Article body
Du 1er février 2011 au 12 janvier 2012 eut lieu au Museum für Gegenwart Hamburger Bahnhof de Berlin (musée d’art contemporain Hamburger Bahnhof) la rétrospective « Live to Tape », dédiée essentiellement au collectionneur, artiste et propriétaire de galerie berlinois Mike Steiner. L’exposition, qui rassemblait des vidéos d’artistes émergents établis au cours des années 1972 à 1985, jetait la lumière sur cette galerie satellite ayant joué un rôle phare dans la diffusion d’oeuvres d’artistes allemands et internationaux. Parmi les oeuvres présentées, on découvrait notamment la spectaculaire performance du plasticien allemand Frank Uwe Laysiepen qui, le 12 décembre 1976, à l’ouest de Berlin, créa un émoi à la Neue Nationalgalerie en subtilisant, dans le cadre d’une performance artistique, une oeuvre centrale de la collection du musée d’art moderne : Der arme Poet de Carl Spitzweg. Sans autorisation du musée, Laysiepen réussit en effet à conserver le tableau durant plus de trente heures, pour finalement le restituer à l’institution. Alors que l’intervention était aussitôt commentée dans les médias, la performance demeure à ce jour plutôt obscure, et jouit de peu de reconnaissance dans des disciplines pourtant concernées comme l’histoire de l’art. Laysiepen aurait, par ce « coup fumant », transgressé certaines barrières du monde de l’art en mettant en question à la fois le rôle de l’artiste, de l’objet d’art et des institutions. Cette performance assume, voire revendique, son illégalité. Elle porte ce titre révélateur : Da ist eine kriminelle Berührung in der Kunst – Aktion in 14 bestimmten Sequenzen (There is a Criminal Touch to Art – Action in 14 predetermined Sequences). Il va sans dire que si la réception et la raison de l’oubli de l’oeuvre demeurent toujours des questions ouvertes, dans pareil contexte, l’intention de cet article n’est pas d’en mesurer la « pertinence » par son résultat, mais bien de la décortiquer afin de saisir certaines interrogations et critiques profondes qu’elle pose.
L’objectif sera ici plutôt de préciser comment cette performance permet de poser un regard tout à fait singulier sur la culture allemande et berlinoise des années 1970 ; comment elle questionne également le projet moderne du musée, en tant que paysage culturel « concentré ». Ultimement, cet article tentera de discerner comment s’articule la critique de Laysiepen autour de l’identité de la ville de Berlin, perçue en tant que carrefour de la réflexion socio-culturelle, médiatique et esthétique, ici intimement enchevêtrées dans le projet de l’art contemporain d’après-guerre. Car très certainement, alors que l’artiste s’attaque à la Neue Nationalgalerie, fondée en pleine guerre froide en 1968, l’identité de la ville de Berlin, elle-même territoire disputé plus que simple théâtre ou « scène de crime », alimente et stimule la critique de Laysiepen face à la modernité européenne, mais aussi face à la circulation des discours, et au paysage des pratiques culturelles. Ce passage des pratiques est par ailleurs fortement stimulé par l’époque et le contexte qui les produisent : cette relation sera plus approfondie dans une analyse détaillée des concepts à l’oeuvre dans la performance grâce, notamment, à la pensée de Jean-Louis Déotte. En outre, c’est le travail vidéographique qui aura permis à la performance de devenir « art » et d’être considérée enfin comme discours (potentiellement) critique et crédible sur l’art et sur un système incluant certes l’oeuvre d’art elle-même, mais aussi le statut de l’artiste. Ultime enjeu de ce projet, et non le moindre : celui de confronter les Allemands à leur modernité inachevée.
La performance transgressive réalisée en plein contexte d’ébullition politique met en effet en oeuvre, avec la délocalisation du tableau, un motif central de déplacement et de trajectoire, en somme de fluidité. Ce déplacement de « l'image,» dans le paysage culturel artistique et berlinois, a pour effet de générer une réflexion sur les diverses pratiques culturelles de la modernité et permet, comme conséquence de la réflexivité des pratiques, d’anticiper sur l’enjeu central de l’art contemporain, celui des définitions. Ultimement, la performance exprime certains des enjeux propres à la modernité urbaine, projet inachevé à partir duquel elle tente d’esquisser un nouveau devenir collectif. Plus précisément, puisque le motif central dans l'oeuvre Da ist eine kriminelle Berührung in der Kunst semble être la trajectoire, nous comprendrons ici ce thème comme agissant en tant que pont à la fois dans l'espace (paysage culturel) et dans le temps (la modernité comme concept historique).
1. Da ist eine kriminelle Berührung in der Kunst : Une action en 14 séquences pré-déterminées détaillées
Durant les années 1970, alors que se multiplient les performances artistiques, le réseau culturel muséal n’est que peu ouvert à ces pratiques. Les artistes se voient surtout contraints de se construire des réseaux marginaux. Ils sont alors, comme encore de nos jours, des artistes dont l’oeuvre ou la pratique est peu diffusée. Alors que la participation effective de cette performance au monde de l’art puisse en faire sourciller plus d’un, Da ist eine kriminelle Berührung in der Kunst est très certainement autre chose qu’une oeuvre d’art traditionnelle, facile d’approche, et marchandable. Ce curieux objet, « phénomène » médiatique éphémère d’une journée ou presque, sera introduit au spectateur par Frank Uwe Laysiepen, qui narrera sa performance en quatorze points sommaires au tout début de la vidéo :
-
In front of the main entrance to the Hochschule der Bildenden Künste (School of Fine Arts, Berlin) I hang a photographic banner measuring 2.50m by 2m. Motif: a reproduction of the Spitzweg painting Der arme Poet.
-
I drive my car to the Neue Nationalgalerie.
-
I park behind the Neue Nationalgalerie.
-
I enter the Neue Nationalgalerie.
-
I remove from the Neue Nationalgalerie the painting Der arme Poet by Carl Spitzweg.
-
I walk back to my car from the Neue Nationalgalerie.
-
I drive towards Berlin-Kreuzberg.
-
I park the car 800m away from the Künstlerhaus Bethanien in Berlin-Kreuzberg.
-
I walk to the Künstlerhaus Bethanien with the stolen Spitzweg painting.
-
I hang in front of the main entrance to the Künstlerhaus Bethanien a colour reproduction of Spitzweg's Der arme Poet.
-
From the Künstlerhaus Bethanien I walk on 150 m to the Muskauerstrasse, still holding the stolen Spitzweg painting.
-
I enter a house with apartments rented by immigrant families.
-
I enter the apartment of a family of Turkish immigrants.
-
I hang up on the Turkish immigrant family's wall the stolen Spitzweg painting Der arme Poet[1]
À ce court scénario filmique de vingt-cinq minutes, Laysiepen a intégré la réception médiatique immédiate de l’intervention. L’introduction ainsi que la conclusion sont constituées d’une mosaïque audiovisuelle complexe où s’imbriquent les commentaires radio aux coupures de journaux. Entre les deux, dans un montage parfois très serré qui rappelle l’esthétique du film policier ou de poursuite, nous voyons l’artiste accomplir une à une les quatorze séquences annoncées.
La performance, certes en elle-même intéressante, est enrichie d’une dimension réflexive supplémentaire par son rendu médiatique incontournable. En effet, l’entièreté de l’action a été filmée en vidéo par le directeur photo attitré du cinéaste Werner Herzog, Jörg Schmidt-Reitwein. C’est ce dernier qui a enregistré la performance de Laysiepen, le suivant à distance en voiture. Le document réalisé par Jörg Schmidt-Reitwein (au sens fort du terme « réaliser ») permet encore aujourd’hui à l’oeuvre de Laysiepen d’exister et en assure la pérennité. Seulement, la participation du directeur photo met en oeuvre autre chose, c’est-à-dire la dimension réflexive dans Da ist eine kriminelle Berührung in der Kunst. Elle permet de considérer la trace autrement, et de réfléchir sur la mise en abîme de l’image, celle de Der arme Poet, perçu à travers le filtre de la caméra vidéo, par extension d’un régime d’images succédant à la peinture et à la photographie, grâce au cinéma, et plus précisément à la vidéo. Ce passage d’une image à une autre ne peut être banalisé, car il implique les artistes, mais aussi les spectateurs dans des pratiques toujours plus ouvertes.
La vidéo de l’intervention contient en puissance une critique et, précisément parce qu’au-delà de sa nature préméditée – judiciairement condamnable –, la performance présente aussi un souci de travail artistique – montage, collage, etc. – en plus d’articuler un discours qui la confirme comme participant du monde de l’art. Conséquemment, il ne s’agit pas d’un vol. Ce recours à l’image pour dénoncer l’image et la structure qui la soutient, l’encourage, la maintient ou même la rend possible, rattache l’intervention aux instances artistiques. Par ailleurs, si certains auteurs, lorsqu’ils abordent cette oeuvre, la décrivent comme étant une « performance », il apparaît que, selon l’artiste lui-même, il soit plutôt question d’une « intervention ». Il ne s’agit pas d’un simple caprice stylistique : décrire la performance comme une intervention précise le domaine de l’action – laquelle est à la fois une performance artistique et un acte criminel – en l’introduisant au domaine de l’agir politique, lui conférant de fait une portée résolument sociale. Laysiepen semble comprendre ce problème de définition entre la « performance » et l’« intervention ». En revendiquant le second terme, l’artiste d’abord rattaché au monde de l’art de par sa fonction sociale prend un risque ; il assume la criminalité de son intervention, bien qu’il pourrait bénéficier de la clémence de l’« état d’exception » que l’on accorde à la performance. Son choix peut se justifier de la sorte, comme « travail » :
First, my Berlin action was work, hard work, but I never claimed it as a “work of art” nor as a means for art production for commerce. It was really the opposite: according to the law, it was a criminal act. Besides, I left the protected zone once I left the museum and entered the domain of “public territory.”[2]
Quant à l’oeuvre volée, elle fut spécialement choisie par l’artiste puisqu’étant un classique de l’histoire de l’art allemand. Der arme Poet (1839) représentait aussi pour Laysiepen le premier contact avec le monde de l’art : le tableau de Carl Spitzweg était une quasi « icône identitaire », à l’époque si populaire qu’il était la seule reproduction en couleurs qui figurait dans ses manuels scolaires de première année. Carl Spitzweg était par ailleurs le peintre favori d’Adolf Hitler, détail sur lequel Laysiepen insistera en entrevue[3]. Suite à l’intervention, on protégea le tableau derrière un épais plexiglas.
Alors qu’il se passe de présentation en Allemagne, le tableau n’est pas aussi connu au-delà de ses frontières nationales. De petit format, Der arme Poet présente une scène de genre : un poète étendu dans le minuscule lit d’un appartement que l’on devine, par la décoration et par le mobilier improvisé, très modeste. Les spéculations interprétatives prétendent que la position du poète, tenant près du visage une main avec les doigts pincés, renvoie soit à un moment d’inspiration ou de réflexion profonde ; soit encore aux doigts se refermant sur une punaise, geste témoignant de la simplicité des moyens inhérents à son occupation. Plus tard au cours des années 1970, l’oeuvre Der arme Poet accompagnée de l’ensemble de la collection de la période romantique-Biedermeier fut relocalisée au Schloß Charlottenburg, pour être volée à nouveau en 1989 et n’être jamais retrouvée. Peinte en trois exemplaires, une autre version est cependant toujours conservée à la Neue Pinakothek de Munich.
L’histoire de l’art rapproche Der arme Poet du courant « Biedermeier », en un certain sens le contemporain conservateur et traditionnaliste du romantisme allemand. Ce courant est représenté et s’étend traditionnellement du Congrès de Vienne (1815) à la Révolution de Mars (1848) dans les États de la Confédération germanique et dans l’Empire d’Autriche. Représentant un courant tant politique que littéraire, culturel et artistique, le Biedermeier constitue aussi un style de vie national en réaction face à l’idéologie de la Révolution française et autres courants révolutionnaires et antimonarchiques similaires, par la suite largement diffusés sur le continent européen. À travers les pratiques artistiques multiples se cristallise, dans le Biedermeier, une forte volonté à la fois de « fuir la civilisation » et de « chanter un monde patriarcal idéal, exempté des problèmes de la civilisation moderne »[4]. Ce mouvement en lui-même très protectionniste, impérialiste et nationaliste, souhaitait défendre l’ordre de la tradition, et prônait un repli des individus vers le confort des sphères privée et familiale –à des lieues, donc, des étendues sauvages et solitaires du romantisme allemand. En somme, la présence de ce tableau de 1839 constitue, en 1976, un véritable anachronisme au sein du musée d’art moderne. L’oeuvre est rangée dans les salles d’exposition aux côtés des Munch, Kirchner, Picasso, Klee, Feininger, Dix, et Kokoschka. Laysiepen précise encore les intentions ayant motivé le choix de Der arme Poet pour le vol non d’un tableau, mais de ce tableau :
I found it astonishing to find this particular painting, amongst other paintings from the German Romantic period, in the Neue Nationalgalerie. It was a shock for me, I hated this painting mainly because I knew the admiration and emotions with which the German population looked upon it. This filled me with horror. The contrast between this super romantic painting and the city of Berlin at the time couldn’t have been greater. Berlin, the epicenter of the Cold War, was torn in two, separating one and the same people by a wall and made « enemies ». One half of the city was West Germany, a Cold War, geo-political Island isolated in enemy territory, East Germany. After WWII, Berlin became a whore in very dirty political dramas. The human suffering on both sides created such an unthinkable inhuman atmosphere and environment. In the midst of this humiliating environment operated the Red Army Faction terrorist group[5].
La Neue Nationalgalerie de Mies van der Rohe : quelques notes et commentaires
Si l’artiste n’a pas approfondi la relation entre sa performance et le choix des lieux qui la ponctuent, comme la Neue Nationalgalerie, il est néanmoins nécessaire de brièvement présenter ce musée. Érigé en 1968 dans le Kulturforum (aux côté du Berliner Philarmonie et de la Kunstbibliothek), le premier musée berlinois dédié principalement à l’art moderne est l’ultime construction réalisée par l’un des maîtres incontestés de l’architecture moderne internationale : alors exilé en Amérique, Ludwig Mies van der Rohe en est le concepteur. Le musée conjugue les grands axes d’exploration qui ont façonné la carrière de l’architecte (fonctionnalisme, pureté des détails de construction, minimalisme) et symbolise la quintessence de sa pensée s’exprimant par sa non moins célèbre formule devenue maxime : « Less is more ». Pionnier et membre phare de l’école du Bauhaus - fondée à Berlin, puis relocalisée à Weimar et Dessau, et fermée par le régime national-socialiste -, Mies van der Rohe avait comme mandat de penser le nouveau musée sensé abriter les collections du palais de Charlottenburg, un musée dont la forme devait évoquer, comme le souligne l’historien de l’art et actuel directeur du musée Joachim Jäger, « a symbol for the triumphant return of modernism to Germany »[6]. Alors que le mur est érigé depuis bientôt une décennie, l’appellation « neue » (nouvelle) polarise l’attention d’une Allemagne alors fraîchement divisée sur le bâtiment, plutôt que sur les collections. La collection n’est alors assurément pas homogène, constituée d’oeuvres éparses ne collant pas nécessairement à l’étiquette moderne, mais réunies dans une tentative d’ériger à l’ouest un musée faisant contrepoint à ceux de la République démocratique d’Allemagne. L’esprit dans lequel est érigé le Kulturforum pourrait se résumer ainsi, selon Joachim Jäger :
The museum, commissioned by West Berlin and connected with other ambitious urban development plans in the Berlin Kulturforum, embodied the self-conscious optimism of the West. The founding of the museum, whose collection was consolidated from the inventories of West Berlin and assembled under the name of Neue Nationalgalerie, was also part of this spirit of awakening. For that reason, in addition to twentieth-century art, nineteenth-century works were also exhibited in the Mies building[7].
La division de l’Allemagne, et plus précisément de Berlin, a causé en 1962 la perte d’importants repaires culturels, principalement ceux du Museumsinsel (l’île aux musées), qui regroupe encore de nos jours le Pergamonmuseum, les Altes- et Neues Museum ainsi que la Alte Nationalgalerie. Afin de combler cet important vide culturel, le programme du Kulturforum avait prévu la réappropriation d’un espace situé en lisière du mur de Berlin, dont la vocation déterminerait l’élaboration d’un vaste territoire muséal, et constituerait le pôle excentré de la culture ouest-allemande. Parmi les musées construits, on compte, en 1968, la Neue Nationalgalerie et éventuellement la Gemäldegalerie (1998).
Le projet du nouveau musée d’art moderne incombe donc ainsi à Mies van der Rohe, une commande pouvant s’apparenter à une tentative de réparation suite à son exil d’avant la Seconde Guerre mondiale, en reconnaissance après la lettre de son génie architectural et de son apport au paysage architectural allemand et international. L’architecte fut membre du Bauhaus mais oeuvra également comme membre actif et d’influence de la Novembergruppe (le Groupe de novembre) et de la Deutscher Werkbund (Association allemande des travailleurs). Ces trois associations, à degrés divers, étaient très fortement marquées d’intentions et de tendance socialistes, voire même parfois révolutionnaires et radicales. L’un des projets majeurs dont Mies van der Rohe fut le grand coordonnateur fut, par ailleurs, la construction d’un lotissement d’habitations ouvrières fonctionnelles à Stuttgart, destiné à la nouvelle ville moderne en pleine expansion : la Weißenhofsiedlung (la cité de Weißenhof). En 1957, suite à sa rencontre avec le président de la compagnie de rhum Bacardi, José Manuel « Pepin » Bosch, l’architecte travailla aussi à la conception des locaux devant abriter les quartiers généraux de l’entreprise à Cuba. Le projet échoua, car au moment de la révolution cubaine et de la prise de pouvoir par Fidel Castro en 1959, Bacardi s’exile du nouveau régime. Ainsi, les plans de l’entreprise furent récupérés et adaptés en musée, non sans poser problème quant aux visées désormais corporatistes de l’architecte ; le projet semble en effet en porte-à-faux avec les intérêts politiques de l’Allemagne de l’Ouest et ne coïncide plus nécessairement avec les vues sociales que Mies défendit au début de sa carrière. Force est de constater que cette réhabilitation en plein coeur de Berlin peut servir à enrichir certaines critiques adressées à la fois au projet et à son architecte. Quant au qualificatif « neue », il est possible de s’interroger sur le sens qu’on voulut lui donner : la galerie était-elle ainsi prénommée en continuité, en rupture ou en opposition avec la Alte Nationalgalerie (« vieille » galerie nationale), demeurée dans le bloc soviétique ? À ce sujet, Joachim Jäger nous éclaire :
The spirit of awakening associated with the Neue Nationalgalerie at the time should not obscure the fact that even in the name of the museum the Cold War was being waged. By calling it the Neue Nationalgalerie, one was clearly distancing oneself from the Stammhaus located in the eastern sector of the city, which until then had been the only “National Galerie”. The second, “Neue” Nationalgalerie was now located demonstratively in the western sector. With the word “new” the intent was not simply to emphasize the new founding of the institute, but also to include the associated western ideas of the avant-garde and progress, of an internationally-oriented modernism. The selection of Mies van der Rohe, who came from what was considered, at the time, the transfigured land of America, added to the picture[8].
Décédé en 1969 à Chicago, l’architecte, fortement malade, n’eut pas l’occasion d’assister à l’ouverture de sa dernière construction, le 15 septembre 1968. Le bâtiment fût inauguré en grande pompe et avec beaucoup d’enthousiasme, célébrée pour la finesse de son basilaire et de ses détails comme une perle de la nouvelle architecture moderne. Berlin était en 1968 l’un des centres de gravité culturels de l’Europe, de par sa position à mi-chemin entre les blocs communiste et capitaliste, et à l’épicentre des enjeux politiques et identitaires qui secouaient alors l’Europe. Bien que Mies van der Rohe et son architecture atypique et avant-gardiste avaient jadis bouleversé le quotidien des Allemands, la Neue Nationalgalerie fut néanmoins critiquée par certains pour son modernisme « classique ». Christos Joachimides, historien de l’art et curateur de nombreuses expositions, déclara à l’époque sur les ondes de la WDR-Kulturspiegel que le musée représentait le « triomphe de l’idéal bourgeois » : « This museum is a manifestation of the look back, the care of established and confirmed cultural asset – art as an educational property. An intellectual adventure, a forecast as the dialectical counterpart to the experiment of yesterday, it is not »[9]. Toujours en réaction à l’ouverture du musée, un collègue de Joachimides, l’historien de l’art et critique artistique Gottfried Sello, avança pour sa part en entrevue au quotidien Die Zeit que :
With all due respect for Mies van der Rohe – his building, inside as well as outside, is there to celebrate art. It thereby takes its place in the grand tradition of museums, which is rooted in the nineteenth century, and to which it is bound. Let us build a temple to art. The new building marks the grand finale of this museum development, but not a new beginning. It is astounding, and deeply depressing[10].
Les plans du musée ont donc ainsi été critiqués par des intervenants directement impliqués dans le monde de l’art ; leur critique semble rejoindre celle de l’artiste Frank Uwe Laysiepen. Sans néanmoins en appeler directement au même problème qu’Hubert Damisch (l’accessibilité démocratique aux musées), Sello et Joachimides témoignent, à la fin de la décennie 1960, d’une incapacité foncière du monde de l’art d’être au diapason avec son époque. Il est certain qu’eu égard au contexte socio-culturel et politique, ces remises en questions et mises en garde trouvent leur légitimité dans une cristallisation du monde berlinois en cette période de tensions qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, instaure la guerre froide. Lorsque Laysiepen réalise sa performance, huit ans se sont écoulés depuis la fondation du musée, et la République fédérale allemande est aux prises avec un climat de terreur et de violence marqué par la présence de la Rote Armee Fraktion (la fraction armée rouge), annonçant une rupture avec l’« optimisme » des années 1960.
Gros plan sur l’image : Mise en abîme d’une relation de pouvoir
Le tableau, ou plus abstraitement « l’image », figure au coeur des préoccupations et des critiques que Laysiepen adresse à l’égard de l’art et du musée, perçus en tant qu’extensions du pouvoir. Symboliquement, tout au long de l’enregistrement, le tableau est dissimulé sous d’épaisses couvertures que l’artiste porte sous le bras. Il n’est présenté à la caméra qu’en de rares occasions : au musée et, plus tard, dans l’appartement d’immigrants turcs. L’introduction et la conclusion de l’oeuvre vidéo insistent sur l’évident jeu de mise en abîme possible avec la disparition de l’oeuvre, translations générées par l’entremise des nombreuses découpures de journaux. Der arme Poet passe symboliquement d’une image de type pictural (comme tableau) à une image médiatisée, filtrée par les médias. Ce passage est forcé par la performance de Laysiepen qui interroge la société à travers l’instance muséale. Au cours des années 1970, la pratique vidéo combinée à celle de la performance constitue une véritable prise de position de la part des artistes, relevant d’une posture à la fois artistique et politique. La distinction entre l’image vidéographique et l’image cinématographique peut sembler banale pour des non-initiés. Cependant, il est fondamental d’en établir la singularité, celle-ci ajoutant une couche interprétative cruciale. La technologie à la base de l’art vidéo est radicalement différente de la technologie du cinéma. Pour bon nombre de cinéphiles, la qualité de l’image vidéographique est souvent considérée comme pauvre par rapport au grain de la pellicule. Alors qu’un cinéaste reconnu comme Jean-Luc Godard s’est parfois tourné vers la vidéo, l’utilisation de ce support est souvent davantage revendiquée par des cinéastes marginaux, circulant dans les réseaux d’exposition, de performances, ou dans des galeries satellites.
L’image vidéographique partage cependant avec l’image cinématographique la fonction de défilement des images. Or, même dans ce défilement, les technologies diffèrent. Sophie-Isabelle Dufour, docteur en études cinématographiques et audiovisuelles et professeure à l’École des hautes études en sciences sociales, apporte cette précision importante entre l’image cinématographique et vidéographique, leur production et leur fonctionnement respectifs, dans un ouvrage spécialement dédié à l’image vidéo : « […] l’image vidéo n’est pas une "coupe mobile", un plan au sein duquel le temps est subordonné au mouvement comme au cinéma ; elle se meut électroniquement, se fait et se défait en fonction de "coupes" de temps qui ne recoupent pas un mouvement spatial, mais temporel »[11]. En outre, alors qu’une image au cinéma est essentiellement un montage de photogrammes, soit l’écriture de la lumière sur la pellicule qui est ensuite chimiquement révélée, l’image vidéographique est quant à elle une image électronique, dont le « pixel donne forme au point lumineux qui, en balayant l’écran, permet la perception de l’image mouvante »[12].
Hormis la nature des images produites, l’appareillage mobilisé par les cinéastes favorise certaines pratiques au détriment d’autres techniques. L’engouement face à la vidéo est redevable de l’apparition du système Portapak de Sony au début des années 1960. La caméra, légère et maniable, a tout particulièrement plu aux artistes militants qui pouvaient filmer n’importe où, ou presque. Alors que les caméras utilisées sur les plateaux de télévision furent surtout vidéo, les artistes empruntèrent l’esthétique de la télévision (comme « industrie de divertissement de masse ») pour mieux la critiquer. Il apparaît d’autant plus évident maintenant, lorsque l’on considère l’introduction et la conclusion « médiatiques » de sa performance, que Frank Uwe Laysiepen projette constamment l’image du tableau dans le medium des journaux populaires et joue sur l’incompréhension des journalistes face à son intervention. Ici, on ne peut considérer l’usage de la vidéo comme une tentative documentaire de conserver une trace de l’oeuvre. Plutôt, la mise en abîme du tableau à travers les médias et les commentaires des journalistes confirment l’importance de son discours sur le monde de l’art : qui le légitime, qui le reconnaît, qui est prêt à démontrer une ouverture pour l’accueillir et ce, alors même qu’il ouvre une plaie béante que nous préférerions n’avoir jamais ouverte. Un autre avantage fut la possibilité d’obtenir immédiatement les images lors de leur captation, au contraire de la pellicule qu’il aurait fallu révéler, à prix élevé, dans les laboratoires spécialisés. Ce médium de l’immédiateté convient aux artistes militants, socialement ou politiquement engagés. Le médium choisi, la vidéo, permet la mobilité de l’artiste et une équipe réduite ; l’appareillage lui confère une vélocité d’exécution et de diffusion inouïe. Rappelons que la performance, réalisée en trente heures, incluait le tournage mais également le montage des images et de la réception médiatique, telle qu’intégrée au film. Le 13 décembre 1976, les médias furent conviés à la galerie Mike Steiner afin de constater à la fois les suites du vol, mais aussi l’enchevêtrement inextricable de leur propre travail à ce qui allait contribuer à sa réception immédiate.
2. L’oeuvre : synthèse et cristallisation des concepts de « paysage culturel » et de la « modernité »
Le paysage culturel
Les thèmes de la modernité et du paysage culturel sont au coeur de cette performance ; les deux instances subissent une pression du fait de l’artiste et de sa performance non autorisée. Frank Uwe Laysiepen réalise en effet sa performance à Berlin, théâtre d’une division politique internationale. La ville, mais aussi le musée comme espace de conservation et de mise en valeur du patrimoine national, sont forcés et retournés en outils servant à démontrer leur sclérose. Da ist eine kriminelle Berührung in der Kunst est une véritable critique à l’égard du musée, en tant qu’institution préservant une certaine idée de l’art. La performance adopte comme point d’ancrage critique la pertinence, et la cohérence, d’une collection que l’artiste veut remettre en doute, surtout à travers la présence anachronique du tableau Der arme Poet. Laysiepen rappelle ainsi le volet idéologique inhérent à la notion de paysage culturel, un aspect négligé d’après la définition qu’en donne l’UNESCO, c’est-à-dire qu’il ne ferait état que « du génie créateur de l'être humain, de l'évolution sociale, du dynamisme spirituel et imaginaire de l'humanité »[13]. En faisant partie de notre identité collective, le paysage culturel consisterait essentiellement en manifestations interactives entre l’humain et son milieu. Ce que nous pouvons comprendre par l’expression « paysage culturel », est principalement la rencontre entre le « naturel » et le « culturel », soit l’influence réciproque entre deux champs, le vivant et le social. L’intérêt de l’analyse de Da ist eine kriminelle Berührung in der Kunst est qu’elle permet de réfléchir au musée comme paysage culturel concentré et de plutôt donner un exemple concret à la définition qu’en a donnée le philosophe allemand Theodor W. Adorno[14]
Le regard critique que pose ce philosophe sur le paysage culturel prolonge ses réflexions sur la théorie esthétique. Pourtant, sa définition du concept apparaît porteuse d’éléments essentiels pour comprendre la richesse de la réflexion critique de Laysiepen et comment elle a l’intention d’agir sur le paysage culturel muséal et berlinois. Héritier d’une certaine tradition de la philosophie allemande, Adorno revient sur l’importance du beau naturel chez Kant ; pensée qui a aussi participé à la consolidation du romantisme en Allemagne, notamment par l’entremise de Schiller. Subséquemment, le paysage naturel idéalise la « sauvagerie » de la nature, alors que, tout spécialement en peinture, l’intervention humaine souligne une contradiction étant donné que la « nature », en tant que concept, est une production humaine et qui se présente à nous comme allant de soi, comme étant neutre et éternelle, « naturellement » dotée d’une esthétique incontestable. Au cours du 20ème siècle, l’élaboration de la notion de paysage culturel en tant que concept permet de reconsidérer le beau culturel. Ce beau culturel se mêlerait désormais à celui plus naturel, pensons notamment à « la ruine », en tant que trace humaine, qui apparaît cristallisée sous l’aile de l’éternité. Avec ce cadre théorique émerge l’idée que le seul étant qui puisse être reconnu comme éternel, que la seule vérité qui puisse être absolue, serait traduite dans cette posture transhistorique, à la fois mélancolique et irréversible : si tout est périssable, alors rien n’est éternel.
Adorno fait de la sorte émerger une contradiction interne au concept du beau naturel, contradiction nous permettant de remettre en question la volonté de neutralité dans la définition de l’UNESCO. La nature et, par extension, le paysage culturel, ne sont pas éternels ; ils doivent témoigner aussi, et dialectiquement, de ce qui ne « mérite » pas le regard, ce qui n’est pas officiellement beau. Reconnaître un paysage culturel, c’est le mettre en relief. C’est reconnaître l’histoire exprimée par l’interaction entre la nature et la culture : la violence et le pouvoir ne sont pas seulement subis par la nature mais s’expriment également entre les hommes. Ainsi l’histoire, mais aussi celle de l’esthétique, est nourrie par la douleur de son passé. Reconsidérer le paysage culturel dans sa propre histoire serait d’abord accepter la vérité de ne pas le camoufler par le mensonge. La définition de l’UNESCO semble faire abstraction de cet aspect, tout en postulant que l’hybride « paysage culturel » soulignerait l’harmonie complète entre ces deux pôles du vivant, le naturel et le social. La ville de Berlin, en 1976, vue à travers le prisme de la performance de Laysiepen, confirme à quel point cette définition est incomplète.
La modernité en arts visuels
La modernité, en tant qu’époque, bouleverse le cours de l’histoire, le rapport de l’homme à l’histoire, dans laquelle l’importance de l’homme qui « redevient » la mesure de toute chose, entre dans une nouvelle ère réflexive. Ce nouveau rapport au monde consiste en un changement qualitatif de perspectives qui instaurera l’apparition de nouvelles pratiques ainsi que leur intensification. Dans une histoire « en marche » qui, autrement dit, superpose ses couches les unes par-dessus les autres, la modernité s’enracine dans le développement culturel de la Renaissance, époque où des « appareils » comme la perspective favoriseront l’implantation de l’homme comme sujet capital. La philosophie, notamment à travers l’Aufklärung a participé d’une pensée célébrant la raison : le concept trouvera un écho à travers les diverses sphères culturelle, politique, etc. En France, avec la Révolution française, on observera notamment la « prise de conscience » de la « Nation » à renverser les structures, changer le rapport au temps (calendrier républicain) et à l’espace (système métrique) mais aussi à fonder les bases de la société moderne à travers la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Gros plan sur la modernité
En art, l’appellation de « modernité » coïncide souvent avec l’autonomisation du médium : c’est-à-dire que le médium, atteignant une pleine « maturité », cesse de renvoyer à d’autres formes d’art, lorsque, par exemple, le cinéma explore son langage spécifique par différenciation et en se détachant des autres formes d’art comme la peinture ou la littérature. Dans une tentative croissante de retransmettre mécaniquement le réel, l’invention des dispositifs photographique et cinématographique produit une véritable rupture, en permettant un regard unique en art qui n’avait jamais pu être précédemment envisagé en peinture, en sculpture ou en littérature. Une photographie ou un film étaient désormais le résultat d’un dispositif mécanique qui mettait en péril la main et le talent de l’homme, soulevant ainsi de nombreuses critiques d’artistes établis. Par ailleurs, le cinéma, davantage que la photographie, est, selon un penseur comme Jean-Louis Déotte la pratique artistique de la fin du 19ème et du 20ème siècle complet : celle de la modernité. Alors que l’objectif poursuivi par la peinture et la sculpture avait été la compréhension précise du corps humain, le cinéma représente depuis la parfaite retranscription de l’Homme. Sa présence sur pellicule témoigne de son existence la plus tangible, rendant visible son flux vital. Walter Benjamin éclaire très justement ce propos, dans L’oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique : « Pour l’homme d’aujourd’hui l’image du réel que fournit le cinéma est incomparablement plus significative, car, si elle atteint à cet aspect des choses qui échappe à tout appareil et que l’homme est en droit d’attendre de l’oeuvre d’art, elle n’y réussit justement que parce qu’elle use d’appareils pour pénétrer, de la façon intensive, au coeur même de ce réel »[15]. Il n’est pas surprenant que les premières « vues cinématographiques » n’étaient que de courts documentaires : Le repas de bébé, L’entrée du train en gare de la Ciotat, La sortie de travail des usines Lumière etc. Ces films, dont la valeur historique aujourd’hui seule nous intéresse, sont de purs films d’attraction. C’est précisément ce pouvoir attractionnel qui mobilisait les foules : enfin l’Homme s’y voyait, s’y reconnaissait et ce, malgré le souci esthétique et diégétique pourtant rudimentaire de leurs contemporains. Non seulement le cinéma ajoute l'image à la performance, il intègre également la réflexivité à la représentativité.
Après avoir saturé cet effet de choc des images de l’Homme chez les spectateurs, les productions cinématographiques, à l’exception des oeuvres d’avant-garde et expérimentales (en outre intimement liées aux mouvements surréalistes, par exemple), se figèrent dans une forme sclérosée, empruntant souvent aux autres formes d’art (les tableaux vivants et la peinture, les grands drames historique et la littérature, etc.). De sorte que les historiens de l’art, comme Erwin Panofsky ou Riccioto Canudo, tentèrent d’isoler, et parfois difficilement eu égard à la production de l’époque, la singularité du médium par rapport aux autres arts. Il faudra attendre le développement de technologies (avènement du parlant, son synchrone, caméra portative) pour finalement explorer les pleines capacités du médium. La Nouvelle Vague française participera à la « libération » du cinéma : non seulement apparaissent à l’écran des acteurs pris à même la rue, cette même rue est elle-même envahie d’équipes de tournage réduites, critiquant ainsi un système pétrifié, commercial et industriel. De plus en plus, le public se reconnaît dans ces personnages modernes, réalistes et extraordinaires, qui évoluent au sein d’histoires souvent banales et sans apex narratif. Mais surtout, comme l’aura fait plus tôt la peinture, le cinéma entre officiellement dans sa phase moderne en commençant à se réfléchir. De plus en plus le film questionnera-t-il le film, mise en abîme d’un dispositif qui s’autocritique. Ce passage trouve une résonnance toute particulière dans Da ist eine kriminelle Berührung in der Kunst, qu’il importe de mettre en relief.
3. « Paysage culturel » et « modernité » à l’oeuvre dans Da ist eine kriminelle Berührung in der Kunst (1976)
Frank Uwe Laysiepen impose au tableau Der arme Poet une sortie forcée du musée. Ce faisant, il critique les choix du musée d’art moderne, mais également l’état actuel du monde artistique, socio-culturel et politique. Il reconnaît que chaque individu est lié par les institutions modernes, d’où l’intérêt d’aller à la rencontre de la famille d’immigrants turcs, de décontextualiser ce tableau, et d’ironiser sur l’intérêt des Allemands pour cette oeuvre, en insistant sur la négation des problèmes dans la société allemande de l’époque. Pour remédier à la situation : s’emparer de l’oeuvre. Plus encore, symboliquement, la trajectoire de l’oeuvre dans cet « enlèvement » exprime le passage de la pratique artistique picturale à un régime d’images vidéo, en empruntant au langage cinématographique. L’artiste fait faire au tableau un parcours à travers l’histoire des pratiques et l’histoire de l’art pour mieux souligner l’échec du contrat moderne liant musée et société. La performance, la vidéo et les multiples emprunts au langage cinématographique se substituent ainsi à l’« appareil du musée ».
Ainsi, la performance présente une mise en mouvement, ou translation, dans le passage d’un appareil à un autre. Laysiepen effectue ici une critique immédiate du musée en tant qu’institution « instituante » du paysage culturel. La vidéo agit comme le nouvel appareil qui, avec sa maniabilité et sa fluidité, permet de critiquer le cloisonnement de l’appareil muséal : scansion, spatialisation, stockage. C’est désormais la caméra en tant que dispositif qui, combinée au cinéma en tant que langage (montage, travellings, gros plans, etc.) permet de traverser physiquement les lieux, qu’il s’agisse du musée comme espace étatique témoignant de la société civile dans son aspect le plus abstrait, de la ville comme espace public, ou de l’appartement comme espace individuel privé, et d’en opérer le décloisonnement. Autrement dit, les appareils vidéographique et cinématographique permettent de refonder le lien entre l’art et le public de réception. Ce projet singulier a également comme résultat visible d’illustrer ce passage possible autant entre des lieux (entre différents paysages culturels) que des périodes historiques (passage de la modernité vers la postmodernité à travers des pratiques artistiques).
Afin de présenter concrètement ce passage d’un appareil à l’autre et de comprendre comment la notion d’appareil est intrinsèquement liée à la condition de possibilité du paysage culturel, il convient de présenter ce qui est compris sous cette notion d’appareil, telle que définie par Jean-Louis Déotte :
Il n’y a pas de position d’époque sans conscience de la différence des temps, sans la position d’altérité d’une autre époque. Mais cet acte intellectuel dépend à chaque fois de ce qu’on appellera un appareil en tant que cet appareil invente pour cette époque et son autre, un autre rapport au temps. Le paradoxe résidera dans le fait que ces appareils ont, au premier abord, plutôt affaire à l’espace des images qu’au temps. L’appareil perspectif, la camera obscura, le musée, la photographie, le cinématographique, extraient des représentations dans un continuum spatial. Ils n’introduisent que secondairement à une temporalité spécifique. Faisant époque pour leur temps, on dira alors qu’il n’y a pas de véritable époque que du fait de ces appareils, car ils en élaborent la texture : perspectiviste, muséographique, photographique, cinématographique, etc. Le 19ème siècle sera ainsi le siècle de l’histoire, c’est-à-dire du musée, parce que la vérité de l’histoire réside dans la temporalité muséale, ou le 20ème siècle celui du cinéma, selon Jean-Luc Godard[16].
Dans cette définition, Déotte laisse entendre que les appareils sont définis par leur capacité à instaurer une relation sociale au temps qui soit particulière. L’appareil introduit une nouvelle temporalité, ou plutôt, il est instaurateur d’un rapport particulier au temps, à l’histoire, à l’image – à l’image historique. L’appareil de la modernité – le musée – incarne dès sa fondation les aspirations issues du projet politique proprement moderne qui a son expression la plus vive dans la Révolution française. Le Louvre, qui contenait les collections privées royales, fut la cible des révolutionnaires ; la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » allait également s’étendre à ce nouveau projet institutionnel qu’est le musée, par l’ouverture publique des collections royales désormais accessibles à tous[17]. Si le musée peut être considéré comme l’appareil du 19ème siècle, le 20ème siècle sera marqué par un autre : le cinéma.
Les raisons qui expliquent ce passage d’un appareil à un autre peuvent être soit de nature complémentaire ou critique. D’une part, selon Déotte, les appareils« ne sont pas chassés par leur époque mais coexistent avec elle par complexification, recouvrement et désemboîtement »[18]. Ainsi, il est tout naturel qu’à l’appareil photographique ait succédé l’appareil cinématographique, complétant un désir, qui n’était après tout qu’une question de temps, de voir le réel se « (ré)animer ». Les possibilités ouvertes par un appareil permettent en outre d’exprimer et de rendre visibles les lacunes de l’appareil précédent. Le spectacle cinématographique, qui empruntait à ses débuts au spectacle de cabaret, de variétés et au burlesque, avait pour public la petite bourgeoisie mêlée au prolétariat. Ainsi, le cinéma semble avoir, du moins à ses débuts, accompli ce que n’a pu faire le musée : ouvrir ses portes à un public « mixte », mais aussi, et surtout, permettre au peuple d’enfin pouvoir se projeter dans le film, de s’y voir et de s’y reconnaître. Le public put reprendre le « contrôle » sur son image. Comme le soutient Walter Benjamin, grâce au cinéma, le peuple put enfin reconnaître la possibilité de son émancipation, fait jusqu’alors inédit.
Les tableaux, dit-il, n’ont jamais prétendu à être contemplés que par un seul spectateur ou par un petit nombre. Le fait qu’à partir du 19ème siècle un public important les regarde simultanément est un premier symptôme de la crise de la peinture, qui n’a pas seulement été provoquée par l’invention de la photographie, mais, d’une manière relativement indépendante de cette découverte, par la prétention de l’oeuvre d’art à s’adresser aux masses[19].
Da ist eine kriminelle Berührung in der Kunst exemplifie les thèses de Benjamin et de Déotte. La sortie qu’il impose à l’oeuvre semble être une tentative de remédier à l’échec patent du projet démocratique muséal, comme le maintient également l’historien de l’esthétique Hubert Damisch :
Disponible, le musée l’est techniquement parlant. En termes institutionnels, cette apparente disponibilité apparaît pour certains comme un leurre. Tel qu’il fonctionne et s’affiche aujourd’hui, le musée est le produit d’un développement qui se présente comme organique, mais qui n’a pour autant rien de naturel, répondant comme il le fait à un projet qui se veut « culturel », et qui est en définitive essentiellement politique. Les luttes internes dont le musée est le théâtre, et qui ont pour enjeu un pouvoir mesurable quantitativement, en termes de crédits autant que de surfaces d’exposition, ne sauraient masquer le fait que l’institution participe, en tant que telle, autant qu’elle l’exprime, de l’agenda d’une formation sociale ou, comme l’écrivait Guy Debord, de son emploi du temps[20].
Laysiepen dénonce une violence insidieuse passant par l’image, un contrôle des masses et l’exclusion de certains individus de ce système. Il s’agit bien de la violation d’un espace « sacré » : le système représentatif, historique et culturel allemand. Sa performance ébranle ainsi les convictions profondes d’une psyché collective qui se reconnaît et communie à travers un tableau. Cette reconnaissance par l’artiste se borne cependant à identifier la présence particulière de ce tableau dans ce musée comme erreur de classification. Alors que le tableau met en lumière et ironise sur la nature de l’artiste pauvre, les Berlinois de l’ouest, isolés dans un ghetto interne, résignés, reproduisent ce même ghetto en asservissant des individus à qui l’on refuse un statut permanent – les travailleurs immigrants turcs. Ce tableau canonique soulèverait ainsi, pour l’artiste, le problème de l’identification à l’art et la relation du public aux collections muséales. Au musée, l’individu peut s’identifier à la collection, se l’approprier, au contraire de la collection privée. Déotte, dans Oubliez ! Les ruines, l’Europe, le musée, un ouvrage consacré essentiellement à la relation entre le musée, le pouvoir et la nation introduit à la pensée de l’historien de l’art et conservateur Roland Recht, qui résumait ainsi le projet de Musée royal pour Berlin de Wilhelm von Humboldt : « La vision du pouvoir est une vision de l’histoire. Et le musée en tant qu’il est un système de représentation, appartient à cette idéologie du pouvoir au premier chef, il constitue l’espace historique où le public le plus large peut accéder aux images dans lesquelles ce pouvoir se reconnaît et sur lesquelles il fonde sa légitimité culturelle »[21].
Ce processus d’identification n’est pas aussi simple pour les travailleurs immigrants turcs à qui l’on refuse l’identité officielle allemande. N’ayant pas le même statut identitaire et légal, on ne peut leur reconnaître le même statut culturel. C’est pourquoi le passage par l’appartement des travailleurs turcs apparaît-il comme capital dans l’enregistrement. Alors que Laysiepen a porté l’attention du spectateur durant les premières vingt minutes de la performance sur le mobilier urbain et la ville, les cinq dernières minutes du film présentent brièvement la famille d’immigrants turcs ainsi que la nouvelle salle d’exposition pour Der armer Poet. Face à l’impossibilité de s’identifier pour des immigrants à travers une représentation picturale iconique allemande, Laysiepen leur permet de réintégrer la « surface d’exposition », passant par l’image vidéo, rappelant les propos de Walter Benjamin sur l’émancipation par le cinéma dans L’oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique.
Dans une vue d’ensemble, Berlin, en tant que paysage culturel urbain, est tout autant au centre de la performance et du discours de l’artiste. Par choix de montage, l’absence physique de l’artiste pendant les deux tiers de la vidéo se réalise au profit du déploiement de la ville dans toute sa singularité ; Berlin est alors, en 1976, traversée par les tensions la guerre froide en plus d’être au coeur d’enjeux stratégiques et politiques mondiaux. Le performateur, comme nous l’avons vu précédemment, a insisté sur le contexte de réalisation de l’oeuvre immédiate, passant à travers la ville. Selon lui, Berlin n’était pas une ville épanouie, mais bien plutôt une ville cloisonnée, emmurée et asphyxiée. Dans cette construction urbaine, dont l’architecture actuelle témoigne encore des multiples sévices qu’elle a subis au cours de la Seconde Guerre mondiale (qu’ils soient des sévices visibles ou invisibles, bâtiments protégés ou d’anciens édifices nazis qui brillent par leur absence, comme histoire souterraine ou refoulée) toutes les choses ont leur place assignée, le réel est prédéterminé. Au musée, personne, sauf Laysiepen, n’interviendra pour souligner l’évident problème de classification du tableau de Spitzweg.
Dans ces conditions, l’artiste effectue un passage forcé et quasi-prophétique : quand le tableau sort du musée, quand les pratiques sont bouleversées par de nouveaux médiums, et que ces médiums ne mettent plus en scène l’artiste au centre de son cadre (et de ses préoccupations), alors assistons-nous au passage de la modernité vers une nouvelle temporalité et à l’ouverture de nouvelles possibilités. « Si aujourd’hui, le rapport esthétique à ce passé est contaminé par la tendance réactionnaire avec laquelle il pactise, la conscience esthétique ponctuelle qui balaie la dimension du passé comme déchet est, elle aussi, inacceptable. Sans souvenir historique, le beau n’existerait pas. Le passé, comme le paysage culturel, ne peut échoir, sans culpabilité, qu’à une humanité libérée, et même débarrassée de tout nationalisme »[22]. C’est devant pareil impératif d’Adorno qu’apparaît se dresser Laysiepen. Si les institutions ne peuvent comprendre l’intervention ni lui rendre justice, alors l’artiste, l’individu a pour devoir d’agir sur cet ordre pétrifié pour veiller à son amélioration dans le futur. Laysiepen, avec son intervention, opère une rupture dans la trame classique de pensée ; il invite à penser autrement l’ordre du paysage culturel et de la modernité. Ce choc serait-il par ailleurs responsable du fait que cette performance soit encore méconnue d’un public pourtant initié ?
Le musée demeure par ailleurs l’une des figures essentielles et référentielles majeures de la critique du paysage culturel et de la modernité. La trajectoire de l’artiste, dans son enlèvement du tableau, semble insister sur la mise en relation de trois lieux de passage traversés au cours de l’intervention : à chaque espace correspond une temporalité distincte (musée, ville, appartement). La critique sévère de la performance face au musée et à la société allemande trouvait comme symbole le tableau de Spitzweg. Plus précisément, son intervention dénonçait une vision saturée de la modernité : le passé glorifié et jamais questionné, auquel on ne saurait répondre que par la « dislocation ».
Autre temps : la trajectoire urbaine dans Berlin, à travers l’action immédiate et immédiatement captée par l’image vidéo, semble se situer quant à elle dans un futur indéfini et spéculatif. L’objectif de l’intervention est ainsi confirmé par Laysiepen : « my very purpose was to set something in motion then and for the times to come »[23]. À l’époque, l’artiste n’a pas énoncé d’intentions au sujet de la performance et continue aujourd’hui de limiter ses interventions la concernant, malgré la richesse de ses pistes interprétatives. Ce laconisme – digne de Samuel Beckett qui refusait catégoriquement de commenter ses oeuvres, affirmant qu’il ne détenait pas la vérité sur elles –, est par ailleurs sans aucun doute responsable de l’interprétation qu’en ont faite les médias de 1976, eux qui ont vu dans la figure de Laysiepen un Irrer (désaxé) et un Linksradikaler (extrémiste de gauche), plutôt qu’une incarnation convenue de l’artiste comme figure prométhéenne. Pour ces instances médiatiques, assumer et assurer, en effet, l’intervention sous l’appellation d’artiste, et parler de l’action comme d’une oeuvre d’art, aurait contribué à orienter la réflexion de l’intervention vers un objectif ou un but unique. Laysiepen n’a pas cette prétention que l’on pourrait qualifier de « moderne » : en s’effaçant constamment du cadre, il efface également cette figure centrale et sacro-sainte de l’artiste comme exprimant une « volonté ». Sa trajectoire est ouverte, indéterminée, elle témoigne de la volonté de recréer le lien social, et ce à travers l’art. L’image du tableau, en tant qu’objet du désir caché, se dévoile sous la forme d’une autre pratique : la performance, « mise en forme » à travers l’image médiatique, l’image vidéo, et ultimement l’image cinématographique, dans une définition élargie de la notion d’oeuvre.
Finalement, le présent, fermé sur lui-même, s’illustre surtout par l’appartement de la famille de travailleurs immigrants turcs. Que Laysiepen y termine son périple ne manifeste pas une volonté de réinvestir l’espace du privé, d’envisager l’art dans le domicile. Dans les circonstances historiques, il s’agit bien entendu d’une fin ironique : ce qui est le plus emmuré est porteur d’espoir. « C’est seulement à cause de ceux qui sont sans espoir que l’espoir nous est donné »[24], disait Benjamin, une maxime que Laysiepen a brillamment su mettre en image. Faisant brièvement écho au concept de paysage culturel, cette trajectoire insiste sur les milieux ordonnés, organisés en quartiers et ghettos. Les travailleurs invités, vivant dans Kreuzberg se trouvent eux-mêmes au sein d’un ghetto politique : Berlin en tant qu’enclave de l’ouest dans le bloc communiste. C’est pour l’artiste, au moment de la réalisation de l’intervention, une critique sévère de la résignation allemande, de la reproduction de schèmes de domination toujours imbriqués les uns dans les autres. En son sein, l’Allemagne de l’Ouest faisait face à de multiples tensions internes et à des actions réalisées par des factions terroristes faisant abstraction des enjeux d’un conflit global entre capitalisme et impérialisme, pour s’intéresser plutôt à des stratégies et à des localités.
4. Conclusion
Ainsi donc Laysiepen relève dans sa performance les limites de l’identification à la représentation picturale. Ces limites sont ici celles, légales, du musée : en s’emparant de l’oeuvre, qui fait partie de la collection, il s’attaque aussi à sa teneur symbolique et connotée. Mais, critiquer le système iconographique suppose de ne pas devenir symbole ou l’acteur d’une mise en scène. Pour s’attaquer à l’institution culturelle, il doit s’en prendre à une représentation qui est accréditée par un comité régulateur. Il est important de souligner la « violence » d’un système, soit l’encadrement de l’art, mais sans user de violence, d’où l’importance de ne pas briser la toile, mais de la relocaliser. C’est le transfert du lieu d’exposition qui permet d’engager le dialogue, ou, du moins, un discours réflexif ; c’est encore la pratique de l’intervention qui permet cette réflexion aussi importante sur la production d’image, sa conservation et sa valorisation. Le changement du médium, en tant que pratique exercée par des individus cause la rupture d’un système, d’un appareil, et dans le cas présent, du musée. La performance et l’art vidéo bousculent une représentation et une institution de la modernité et épuisent son aspect temporel : les nouvelles pratiques agissent ainsi parallèlement à la fois sur le paysage culturel, en insistant sur celui de Berlin, en même temps qu’elles se positionnent contre le paysage plus vaste des pratiques de la culture (visite, tourisme, marché).
Si la liberté et le progrès étaient deux valeurs fondatrices du projet de la modernité, en faisant le constat de leur échec (Seconde Guerre mondiale, nazisme, guerre froide, guerre du Viêt Nam, etc.), Laysiepen propose de remédier à ce projet en insistant sur la rencontre, enjeu central de sa performance, mais aussi projet pour une réflexion artistique constante et encore à venir. En déplaçant Der arme Poet, Laysiepen désacralise certes l’institution muséale tout en établissant une critique de la modernité ; il insiste aussi sur certains aspects qui sous-tendent ces systèmes, dont la propriété historique, invention typiquement humaine grevant ses aspirations démocratiques. Cette critique souligne par ailleurs le caractère cristallisé, dépassé et idéologique de la représentation muséale. S’il fut « d’actualité » à l’époque de sa création, le musée est à présent, dans le contexte socio-politique et culturel de Berlin en 1976, et lors de l’intervention de Laysiepen, débordé de toutes parts par l’histoire, et en rupture avec son mandat initial d’accessibilité.
Appendices
Notes
-
[1]
Ulay, « Action in 14 predetermined Sequences : There is a Criminal Touch to Art », Film vidéo de 30 minutes en noir et blanc, 1976 ; accédé le 10 mai 2012, http://www.ubu.com/film/ulay_action.html.
-
[2]
Frank Uwe Laysiepen, cité par Gavin Morrison et Fraser Stables, Lifting : Theft in Art (Northampton et Aix-en-Provence : Atopia Projects, 2009), 64.
-
[3]
Frank Uwe Laysiepen, cité par Morrison et Stables, ibidem, 60.
-
[4]
Anne-Marie Guez [trad.], Biedermeier : Art et culture dans l’empire austro-hongrois 1815-1848 (Milan : Skira, Paris : Seuil, 2001), 20.
-
[5]
Frank Uwe Laysiepen, cité par Morrison et Stables, Lifting : Theft in Art, 60.
-
[6]
Joachim Jäger, Neue Nationalgalerie Berlin (Ostfildern : Hatje Cantz Verlag, 2011), 11.
-
[7]
Ibidem, 12.
-
[8]
Joachim Jäger, Neue Nationalgalerie Berlin (Ostfildern : Hatje Cantz Verlag, 2011), 80.
-
[9]
Christos Joachimides, cité par Jäger, ibid., 73.
-
[10]
Gottfried Sello, cité par Jäger, ibid., 74.
-
[11]
Sophie-Isabelle Dufour, L’image vidéo d’Ovide à Bill Viola (Paris : Archibooks + Sauteau éditeurs, 2008), 141.
-
[12]
Ibidem, 102.
-
[13]
UNESCO – Centre du patrimoine mondial,« Centre du patrimoine mondial – Paysages Culturels », accédé le 10 mai 2012, whc.unesco.org/fr/PaysagesCulturels/.
-
[14]
Theodor W. Adorno, Théorie esthétique (Paris : Klincksieck, 2011 [1970]), 98-100.
-
[15]
Walter Benjamin, L’oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique (Paris : Allia, 2007 [1939]), 55.
-
[16]
Jean-Louis Déotte, L’époque des appareils (Paris : L’Harmattan, 2004), 49.
-
[17]
Jean-Louis Déotte, Oubliez ! Les ruines, l’Europe, le musée (Paris : L’Harmattan, 1994), 70.
-
[18]
Ibidem, 50.
-
[19]
Benjamin, L’oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, 56.
-
[20]
Hubert Damisch, L’amour m’expose : projet « Moves » (Paris : Yves Gevaert Éditeur, 2000), 75.
-
[21]
Roland Recht, cité par Déotte, Oubliez ! Les ruines, l’Europe, le musée, 71.
-
[22]
Adorno, Théorie esthétique, 100.
-
[23]
Frank Uwe Laysiepen, cité par Morrison et Stables, Lifting : Theft in Art, 64.
-
[24]
Walter Benjamin, Oeuvres. Vol. 1 (Paris : Denoël, 1971 [1921]), 260.