Abstracts
Résumé
Cet article présente les principaux résultats de l’étude que nous avons menée sur le Congrès mondial acadien (CMA), qui s’est tenu en 2019 à l’Île-du-Prince-Édouard et dans le sud-est du Nouveau-Brunswick. Événement culturel majeur en Acadie, se déroulant tous les cinq ans depuis 1994, le CMA vise à raffermir les liens entre l’Acadie et sa diaspora. Il offre aux personnes qui y participent l’occasion de vivre des expériences identitaires, de faire des rencontres mémorables, notamment à l’occasion des réunions de familles, et de discuter de l’Acadie et de sa diaspora. Notre étude a porté sur le sens des expériences vécues par les participantes et participants, notamment sur le plan identitaire.
Abstract
This article presents the main results of a study conducted on the Congrès mondial acadien (CMA, or World Acadian Congress) held in Prince Edward Island and southeastern New Brunswick in 2019. A major cultural event in Acadia, organized every five years since 1994, the CMA aims to strengthen the ties between Acadia and its diaspora. It offers participants the opportunity to enjoy identity experiences, to have meaningful encounters, particularly in the context of family reunions, and to discuss Acadia and its diaspora. Our study focused on the meaning of the participant’s experiences, particularly in terms of identity.
Article body
Le texte qui suit porte sur l’édition de 2019 du Congrès mondial acadien (CMA) et présente les résultats d’une recherche de terrain menée à l’aide de questionnaires, d’entretiens, d’observation participante et d’analyse du discours (notamment médiatique) par les auteurs et les autrices du texte[1]. Sixième édition d’un événement quinquennal qui a débuté en 1994, l’édition du CMA de 2019 s’est déroulée du 10 au 24 août dans le sud-est du Nouveau-Brunswick et les régions acadiennes de l’Île-du-Prince-Édouard. Avec un budget de 13,6 millions de dollars, les organisateurs et les organisatrices du CMA ont mis au programme des grands spectacles musicaux, des activités de réflexion, des réunions de familles, des activités communautaires et une gamme diversifiée d’activités culturelles, d’échanges communautaires et de rencontres politiques et économiques. Le Congrès constitue l’un des principaux rassemblements populaires de cette communauté francophone en situation minoritaire particulière que représentent, parmi les francophonies d’Amérique du Nord, l’Acadie de l’Atlantique et sa diaspora.
Pour bien comprendre cet événement, qui se veut avant tout une façon de rassembler les Acadiennes et les Acadiens de par le monde, il est pertinent de l’inscrire dans la trame historique et mémorielle du peuple acadien. Les événements historiques de la déportation du peuple acadien sont au coeur de la mémoire collective de la population acadienne. Selon les estimations des historiens, de 1755 à 1763, entre 9 000 et 12 000 Acadiennes et Acadiens, représentant plus de la moitié de la population acadienne, ont été déportés ou ont quitté les terres acadiennes (Thériault, 2013 : 152; Daigle, 1993 : 38-39). La déportation a eu pour effet de défaire les liens familiaux et sociaux formant la société acadienne naissante (Griffiths, 2002). C’est dans ces circonstances historiques que prend naissance la diaspora acadienne, notamment dans les régions où les Acadiennes et les Acadiens se sont installés à la suite de la déportation, comme en Louisiane et au Québec. Il faudra attendre les activités commémorant le 175e anniversaire de la déportation des Acadiennes et des Acadiens en 1930 pour que l’Acadie du Canada atlantique et les descendants des familles acadiennes déportées reprennent contact et prennent conscience de leur existence réciproque. Ronald Rudin souligne que « [c]e rassemblement du clan fut sans précédent, et en un sens, il s’agissait d’un événement précurseur du mouvement en faveur du Congrès mondial acadien qui allait se former à la fin du xxe siècle » (Rudin, 2014 : ePub). De fait, le thème des retrouvailles de la diaspora acadienne et l’objectif de les favoriser sont au coeur de la mission du CMA[2].
Objectif de l’étude et méthodologie
Notre étude de l’édition de 2019 du CMA a analysé le rôle que joue ce dernier dans les dynamiques linguistiques, culturelles, politiques et sociales de la communauté acadienne. Suivant une approche qui se veut descriptive et compréhensive, fondée sur notre travail de terrain et sur une analyse de contenu d’entretiens et de documents divers (Sabourin, 2010), nous avons analysé les objectifs des organisateurs et organisatrices des activités qui composent l’événement, les modalités du déroulement du CMA et l’expérience vécue par les participantes et les participants aux activités, tout en examinant les types de relations que le CMA contribue à créer et à maintenir entre les diverses composantes de l’Acadie et de sa diaspora[3].
Notre étude est le fruit du travail d’une équipe multidisciplinaire et d’une enquête de terrain qui a permis d’observer plusieurs activités du CMA[4], de mener des entretiens approfondis, d’une durée pouvant varier de 45 à 75 minutes, avec plusieurs organisatrices, organisateurs (N = 12), partenaires financiers (N = 8) et participantes et participants (N = 12)[5]. Nous avons également réalisé un sondage auprès des participants et des participantes afin de mieux saisir leur expérience dans le cadre du CMA (N = 191). Par ailleurs, nous avons recueilli et analysé des documents ayant été produits sur différents supports (sites Web, discours prononcés lors des activités, diffusion sur les médias sociaux, émissions radiophoniques et télévisuelles et presse écrite).
Parmi les observations que nous avons faites, certaines avaient trait au tintamarre, à des réunions de familles, à des activités communautaires, aux décorations faites aux couleurs de l’Acadie devant les maisons, aux expositions artistiques, etc. L’analyse des données recueillies a permis de mettre en évidence les discours, les symboles et les significations des activités que génère le CMA, notamment sur le plan identitaire et des relations entre l’Acadie et sa diaspora.
Les études sur le CMA
Une quinzaine d’études scientifiques ont pris les éditions précédentes du CMA comme objet de recherche. La majorité de ces études portent sur la vision et la définition de l’identité que véhicule le CMA (Lefebvre, 2012; Massicotte, 2011). Dès sa première édition, une certaine vision de l’identité acadienne, centrée sur les liens généalogiques et qualifiée d’ethniciste, a fait débat, car elle s’écartait pour certains d’une vision politique de l’Acadie (Thériault, 1995; Landry, 2015). Plus récemment, Clint Bruce (2018) a avancé que l’inclusion de la diaspora n’empêchait pas de construire un projet politique. D’autres études ont porté sur l’appartenance identitaire des gens de la région hôtesse du CMA, notamment lors de la cinquième édition qui a eu lieu sur un territoire qui chevauche une partie du Maine aux États-Unis, le Témiscouata au Québec et une partie du nord-ouest du Nouveau-Brunswick (Arrighi, Gauvin et Violette, 2018; Keppie, 2016).
Une autre recherche sur le CMA a tenté d’inscrire cet événement à l’intérieur de processus sociodiscursifs plus larges observés en Acadie, où l’on voit le passage d’une Acadie modernisante à une Acadie mondialisante (McLaughlin et LeBlanc, 2009). Dans cette perspective, l’Acadie est alors plus à célébrer qu’à défendre; les discours légitimant l’événement en font à la fois un catalyseur de la fierté identitaire et du développement économique.
L’étude de Mélanie LeBlanc (2017), portant sur la troisième édition du CMA, illustre comment la communauté acadienne de la Nouvelle-Écosse a su tirer profit de la tenue de l’événement pour travailler de concert à son développement politique, socioéconomique et culturel. En tablant sur le tourisme et l’expérience d’activités authentiques (dont linguistiques), la communauté a pu générer de la fierté et de la valeur ajoutée (profit) à l’occasion de l’événement. Le thème du tourisme est aussi au centre du travail de Gwénael Lamarque (2009), qui propose d’appréhender le CMA comme un archétype du « tourisme diasporique ». Cette forme de tourisme puise dans l’histoire de l’Acadie, dans sa mémoire et dans celle de ses familles. Comme l’ont montré Clint Bruce et Émilie Urbain (2021), ces dernières contributions permettent de penser l’articulation entre des éléments parfois tenus pour incompatibles dans la réflexion sur l’acadianité.
Perspective théorique : mémoire, fierté et profit dans les discours identitaires
Plusieurs travaux sur le nationalisme occidental ont mis de l’avant l’importance des discours publics, tels ceux prononcés lors des grandes manifestations populaires, dans la construction d’une conscience nationale. Dans cette perspective, la nation est le fruit d’une construction symbolique par des élites, qui parviennent à diffuser massivement dans la population la conception qu’ils se font de la nation, à y instiller graduellement un sentiment d’appartenance et à la mobiliser (Paquin, 1999). C’est notamment par des discours que l’on construit la nation comme une entité qui semble naturelle, dont on peut décrire les frontières et les critères de définition. C’est en « s’imaginant » une identité, un projet politique et un avenir communs par l’intermédiaire de différentes plateformes et différents espaces discursifs que les groupes se définissent comme communautés nationales (Anderson, 1983; Gellner, 1987; Hobsbawm, 1990).
L’histoire de l’Acadie comme collectivité, avec tous les aléas qu’on lui connaît, illustre l’importance de discours, d’événements et de moments clés où le groupe se donne des symboles propres, qui lui permettent de tracer ses frontières identitaires délimitant un « nous » et un « eux[6] ». On peut ainsi penser aux discussions lors des Conventions nationales acadiennes de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle. Ces grands rassemblements ont servi de catalyseur aux élites cléricales et laïques francophones de l’époque et ont amené celles-ci à se doter de symboles identitaires ainsi que de revendications politiques et sociales communes (Bourque et Richard, 2013 et 2018). Pour reprendre les termes de Fernand Dumont, l’Acadie se dotait de références[7].
La situation minoritaire de la collectivité acadienne, comme celle des autres minorités francophones au pays, a suscité une abondance d’études et de débats sur l’identité et les particularités des minorités nationales francophones et acadienne sans État[8].
Dans leur travail sur les discours sur la langue et l’articulation de celle-ci à des projets proprement politiques, Alexandre Duchêne et Monica Heller (2012) ont montré comment les changements mondialisants de la période contemporaine avaient amené des personnes occupant différents rôles sociaux à faire émerger, à côté d’un discours plus traditionnel sur la fierté et l’appartenance nationale qui motivait les revendications politiques, un discours faisant la part belle aux arguments économiques. En plus d’être construite comme un symbole identitaire et comme un droit, la langue en vient en effet à être perçue comme une valeur ajoutée qui peut ouvrir la voie au développement économique[9]. Ce nouveau discours, qui unit fierté de son identité (et des éléments qu’on y associe) et profit (les différents avantages sociaux et économiques que l’on peut en tirer) conserve, comme nous le verrons dans les analyses, une dimension politique, même si celle-ci diffère d’un projet national ou nationalitaire (Thériault, 1994) défini autour de la langue et d’un territoire.
L’édition de 2019 du CMA mise en discours
Notre étude a mis en relief des éléments rhétoriques relevant aussi bien du champ lexical de la fierté que de celui du profit, qui avaient déjà été relevés par Mireille McLaughlin et Mélanie LeBlanc (2009) en ce qui concerne l’édition de 2004. En plus d’un discours « modernisant » sur la langue et l’identité, surgit un discours dit « mondialisant » de nature plus économique, qui fait subir à la langue, à l’identité et à la culture une forme de marchandisation. L’identité acadienne qui fait l’objet d’expériences, de discussions et de négociations demeure une source de « fierté » en ce qu’elle est vécue et construite comme authentique et associée à des valeurs positives comme la résilience, le sentiment d’appartenance et l’ouverture; mais elle devient aussi une source de « profit » pour celles et ceux qui voient dans ces expériences et ces discussions des occasions de développer de nouveaux partenariats et de nouveaux marchés, notamment touristiques. On pense, par exemple, aux infrastructures créées pour l’événement et souvent financées par des fonds fédéraux et provinciaux, à la commercialisation d’artefacts culturels (des petits drapeaux aux spectacles à grand déploiement), à la publicité dont bénéficie la région hôtesse, etc.
Que ce soit en tant que source de fierté ou de profit, le CMA est aussi construit dans ces discours comme une occasion de renouveler ou de susciter un engagement autour de l’identité et de l’ethnicité acadiennes. Mettant de l’avant l’identité acadienne, ce rassemblement est vu comme un événement qui peut entraîner des conséquences pérennes s’il fait naître chez les participants et les participantes le désir d’afficher leur appartenance à l’Acadie, de faire usage du français, voire de revendiquer leurs droits comme collectivité francophone minoritaire.
La portée sociétale du CMA inclut la diaspora acadienne et suppose de créer et de raffermir les liens entre elle et l’Acadie du Canada atlantique, comme le souligne la présidente du CMA dans son mot d’introduction au guide pédagogique préparé pour les écoles :
Le Congrès mondial acadien est une occasion extraordinaire pour les Acadiens et Acadiennes du monde de se rassembler pour célébrer notre culture, raffermir nos liens avec nos frères et soeurs et réfléchir à ce que nous sommes et à notre avenir
COCMA, s.d.a : 2[10]
On retrouve dans le discours officiel du CMA, des prises de position volontaristes, qui visent à inclure une diversité de définitions de l’acadianité, des plus généalogiques et culturelles aux plus civiques et politiques :
Nous pouvons donc, selon notre position, être Acadiens soit par généalogie, de par nos parents et nos ancêtres, soit par notre histoire où nous sommes la première colonie européenne en Amérique du Nord, au nord de la Floride. Nous pouvons également être Acadiens parce que nous vivons à l’intérieur d’une région où la population vit majoritairement en français. Nous pouvons aussi être Acadiens parce que nous voulons unir nos forces comme francophones afin de prendre notre destin en main et nous réaliser. Donc, tout dépend de la position que l’on prend, ce qui rend si complexe la définition d’un Acadien
COCMA, s.d.a : 18
On cherche ainsi à inclure plusieurs conceptions de l’identité acadienne et plusieurs manières d’être Acadien. Comme nous allons le voir ci-dessous, le projet de développer des solidarités au sein de la diaspora acadienne, à travers des rassemblements et des rencontres, précède de plusieurs décennies le premier CMA.
Une fierté acadienne transnationale
Des rassemblements nationaux en Acadie, de leur longue histoire et de leurs ambitions
Le CMA a comme mission de rassembler, à l’occasion des différentes activités, les diverses communautés acadiennes afin de mieux se (re)connaître, tisser des liens, se retrouver, en somme. Cela ressort très clairement non seulement dans le discours des personnes organisatrices, mais encore dans les propos des personnes qui y participent, que ce soit de façon festive ou plus engagée.
Cet objectif est rappelé à chaque édition; il est littéralement mis en scène dans le récit que le CMA produit sur lui-même concernant les origines du projet. Ainsi, dans une notice de présentation qui se trouvait sur le site du CMA de 2009, on raconte avec force détails que
[c’]est dans le cadre d’un souper au homard organisé par la Société acadienne de l’Alberta au mois d’octobre 1988, que l’Acadien Jean-Marie Nadeau soulève l’idée d’organiser une rencontre des Acadiens et des Acadiennes du monde entier. André Boudreau, originaire du Nouveau-Brunswick, mais résident d’Edmonton, décide de prendre le leadership afin que l’idée lancée par monsieur Nadeau devienne une réalité. En premier lieu, il propose à la Société Nationale de l’Acadie, lors de leur réunion annuelle en juin 1988, l’idée d’organiser un congrès mondial acadien. Par la suite, en décembre 1988, André Boudreau rassemble une dizaine d’Acadiens à Toronto pour élaborer la mission du Congrès : « Développer des liens plus étroits entre les Acadiens et Acadiennes de partout dans le monde ». Ce groupe énonce également quelques objectifs. Ces démarches aboutiront à la naissance du premier Congrès mondial acadien[11].
Depuis la première édition en 1994, placée résolument sous le thème des retrouvailles[12], le CMA poursuit cette volonté et offre, d’édition en édition,
un grand rassemblement d’Acadiennes et d’Acadiens de partout dans le monde qui a pour mission de faire mousser les liens entre eux. […] [I]l est l’occasion de réunions de famille, de grandes fêtes populaires, d’activités thématiques et communautaire ainsi que de conférences scientifiques et populaires
Lefebvre, 2012 : 4
Cette vocation de rassemblement, de solidarité, de réseautage a déjà, quand le projet CMA voit le jour, une longue histoire. Julien Massicotte (2011) lie le projet du CMA aux Conventions nationales acadiennes, qui avaient débuté avec la renaissance acadienne dans le dernier quart du xixe siècle (en 1881, à Memramcook) et avaient pris fin à Edmundston, en 1979. Les Conventions visaient notamment à réunir des Acadiennes et des Acadiens des différentes paroisses de la Nouvelle-Écosse, de l’Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick.
Lors des Conventions nationales, en particulier les premières (1881 et 1884), l’élite acadienne dota notamment le peuple d’un hymne, d’un drapeau et d’une fête nationale, en somme d’une gamme de symboles nationaux (voir Bourque et Richard, 2018). À l’époque, l’un des acteurs de ces rencontres, le sénateur Pascal Poirier, voyait dans ces conventions une occasion pour les Acadiennes et les Acadiens « dispersés » de mieux se connaître les uns les autres et de se donner des objectifs communs.
Les Conventions, sous l’égide desquelles peuvent se placer les CMA, sont pensées comme la naissance de l’Acadie nationale, dotée d’un projet politique, d’une volonté d’émancipation économique, etc. (Landry, 2015). Alors que les Conventions nationales acadiennes avaient eu lieu dans les Maritimes, d’autres rassemblements furent organisés à l’extérieur de cette région à partir du début du xxe siècle. Il y a lieu de signaler la convention acadienne de Waltham (Massachusetts) en 1902, les pique-niques acadiens de Montréal dans les années 1940 et les commémorations de la Déportation en 1930 et en 1955. Si, comme nous l’avons mentionné en introduction, les commémorations de 1930 furent l’occasion de retrouvailles entre l’Acadie de l’Atlantique et la diaspora louisianaise, celles de 1955 permirent d’organiser certaines activités au Québec et en Louisiane (Richard, 2002)[13]. Ces manifestations montraient déjà la portée transnationale de l’appartenance acadienne, laquelle allait trouver sa pleine expression avec l’avènement des CMA.
L’organisation du CMA, à la confluence de trois types d’intérêts
Ce bref historique permet de mieux saisir la singularité des CMA et des intérêts qui convergent dans son organisation. Penchons-nous maintenant sur ce qui fait leurs particularités, en considérant d’abord le point de vue des acteurs, qui estiment que l’événement a une importance suffisante pour le financer.
Les attentes des bailleurs de fonds
L’analyse des entretiens que nous avons menés auprès des représentantes et représentants des bailleurs de fonds montre que le CMA s’organise à la croisée de trois types d’intérêts. Un intérêt que l’on peut qualifier de national venant de l’État canadien lui-même; un intérêt économique et régional, observable du côté des gouvernements provinciaux, des municipalités et des agences de développement; et un intérêt de type communautaire, autour de la mobilisation de plusieurs organismes et groupes acadiens.
Cette convergence d’intérêts s’exprime notamment dans la participation des divers bailleurs de fonds : le financement imprime ainsi clairement sa marque dans l’organisation de l’événement, en permettant à celui-ci d’obtenir une envergure transnationale à même de toucher l’ensemble de la communauté acadienne dans le monde, offrant ainsi l’occasion de promouvoir et de renforcer l’image de marque des régions hôtesses et celles de la diaspora.
L’analyse des données permet de dégager que, du côté de Patrimoine canadien, les attentes sont d’ordres culturel et identitaire, rejoignant ainsi les attentes de la population acadienne. On considère important que le CMA reflète la diversité de l’Acadie, tant dans son aspect traditionnel et folklorique que dans sa modernité et sa diversité. Cela rejoint d’ailleurs la volonté du comité organisateur du CMA (COCMA) et de la Société nationale de l’Acadie (SNA), qui le demande dans le cahier des charges qui doit être respecté dans l’organisation du CMA (SNA, 2018). Toujours du côté fédéral, l’Agence de promotion économique du Canada atlantique a quant à elle appuyé les activités économiques de l’événement. Ce qui intéressait l’Agence, c’était le potentiel économique de l’événement, notamment sa capacité à dynamiser le tourisme dans la région.
De leur côté, les gouvernements provinciaux ont également financé l’événement en fonction d’intérêts économiques, le CMA étant conçu comme un événement de promotion touristique et comme une occasion de créer ou de renforcer des liens d’affaires. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a clairement mis l’accent sur les retombées économiques : « Chaque dollar investi doit rapporter quelque chose » (B06). Selon ce même répondant, pour réussir à le convaincre, il fallait effectuer une analyse économique qui montrait les retombées économiques potentielles, dont le nombre d’emplois créés, l’argent que l’événement allait rapporter dans la région et la somme d’argent que les visiteurs allaient dépenser quotidiennement. Du côté de l’Île-du-Prince-Édouard, l’investissement dans le CMA était également envisagé comme un investissement en matière de développement économique et de tourisme. La dimension qui concerne l’expérience culturelle et identitaire n’était pas, pour ces partenaires, l’argument le plus convaincant.
Les municipalités, quant à elles, s’attendaient également à des retombées économiques et touristiques, mais à une échelle plus locale. À Dieppe, qui était l’hôte de la fête nationale des Acadiens du 15 août dans le cadre du CMA, on misait sur la fête pour promouvoir la région. En raison de l’ampleur de l’événement et de sa visibilité dans les médias, il s’agissait d’une occasion à saisir pour la ville.
Les objectifs du CMA
Le CMA voulait offrir à l’Acadie l’occasion de se mettre en scène et de faire valoir son savoir-faire, notamment dans le secteur des arts et de la culture. L’événement offre la possibilité aux professionnels acadiens et francophones de montrer qu’ils peuvent organiser des événements d’envergure (COCMA, s.d.b : 32). En outre, l’organisation des activités du CMA permet également aux professionnels des arts et de la culture de parfaire ce savoir-faire et de développer leurs compétences[14]. Par ailleurs, le CMA invite de nombreux organismes à participer à la réalisation de projets visant à rejoindre notamment la population canadienne, mais également les touristes étrangers, auxquels on souhaite présenter l’image d’une communauté dynamique, « vibrante », « fière » et diversifiée, qui marie tradition et modernité. Pour présenter cette image, les artistes occupent une place de choix : « Ceux-ci seront la vitrine et le coeur du Congrès » (COCMA, s.d.b : 36). En retour, le CMA permet également de promouvoir ces artistes dans leur diversité. La programmation des grands spectacles a fait une place à la culture acadienne traditionnelle et moderne, tout en accueillant des artistes autochtones.
La programmation des activités
La programmation du CMA reflète la convergence d’intérêts des divers partenaires. Sans pouvoir la présenter entièrement, mentionnons quelques activités importantes. Une série de grands spectacles étaient organisés par les responsables de la programmation relevant directement du COCMA. Ils ont contribué à projeter une image diversifiée de l’Acadie à l’échelle nationale, en particulier lors du spectacle de la fête nationale, partiellement diffusé par Radio-Canada, et des spectacles d’ouverture et de clôture du CMA. La programmation devait aussi tenir compte des attentes variées du public. Cependant, en voulant ainsi refléter la diversité culturelle en Acadie, la présence de certains artistes a pu choquer des spectatrices et des spectateurs qui se faisaient une autre image de la culture musicale acadienne.
L’espace Extrême frontière désignait un site situé à Moncton où se déroulaient plusieurs activités culturelles. Ce site constituait la « vitrine internationale du CMA 2019 » (COCMA, s.d.b : 22). Plusieurs pavillons de la francophonie, notamment de la France, du Québec et de la Louisiane, accueillaient les visiteuses et les visiteurs.
D’autres activités sont quant à elles organisées par les municipalités hôtesses et les associations de familles acadiennes[15]. Ce sont ainsi les personnes représentant les municipalités et les communautés acadiennes qui étaient chargées de la programmation locale avec l’aide de l’équipe de la programmation du COCMA. Les familles organisent des réunions par l’intermédiaire de leurs associations et bénéficient de l’aide d’une personne-ressource du COCMA[16]. Malgré les critiques qu’elles peuvent susciter en raison de la vision généalogique de l’identité acadienne qu’elles véhiculent, ces activités demeurent très courues. Nous y reviendrons plus loin.
Des actrices et des acteurs communautaires ont organisé les « grands rassemblements » du CMA, soit le Grand Parle-ouère[17], l’événement jeunesse Paré pour[18], le Sommet des femmes et le volet économique. Le Grand Parle-ouère a rassemblé plusieurs intervenantes et intervenants pour discuter d’enjeux sociopolitiques acadiens. L’événement jeunesse Paré pour a réuni 63 jeunes qui, en plus de participer à certaines activités du CMA, ont aussi assisté à des ateliers sur le leadership, l’identité acadienne et francophone, la musique, etc. (COCMA, s.d.b). Dans le respect du principe du « par et pour », ce sont des jeunes qui ont organisé ces activités. L’événement jeunesse a culminé avec le spectacle qui soulignait les 15 ans d’Accros de la chanson, un concours musical organisé depuis 2004 par la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick. Le Regroupement féministe du Nouveau-Brunswick, en collaboration avec l’organisme Actions Femmes de l’Île-du-Prince-Édouard, a réuni 125 personnes pour discuter d’enjeux féministes et d’égalité des genres lors du Sommet des femmes. Enfin, sous la responsabilité de plusieurs organismes économiques et gouvernementaux, le volet économique visait à favoriser les échanges et les partenariats économiques, à élargir les réseaux d’affaires et à encourager les entrepreneuses et les entrepreneurs à faire des affaires en français.
Autres activités à mentionner, qui illustrent la convergence des trois types d’intérêts mentionnés plus haut, les « programmations parallèles ». Afin de répondre aux attentes de certains groupes des régions hôtesses, le COCMA a permis que des groupes organisent des activités parallèlement à celles du CMA. Pour ce faire, les responsables devaient cependant respecter certaines conditions. Les activités devaient s’inscrire dans la vision du CMA, devaient éviter de concurrencer d’autres activités, respecter certaines exigences financières, se dérouler dans un territoire déterminé et être approuvées par le directeur de la programmation. En tout, 14 projets de nature artistique et culturelle ont été mis sur pied par divers groupes (spectacles de danse, expositions artistiques, activité artisanale collective, projet de monument commémoratif, activité en vélo pour faire connaître l’odyssée du drapeau acadien, etc.). Notons qu’une place était faite dans la programmation à certains événements pour souligner la présence autochtone et les relations entre les Acadiennes, les Acadiens et les autochtones. Le Rassemblement Mi’kmaq et Acadien a été organisé pour favoriser les échanges entre les deux peuples.
Enfin, mentionnons la tenue du tintamarre le jour de la fête nationale de l’Acadie, le 15 août. Tradition ayant émergé à la fin des années 1970, le tintamarre consiste à se réunir et à défiler dans des rues désignées en faisant du bruit par tous les moyens possibles : taper sur des casseroles, utiliser des crécelles, des klaxons, des trompettes et des tambours[19]. Il est à noter que c’est une activité à laquelle ont participé plusieurs élus et élues et dignitaires, dont la gouverneure générale et le premier ministre du Canada, de même que les premiers ministres des provinces hôtesses du CMA et le lieutenant-gouverneur de la Louisiane.
Expérience des participants et participantes au CMA
Nos observations de terrain et l’analyse des questionnaires administrés sur le vif permettent de saisir de plus près l’expérience identitaire vécue par les participantes et les participants au CMA.
Un des thèmes récurrents évoqués par les personnes interrogées durant l’événement est celui de la fierté. Ce sentiment s’exprime notamment dans l’affichage des couleurs de l’Acadie et de ses symboles, dont le drapeau, sur les vêtements, sur la façade des maisons ou le long des rues. Pour certaines communautés, c’est l’occasion de le faire pour la première fois. « On était gêné d’afficher nos couleurs, mais comme vous l’avez vu, de Souris à Tignish [à l’Île-du-Prince-Édouard], y en avait des drapeaux acadiens » (Radio-Canada, Tout un samedi, émission radiophonique du 24 août 2019). D’autres ont toutefois constaté, à leur dépit, que les couleurs de l’Acadie étaient moins visibles dans la ville de Moncton (P03).
Les villes hôtes vont jusqu’à créer des concours pour encourager la population à afficher les couleurs de l’Acadie :
Quand on a lancé le concours de décorer vos terrains, vos maisons, tu sais des choses comme ça, les gens comme qu’on disait à Tignish, on avait jamais vu quelque chose comme ça […], les gens se faisaient comme des displays dans leur terrain avec des vieux fauteuils, toutes sortes de choses, c’était incroyable
O12
Des participantes et des participants voient le CMA comme l’occasion de transmettre cette fierté identitaire. Une expression métaphorique, « avoir, recevoir ou attraper la piqûre » dans le sens d’être pris d’un grand intérêt pour quelque chose, est utilisée : « Attraper la piqûre comme au CMA 1994 »; « Le CMA va donner une piqûre pour un bout à l’Acadie de l’île » (Radio-Canada, Tout un samedi, émission radiophonique du 10 août 2019). Le CMA peut même, aux dires de certains, agir comme une expérience révélatrice d’une fierté enfouie en soi : « …la vraie réussite, c’est que […] il y a plusieurs gens qu’ont vraiment pu se situer dans ça, pis ils ont trouvé leur identité, et ils ont vu que, même si peut-être dans des cas ils ne s’étaient jamais aperçus de ça, qu’il y avait vraiment une fierté acadienne dans eux » (O08).
La célébration de la fierté acadienne est souvent liée au thème du rassemblement : « Il y a aussi les rassemblements, les rassemblements sont importants parce que c’est toute à propos de notre identité, pis notre fierté » (P09). Ces rassemblements et cet affichage manifeste des couleurs acadiennes peuvent entraîner une prise de conscience de la présence de la communauté acadienne, que les participants peuvent avoir tendance à sous-estimer : « Je savais pas qu’il y avait si tant d’Acadiens aux alentours » (Radio-Canada, Tout un samedi, émission radiophonique du 10 août 2019).
Le Tintamarre constitue le point culminant du CMA. À cette occasion, plusieurs participantes et participants se costument ou se peignent le visage aux couleurs de l’Acadie, d’autres arborent le drapeau acadien. On a aussi pu voir défiler dans la foule des marionnettes géantes aux couleurs de l’Acadie. En tant qu’activité symbolique, le Tintamarre rassemble principalement des membres de l’Acadie, qui veulent exprimer leur sentiment d’appartenance à celle-ci et souligner, par le fait même, la présence acadienne : « Le [T]intamarre était une source de fierté de voir tant de monde que ça réunit » (P05).
Ce type de rassemblement permet de montrer la résilience du peuple acadien et ainsi la pérennité de sa culture et de sa langue. Les discours qui soulignent le fait « d’être toujours présent » font écho aux événements entourant la déportation. Le Tintamarre débute d’ailleurs symboliquement à 17 h 55, pour marquer l’année du début de la déportation : « [Le CMA sert] surtout à exprimer la fierté francophone, pis acadienne, juste de dire qu’on est là, tu sais » (P03).
Plusieurs témoignages mettent l’accent sur l’importance de faire participer les plus jeunes aux activités du CMA, notamment au tintamarre, afin de leur transmettre cette fierté identitaire :
Ça fait plaisir à entendre [que des jeunes apprécient le CMA] parce que je demande toujours si ça peut rejoindre des jeunes de cette génération-là, comme ça l’avait fait pour moi, et si ça peut les faire virer de bord
Radio-Canada, Tout un samedi, émission radiophonique du 24 août 2019
« Les faire virer de bord » renvoie à cette idée de transmission de la fierté identitaire, voire de « conversion » identitaire. On retrouvait aussi cette idée dans le discours d’autres participants. Certains d’entre eux ont d’ailleurs souligné leur bonheur de retrouver autant de jeunes artistes acadiens sur les différentes scènes du CMA. Que la relève puisse à son tour conserver la fierté de la culture et de la langue acadiennes est une autre notion importante, qui revient fréquemment dans les témoignages :
Il y a beaucoup de jeunes artistes qui viennent, c’est la relève hein. Pis ça là, c’est le fun de voir qu’est-ce qui se passe sur ce côté-là, là, tu sais. Parce que moi, je suis pas jeune, j’ai 58 ans. So, moi j’ai grandi avec 1755, mais c’est le fun de voir la relève parce que là il faut que ça continue cette histoire icitte, c’est pas fini
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On espère ainsi qu’un des legs du CMA sera de créer un sentiment de fierté identitaire, qui demeurera dans les communautés et sera transmis à la jeune génération.
La fierté acadienne dans les médias (traditionnels et sociaux) et le discours officiel du CMA
La volonté de susciter chez les participantes et les participants la fierté de leur appartenance culturelle est également un thème récurrent du traitement médiatique des activités du CMA, que ce soit dans la presse écrite, dans les émissions audiovisuelles et radiophoniques ou encore sur les plateformes des médias sociaux que nous avons analysées. En particulier, on souligne que la fierté identitaire peut être un moteur d’engagement citoyen et politique : pouvoir affirmer publiquement qui on est se révèle un préalable aux revendications publiques. C’est ainsi que s’exprimait déjà un participant de l’édition du CMA de 1994 et aujourd’hui artiste musical acadien reconnu, Hert LeBlanc : « En 1994, on avait enfin la permission d’être “qui ce qu’on est” » (Radio-Canada, Tout un samedi, 24 août 2019). La couverture médiatique de l’édition de 2019 insiste aussi sur le développement d’un sentiment d’appartenance. Dans des milieux très minoritaires, comme l’Île-du-Prince-Édouard, s’afficher fièrement et publiquement comme communautés acadiennes et parler français lors de tels événements est déjà un gage de succès pour les organisateurs dont les médias relaient les propos :
Mission accomplie aujourd’hui, on est prêt à recevoir de la visite. Vous avez vu dans Abram-Village, cette fierté-là qui règne, les drapeaux acadiens partout dans chacune des maisons. Les gens démontrent leur fierté d’être acadien. Summerside, une ville anglophone, mais ils ont peinturé les rues en drapeaux acadiens, la même chose à Charlottetown. À Rustico, ils viennent de changer leur affiche qui dit maintenant « Bienvenue! ». Les gens retrouvent leurs racines acadiennes
propos tenus par Claudette Thériault sur les ondes de Radio-Canada à l’émission Ce lien entre nous, le 10 août 2019
Ils vont peut-être s’afficher pour des années à venir, on va faire sûr de construire sur le momentum
propos tenus par Monique Arsenault, directrice du Centre communautaire Rév. S.-E.-Perrey de Tignish sur les ondes de Radio-Canada à l’émission Ce lien entre nous, le 13 août 2019
L’union fait la fierté. Elle [la directrice du Conseil acadien de Rustico, Andréa Deveau] reconnaît que le CMA pourrait être un moment tournant pour la communauté acadienne de Rustico. « Pendant les années où l’école a été fermée, on pouvait sentir une certaine gêne avec la langue française, la culture acadienne. Avec le Congrès mondial acadien, on affiche ses couleurs, les gens se les réapproprient. Je vois une appartenance que je n’ai pas vue depuis longtemps, c’est une belle fierté », confie Andréa Deveau
Ericka Muzzo, « À Rustico, on replonge au coeur de l’histoire acadienne », La Voix acadienne, 21 août 2019
L’analyse des différents corpus médiatiques, soit la presse, les médias sociaux ainsi que des émissions télévisuelles et radiophoniques, montre que le renforcement de la fierté de la culture acadienne et de la langue française est une retombée attendue à la fois par les participants et les organisateurs. Tous espèrent que cette fierté sera le déclencheur de plus grands projets favorisant le développement communautaire et la vitalité linguistique francophone.
On retrouve ainsi régulièrement ces deux thèmes dans les allocutions prononcées par Claudette Thériault, présidente du CMA de 2019, et relayées dans les différents médias. Le regain de fierté que l’on éprouve pour la culture acadienne à l’Île-du-Prince-Édouard serait un effet escompté du CMA et pourrait avoir des conséquences sur les décisions gouvernementales prises dans les régions francophones de l’Île, comme l’ouverture d’une école francophone supplémentaire dans la région Évangéline, attendue depuis longtemps par la communauté (Radio-Canada, 2019).
Les manifestations de l’appartenance identitaire et de la fierté acadienne se font en outre sur plusieurs plans. Il ne s’agit pas seulement d’afficher couleurs et drapeaux, mais aussi de renouer avec certaines traditions culturelles. L’expérience acadienne au CMA est aussi une expérience multisensorielle : le tintamarre, les concerts, les rencontres de familles, la cuisine et la musique traditionnelle sont autant d’activités qui permettent d’exprimer une appartenance acadienne et qui peuvent susciter une fierté identitaire.
Les participantes et les participants témoignant de leur expérience au CMA sur les médias sociaux, en particulier, soulignent le caractère multisensoriel de l’événement et des activités suscitant un sentiment d’appartenance et de fierté : « J’entends “Evangeline” depuis ma chambre d’hôtel = je suis bien en Acadie #cma2019 #amfr #acadie #mjfranco ». (Citation de Kenza, tirée de Twitter.)
Les spectacles musicaux, partie intégrante, voire englobante du CMA, sont perçus comme des moments rassembleurs et une source de fierté. De plus, l’organisation de compétitions de mets de la cuisine traditionnelle acadienne, tels que le fricot, viennent enrichir l’expérience identitaire en permettant de partager des recettes aux saveurs locales :
#parépour était amazing!!!! J’ai rencontré du monde extraordinaire pi steur jpeu dire quej peu faire du winning FRICOT. Merci à tout le monde qui a fait des derniers jours le best colloque ever! Vive l’acadie!
Citation d’Instagram, sous #Parépour - luc681
Musiques, danses & bruits ont animé cette nouvelle édition de la Fête nationale acadienne. On a rarement vu une telle union, un tel partage... ça explose de couleurs et d’amour dans tous les sens, mais surtout de bienveillance
citation d’Instagram, sous #CMA2019, explorelemonde
Raffermir les liens de l’Acadie et de sa diaspora
Plusieurs activités du CMA de 2019 visaient à forger des liens entre l’Acadie et sa diaspora. Des délégations de France, du Québec et de la Louisiane, par exemple, ont participé à plusieurs activités. Dans le cadre de notre étude, nous nous sommes penchés sur deux activités qui avaient cet objectif, soit le jumelage entre Cap-Pelé et Broussard et les réunions de familles.
Le jumelage entre Cap-Pelé et Broussard : des retrouvailles aux partenariats?
Le village de Cap-Pelé, l’une des municipalités hôtesses du Congrès, a consacré sa journée communautaire, le vendredi 23 août 2019, à la célébration de son jumelage avec Broussard, petite ville située en bordure de Lafayette, la capitale du « pays cadien » en Louisiane[20]. Pour l’occasion, une délégation d’une soixantaine de résidentes et de résidents de Broussard s’est rendue au Nouveau-Brunswick, à la fois pour renouer avec leur ville soeur et pour découvrir l’Acadie de l’Atlantique[21]. Cette visite devait aussi insuffler un nouvel élan à ce jumelage créé en 1984-1985, mais qui n’avait guère eu de suivi après les échanges préliminaires. Tombée dans l’oubli pendant plus d’une trentaine d’années, l’entente a été redécouverte par un employé municipal en 2017, après quoi les contacts ont été relancés et des voyages de responsables municipaux ont eu lieu, en 2018 et 2019, à l’approche du CMA. Alors que la vision initiale du jumelage se limitait essentiellement à une reconnaissance du lien acadien, les objectifs de sa relance à l’occasion du CMA alliaient la fierté identitaire à des objectifs de développement économique, surtout, mais non exclusivement, dans le domaine du tourisme.
Le séjour du groupe de Broussard a eu lieu du 18 au 24 août 2019. De concert avec les responsables des deux municipalités, l’itinéraire combinait des activités liées à la programmation du Congrès et des excursions pour découvrir la région du sud-est du Nouveau-Brunswick et des visites d’entreprises de la pêche à Cap-Pelé, au Pays de la Sagouine, à Bouctouche et au fort Beauséjour, où les voyageurs de la Louisiane ont pu découvrir un lieu patrimonial lié à l’histoire de la Déportation et, plus spécifiquement, à la famille Broussard dont leur ville porte le nom (Bruce et Urbain, 2021). La programmation du CMA incluait la journée communautaire de Memramcook et les cérémonies de clôture à Shediac, précédées, bien sûr, de la journée communautaire de Cap-Pelé. Celle-ci était composée de plusieurs volets : après une pièce de théâtre communautaire, une fête de quartier cadienne, aux allures de pique-nique, a suivi la commémoration officielle du jumelage en présence de la présidente du CMA, Claudette Thériault, et du vice-premier ministre de la province, l’honorable Robert Gauvin. Il est à noter que la ville de Memramcook, jumelée avec Scott, en Louisiane, depuis 1970, a également accueilli une délégation de sa ville soeur[22].
Les réponses à notre questionnaire administré pendant le CMA ne laissent aucun doute quant à l’influence du voyage sur le niveau de « fierté acadienne » chez les gens de Broussard[23]. Bien qu’aucun de ces participantes ou de ces participants n’ait indiqué avoir le français comme langue première ou dominante, plusieurs possédaient une certaine maîtrise du français (neuf d’entre elles et eux ayant signalé un emploi régulier du français dans leur vie quotidienne). Quatre personnes avaient participé au CMA de 1999, en Louisiane. La quasi-totalité de ces répondantes et répondants louisianais revendiquent une identité acadienne : 23 sur 24 (95,8 %) affirment avoir des ancêtres acadiens et disent se considérer « énormément » ou « beaucoup » comme Acadienne ou Acadien. À en croire leurs réponses, leur participation au voyage et aux activités du Congrès n’aura fait que renforcer leur affiliation acadienne. Vingt-deux personnes confirment qu’il y a eu des activités pendant lesquelles elles se sont senties fières d’être acadiennes, tandis que 23 d’entre elles signalent que leur participation au CMA leur aurait apporté quelque chose sur le plan personnel. Leurs commentaires portent sur trois thèmes : l’histoire de la Déportation et la résilience de leurs ancêtres, la convivialité partagée avec les Acadiennes et les Acadiens des Maritimes, et de Cap-Pelé en particulier, et l’appréciation des démonstrations de la fierté acadienne au Nouveau-Brunswick.
Le sentiment de proximité avec les résidents de leur ville jumelle semble avoir beaucoup contribué à leur expérience : « Cap-Pelé: Respect, family & love[24] », note une répondante au sondage. En revanche, quelques personnes (n = 4) disent avoir été déçues de l’absence de traduction anglaise lors de certaines activités, ce qui laisse présager d’éventuels obstacles pour des échanges futurs (en présumant que Cap-Pelé ne voudra pas céder trop de place à l’anglais).
Le discours des responsables des deux municipalités véhicule l’intention de mettre leur rapprochement récent au service du développement économique, bien que cet axe ne semble pas prendre le dessus sur les rapports humains, qui demeurent la finalité du jumelage. Des entretiens avec les maires de Cap-Pelé et de Broussard ont révélé leur volonté de coopérer dans les secteurs du tourisme et du commerce des fruits de mer[25]. Selon l’un des ambassadeurs du jumelage, le directeur des événements et des communications à Cap-Pelé, la présence louisianaise pendant le CMA allait augmenter l’attractivité touristique du village : « Je vais vraiment vendre ça à la population locale : “Hé! Venez expériencer la Louisiane à Cap-Pelé.” […] On a tellement de touristes qui viennent du Québec […] que même eux vont être comme : “Wow! Du français de la Louisiane!” ». Lors de la journée communautaire de Cap-Pelé, l’allocution du maire Bourque mettait l’accent sur le lien entre fierté (avérée) et profit (possible) : « To find ways within our culture and our history to make sure that our regions are working together for the benefit of all of us is something that we’re going to continue to spend time on.[26] » De retour du CMA, la directrice du tourisme de Broussard exprimait son optimisme au vu des relations interpersonnelles qui avaient été tissées à Cap-Pelé et qui promettaient de générer des retombées pour Broussard (DAFH_04). À son tour, la directrice de la Chambre de commerce indiquait que les symboles acadiens, que les voyageuses et les voyageurs avaient tant admirés au Nouveau-Brunswick, allaient influencer l’image de marque de la municipalité et la revitalisation du centre-ville, un projet d’envergure qui fait partie des priorités de la mairie (DAFH_02).
Tout compte fait, la « fierté », ou le sentiment d’appartenance à l’Acadie, n’est pas strictement subordonnée au « profit », c’est-à-dire à l’impératif économique, dans le discours et les démarches des responsables du jumelage. Toutefois, et suivant la logique néolibérale et postnationale signalée dans d’autres travaux sur le CMA (cf. Heller et al., 2016), le potentiel économique sert tout de même à légitimer, voire à justifier l’emploi de toute ressource dans une visée identitaire, et ce, de façon marquée et constante. Cette dynamique ressort on ne peut plus nettement, par exemple, dans les remarques d’un conseiller municipal d’Abbeville, près de Broussard, qui, pendant son séjour, s’est rendu à Tracadie afin de raviver le jumelage entre sa municipalité et cette dernière. Impressionné par les signes tangibles de la fierté acadienne (drapeaux, pancartes arborant les patronymes acadiens, etc.), il a acheté de nombreux articles souvenirs et souhaite qu’à tour de rôle, Abbeville et Broussard puissent attirer des touristes du Canada à l’occasion du prochain Grand réveil acadien en Louisiane (DAFH_03), prévu en 2020, mais reporté en raison de la pandémie de COVID-19.
Les retrouvailles familiales
Pour les organisateurs et les organisatrices des réunions de familles, ces dernières sont au coeur des CMA (COCMA, s.d.c). Au CMA de 2019, la définition de la notion de famille a été élargie pour être plus inclusive. Ainsi, « toute personne possédant des racines acadiennes ancestrales ou tout simplement un attachement à cette culture peut choisir d’organiser une réunion de famille durant le CMA 2019 » (COCMA, s.d.c : 3). Les personnes qui souhaitent organiser une telle réunion peuvent bénéficier de l’aide de la Fédération des associations de familles acadiennes, qui a toutefois une définition plus restrictive de la famille : une famille doit être établie en Acadie depuis au moins trois générations. Lors du CMA de 2019, 36 réunions de familles ont eu lieu. À lire les patronymes des gens qui ont participé à ces réunions, la définition plus inclusive du COCMA ne s’est pas traduite par l’organisation de réunions chez les familles néo-acadiennes.
Dans le cadre de notre étude, nous avons assisté à la réunion d’une famille qui avait lieu dans une salle communautaire d’un village du sud-est du Nouveau-Brunswick. L’organisateur estime à 125 le nombre de participantes et de participants à cette réunion. À l’entrée de la salle, on avait installé au mur un drapeau aux couleurs acadiennes sur lequel le nom de la famille était inscrit. Un panneau d’information indiquait la région et les villages où s’étaient établis au début de la colonisation les ancêtres de cette famille. Le panneau relatait certains faits historiques liés au Grand Dérangement[27]. Dans un coin de la salle, on pouvait voir les armoiries de la famille. Une série de panneaux présentaient divers arbres généalogiques de la grande famille. Grâce à eux, les visiteuses et les visiteurs pouvaient tenter de retrouver leurs filiations. Un généalogiste était installé dans un coin de la salle avec un ordinateur disposant d’un logiciel pour effectuer des recherches à la demande des participantes et des participants. Plusieurs ouvrages portant sur la généalogie étaient disposés sur des tables pour être consultés.
En costume d’époque pour personnifier le premier ancêtre à s’établir en Amérique, l’organisateur invitait les participantes et les participants à partager des informations, des histoires ou des anecdotes concernant l’histoire de la famille. Dans une ambiance bon enfant, plusieurs personnes ont tour à tour pris la parole pour relater certains faits de l’histoire de leur famille ou de leur région. Par exemple, un participant venant de la Louisiane a expliqué sa filiation avec la famille et précisé que plusieurs familles partagent le même patronyme dans sa région. Il a participé à plusieurs activités du CMA, notamment au Tintamarre :
J’étais au milieu de tous ces gens-là, qui faisaient du bruit incroyable, dans la rue, pour moi c’était…je peux vous dire que c’était un moment incroyable dans ma vie… C’est quelque chose d’être acadien et de pouvoir crier à tout le monde qu’on est acadien, c’est quelque chose de vraiment magique pour moi [applaudissements].
Il a ensuite précisé qu’il avait appris le français à l’Université Sainte-Anne, où il a aussi étudié pour mieux connaître ses origines et entrer en contact avec d’autres Acadiens.
Une autre participante raconte l’histoire de ses ancêtres, qui ont migré au Québec après la déportation avec plusieurs autres familles. Ils y ont colonisé des terres offertes par les prêtres sulpiciens et fondé plusieurs villages dans Lanaudière[28], qui ont donné naissance à la Nouvelle-Acadie. Elle a évoqué le Festival acadien de la Nouvelle-Acadie, qui a lieu tous les ans depuis 2001[29], au cours duquel les descendants des familles acadiennes se rassemblent le 15 août pour faire un tintamarre et manger des guédilles au homard, un mets typiquement acadien.
Représentative en cela des autres réunions de familles, cette réunion permet à plusieurs participants de l’Acadie de l’Atlantique et de la diaspora de tisser des liens tout en menant des recherches sur leurs origines familiales.
Le CMA comme lieu de convergence des fiertés, des familles et des intérêts
Comme nous pouvons le constater, le CMA constitue un événement avant tout culturel, qui célèbre l’identité acadienne sous de multiples facettes. Pendant le CMA, les symboles et les couleurs de l’Acadie sont fièrement affichés et rendus visibles dans les espaces publics et les résidences privées. Que ce soit lors des grands spectacles, du tintamarre ou des réunions de familles, les participantes et les participants peuvent vivre des expériences identitaires parfois fortes à même de susciter un sentiment d’appartenance à l’Acadie.
Cette appartenance à l’Acadie fait l’objet d’une construction ou d’un renforcement par diverses activités qui, dans la continuité de la mission du CMA, favorisent les retrouvailles, les collaborations socioéconomiques et les jumelages entre les actrices et les acteurs de diverses régions de l’Acadie et de sa diaspora. S’exprime alors le projet de « (re)faire communauté » en puisant dans la mémoire de la Déportation et en témoignant au passage de la résilience du peuple acadien. Un extrait d’entretien radiophonique d’un participant illustre bien cette dimension du CMA :
Le Congrès mondial acadien, je trouve que c’est une déportation à l’envers […] parce que la déportation qui a commencé en 1755, ça a déplacé tous les Acadiens à travers le monde, aux quatre coins du monde, tandis que le Congrès mondial, ça ramène ces gens-là à un point de départ. Donc, c’est l’inverse d’une déportation
Radio-Canada, L’heure de pointe Acadie, 14 août 2019
Le CMA contribue ainsi à la reconstruction de l’Acadie : reconstruction sociale, grâce aux liens sociaux qui sont tissés et reconstruction symbolique, en vertu du sens que revêt cette entreprise chez les participants et les participantes.
Malgré des remises en question ponctuelles, le CMA est assurément devenu une tradition et une institution en Acadie (Massicotte, 2011 : 255); cependant, son efficience politique demeure encore à trouver. Si le CMA est aussi un espace pour discuter des enjeux de l’Acadie, les organismes porte-parole de l’Acadie ne sont pas tenus de traduire les conclusions des discussions en actions ou en projets collectifs. Hormis la SNA, qui est responsable de l’organisation du Grand Parle-ouère, ces organismes y jouent d’ailleurs un rôle plutôt périphérique. La portée politique du CMA se définit autrement : par l’affirmation et l’expression culturelles de la présence acadienne, dans le fait d’occuper un espace public et médiatique, d’affirmer la résilience du peuple acadien et de générer des expériences identitaires. En raison de la portée symbolique et identitaire de l’événement et parce qu’il s’inscrit dans l’imaginaire collectif de la déportation, le CMA constitue un événement culturel qui s’impose dans l’Acadie contemporaine en conjuguant des logiques identitaire et économique. En outre, le CMA offre un espace de délibération et de réflexion permettant à l’Acadie de se définir, de discuter de ses défis et enjeux et de se projeter vers l’avenir. Ce faisant, le CMA contribue à la réinvention d’une Acadie « ici et maintenant », tout à la fois fière d’elle-même et de son passé et soucieuse de son avenir.
Notre plongée, tant dans l’organisation de l’événement, dans sa genèse, dans son expression par des manifestations et des activités que dans son inscription dans la mémoire de l’Acadie, montre à quel point le CMA semble être devenu, certes un espace de rencontre, mais également un lieu de convergence : convergence filiale par le maintien des rassemblements familiaux acadiens; convergence des fiertés par l’affirmation des identités et d’une acadianité à la fois ancrée, enracinée, mais également ouverte à la diversité; convergence aussi des intérêts, en raison du souci des bailleurs de fonds comme des organisateurs d’assurer la rentabilité de l’événement, une rentabilité qui aura pour effet de stimuler le tourisme et le tissu économique local et d’assurer la vitalité linguistique de la communauté.
Appendices
Notes biographiques
Éric Forgues est le directeur général de l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, où il avait été directeur adjoint et chercheur de 2003 à 2012. Ses travaux portent notamment sur le développement des communautés en contexte minoritaire, la gouvernance, le rôle de la langue dans l’organisation des services publics, l’engagement linguistique, et, depuis peu, sur les événements culturels, la mémoire et l’identité en contexte minoritaire.
Laurence Arrighi enseigne la linguistique à l’Université de Moncton. Ses travaux portent sur les discours (essentiellement médiatiques), sur les pratiques langagières des Acadiens et des Acadiennes du Nouveau-Brunswick (notamment, la qualité de la langue des jeunes, le niveau de littératie). Depuis peu, elle s’intéresse au rôle glottopolitique des médias sociaux.
Tommy Berger est candidat au doctorat en sciences du langage à l’Université de Moncton. Il s’intéresse à l’humour francophone sur la scène monctonienne. Il étudie le rôle que jouent les diverses variétés de français dans ce milieu francophone en situation de contact avec l’anglais. Il est aussi assistant de recherche à l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques.
Clint Bruce est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en études acadiennes et transnationales (CRÉAcT) à l’Université Sainte-Anne, où il enseigne au département des sciences humaines. Il y est également directeur de l’Observatoire Nord/Sud et codirecteur de la revue Port Acadie. Ses recherches portent sur la diaspora acadienne, sur la Louisiane francophone et sur le monde atlantique. Son livre, Afro-Creole Poetry in French from Louisiana’s Radical Civil War-Era Newspapers: A Bilingual Edition (The Historic New Orleans Collection, 2020), a remporté le prix Lois-Roth pour la traduction littéraire, décerné par la Modern Language Association.
Audrey Paquette-Verdon est étudiante à la maîtrise ès arts en espaces et cultures francophones à l’Université Sainte-Anne et titulaire d’un baccalauréat en éducation. Elle a travaillé au Centre acadien et à l’Observatoire Nord/Sud en tant que coordonnatrice. Son projet de maîtrise porte sur la représentation des minorités ethnoraciales dans les cours de sciences humaines au secondaire en Acadie de l’Atlantique.
Christine C. Paulin est professeure agrégée à l’Université de Moncton et enseigne l’administration publique (analyse des politiques publiques) aux programmes de 2e cycle en administration publique et en gestion des services de santé. Ses travaux abordent principalement les questions entourant la démocratie délibérative et ses instruments (particulièrement en contexte de rapports linguistiques complexes). Elle étudie notamment l’influence des facteurs contextuels sur le design et la mise en oeuvre des instruments d’action publique (dont les instruments digitaux et les dispositifs territoriaux) et des politiques publiques qui en découlent, de même que les effets de ces instruments sur les politiques publiques.
Christophe Traisnel est professeur titulaire de science politique et directeur de l’École des hautes études publiques de l’Université de Moncton. Diplômé en droit public et en science politique des universités de Lille II, Paris II et Montréal, il travaille sur les minorités linguistiques et culturelles, sur l’immigration, les francophonies et les nationalismes de contestation dans une perspective comparative. Il a consacré sa thèse au nationalisme québécois (Canada) et au régionalisme wallon (Belgique). Il est aussi l’auteur d’ouvrages sur la francophonie et d’articles sur le nationalisme, l’immigration, ainsi que sur les formes de reconnaissance des minorités culturelles et linguistiques.
Émilie Urbain est professeure agrégée au département de français de l’Université Carleton. Ses travaux en sociolinguistique portent sur la catégorisation et la hiérarchisation des pratiques linguistiques et des locuteurs en contexte francophone minoritaire. Son projet de recherche actuel étudie comment s’articulent les différents discours sur la langue, les inégalités sociales, le colonialisme et le nationalisme en Acadie.
Notes
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[1]
Ce projet a été financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.
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[2]
« À propos », site Web du CMA 2019 [site désactivé].
-
[3]
L’analyse a été facilitée grâce à l’utilisation du logiciel MaxQDA (Kuckartz et Rädiker, 2019), qui permet de découper, de classer (coder) et de regrouper des extraits des textes du corpus en fonction de thèmes jugés pertinents eu égard aux objectifs de l’étude.
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[4]
L’équipe n’avait pas les ressources pour couvrir l’ensemble des activités du CMA. Notre analyse se fonde sur un échantillon qui représente les types d’activités du CMA.
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[5]
Les entretiens sont identifiés selon la catégorie à laquelle appartient la personne interviewée. Ainsi, un code commençant par P indique un entretien fait avec un participant ou une participante, tandis qu’un code commençant par O indique un entretien fait avec un organisateur ou une organisatrice d’activités et un code commençant par B indique un entretien fait avec un représentant ou une représentante d’un organisme bailleur de fonds. Le chiffre qui suit représente le numéro unique attribué à chacun des entretiens. Clint Bruce, membre de l’équipe de recherche, a aussi conduit cinq entretiens en parallèle pour son projet sur les échanges intermunicipaux entre la Louisiane et les Maritimes; ses entretiens sont identifiés sous ce format : DAFH_XX.
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[6]
Pour une discussion de la construction discursive de l’identité nationale, voir notamment Boudreau et Dubois (2003) et, dans la presse, voir Boudreau (2021), Boudreau et Urbain (2013) et Ali-Khodja, Boudreau et Remysen (2018).
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[7]
Dans la conception de Dumont, que reprend notamment Joseph Yvon Thériault (1995, 2007 et 2013) dans ses travaux sur l’Acadie, la référence désigne ce par quoi naît symboliquement une société : « L’identité peut en rester à l’expérience vécue; on parlera alors de sentiment national. Mais elle peut donner lieu à la construction d’une référence, c’est-à-dire de discours identitaires : idéologies, mémoire historique, imaginaire littéraire… » (Dumont, 2008 : 155).
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[8]
Pour une synthèse des débats intellectuels sur la question, voir notamment Heller et Labrie (2003); Thériault (2007); Meunier et Thériault (2008); Cardinal (2012); récemment Bouchard (2019).
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[9]
Voir Boutet et Heller (2007) pour une application à la situation de la francophonie canadienne.
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[10]
Trois documents produits par le comité organisateur du CMA de 2019 sont cités dans cet article. Puisqu’ils ne sont pas datés, nous utilisons des lettres (a, b et c) pour les distinguer.
-
[11]
Extrait du site Web du CMA de 2009, cité par Massicotte (2011 : 255-256), site désormais fermé.
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[12]
Voir aussi la chanson thème « Enfin retrouvés » (édition de 2009), que l’on peut entendre sur YouTube : [https://www.youtube.com/watch?v=oZ677b4SSLY] (16 septembre 2021).
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[13]
L’événement fut abondamment commenté dans les journaux des régions concernées. Il eut aussi des retombées politiques par la mise en place d’échanges culturels, éducatifs, etc. Enfin, il faut souligner des gains symboliques non négligeables en ce qui a trait à la reconnaissance.
-
[14]
L’organisation du CMA repose sur un comité créé cinq ans avant la tenue de l’événement. Ce comité organisateur (le COCMA) s’est entouré de cinq sous-comités pour veiller à la bonne organisation du CMA (comité consultatif international, comité gouvernemental, comité conseiller jeunesse, comité de logistique du Grand Parle-ouère et enfin le comité de programmation du Grand Parle-ouère). Outre ces comités, une équipe composée de la direction générale et de quatre directeurs a été mise en place : une direction des opérations, de la programmation, des communications et du marketing et de la logistique.
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[15]
Soulignons que ces associations de familles sont chapeautées par la Fédération des associations de familles acadiennes.
-
[16]
Une grande famille désigne un ensemble de familles nucléaires partageant le même patronyme ou des patronymes apparentés, qui, tout en appartenant à une même lignée familiale, peut avoir changé au gré des générations.
-
[17]
Le Grand Parle-ouère s’inspire d’une activité de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick qui organise des « parle-ouères », qui sont des cafés citoyens pour discuter d’enjeux qui touchent l’Acadie de la province (voir Les Parle-Ouères, sur le site Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, sans date, [https://www.sanb.ca/fr/parle-oueres]). L’expression parle-ouère joue sur la sonorité et la prononciation acadienne de parloir (parlouère) et parle-vouère (« parle voir », qu’on peut comprendre comme l’injonction « parle donc »).
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[18]
Le nom de cet événement repose sur un jeu de mots évoquant le principe organisationnel du « par et pour » que promeut les organismes de jeunesse francophones et le fait d’être prêt (paré) pour… faire quelque chose.
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[19]
Ronald Labelle (s.d.) rappelle qu’un tintamarre avait eu lieu auparavant, soit le 10 août 1955, lors de la commémoration du 200e anniversaire de la Déportation.
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[20]
Ce volet de notre recherche est tributaire d’un projet mené par Clint Bruce en tant que titulaire de la Chaire de recherche du Canada en études acadiennes et transnationales (CRÉAcT) de l’Université Sainte-Anne : « Les villes ont une famille : enquête sur les jumelages municipaux aux provinces maritimes ». Voir Bruce (2020) ainsi que Bruce et Urbain (2021).
-
[21]
Au nombre de 58 personnes, le groupe comptait le maire de Broussard, avec sa famille, et d’autres employés et édiles municipaux, y compris de municipalités voisines en Louisiane, ainsi que d’autres Cadiennes et Cadiens intéressés soit par le développement des échanges avec Cap-Pelé, soit par leur héritage acadien.
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[22]
Cette activité n’a pas fait l’objet d’une analyse spécifique dans notre étude.
-
[23]
N = 24 sur 186 questionnaires, soit 12,9 % de notre échantillon. Précisons que ce groupe est composé de 10 hommes et de 14 femmes, âgés de 25 à 80 ans, l’âge médian étant de 60 ans.
-
[24]
« Cap-Pelé : respect, famille et amour. » (Nous traduisons.)
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[25]
Ces entretiens ont été réalisés dans le cadre du projet « La diaspora acadienne au fil de nos histoires » (DAFH), une enquête d’histoire orale de la CRÉAcT sous la direction de Clint Bruce. Entretien avec Serge Léger, le 6 juin 2019; entretien avec Ray Bourque, le 19 avril 2019.
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« Nous continuerons de consacrer du temps à trouver des moyens, en cherchant à l’intérieur de notre culture et de notre histoire, afin d’assurer que nos deux régions travailleront ensemble dans l’intérêt de tout le monde. » (Nous traduisons).
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[27]
Le Grand Dérangement porte sur les événements liés aux migrations des familles acadiennes avant la Déportation, sur les événements de la déportation et sur les migrations qui ont suivi (Griffiths, 2002).
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[28]
Il s’agit du village appelé aujourd’hui Saint-Jacques. Voir l’historique sur la page de la municipalité : http://www.st-jacques.org/municipalite/historique/ (19 novembre 2020).
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[29]
Pour en savoir plus, on peut consulter ce site Web : [http://www.nouvelle-acadie.ca/] (19 novembre 2020).
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