Selon l'article 1 de la convention de l'UNESCO de 1992 les paysages culturels représentent les « ouvrages combinés de la nature et de l'homme ». Ces ouvrages sont le résultat de l'action de l'homme dans l'espace physique, compte tenu des contraintes naturelles, sociales et culturelles. On peut distinguer trois catégories différentes : le paysage clairement défini, conçu et crée par l'homme ; le paysage évolutif, résultat d'exigences sociales, économiques ou religieuses en relation avec l'environnement naturel ; et finalement le paysage culturel associatif qui fait partie de la liste du patrimoine mondial « par la force d'association des phénomènes religieux, artistiques ou culturels de l'élément naturel ». Dans cet article je me pencherai surtout sur le paysage culturel associatif, lié directement au concept de patrimoine, en essayant de comprendre dans quelle mesure nous pouvons établir qu'une région spatiale et déterminée puisse représenter le rapport entre la nature et une culture spécifique. Selon mon hypothèse, la définition de paysage s'inscrit dans un idéal esthétique qui transforme un lieu réel en une projection du beau. En m'appuyant sur le cas spécifique de l'île de Lampedusa, où l'économie touristique souffre de la gestion répressive de l'immigration, je veux montrer qu'un lieu, pour devenir une destination touristique recherchée, est tenu à l'abri des exclus ou des misérables. Par conséquent, le lieu garde son statut par l'exclusion de ceux qui personnifient la face cachée du paysage. Les tensions entre le paysage réel et le paysage idéal nous poussent à repenser les politiques de conservation des lieux et de reconsidérer l'accessibilité des sites considérés comme un patrimoine de l'humanité. Le premier pas de mon analyse consiste en une petite déconstruction de l'expression « paysage culturel », car on parle de deux termes sur lesquels on débat depuis longtemps. Je commencerai par le terme « culture » qui m'interpelle particulièrement en tant qu'anthropologue. Souvent on dit que le concept de culture a eu une place importante dans l'histoire de l'anthropologie, au point d'adjectiver une branche de l'anthropologie en Amérique du nord, je parle évidemment de l'anthropologie culturelle. Certes, le concept a fait la fortune de la discipline, mais il ne faut pas oublier que la discipline a nourrit le concept à son tour avec des centaines de définitions. Les anthropologues Alfred L. Kroeber et Clyde Kluckhohn, par exemple, classifièrent environ trois cents définitions en 1952. La collaboration de l'anthropologie aux activités de l'UNESCO est assez remarquable, on voit son influence dans la définition de la culture par l'institution : « la culture peut aujourd'hui être considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances ». Cela nous rappelle une des définitions classiques de la culture, celle de l'anthropologue Edward Burnett Tylor : « Culture, or civilization, taken in its broad, ethnographic sense, is that complex whole which includes knowledge, belief, art, morals, law, custom, and any other capabilities and habits acquired by man as a member of society ». Les interventions de Claude Lévi-Strauss au sein de l'UNESCO ont été aussi une ressource importante pour l'orientation de l'organisme international. Environ trente ans après la publication de son oeuvre Race et histoire, fruit de sa participation à la Commission de l'UNESCO consacrée au problème du racisme, Lévi-Strauss écrit un deuxième ouvrage toujours pour l'UNESCO :Race et culture. Cette intervention provoqua plusieurs polémiques, car elle redonna vigueur à l'importance de l'enfermement pour préserver les spécificités d'une culture. Si …
Paysages d’exclusion, paysages exclusifsL’île de Lampedusa entre tourisme et immigration[Record]
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Lucio Castracani
Université de Montréal