

  • Doit produire un résultat attendu d’un professionnel ;

  • Est accomplie par un professionnel formé ;

  • Doit pouvoir être exécutée indépendamment des autres activités ;

  • Doit pouvoir être exécutée dans un temps donné ;

  • A un processus et un résultat observable et mesurable ;

  • Fait intervenir une ou plusieurs compétences.

Les conditions énumérées par ten Cate (2005) et reprises dans plusieurs recherches permettent de cibler les activités qui exigent une formation particulière, qui sont observables et qui sont exigées par la profession. Certaines de ces conditions réfèrent d’ailleurs aux caractéristiques des compétences discutées préalablement. Par exemple, la condition Est essentielle pour un professionnel dans un contexte donné renvoie au fait que cette activité fasse partie du quotidien du professionnel et qu’elle se déroule en contexte. De plus, une activité qui est professionnelle et essentielle exige qu’un individu mobilise des ressources internes et externes (Nécessite des connaissances, des capacités et des attitudes spécifiques). À cela s’ajoutent des conditions spécifiques qui permettent de distinguer une activité professionnelle et essentielle d’une simple activité : les quatre conditions doit pouvoir être exécutée indépendamment des autres activités, doit pouvoir être exécutée dans un temps donné, est accomplie par un professionnel formé et fait intervenir une ou plusieurs compétences assurent la complexité d’une activité (éviter les microtâches) puisque plusieurs compétences y sont mobilisées et parce qu’elle est indépendante des autres activités. En outre, la réalisation de cette activité se vit dans un espace-temps et seul un professionnel qui a suivi une formation peut l’accomplir. Les conditions a un processus et un résultat observable et mesurable et doit produire un résultat attendu d’un professionnel sont étroitement liées aux attentes de développement ainsi qu’au degré d’autonomie attendu d’un professionnel.

À ce propos, pour ten Cate et Scheele (2007), l’autonomie est essentielle au développement des compétences à l’intérieur des activités professionnelles essentielles. Ils décrivent quatre niveaux propres à la formation initiale : 1) la personne stagiaire acquiert des connaissances pour apprendre comment faire, 2) elle sait faire lorsqu’on lui indique comment s’y prendre ; 3) elle sait comment faire après avoir demandé conseil et 4) elle est autonome dans la réalisation. Cette progression correspond à la philosophie d’apprendre la profession. Par exemple, le niveau 4 reflète l’autonomie atteinte lorsque les stagiaires quittent la formation initiale pour entrer dans la profession.

Approche méthodologique

Nous avons bien entendu structuré notre projet de recherche-développement en nous appuyant sur certains éléments qui fondent la légitimité de ce type de démarche et sur les objectifs spécifiques de notre projet. Partant du constat d’une situation problématique liée aux pratiques d’évaluation pouvant être exacerbée ou, inversement, résolue avec l’arrivée du nouveau référentiel de compétences, nous avons mis à contribution les connaissances issues de la recherche pour aboutir à l’identification d’activités essentielles, la construction d’une culture et de valeurs partagées au service du jugement professionnel, puis à terme la refonte de l’outil d’évaluation. C’est en ce sens que nous qualifions notre démarche de recherche-développement (voir Harvey et Loiselle, 2022). Elle ne vise pas exclusivement un produit. Nous cherchons aussi à documenter le processus pour un avancement des connaissances générées sur l’ensemble de la démarche. Cela pourrait aussi contribuer à une possible transposabilité de la démarche dans d’autres contextes. Cette dimension du projet est réalisée à partir de deux outils recueil de données, dont un questionnaire et un entretien de groupe. Le questionnaire a été distribué à l’hiver 2021 et l’entretien de groupe s’est déroulé à l’automne de la même année. Les outils qui ont été utilisés auprès des formateurs pour cibler des activités professionnelles liées au travail enseignant sont présentés ainsi qu’un aperçu des grilles descriptives qui ont été élaborées pour chaque niveau d’autonomie.

Déroulement de la passation du questionnaire

Dans le cadre de cette recherche, le premier outil consistait à passer un questionnaire élaboré pour répondre aux trois objectifs de la recherche. Envoyé par courriel à l’hiver 2021, il a pris la forme d’un PDF interactif dans lequel les chercheurs proposaient six activités professionnelles essentielles : 1) Animer une rencontre de parents ; 2) Préparer une évaluation ; 3) Corriger une évaluation ; 4) Enseigner à un groupe d’élèves forts ; 5) Enseigner à un groupe d’élèves réguliers ; 6) Préparer le contenu d’un cours. Ces activités ont été sélectionnées à partir des compétences professionnelles du référentiel (ME, 2020) comme le suggèrent ten Cate et Scheele (2007) et elles répondaient aux huit conditions énumérées plus haut. Le questionnaire était divisé en deux sections : 1) les enseignants associés et les superviseurs étaient invités, pour chacune des six activités professionnelles essentielles proposées par les chercheurs, à cocher les compétences professionnelles qu’ils jugeaient mobilisées dans l’activité, et les niveaux d’autonomie attendus :

  • en observation/se questionne (acquisition de connaissances) ;

  • en expérimentation/soutien constant (le fait lorsque guidé) ;

  • en recherche d’autonomie/avec soutien occasionnel ;

  • en autonomie.

2) Par la suite, ils étaient encouragés à ajouter d’autres activités professionnelles vécues par leur stagiaire (selon leur expérience) puis à cocher les mêmes éléments que dans la première section pour chacune des activités ajoutées.

Participants au questionnaire

Le questionnaire a été envoyé par courriel à 65 formateurs : 59 enseignants associés et 6 superviseurs universitaires qui ont accompagné un stagiaire durant la session de l’hiver 2021. De ce nombre, 18 enseignants associés et 5 superviseurs universitaires ont rempli le questionnaire. Ils avaient tous plus de cinq années d’expérience comme formateur. Les réponses reçues ont été complètement anonymisées par les chercheurs. Les avantages d’utiliser le questionnaire se sont révélés nombreux : il a permis de recueillir plusieurs informations provenant de l’expérience des enseignants associés et des superviseurs universitaires sans qu’ils soient tenus de se libérer au même moment, et ce, tout en leur offrant le temps de réfléchir aux activités professionnelles vécues par leur stagiaire.

Déroulement de l’entretien de groupe

À la suite de l’analyse du questionnaire portant sur les activités professionnelles essentielles, des grilles descriptives pour chaque niveau d’autonomie ont été élaborées par les chercheurs qui ont également sélectionné les dimensions dans chacune des compétences. Ces grilles descriptives ont été présentées à l’automne 2021 lors d’un entretien de groupe (Baribeau et Germain, 2010) virtuel de 60 minutes afin qu’elles soient discutées avec des formateurs. Durant cet entretien, les chercheurs prenaient plusieurs notes à partir des commentaires fournis par les participants.

Participants à l’entretien de groupe

Afin de faciliter les échanges et d’assurer la présence d’un plus grand nombre de formateurs, deux entretiens de groupe ont été planifiés lors de journées pédagogiques. Les formateurs étaient invités à s’inscrire à l’un des deux entretiens qui ont été enregistrés. Parmi les formateurs accompagnant un stagiaire de quatrième année à l’automne 2021 qui n’ont pas répondu au questionnaire, 13 enseignants associés ayant entre 5 et 15 ans d’expérience et deux superviseurs universitaires qui ont collaboré dans le cadre d’un stage ont accédé aux grilles descriptives sur un serveur sécurisé.

Le plan d’entretien a été élaboré selon des questions inspirées de ten Cate et al. (2015) ainsi que de Le Boterf (2017). Les chercheurs ont voulu savoir si les participants jugeaient l’ensemble des activités professionnelles essentielles suffisantes (couvraient-elles l’ensemble de la profession ?) et si d’autres devraient être considérées. Ils les ont également questionnés sur leur rôle respectif à savoir s’ils observent ou non cette activité en stage. De plus, chacune des activités a été analysée sous la loupe des compétences et de leurs dimensions. Les profils de sortie ont également été discutés afin de juger s’ils étaient réalistes (à la fin de chaque stage) et observables. Cet entretien de groupe a favorisé les discussions entre les formateurs quant aux choix des activités professionnelles essentielles ainsi qu’aux attentes de développement (compétences ciblées, dimensions et niveaux d’autonomie).

L’analyse des données

L’analyse du questionnaire s’est réalisée avec l’aide du logiciel Excel. Dans un premier temps, pour chacune des six activités, les compétences, les dimensions et les niveaux d’autonomie attendus ont été comptabilisés (nombre de crochets). Par exemple, pour Animer une rencontre de parents, les chercheurs ont repris les 23 questionnaires remplis et ont calculé le nombre de crochets pour les dimensions (pour chacune des 13 compétences) et les niveaux d’autonomie (pour chacun des 4 stages). Ce calcul a permis de comptabiliser des moyennes (pourcentage d’accord de 60 %) afin de sélectionner les compétences et le niveau attendu pour chaque stage

Dans un deuxième temps, les chercheurs ont retranscrit les activités professionnelles proposées par les formateurs. Un premier tri a permis de regrouper les activités similaires. Puis, un deuxième tri a servi à analyser si elles étaient essentielles et professionnelles selon les huit conditions (ten Cate et Scheele, 2007). Puis, à partir des questionnaires, les compétences professionnelles, les dimensions et les niveaux d’autonomie ont été intégrés aux activités professionnelles essentielles retenues selon le pourcentage d’accord récolté (60 % et plus des participants).

Un accord interjuge (Baribeau et Germain, 2010) a été réalisé entre deux chercheurs. Ils ont d’abord effectué une première analyse individuelle, puis une rencontre a permis d’en discuter. Concernant les huit conditions nécessaires pour qu’une activité soit considérée comme professionnelle et essentielle, celle Doit pouvoir être exécutée indépendamment des autres activités a exigé une plus grande concertation entre les chercheurs surtout par rapport aux activités de planification qui étaient identifiées par différents termes.

Dans un troisième temps, pour chacune des activités professionnelles essentielles, des grilles descriptives ont été élaborées par les chercheurs et informatisées. Ces grilles ont été rendues disponibles aux formateurs pour servir de point de discussion lors de l’entretien de groupe.

Pour l’analyse de l’entretien, les commentaires formulés pour chacune des activités professionnelles essentielles ont été retranscrits sous forme de résumés et des modifications ont été apportées aux grilles descriptives. L’analyse des données qualitatives a été réalisée dans une démarche inductive et les catégories émergentes structurent la présentation des résultats ci-dessous.

Résultats et discussion

Les trois objectifs de la recherche consistaient à identifier 1) les activités professionnelles essentielles vécues par les stagiaires ; 2) les compétences professionnelles et les dimensions mobilisées ainsi que 3) les niveaux d’autonomie attendus pour chacune des activités, et ce, pour les quatre stages du baccalauréat. Les résultats sont présentés selon le déroulement des deux techniques de collecte de données : le questionnaire et l’entretien de groupe.

Le questionnaire

L’identification des activités professionnelles essentielles

Pour l’analyse du questionnaire, les huit conditions de ten Cate et Scheele (2007) ont été examinées pour chaque activité proposée afin d’analyser si elles étaient professionnelles et essentielles. Les chercheurs ont retenu neuf activités professionnelles essentielles proposées par les formateurs en plus des six autres fournies par les chercheurs. Le tableau 2 les présente.

Tableau 2

Activités professionnelles essentielles retenues et celles rejetées après l’analyse du questionnaire

Activités professionnelles essentielles retenues et celles rejetées après l’analyse du questionnaire

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Ces activités professionnelles essentielles ont permis de répondre au premier objectif du projet et de nous intéresser à la caractéristique du contexte (Tardif, 2012). Comme nous le verrons plus loin, certaines de celles retenues ont été modifiées.

L’identification des compétences et des dimensions pour chacune des activités professionnelles essentielles retenues

Pour répondre au deuxième objectif du projet, les chercheurs ont par la suite compilé les réponses au questionnaire quant aux différentes compétences professionnelles mobilisées à l’intérieur de chaque activité retenue, les dimensions ainsi que les niveaux d’autonomie pour chaque stage (selon le nombre de crochets). Les réponses ont été regroupées à l’intérieur de tableaux Excel : chacune des activités professionnelles essentielles a été associée aux compétences professionnelles cochées, aux dimensions ainsi qu’aux niveaux d’autonomie attendus. À l’intérieur du questionnaire, 3 enseignants sur 18 n’avaient pas coché les mêmes compétences professionnelles pour deux activités similaires – Présenter du contenu disciplinaire à un groupe d’élèves forts et Présenter du contenu disciplinaire à un groupe d’élèves réguliers – mentionnant que, selon leur point de vue, ça prend « moins » ou « pas » de planification pour les élèves d’un groupe fort contrairement à un groupe régulier. La compétence de la gestion de classe pour le groupe fort a été également écartée par 2 enseignants associés qui l’avaient pourtant ciblée pour le groupe régulier. Nous supposons que la perception selon laquelle il est plus facile d’instaurer un climat de classe favorable aux apprentissages avec des groupes forts explique ces réponses. En outre, lors de la rencontre interjuge entre les chercheurs, il a été convenu de regrouper ces deux activités et de la renommer Enseigner du contenu disciplinaire à un groupe d’élèves. En effet, ces derniers n’étaient pas à l’aise avec l’idée qu’une même compétence professionnelle ne soit pas mobilisée dans un groupe fort, mais qu’elle le soit dans un groupe régulier. Ils jugeaient également discriminant de catégoriser les groupes de cette façon. Le tableau 3 présente le croisement entre les activités professionnelles essentielles retenues et les compétences professionnelles mobilisées à l’intérieur de ces dernières.

Tableau 3

La matrice des activités professionnelles essentielles et de leurs compétences professionnelles

La matrice des activités professionnelles essentielles et de leurs compétences professionnelles

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Ce tableau témoigne que certaines compétences sont plus mobilisées que d’autres à l’intérieur de la matrice. La compétence langagière est au centre de toutes les activités professionnelles essentielles. Les compétences liées à la prise en compte de l’hétérogénéité des élèves et à la mobilisation du numérique sont présentes dans 10 activités professionnelles essentielles sur les 13 développées. La prédominance de certaines compétences professionnelles encourage les chercheurs à se questionner sur l’importance de ces dernières dans l’évaluation des stagiaires : certaines devraient-elles devenir éliminatoires lors des stages ? De plus, cette matrice montre l’interrelation des compétences professionnelles à l’intérieur des activités professionnelles essentielles comme le précisent les auteurs du référentiel (ME, 2020) et les travaux de ten Cate et al. (2015). De plus, il peut paraître surprenant que les compétences 4 et 6 soient moins observées dans la matrice puisque, dans le référentiel, il s’agit de deux compétences qui se retrouvent au coeur du travail fait avec et pour les élèves. Pour la compétence 4, Mettre en oeuvre les situations d’enseignement et d’apprentissage, une activité professionnelle essentielle l’englobe : Enseigner du contenu disciplinaire à un groupe classe. Cette activité est celle qui comporte le plus grand nombre de dimensions (23). Il peut donc être possible d’affirmer qu’il s’agit d’une activité centrale de la profession comme le proposent ten Cate et al. (2015) dans leurs travaux sur l’analyse de matrices d’activités professionnelles essentielles. Pour la compétence 6, Gérer le fonctionnement d’un groupe-classe, les chercheurs remarquent que toutes les dimensions sont présentes à l’intérieur des activités professionnelles essentielles pour la mobilisation de cette compétence : lors de la planification et de l’enseignement. Les auteurs ten Cate et al. (2015) précisent à ce propos que les compétences moins présentes dans les matrices sont simplement plus spécifiques et non moins importantes. Dans la littérature, cette compétence est complexe à développer et les chercheurs ne sont pas persuadés qu’elle sera en large partie maîtrisée à la fin de la formation initiale (ME, 2020, p. 86) comme le souhaiteraient les auteurs du référentiel. Cela pourrait d’ailleurs faire l’objet d’une prochaine recherche. Finalement, bien qu’aucune dimension de la gestion de classe ne soit présente dans l’activité Analyser la pratique enseignante (le libellé de chacune des dimensions réfère aux interactions en classe), les chercheurs considèrent que cette compétence s’inscrit certainement au centre des réflexions sur les pratiques enseignantes. À ce sujet, il pourrait être pertinent que la deuxième partie de cette recherche s’attarde à la reformulation de certaines dimensions.

Les niveaux d’autonomie attendus pour chacun des quatre stages

À partir des données obtenues par le questionnaire (tableaux 2 et 3), des grilles descriptives comportant quatre niveaux d’autonomie (ten Cate et Scheele, 2007) ont été élaborées et informatisées par les chercheurs. En voici un extrait pour l’activité professionnelle essentielle Enseigner du contenu disciplinaire à un groupe d’élèves :

Tableau 4

Extrait d’une grille descriptive proposant des profils de sorties pour les stages en enseignement secondaire réalisé à la suite de l’analyse du questionnaire

Extrait d’une grille descriptive proposant des profils de sorties pour les stages en enseignement secondaire réalisé à la suite de l’analyse du questionnaire

1

L’autonomie attendue au stage 4 correspond à des situations simples ; en situation complexe, je peux encore avoir besoin de soutien occasionnel.

2

EA désigne l’enseignante ou l’enseignant associé

3

Correspond aux deux dimensions C1.5 « Amener les élèves à expliciter et à justifier leurs représentations, leurs goûts, leurs références et leurs pratiques en matière de culture » et C1.6 « Encourager un dialogue ouvert et critique entre la culture des jeunes et la culture transmise à l’école »

4

Correspond aux deux dimensions C2.5 « Recourir aux différents modes d’expression de la langue (visuel, spatial, sonore et gestuel) pour soutenir le développement des compétences langagières des élèves » et C2.6 « Prendre appui sur la langue maternelle des élèves et la valoriser pour favoriser l’acquisition de la langue d’enseignement sont utiliser dans les situations »

5

Intègre C2.1 Maîtriser les règles et les usages de la langue orale, écrite et illustrée dans l’ensemble de ses communications avec la communauté et C2.3 « Employer un registre de langue approprié dans ses interventions auprès des élèves, des parents et de ses pairs. »

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Cet extrait reflète le profil de sortie attendu pour chaque stage (niveau d’autonomie) afin d’offrir des attentes claires pour les formateurs : à quel degré d’autonomie puis-je m’attendre lorsque le stagiaire enseigne selon chacune des compétences et comment le contexte peut venir influencer ces attentes (objectif 3) ? Les liens entre les compétences sont également plus évidents que dans le référentiel : lorsque le stagiaire enseigne, les compétences 1, 2, 6, 7, 8, 12 et 13 sont mobilisées (certaines n’apparaissent pas dans l’extrait présenté).

L’entretien avec les formateurs de stagiaires

À la suite de l’entretien avec les formateurs, trois activités professionnelles ont été regroupées (voir tableaux 2 et 3) : Planifier une séquence complète d’enseignement-apprentissage, Déterminer les intentions d’apprentissage et Prévoir les interventions pédagogiques et les stratégies d’enseignement et d’apprentissage puisque les discussions avec les enseignants associés et les superviseurs ont montré qu’elles ne répondaient à la condition Doit pouvoir être exécutée indépendamment des autres activités. La planification, peu importe qu’elle soit journalière ou sur quelques cours, est dirigée vers des intentions d’apprentissage (ce que les élèves vont apprendre). Dans le même ordre d’idées, en préparant des séquences et des situations d’enseignement, l’enseignant planifie certaines de ses interventions et ses stratégies d’enseignement (ME, 2020). Le regroupement Préparer des séquences et des situations d’enseignement selon les intentions d’apprentissage permet ainsi d’intégrer ces trois activités qui sont interdépendantes.

Les chercheurs retiennent également que les formateurs ont jugé les grilles descriptives pertinentes et suffisamment explicites pour leur permettre de comprendre les attentes pour chaque niveau d’autonomie. De façon plus précise, voici les points qui ressortent de l’entretien. D’abord, les enseignants associés s’entendaient sur un point important : développer le même type de grilles descriptives pour chacun des stages afin de rendre les activités professionnelles essentielles facilement observables. À la suite de l’intervention d’une superviseure, une note a été ajoutée à l’intérieur de la grille descriptive, pour le niveau Autonome : « L’autonomie attendue au stage 4 correspond à des situations simples ; en situation complexe, la personne stagiaire peut encore avoir besoin de soutien occasionnel. » En effet, une plus grande autonomie sera attendue d’un stagiaire qui enseigne à des groupes d’élèves qui évoluent avec plus de facilité tant sur le plan des apprentissages que sur le plan des comportements. Cela correspond d’ailleurs aux travaux de Lacasse et al. (2014) sur les différents contextes que peuvent rencontrer les professionnels. Dans un autre ordre d’idées, les superviseurs universitaires présents à l’entretien ont mentionné l’importance d’ajouter deux activités professionnelles essentielles relevant de l’analyse de textes scientifiques et de la pratique enseignante (en lien avec la pratique réflexive et leur rôle d’accompagnement comme formateur).

De plus, de façon impromptue, les superviseurs ont abordé leur rôle évaluatif et celui de l’enseignant associé, et il a été discuté avec eux de leur rôle complémentaire. Il a été mentionné qu’ils n’observeraient pas et ne commenteraient pas les mêmes activités professionnelles essentielles excepté pour deux activités, soit celles de l’enseignement (par vidéo pour le superviseur universitaire – dans la classe pour l’enseignant associé) et de la planification. Ils ont par ailleurs mentionné la pertinence de ce travail de discernement puisqu’ils n’observent pas les mêmes éléments étant donné la spécificité de leur rôle d’accompagnement (voir tableau 5 – dernière colonne). Le tableau 5 montre la répartition de l’évaluation des activités professionnelles selon les formateurs.

Tableau 5

Les activités professionnelles et le partage de leur évaluation

Les activités professionnelles et le partage de leur évaluation

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Cette répartition sera à valider en contexte de stage afin de constater si elle est réaliste ou non. Cela pourra faire partie de la suite de ce projet de recherche-développement.

Conclusion

Le processus entamé en janvier 2021 a permis à 36 formateurs (31 enseignants associés et 5 superviseurs universitaires) de participer à cette première étape : définir les activités professionnelles vécues par leurs stagiaires et pour chacune d’elles, cibler les compétences, les dimensions et les niveaux d’autonomie attendus pour chacun des stages. Ce processus a favorisé une réflexion inattendue quant au rôle évaluatif de chacun des formateurs ainsi que sur la place prépondérante que prennent certaines compétences professionnelles dans la formation pratique.

Cette étude ouvre également la réflexion quant aux outils qui serviront à l’évaluation des compétences professionnelles et qui exigent une compréhension fine de leurs caractéristiques en contexte professionnel (Tardif, 2017). Cette réflexion sera poursuivie dans la deuxième phase de cette recherche-développement : développer des outils d’évaluation pour chaque activité professionnelle essentielle, pour chaque stage, dans le respect des caractéristiques des compétences et des valeurs évaluatives.

Les activités professionnelles essentielles semblent représenter une porte d’entrée intéressante pour la prise en compte de l’ensemble des caractéristiques de ces compétences. À ce propos, des questions importantes devront être considérées dans la poursuite de cette recherche : l’utilisation de grilles descriptives permettra-t-elle d’éviter les listes d’observables à cocher qui décontextualisent les compétences ? Comment les évaluateurs pourront-ils prendre en compte les compétences professionnelles qui occupent une place plus importante dans les activités professionnelles essentielles ? Vers quel système de notation les grilles descriptives mèneront-elles les évaluateurs tout en préservant les caractéristiques des compétences ? Voilà des questions qui demanderont une réflexion approfondie au cours des prochains mois et qui concerneront l’ensemble des formateurs et des stagiaires impliqués.