Mireille Elchacar, professeure de linguistique à la TÉLUQ et chargée de cours à l’Université de Sherbrooke, remet en question les idées reçues sur le français parlé au Québec. Son livre vise à informer les amoureux de la langue sur les véritables enjeux et les avancées de la recherche. L’essayiste nous invite à abandonner la négativité et la moralisation et à porter attention aux recherches rigoureuses des linguistes. Elle discute des anglicismes et de l’orthographe française, soulignant que la perception des anglicismes est erronée et que l’orthographe suscite des émotions irraisonnées. Le premier chapitre du livre se penche en détail sur la question des anglicismes. Les emprunts linguistiques ne devraient pas être une source d’inquiétude majeure, selon l’auteure. L’Office québécois de la langue française joue un rôle de surveillance attentive et propose des équivalents français pour les anglicismes détectés. Elchacar cite les travaux de chercheurs qui ont trouvé un nombre considérable de mots d’origine étrangère dans les dictionnaires, notamment des emprunts à l’anglais. Cependant, ces véritables anglicismes ne représentent qu’une petite partie du vocabulaire. Des études ont montré leur rareté dans les textes journalistiques au Québec. L’auteure remet en question la perception négative des anglicismes, qui est davantage liée à l’image véhiculée qu’à leur réelle quantité. Par ailleurs, pendant la Révolution tranquille, la perception de la langue, notamment du joual, a changé. Il a été reconnu comme un outil d’expression du peuple pour exercer son pouvoir sur la langue. L’auteure soulève une question : malgré les mesures de protection en place, est-il vraiment nécessaire de craindre les emprunts linguistiques, notamment ceux à l’anglais? Elle souligne que l’emprunt s’effectue principalement du côté des mots et minimise l’influence des emprunts syntaxiques sur l’évolution de la langue. Le chapitre aborde finalement le rôle des anglicismes en tant qu’agents d’insécurité linguistique et la persistance des réactions conditionnées face à ces emprunts. Le deuxième chapitre du livre traite de l’orthographe en soulignant la tendance à blâmer ceux qui ne la maîtrisent pas plutôt que de critiquer sa complexité. L’auteure remet en question le mythe d’un prétendu « âge d’or » révolu où l’orthographe était parfaitement maîtrisée. Elle rappelle que les fautes se retrouvent chez tous les écrivains en raison des nombreuses difficultés à maîtriser le français. Les difficultés orthographiques découlent souvent de violations du principe alphabétique, alors que l’écrit devrait refléter l’oral. Pour aider à saisir l’évolution de l’orthographe française, l’auteure remonte aux sources de l’écriture et explique l’apparition de l’alphabet, qui a rendu l’écriture accessible à tous. Cependant, au fil du temps, des écarts se sont créés entre l’oral et l’écrit, et une surévaluation de l’écrit s’est développée chez les francophones cultivés. La langue parlée continue d’évoluer, tandis que l’écrit peine à s’adapter à ces changements. Les différences orthographiques en français sont nombreuses et il est difficile de les répertorier et de les corriger. L’auteure accorde une place centrale à la pédagogie pour illustrer ce paradoxe, soulignant l’importance de comprendre la formation et l’évolution des digrammes, des trigrammes et des graphèmes polyphoniques ainsi que l’utilisation de signes auxiliaires, comme les accents et les multiples transcriptions de certains sons. Elle avance que ces complexités auraient pu être évitées par des modifications favorables à l’alphabet. L’orthographe grammaticale est devenue de plus en plus complexe en raison des règles grammaticales qui ne correspondent plus à celles utilisées à l’écrit. Cela conduit à un apprentissage scolaire de marques artificielles qui ne correspondent pas à la réalité de la langue parlée. Cette situation entraîne une charge cognitive importante, rendant l’apprentissage du français plus exigeant que celui d’autres langues. L’auteure rappelle l’histoire de l’orthographe en Occident, caractérisée par des variations et …
Mireille Elchacar, Délier la langue : pour un nouveau discours sur le français au Québec, Montréal, Éditions Alias, 2022, 160 p.
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Carol Jean Léonard
Université de l’Alberta
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