Filigrane
Écoutes psychanalytiques
Volume 31, Number 1, 2023 La Maison St-Jacques : 50 ans d’accueil et de liens Guest-edited by Alexandre L’Archevêque
Table of contents (12 articles)
Dossier
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La Maison St-Jacques a 50 ans : mot du fondateur
Jacques Wilkins
pp. 11–18
AbstractFR:
Ce texte vise à décrire la fondation de la Maison St-Jacques d’après l’expérience et les souvenirs de son fondateur et premier directeur, M. Jacques Wilkins. Une brève présentation des origines de l’organisme et de sa première mission, soit accueillir et héberger des étudiants dans le besoin provenant du Cégep du Vieux Montréal, précède une exposition des difficultés rencontrées par les intervenants de la ressource à ses premières années. L’organisme ayant été confronté à une population différente que celle attendue et présentant des problèmes de santé mentale aigus, l’auteur montre les ajustements qui ont été faits par l’équipe de la Maison St-Jacques tant sur le plan des services offerts qu’à celui du financement de l’organisme au cours des premières années suivant sa fondation.
EN:
This text describes the establishment of the Maison St-Jacques in the words of its founder and first director, Mr. Jacques Wilkins. A brief presentation of the origins of the organization and its first mission, i.e. to welcome and house students in need from the Cégep du Vieux Montréal, precedes a description of the difficulties encountered by the resources workers in its early years. As the organization was faced with a different population than the one expected—with acute mental health problems—, Mr. Wilkins outlines the adjustments made by the Maison St-Jacques team in terms of the services offered and the financing of the organization in the first years following its foundation.
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La Maison St-Jacques : d’hier à demain
Vincent Mathieu
pp. 19–30
AbstractFR:
Dans cet article, l’auteur propose un survol historique des différents changements ayant eu lieu à la Maison St-Jacques en ce qui a trait à son approche thérapeutique. La manière par laquelle elle est arrivée à la consolidation de son approche analytique groupale actuelle est brièvement exposée. Un questionnement sur la place qu’occupe actuellement la Maison St-Jacques dans le milieu communautaire est soulevé, notamment en lien avec les récents développements propres au mouvement Action communautaire autonome (ACA) qui secoue certaines assises identitaires chez les organismes qui en font partie. Bien que les mouvements collectifs comme l’ACA cherchent à renforcer l’autonomie de pratique des organismes qui adhèrent à ses principes, la perte d’individualité inhérente à tout mouvement collectif est discutée. Une réflexion ouvrant sur l’avenir de l’identité et de l’autonomie d’intervention de la Maison St-Jacques est offerte en conclusion.
EN:
In this article the author provides an historical overview of the various changes that have taken place at the Maison St-Jacques with respect to its therapeutic approach. The process by which the Maison St-Jacques consolidated the current psychoanalytic group approach is briefly outlined. The author questions the place the Maison St-Jacques currently occupies in the community sector, particularly in relation to recent developments within the autonomous community action (ACA) network, which undermine the identity of some of its member organizations. Although collective movements such as the ACA seek to strengthen the autonomy of practice of the organizations that adhere to its principles, the loss of individuality inherent in any collective movement is discussed. A forward-looking reflection on the Maison St-Jacques’s identity and autonomy of intervention is offered in conclusion.
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Devenir psychothérapeute de groupe analytique
Geneviève Morency
pp. 31–54
AbstractFR:
L’auteure explore le processus de formation pour devenir psychothérapeute de groupe via son expérience d’apprentissage et d’intégration dans un organisme communautaire. Le cadre de travail et les conditions de formation spécifiques à cet organisme sont explorés, suivis d’éléments théoriques. Le travail dans un dispositif de groupe d’approche psychanalytique, et le développement d’une pensée qui contextualise la psyché individuelle dans ses liens groupaux, s’acquiert par l’expérience de processus favorisant un remaniement sur le plan identitaire. Ce texte aborde la régression induite par la mise en groupe et l’angoisse de perte des frontières du moi, la honte comme vécu archaïque à la limite soi-autre, l’élaboration des transferts du groupe primaire sur les groupes secondaires et l’interrogation du désir à prendre place dans un groupe en tant que psychothérapeute. Ce travail psychique à l’articulation de l’individuel et du collectif est au coeur du travail qu’il sera question de favoriser avec le groupe de psychothérapie.
EN:
The author explores the process of training to become a group psychotherapist through her learning and integration process in a community organization. The work environment and training conditions specific to this organization are described, followed by theoretical elements. Working in a psychoanalytical group setting, and developing a way of thinking that contextualizes the individual psyche within its group links, is acquired through the experience of processes which enable an identity reorganization. This text deals with the regression induced by the group setting and the anxiety of losing the boundaries of the ego, shame as an archaic experience at the limit between self and other, the elaboration of the transfers of the primary group on the secondary groups and the questioning of the desire to take place in a group as a psychotherapist. This psychic work, at the junction between the individual and the collective, is at the heart of the work to be encouraged within the psychotherapy group.
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Démarrer un groupe de psychothérapie analytique
Charles Crépeau
pp. 55–71
AbstractFR:
Cet article présente le travail que nécessite la mise en place d’un nouveau groupe de psychothérapie. À la suite de la description du dispositif thérapeutique utilisé dans l’organisme où il exerce sa pratique, l’auteur développe de quelle manière l’institution, de même que les filiations et les romans familiaux des psychothérapeutes, viennent influencer la fondation du groupe. Il illustre ensuite comment l’analyse intertransférentielle permet de dévoiler les enjeux inconscients présents dans la mise en place des assises du groupe, un travail d’arrimage entre l’institution et les psychothérapeutes, de même qu’entre les co-thérapeutes. Le récit des premières séances explicite de quelle façon la création d’une enveloppe psychique groupale vient contenir les diverses angoisses suscitées par la mise en groupe et offre un espace à l’intérieur duquel se déroule le processus thérapeutique.
EN:
This article presents the work involved in setting up a new psychotherapy group. Following a description of the therapeutic framework used in the organization where he practices, the author outlines how the institution, as well as the filiations and family narratives of the psychotherapists, influence the founding of the group. He then illustrates how the intertransference analysis helps reveal unconscious phenomena involved in establishing the group’s foundations, the interconnection between the institution and the psychotherapists, as well as between the co-therapists. The account of the first sessions of a psychotherapy group illustrates how the group psychic envelope helps contain the anxieties triggered by the group setting and provides a space within which the therapeutic process unfolds.
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« Est-ce que je peux partir un sujet ? » Dialogue entre deux psychothérapeutes de groupe
Pierre Joly and Guylaine Morin
pp. 73–94
AbstractFR:
Ce texte présente un échange épistolaire entre deux psychothérapeutes oeuvrant dans un groupe psychanalytique. Leur dialogue donne un aperçu des processus transféro-contre-transférentiels en jeu et met en lumière leur façon de penser le groupe, à travers le travail associatif qui se déroule entre les séances. Il s’agit d’une approche prospective, puisque cet échange se fait à partir d’un moment crucial du processus groupal sans que les événements à venir soient connus, et qu’il se poursuit au cours de plusieurs mois. Le propos d’un des participants – « Est-ce que je peux partir un sujet ? » – constitue le point de départ et le fil conducteur utilisés pour réfléchir notamment au travail de subjectivation que permet le groupe. En explorant quelques moments marquants de la vie du groupe, et notamment un couplage, cette démarche fait ressortir la complexité des phénomènes groupaux au sein d’une psychothérapie de groupe psychanalytique.
EN:
This text presents an epistolary exchange between two psychotherapists working in a psychoanalytic group. Their dialogue provides an insight into the transference-counter-transference processes at play, and highlights the way they think about the group through the associative work that takes place between sessions. This is a foresight approach, since this exchange begins at a crucial moment in the group process, without any knowledge of future events, and continues over the course of several months. The words of one of the participants (“Can I start a subject?”) constitute the starting point and the common thread used to reflect on the work of subjectivation allowed by the group setting. By exploring some significant moments in the life of the group, including the formation of a couple, this text highlights the complexity of group phenomena within psychoanalytic group psychotherapy.
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Le parcours de Marie en psychothérapie de groupe psychanalytique à la Maison St-Jacques
Guylaine Morin
pp. 95–118
AbstractFR:
Ce texte présente le parcours clinique de Marie, une participante à la thérapie de groupe de la Maison St-Jacques, afin d’illustrer un processus psychothérapeutique psychanalytique d’une durée de trois ans. Quelques prémisses théoriques de l’approche analytique groupale ainsi que quelques précisions sur le cadre proposé à la Maison St-Jacques sont développées. Le lecteur est invité à suivre le parcours de Marie depuis ses entrevues d’admission jusqu’à son arrivée dans le groupe, son adaptation à un espace de parole libre et son apprentissage d’un travail de symbolisation et de liaison aux autres, ainsi que d’un travail de deuil et de séparation. Par cette incursion à l’intérieur d’un parcours thérapeutique groupal, le travail des psychothérapeutes, la méthode et la force du groupe nous sont présentés dans leur complexité et leur richesse.
EN:
This text describes the clinical journey of Marie, a participant in a therapy group at the Maison St-Jacques, illustrating a psychoanalytic psychotherapeutic process lasting three years. Some theoretical premises of the psychoanalytic group approach, as well as details of the framework proposed at the Maison St-Jacques, are developed. The reader is invited to follow Marie’s journey from her intake interviews to her arrival in the group, her adaptation to a space of open dialogue and her learning to work with symbolization, connections to others, and mourning and separation. Through this exploration of a therapeutic group journey, the work of the psychotherapists, the method and the power of the group are presented in their complexity and richness.
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Du phénomène du coucou dans les groupes de psychothérapie
Pierre Joly
pp. 119–140
AbstractFR:
À l’aide de trois exemples cliniques, ce texte explore les déterminants de ce que l’auteur désigne comme « phénomène du coucou », c’est-à-dire la propension de certains participants de groupes de psychothérapie à occuper davantage de place, et notamment à monopoliser le temps de parole, au détriment d’autres membres du groupe. Ce phénomène, au-delà de la problématique du participant « coucou » ainsi que des enjeux de rivalité, s’avère une formation groupale découlant des attentes transférentielles régressives favorisées par le groupe. Il paraît déterminé par diverses attentes transférentielles, incluant l’attente d’un objet maternel puissant, pouvant répondre à un grand besoin de soutien, la tendance à combler le manque d’un tel objet, ou l’attente d’un père protecteur face à cet objet maternel archaïque désiré et craint tout à la fois.
EN:
Using three clinical examples, this paper explores the determinants of what the author refers to as the “cuckoo phenomenon” that is, the propensity of some participants in psychotherapy groups to take up more space, and in particular to monopolize speaking time, to the detriment of other members of the group. Beyond the problem of the “cuckoo” participant and the rivalry implicated, the cuckoo phenomenon proves to be a group formation resulting from the regressive transferential expectations encouraged by the group. It seems determined by various transferential expectations, including the expectation of a powerful maternal object capable of responding to a great need for support, the tendency to offset the lack of such an object, or the expectation of a protective father in the face of this archaic maternal object desired and feared at the same time.
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Une traversée pas comme les autres
Christine Blais Roy
pp. 141–153
AbstractFR:
Dans le cadre du 50e anniversaire de la Maison St-Jacques (MSJ), l’équipe d’intervenants est allée à la rencontre de dix anciens participants des groupes de psychothérapie afin de recueillir des témoignages de leur expérience par le biais d’entretiens semi-structurés. Le discours des participants a été analysé en s’inspirant de l’analyse thématique propre à la recherche qualitative. Prendre sa place au sein d’un groupe, sorte de « microcosme de la société », semble avoir permis une meilleure connaissance de soi et une plus grande tolérance aux périodes de souffrance. La confrontation aux autres participants, dans leurs vécus et façons d’être, fut rapportée par la plupart des participants comme ayant été un des aspects significatifs de leur expérience et qui les a amenés à remettre en question des parties d’eux-mêmes auparavant laissées dans l’ombre. En somme, l’expérience rapportée par les participants éclaire sur la valeur du dispositif groupal de la MSJ.
EN:
As part of the 50th-anniversary celebrations of the Maison St-Jacques (MSJ), the clinical team met with ten former participants of its psychotherapy groups to gather testimonials of their experience through semi-structured interviews. The participants’ discourse was analyzed using a methodology inspired by thematic analysis used in qualitative research. Taking one’s place within a group, in some way a “microcosm of society,” seems to have enabled greater self-knowledge and tolerance of periods of suffering. The encounter with others’ experiences and ways of being was reported by most participants as a significant aspect of their experience that lead them to question parts of themselves previously left in the shadows. In other words, the experiences reported by the participants shed light on the value of the group setting offered at the MSJ.
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Penser l’autogestion : réflexions sur le fonctionnement de l’équipe de la Maison St-Jacques
Mariana Gil Rodriguez
pp. 155–162
AbstractFR:
Au cours des dernières années, un changement de génération au sein de l’équipe de la Maison St-Jacques a favorisé une réflexion par rapport au fonctionnement autogestionnaire de l’organisme. Au-delà de l’utopie du pouvoir égalitaire, les enjeux de rivalité, asymétries et ambiguïtés dans le processus de prise de décision ont été reconnus. À partir de l’expérience de la Maison St-Jacques, ce texte présente quelques enjeux inhérents à l’autogestion en tant que pratique organisationnelle. L’illusion du pouvoir égalitaire sur laquelle repose le projet autogestionnaire sera articulée avec une perspective psychanalytique des liens fraternels. Par l’exploration des enjeux psychiques inhérents au rapport individu-groupe, les défis du fonctionnement de l’autogestion seront dégagés pour en faire ressortir ses paradoxes et potentielles dérives.
EN:
In recent years, a generational shift within the team at the Maison St-Jacques has led to a reflection on the organization’s self-managed operations. Beyond the ideal of egalitarian power, the existence of rivalries, asymmetries and ambiguities in the decision-making process have been recognized. Based on the experience of the Maison St-Jacques, this text presents some of the challenges inherent to self-management as an organizational practice. The illusion of egalitarianism, on which the self-management project rests, will be articulated with a psychoanalytic perspective of fraternal links. By examining the inherent psychic issues of the individual-group relationship, the author will highlight some challenges of self-management, emphasizing its paradoxes and potential abuses.
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De l’idée à l’idéologie, des « meilleures pratiques » au Meilleur des mondes
Pierre Joly
pp. 163–172
AbstractFR:
Ce texte avance l’idée que la culture néolibérale actuelle peut amener la mise en exil de la dimension tragique inhérente à la condition humaine, incluant les aspects conflictuels des liens, les deuils inévitables, le vieillissement. Il dresse un parallèle entre la société décrite dans le roman Le meilleur des mondes (Brave New World) d’Aldous Huxley (1932) et plusieurs caractéristiques de notre monde actuel, notamment l’usage fréquent des antidépresseurs, l’importance accordée au divertissement, la rhétorique du succès, de la performance et de la nouveauté. Un regard critique y est jeté sur un possible usage non scientifique des résultats de recherche portant sur l’efficacité des psychothérapies. Il souligne comment la complexité de ces recherches et de leurs résultats peut être occultée pour privilégier les « données probantes » ainsi que les « meilleures pratiques » qui s’accordent le mieux aux logiques comptables et économiques privilégiées par des administrateurs de soin.
EN:
This text puts forward the idea that today’s neoliberal culture can lead to the exile of the tragic dimension of the human condition, including the conflictual aspects of relationships, the inevitability of grief, and aging. It draws a parallel between the society described in Aldous Huxley’s novel Brave New World (1932) and several characteristics of our world today, including the frequent use of antidepressants, the importance given to entertainment, the rhetoric of success, performance, and novelty. A critical look is cast on a possible unscientific use of research results on the effectiveness of psychotherapy, highlighting how the complexity of this research and its results can be obscured in favour of “conclusive data” and “best practices” that best fit the accounting and economic logics privileged by health administrators.
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Témoignage d’un ancien participant