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Problématique

Le blogue offre aux apprenants d’une langue seconde (L2), un environnement authentique pour partager leur production écrite (PE) avec leurs lecteurs (Noytim, 2009). Il leur permet aussi de recevoir de la rétroaction et de promouvoir l’exactitude grammaticale de leur travail (p. ex., Lira-Gonzales, et Nassaji, 2019 ; Novakovich, 2016). Néanmoins, même si l’utilisation pédagogique des blogues est de plus en plus populaire, son emploi pour promouvoir la rétroaction avec ou sans entraînement dans une L2 n’a pas été abordé en profondeur. Cette recherche vise à combler cette lacune en comparant l’efficacité de la rétroaction par les pairs, ayant eu ou non un entraînement préalable au moyen d’un blogue, sur l’utilisation exacte des accords grammaticaux dans une classe universitaire de FLS.

L’accord est défini comme la transmission des caractéristiques morphologiques flexionnelles (personne, genre, nombre) associées à une classe de mots (nom, pronom, déterminant, verbe, adjectif) (Riegel, Pellat et Rioul, 2008). La décision d’utiliser les accords comme la structure ciblée a été prise à la suite d’une discussion avec les deux enseignants participants. Ils ont mentionné que l’accord était un thème primordial lié à la grammaire et à l’apprentissage d’une langue, qu’il constitue une structure difficile avec laquelle les étudiants commettent souvent des erreurs et que les étudiants éprouvent des difficultés à corriger leurs erreurs, même si l’enseignant a déjà expliqué les règles d’accord.

Les difficultés rencontrées par les étudiants du FLS avec cette structure viennent de différentes sources, à savoir la complexité du système de conjugaison des verbes irréguliers du français, le manque de connaissances par rapport au genre correct des noms et l’interférence de la L1 des étudiants. Les apprenants hispanophones, en particulier, ont des difficultés par rapport à l’accord selon le genre du nom, la conjugaison de la première personne du singulier des verbes et l’utilisation du pronom relatif « qui » en français (Jong-Breure, 2015).

Les recherches consultées décrivent les avantages à utiliser la rétroaction par les pairs médiée par un blogue, car elle permet aux apprenants d’améliorer leur compétence en écriture en L2. De plus, elles démontrent que l’entraînement est essentiel pour la réussite d’une rétroaction par les pairs. Notre recherche a ainsi voulu répondre aux questions suivantes : 1. Quel est l’impact de la rétroaction par les pairs médiée par un blogue sur l’exactitude de l’accord grammatical ? 2. L’impact de la rétroaction par les pairs médiée par un blogue sur l’exactitude de l’accord grammatical diffère-t-il du groupe d’étudiants entraînés et de ceux sans entraînement ? et 3. Quelles sont les perceptions des étudiants entraînés et sans entraînement par rapport à la rétroaction par les pairs médiée par un blogue ?

Cadre conceptuel

La rétroaction corrective

La rétroaction corrective, définie comme un énoncé indiquant à l’apprenant que sa production présente d’une certaine manière une erreur (Nassaji et Kartchava, 2017), a été souvent étudiée dans l’acquisition d’une L2, soit de manière théorique, soit de façon pragmatique (Lira-Gonzales et Nassaji, 2020). Ces recherches se sont limitées aux effets de la rétroaction en général et spécifiquement sur la rétroaction directe et indirecte (par exemple, Suzuki et coll. 2019). La rétroaction directe fournit la forme linguistique correcte de l’erreur, tandis que la rétroaction indirecte signale l’existence d’une erreur sans proposer sa correction. Les deux types de rétroaction corrective écrite (RCE) suggèrent une amélioration linguistique dans les textes corrigés, mais il n’existe pas de consensus sur le type qui est le plus efficace (Nassaji, 2016). La rétroaction peut également être ciblée et non ciblée. La rétroaction ciblée se centre sur une erreur ou un petit nombre d’erreurs, tandis que la rétroaction non ciblée se base sur toutes les erreurs ou un grand nombre d’erreurs dans une PE. Un nombre restreint de recherches a comparé ces types de rétroaction et les résultats ont été inconsistants en matière d’efficacité (par exemple, Frear et Chiu, 2015). En résumé, même si les résultats des recherches sur l’impact de la rétroaction dans la qualité de l’écriture ont été positifs en général, les résultats sur l’efficacité de différents types de rétroaction sont divergents.

Les perceptions des apprenants sur la rétroaction corrective écrite (RCE)

Les recherches sur les perceptions des apprenants quant à la rétroaction peuvent être classées selon (a) les préférences des étudiants par rapport au type de rétroaction reçue et (b) les attitudes des étudiants envers la rétroaction de leur enseignant. Bien qu’on trouve divers résultats concernant les préférences des étudiants, soit la rétroaction basée sur le contenu (Semke, 1984), soit sur la grammaire (Lee, 2005), la plupart d’entre elles (par exemple Hattie, 2009) attirent l’attention sur l’importance de la communication accordée tant par les enseignants que les étudiants aux propos, aux types et aux stratégies de la rétroaction.

Par ailleurs, la littérature portant sur les perceptions des étudiants de la RCE dans un autre contexte que celui de l’anglais, L2 est peu documentée. Bien que les facteurs contextuels de l’apprentissage aient été abordés dans la recherche sur la rétroaction corrective orale, ils ont été largement négligés dans la recherche sur la RCE (Goldstein, 2001). Ainsi, les recherches précédentes ont étudié la manière dont les étudiants et les enseignants percevaient la RCE dans le contexte des programmes internationaux d’anglais langue seconde (ALS) dans les pays anglophones (Chen et coll. 2016). Néanmoins, la situation des programmes du FLS dans des pays où les dynamiques culturelles et les classes sont très différentes de celles dans les pays anglophones est peu connue.

La rétroaction par les pairs et les effets de la formation

La rétroaction par les pairs s’effectue lorsque les apprenants évaluent et fournissent un commentaire sur les travaux de leurs pairs. Plusieurs théories soutiennent cette conception, à savoir celle du processus d’écriture, l’interactionniste de l’acquisition d’une L2, celle de l’apprentissage collaboratif et la théorie socioculturelle (De Guerrero et Villamil, 2000; Lantolf et Thorne, 2006). Offrir une formation aux apprenants afin qu’ils fournissent une rétroaction par les pairs est essentiel pour la réussite de celle-ci (Chang, 2015, particulièrement pour les apprenants en L2, puisqu’il s’agit d’une tâche complexe impliquant la lecture et une intervention dans un travail d’écriture exécuté par une autre personne. De plus, ils doivent réagir à la rétroaction reçue dans leur propre production écrite et la corriger selon les informations reçues (Berg, 1999). Sans cette formation, la rétroaction par les pairs est une expérience décevante pour les apprenants qui génère une frustration pour les enseignants (Berg, 1999).

La rétroaction par les pairs au moyen d’un blogue dans des classes d’écriture en L2

Un blogue est un outil logiciel web 2.0 permettant l’échange multidirectionnel de contenu écrit, visuel et multimédia (Gómez Delgado et McDougald, 2013). La littérature sur les bénéfices de l’utilisation des blogues en classe est riche. Par exemple, il a été constaté que les blogues pouvaient supprimer les limitations d’une salle de classe et offrir aux élèves la possibilité de se connecter avec d’autres au-delà des murs (Richardson, 2010).

Dans le contexte de l’apprentissage d’une L2 où les étudiants peuvent éprouver une incertitude, car ils ne peuvent pas communiquer dans leur L1, les blogues leur permettent d’expérimenter avec la langue et de s’exprimer dans un contexte non menaçant (Ducate et Lomicka, 2005), ce qui est particulièrement important.

D’autres recherches (Lira-Gonzales et Nassaji, 2019; Novakovich, 2016) ont montré que la rétroaction par les pairs médiée par un blogue permet d’améliorer l’écriture en L2. Novakovich (2016), par exemple, a examiné la qualité de la PE dans le blogue et la rétroaction par les pairs afin de déterminer si le blogue peut produire des commentaires critiques ou directifs qui pourraient améliorer la qualité de l’écriture et conduire à des processus complexes, à savoir la réflexion et l’esprit critique. La recherche quasi expérimentale de Novakovich (2016) a été menée dans deux ateliers d’écriture au niveau universitaire afin de déterminer s’il existe une différence significative entre la qualité de l’écriture et la rétroaction par les pairs en se servant soit des méthodes traditionnelles soit d’une plateforme. Les résultats ont montré que les blogues produisaient des productions de meilleure qualité en plus d’un nombre statistiquement significatif de commentaires critiques et directifs. Les chercheurs ont conclu que la rétroaction par les pairs au moyen des blogues augmentait la réflexion et aidait possiblement les apprenants à promouvoir leur autoévaluation et leur métacognition.

Plus récemment, Lira-Gonzales et Nassaji (2019) ont comparé la rétroaction par les pairs au moyen d’un blogue et en version papier. Les participants — une classe de douze étudiants dans un programme d’enseignement d’ALS d’une université québécoise — ont produit des textes selon les deux versions, ont reçu une rétroaction par les pairs et ont corrigé leurs textes. Les résultats ont montré que les deux versions de format d’écriture différaient dans la nature des erreurs commises, le type de rétroaction par les pairs reçu et la nature des corrections effectuées par les étudiants. Malgré ces différences, cette recherche a mis en évidence que pour les deux versions, les étudiants étaient capables de fournir une rétroaction au travail des autres et de corriger leurs erreurs selon la rétroaction reçue.

Méthode

Contexte de la recherche

La présente recherche s’est déroulée dans une université publique costaricaine qui offre un programme de français langue seconde (PFLS) et un autre portant sur l’enseignement du français langue seconde (PEFLS). Les étudiants des deux programmes reçoivent les mêmes cours de FLS, à savoir grammaire française I-IV, expression écrite en français I-VI ou expression orale I-VI.

Participants

Étudiants participants

Trente-cinq étudiants du niveau intermédiaire du FLS de deux cours de grammaire française I ont participé à la recherche. Les participants sont composés de 18 hommes et 17 femmes, âgés de 18 à 24 ans et ils ont tous l’espagnol pour L1. Tous les étudiants sont à leur deuxième année des programmes PFLS et PEFLS. Leur niveau de compétence linguistique a été déterminé selon la durée dans les programmes : les étudiants du premier semestre de la deuxième année doivent avoir un niveau de B1 selon le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL). Cela veut dire que les étudiants sont capables de créer des textes simples sur des sujets proches de leur réalité personnelle et de décrire des expériences, des événements, des rêves et des ambitions, ainsi que de donner des opinions. Ces étudiants de niveau intermédiaire ont été choisis, car ils sont capables d’écrire une PE et ils sont plus susceptibles de produire un vaste éventail d’erreurs grammaticales et lexicales dans l’écriture (Brown, 2014).

Enseignants participants

Les deux enseignants participants sont responsables du cours de grammaire française I. Un participant est une femme dont l’espagnol est la L1 et elle compte sept ans d’expérience dans l’enseignement du FLS. Elle possède une maîtrise d’une université costaricaine. L’autre participant est un homme dont l’espagnol est aussi la L1. Il a vingt ans d’expérience dans l’enseignement du FLS et possède un doctorat d’une université francophone.

Instruments et procédés de la collecte de données

À partir de deux classes d’étudiants du cours de grammaire française I, trois groupes ont été formés : entraîné, non entraîné et contrôle. Douze étudiants sont inscrits à une des classes du cours de grammaire française I (par la suite appelée classe A) et vingt-trois étudiants sont inscrits à l’autre classe (par la suite appelée classe B). Pour des raisons pratiques, tous les étudiants de la classe A (n=12) ont été choisis pour former le groupe entraîné et les étudiants de la classe B ont été divisés pour former le groupe non entraîné (n=12) et le groupe contrôle (n=11).

Les trois groupes ont utilisé le blogue pour rédiger leurs productions écrites lors des activités du cours. Néanmoins, le groupe ayant un entraînement et le groupe sans entraînement ont reçu et donné de la rétroaction par les pairs tandis que le groupe contrôle s’est autocorrigé à l’aide d’une grille (Voir annexe).

Les sujets pour la PE au moyen du blogue

Le blogue a été créé par les enseignants participants sur la plateforme de l’université. Il s’agissait d’un environnement numérique d’apprentissage institutionnel où les étudiants pouvaient avoir différentes activités interactives, à savoir les ateliers d’évaluation, le forum, les enquêtes, les remises de devoirs, etc. Pendant neuf semaines, les étudiants ont écrit trois textes (200 – 250 mots) dans le blogue portant sur les sujets suivants: (1) Avantages ou inconvénients de la vie à la campagne ou en ville, (2) Avantages ou inconvénients de la technologie, et (3) Avantages ou inconvénients du recyclage pour éviter la pollution.

Avant de commencer à rédiger, les étudiants ont discuté préalablement de ces thèmes dans leurs cours d’expression orale au moyen d’un débat. Le même protocole a été utilisé pour développer les productions écrites au moyen du blogue.

L’entraînement pour la rétroaction par les pairs

Le programme d’entraînement utilisé dans cette recherche a été adapté de celui de Berg (1999). Comme le montre le tableau 1, les étudiants du groupe entraîné ont été formés pour fournir une rétroaction sur la structure ciblée (l’accord), ainsi que sur la manière d’utiliser la langue pour proposer un commentaire adéquat à leurs pairs.

Le groupe non entraîné et le groupe contrôle ont participé à des activités semblables à celles du groupe entraîné, à savoir le travail en équipe, la participation des discussions en classe et la pratique de l’écriture. Les trois groupes ont été formés pour l’écriture académique en français et le processus d’écriture. Ils ont aussi reçu des consignes spécifiques sur les trois sujets de rédaction au moyen d’un blogue. Néanmoins, le groupe non entraîné et le groupe contrôle n’ont pas reçu la formation pour fournir de la rétroaction à leurs pairs et ils n’ont pas eu de consignes spécifiques pour la correction. D’ailleurs, le groupe non entraîné a reçu des consignes générales quant à la logistique de l’activité de la rétroaction par les pairs et le groupe contrôle n’a participé à aucune activité de rétroaction par les pairs. Pendant la période de l’entraînement, ces deux groupes d’étudiants ont lu, ont discuté et ont écrit une courte histoire.

Tableau 1

Les activités des étudiants du groupe entraîné

Les activités des étudiants du groupe entraîné

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Par rapport à la notion d’accord grammatical, elle ne fait pas partie des activités d’entraînement ni des autres activités qu’ont préparées les deux groupes, car elle a été présentée pour les trois groupes avant le début de la recherche. Les étudiants ont eu deux séances complètes de trois heures où les enseignants ont abordé et travaillé ce thème.

L’entretien d’explicitation

Dans cette recherche, l’entretien d’explicitation — une technique d’aide à la verbalisation rétrospective guidée pour décrire une expérience — a été adapté de Diab (2010). L’objectif de l’entretien d’explicitation est de comprendre les perceptions des étudiants entraînés et non entraînés quant à la rétroaction par les pairs médiée au moyen d’un blogue.

Six étudiants du groupe entraîné et six étudiants du groupe non entraîné/contrôle ont démontré de l’intérêt et de la disponibilité à participer à cet entretien à la suite d’une invitation lancée à tous les étudiants. C’est ainsi que les participants de chaque groupe présentent des niveaux de langue différents, étudiants forts et faibles (Armand, 2006), afin d’avoir un portrait plus complet de la situation. Les entretiens ont été enregistrés et les étudiants ont répondu aux questions dans leur L1 (l’espagnol). Le tableau 2 montre les composantes de l’entretien pour les différents groupes, ainsi que des exemples de questions.

Tableau 2

Les composantes de l’entretien d’explicitation

Les composantes de l’entretien d’explicitation

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Analyse des données

Des données quantitatives (nombre d’erreurs, nombre de rétroactions et nombre de corrections) et qualitatives ont été analysées. Une analyse statistique (Chi-carré) a été effectuée pour analyser les textes des étudiants afin d’examiner l’impact de la rétroaction par les pairs médiée au moyen d’un blogue dans l’exactitude de l’accord grammatical, et si cet impact différait du groupe d’étudiants ayant eu l’entraînement et celui sans entraînement (Q1 et Q2). Une analyse de contenu a ensuite été réalisée à l’aide des verbatim transcrits pour l’entretien d’explicitation afin d’examiner les perceptions des étudiants entraînés et non entraînés quant à la rétroaction par les pairs au moyen d’un blogue.

Dans le tableau 3, les types d’erreurs d’accord des étudiants ont été regroupés en trois catégories : accord du nom, accord du déterminant et accord du pronom.

Tableau 3

Les types d’erreurs : Accord

Les types d’erreurs : Accord

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Les corrections des étudiants ont été analysées selon les catégories adaptées de Ferris (2006). Le tableau 4 montre les catégories utilisées.

Tableau 4

Types de correction (catégories adaptées de Ferris, 2006)

Types de correction (catégories adaptées de Ferris, 2006)

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Les types de stratégies de rétroaction corrective utilisés par les enseignants ont été adaptés de Guénette (2009) (Voir Tableau 5).

Tableau 5

Types de rétroaction corrective (catégories adaptées de Guénette, 2009)

Types de rétroaction corrective (catégories adaptées de Guénette, 2009)

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Finalement, une analyse de contenu a été réalisée afin de décrire les perceptions des étudiants entraînés et non entraînés sur la rétroaction par les pairs au moyen d’un blogue.

Présentation des résultats

Dans cette section, nous allons présenter les résultats selon nos questions de recherche. Rappelons que nos deux premières questions de recherche examinaient l’impact de la rétroaction par les pairs médiée par un blogue dans la qualité de l’écriture, ainsi que si cet impact différait du groupe d’étudiants ayant eu l’entraînement de celui sans entraînement.

Le tableau 6 montre le nombre d’erreurs commises par les apprenants dans la première version et dans la version corrigée de leur PE, ainsi que le nombre et le pourcentage d’erreurs corrigées. Les deux groupes ayant reçu une rétroaction par les pairs (avec et sans entraînement) ont obtenu de bien meilleurs résultats que le groupe contrôle (autocorrection), ce qui suggère que la rétroaction par les pairs au moyen d’un blogue a un effet positif sur la correction des étudiants. Les résultats montrent aussi que le groupe entraîné a fait un nombre plus élevé de corrections que le groupe non entraîné, même si la différence n’est pas significative.

Tableau 6

Comparaison entre les erreurs de la première version et de la version corrigée du groupe contrôle, du groupe entraîné et du groupe non entraîné

Comparaison entre les erreurs de la première version et de la version corrigée du groupe contrôle, du groupe entraîné et du groupe non entraîné

a. 0 cellule (0,0 %) ont un effectif théorique inférieur à 5. L’effectif théorique minimum est de 56,36.

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Le tableau 7 montre qu’il n’existe pas de différence significative dans le temps, soit d’une PE à l’autre, bien que le groupe entraîné ait obtenu de meilleurs résultats dans la 2e production et que la 3e soit meilleure que la PE 1.

Tableau 7

Continuum de la performance des étudiants dans leurs productions écrites

Continuum de la performance des étudiants dans leurs productions écrites

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Le tableau 8 montre qu’il n’existe pas de différence significative avec les types d’erreurs tout au long de la recherche (le type d’erreur n’a eu aucun effet), bien que le groupe non entraîné ait obtenu de meilleurs résultats dans l’accord des déterminants.

Tableau 8

Comparaison entre les types d’erreurs sur les corrections lors de la 1re version

Comparaison entre les types d’erreurs sur les corrections lors de la 1re version

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Les résultats suggèrent que l’impact de la rétroaction par les pairs au moyen d’un blogue sur la qualité de la PE des étudiants ne diffère pas énormément entre les étudiants ayant eu un entraînement et ceux sans entraînement.

Dans la troisième question de recherche, il s’agit d’examiner les perceptions des étudiants entraînés et non entraînés quant à la rétroaction par les pairs médiée par un blogue. Tous les étudiants interviewés ont mentionné que c’était la première fois qu’ils utilisaient un blogue, et qu’on leur demandait de fournir une rétroaction à leurs pairs. Les participants des deux groupes ont aimé cette expérience, un étudiant ayant même mentionné que « tous les étudiants du programme devraient avoir l’opportunité d’utiliser un blogue et de corriger les productions écrites de leurs pairs » (Martha[1], groupe non entraîné).

Le tableau 9 illustre les avantages et les inconvénients d’utiliser un blogue pour fournir et recevoir une rétroaction par les pairs selon les données collectées à partir des entretiens des étudiants du groupe entraîné et non entraîné.

Tableau 9

Les perceptions des étudiants concernant les avantages et les inconvénients d’utiliser un blogue pour fournir et recevoir de la rétroaction par les pairs

Les perceptions des étudiants concernant les avantages et les inconvénients d’utiliser un blogue pour fournir et recevoir de la rétroaction par les pairs

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Comme nous venons de voir dans le tableau 9, les étudiants des deux groupes ont bien apprécié l’utilisation du blogue pour fournir et recevoir de la rétroaction et ont identifié des avantages, par exemple le fait que l’accès à leurs productions écrites ne se limite pas seulement à l’enseignant, mais que d’autres personnes puissent y avoir accès et que cet outil permette de réaliser un travail collaboratif dans un environnement non stressant.

Nous avons aussi questionné les étudiants sur leurs perceptions et leurs sentiments concernant la rétroaction par les pairs. Comme le montre le tableau 10, aucun étudiant des deux groupes ne se fie aux commentaires de leurs camarades dans leurs rédactions, car les étudiants sont en apprentissage de la langue et, par conséquent, ils ne se considèrent pas capables d’identifier et de corriger les erreurs de leurs pairs. Le verbatim suivant illustre cette situation : « Nous sommes tous des apprenants ici, comment mon camarade peut-il savoir si mon texte présente des erreurs ? » (Thomas, groupe non entraîné) et « Je ne peux pas me fier de ses corrections, car je pense que mon camarade et moi avons le même niveau de français, donc, il est difficile qu’il identifie les erreurs de mon texte » (Marie, groupe entraîné).

D’ailleurs, tous les étudiants du groupe entraîné (100 %) et la plupart des étudiants du groupe non entraîné (83,33 %) ont indiqué qu’ils n’avaient pas confiance en leurs habiletés linguistiques pour fournir une rétroaction à leurs pairs. Les raisons de cette réaction étaient liées à leur manque de confiance par rapport à la capacité de leurs pairs à fournir une rétroaction. Par exemple, un participant a mentionné « je ne me sens pas à l’aise pour corriger la rédaction de mes camarades, car je suis encore en train d’apprendre le français, je ne suis pas un apprenant natif du français » (Charles, groupe non entraîné) et « je ne me fie pas aux corrections de mes camarades, même pas les miennes, pour la même raison, nous ne sommes pas encore des professeurs de français » (Julie, groupe entraîné). Concernant la rétroaction de l’enseignant, 66,67 % des étudiants interviewés du groupe non entraîné et 83,33 % du groupe entraîné ont mentionné que « l’enseignant est la personne qui connaît la langue et ce serait elle, la personne responsable pour corriger les erreurs des étudiants » (Jean, groupe entraîné).

Plusieurs étudiants des deux groupes (83,33 %) ont affirmé qu’ils avaient peur de blesser leurs camarades, car ils ne savaient pas comment ils allaient réagir aux critiques. Par exemple, « nous ne savons pas s’ils allaient le prendre de façon personnelle » (José, groupe non entraîné). Ils ont aussi ressenti de l’empathie envers leurs pairs ; par exemple, « après avoir investi le temps et l’effort dans le texte, il est difficile de recevoir des critiques » (Jeanne, groupe entraîné).

Tableau 10

Les perceptions et les sentiments des étudiants par rapport à la rétroaction par les pairs

Les perceptions et les sentiments des étudiants par rapport à la rétroaction par les pairs

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Pendant l’entretien, les étudiants du groupe entraîné ont été interrogés sur l’importance d’avoir eu un entraînement pour la rétroaction par les pairs médiée par un blogue. Tous les participants ont mentionné que l’entraînement reçu pendant les trois premières semaines de classes les a aidés à comprendre ce que c’était la rétroaction par les pairs et comment la mettre en place pour corriger les rédactions de leurs camarades. Par exemple : « L’enseignant nous a expliqué comment corriger les rédactions de nos camarades, et puis, nous avons fait quelques exercices en groupe. Cela m’a aidé à comprendre ce que je devais faire » (Marie); « Au début, la rétroaction par les pairs n’était pas très claire pour moi, parce que c’était toujours l’enseignant qui corrigeait mes travaux, mais lorsqu’on a commencé à la pratiquer en classe, c’était beaucoup mieux » (Julie).

En résumé, les résultats des entretiens montrent que même si les étudiants ont apprécié l’utilisation du blogue, ils ont des perceptions négatives sur leurs propres capacités, ainsi que sur celles de leurs pairs à corriger les travaux. Néanmoins, les résultats nous ont aussi indiqué que les étudiants du groupe entraîné avaient trouvé utile la formation qu’ils avaient eue pour comprendre ce qu’était la rétroaction par les pairs et comment corriger les erreurs dans les rédactions de leurs pairs.

Discussion et conclusion

Cette recherche a étudié et comparé l’efficacité de la rétroaction par les pairs d’un groupe ayant eu un entraînement et celui sans entraînement au moyen d’un blogue. Les résultats montrent que les deux groupes d’étudiants (entraînés et non entraînés) ont obtenu de meilleurs résultats sur l’exactitude de l’accord grammatical que le groupe contrôle. Ceci suggère que la rétroaction par les pairs médiée par un blogue a le potentiel de produire des effets positifs dans les corrections des étudiants. Ces résultats rejoignent aussi ceux trouvés par Hansen et Liu (2005), qui ont mentionné que lors de la lecture critique des travaux des pairs, les étudiants pouvaient apprendre plus sur l’écriture et la correction. Ils pouvaient aussi déterminer les forces et les faiblesses de leur écriture. De cette manière, ils pouvaient améliorer leur compétence en production écrite et devenir des apprenants autonomes.

Quant à l’accord grammatical, nous avons observé dans notre recherche que des erreurs dans les accords du nom et des déterminants étaient les plus nombreuses pour les trois groupes de participants, soit la première version, soit la version corrigée. Cette situation reflète évidemment la complexité de la langue française par rapport à sa morphologie, à savoir le système de conjugaison peu régulier du français, la complexité du genre des noms impliquant la mémorisation d’un grand nombre de suffixes et de mots, la présence d’une morphologie silencieuse pour les marques du pluriel, dont la plupart est imperceptible oralement. Ceci a été déjà repéré dans la recherche de Jong-Breure (2015) qui avait montré que ces caractéristiques du français rendaient difficile l’acquisition de l’accord grammatical.

Bien que l’entraînement ait été considéré comme primordial pour la réussite de la rétroaction par les pairs (Chang, 2015), les résultats de notre recherche montrent que même si le groupe entraîné a obtenu de meilleurs résultats que le groupe non entraîné, les différences rapportées entre les groupes ne sont pas significatives. Ces résultats s’opposent à ceux obtenus par Berg (1999) dans sa recherche. Il a constaté que les étudiants entraînés avaient amélioré leur écriture de la première rédaction à une deuxième, plus que les étudiants non entraînés. Cette différence est due peut-être au temps investi dans l’entraînement des étudiants de sa recherche. Le programme de formation utilisé dans notre recherche a été adapté de Berg (1999), qui proposait 11 étapes. Chacune avait une durée de 4 à 45 minutes. Cependant, notre recherche a respecté seulement 8 étapes, distribuées en trois séances de cours et pour un total de 4 heures de formation. Même si les étudiants lors de l’entretien ont dit que l’entraînement avait été utile pour comprendre la rétroaction par les pairs, les résultats suggèrent que plus de temps d’entraînement aurait été plus avantageux. Une autre explication pour les différences entre les résultats de ces deux études peut être attribuée au fait que l’étude de Berg n’a pas inclus un blogue dans l’écriture de la rédaction.

En ce qui concerne les perceptions des étudiants entraînés et non entraînés sur l’importance de la rétroaction par les pairs au moyen d’un blogue, nous constatons que les étudiants interrogés des deux catégories valorisent l’utilisation du blogue comme moyen pour proposer la rétroaction. Ces résultats rejoignent ceux de Ducate et Lomicka (2005), qui ont trouvé que les blogues permettent aux étudiants d’expérimenter avec leur langue, de s’exprimer librement et de fournir une rétroaction corrective dans un contexte de confiance.

Les résultats révèlent aussi que les étudiants interrogés n’avaient pas confiance en leurs habiletés à fournir une rétroaction à leurs pairs et aux commentaires apportés par leurs camarades à leurs productions écrites. Cette situation rejoint ce qui a été trouvé dans la littérature scientifique (Min, 2006; Tsui et Ng, 2000). Ces auteurs ont constaté qu’il existait un manque de confiance des étudiants par rapport aux capacités de leurs pairs de leur proposer une rétroaction précise et de qualité. Nos résultats rejoignent également ceux constatés par Kangni (2015) et Tsui et Ng (2000) dans leur recherche concernant la croyance des étudiants qui considèrent que l’enseignant est la seule autorité capable de leur proposer une rétroaction adéquate et que leurs habiletés linguistiques et celles de leurs pairs ne sont pas suffisamment fiables pour leur donner une bonne rétroaction.

Cette étude comporte certaines limites qui doivent être reconnues. La taille de l’échantillon vient limiter la profondeur de l’analyse et la portée de résultats obtenus. D’autres recherches dans le contexte de FLS seraient nécessaires avec un plus grand nombre de participants pour valider les résultats obtenus.

Les résultats de cette étude amènent une implication importante pour la salle de classe. En effet, les enseignants peuvent s’appuyer sur ces résultats pour justifier l’introduction de la rétroaction par les pairs médiée par un blogue dans leur approche d’enseignement de l’écriture en classe de FLS.

En outre, nous estimons que pour que la rétroaction par les pairs soit plus efficace, il serait utile d’étudier les différents aspects du programme d’entraînement pour déterminer les activités les plus adéquates et utiles afin d’atteindre les résultats souhaités de ce type de rétroaction et des corrections attendues, et de bien déterminer la durée nécessaire pour la formation.