La généralisation du phénomène urbain est entérinée, l’urbanisation des questions sociales est massive : c’est le socle d’un vaste ensemble de travaux de recherche qui enquêtent quant aux énigmes spatiales de la vie en société et qui se regroupent généralement sous la bannière urban studies ou études urbaines. La situation de la France est à cet égard singulière car les études urbaines y sont marginales. C’est cette situation singulière que nous avons voulu ici questionner. En effet, depuis près de dix ans, un double mouvement s’observe avec d’un côté l’affirmation d’un domaine d’études autour du phénomène urbain ‑ déjà établi comme urban studies dans le monde anglophone et d’un autre côté un retour de l’enjeu des périmètres disciplinaires ‑ observable à l’occasion des recrutements d’enseignants‑chercheurs par exemple, qui amène à atténuer la portée des tentatives de dépassement ou de reconnexion des frontières disciplinaires. Plusieurs réflexions sur le statut et l’acception des études urbaines peuvent être mentionnées, que ce soit aux États‑Unis ou en France. Ainsi, dans leur article intitulé « What is Urban Studies ? », William Bowen, Ronnie Dunn et David Kasdan (2010) s’interrogent sur la définition des études urbaines aux États‑Unis, rappelant que c’est un champ d’études qui ne semble pas correspondre aux critères d’une discipline traditionnelle. Quelques années plus tard, la revue Métropolitiques publie un dossier posant la question suivante : « Y‑a‑t‑il des Urban Studies à la française ? » (Collet et Simay, 2013). Des deux côtés de l’Atlantique, les études urbaines sont en effet marquées par un positionnement incertain au sein des sciences sociales ainsi qu’une définition aux contours flous. Si le degré d’institutionnalisation du domaine des études urbaines n’est pas étranger à la fragilité de son assise, le contexte dans lequel œuvrent les études urbaines joue également un rôle non négligeable, comme le souligne Christian Topalov : « Cette discipline n’a pas connu un processus d’accumulation de savoirs dans le cadre d’une institutionnalisation stable, mais plutôt une série discontinue d’émergences locales suivies d’éclipses. La définition de l’objet a changé souvent, parfois de façon radicale. La raison en est que chacune de ces définitions est liée à la configuration historique particulière du moment et du pays considérés ‑ malgré des épisodes d’internationalisation partielle » (2013, p.1). Toujours est‑il que la ville comme objet d’analyse et plus globalement l’espace des sociétés ne peuvent être confisqués par aucune discipline (Ramadier, 2004) et on gagne souvent à adjoindre aux domaines analytiques bien identifiés ceux qui sont d’abord expressifs et narratifs comme la littérature, le cinéma, la poésie et la musique. Plusieurs prix (« la ville à lire », « écrire la ville »…) mais aussi de nombreuses expositions thématiques témoignent de ce phénomène. Comment lire les connexions entre disciplines qui sont au cœur des études urbaines ? Certains privilégient la discipline depuis laquelle elles ont émergé (Huxley et McLoughin, 1985). Ce sont d’ailleurs souvent les mêmes disciplines qui reviennent, certains allant jusqu’à attribuer la paternité des études urbaines à une discipline spécifique. C’est ainsi que Jacques Brun (2008) considère que, en France, le géographe Pierre George, peut être considéré comme un précurseur en études urbaines. Un même constat est établi par Paul Mercier, concernant le contexte africain (1973). Pour d’autres, ce sont les travaux de l’École de Chicago qui ouvrent le champ des études urbaines (Legates, 2003, p. 13). Ces mêmes auteurs font parfois des liens avec l’évolution du paysage social et urbain et la naissance de certaines écoles de pensée (Frey et Zimmer, 2001; Kwok, 1983; Scherrer, 2010; Van Damme, 2005 ; Zukin, 1980 ; Gottdiener et Feagin, 1988). D’autres se focalisent plus spécifiquement sur le problème …
Appendices
Bibliographie
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