Recension

Harel, Simon, Laurent Lussier et Joël Thibert, 2015. Le Quartier des spectacles et le chantier de l’imaginaire montréalais, Québec : Presses de l’Université Laval[Record]

  • Guillaume Ethier

Premier ouvrage consacré entièrement au plus important projet d’urbanisme culturel à Montréal, Le Quartier des spectacles et le chantier de l’imaginaire se présente comme une vaste chambre d’écho où se mêlent les points de vue interdisciplinaires quant au rôle que peut – et devrait – jouer le design urbain dans la redéfinition identitaire d’un secteur de ville. C’est d’ailleurs en vertu de cet assemblage hétéroclite que le livre est à l’image du Quartier des spectacles. Comme l’entendent en effet une bonne partie de ses auteur-e-s, tout projet urbain d’une telle envergure (secteur d’intervention de 1 km carré) ne peut être pensé comme un objet fini, exempt de toutes les aspérités et lignes de tension qui, de lutte en lutte, le façonne. Ce qui vaut pour le Quartier des spectacles vaut aussi pour le livre, car c’est cette diversité de regards qui en constitue la principale réussite. Si le contenu des chapitres varie considérablement, et que ses auteur-e-s adoptent des trajectoires narratives fort différentes, ils nous exposent tous à une modalité différente de la rencontre entre le Quartier des spectacles et le territoire qu’il cherche à repositionner dans l’imaginaire urbain montréalais. Le Quartier des spectacles de Montréal est une initiative multidimensionnelle à placer dans la lignée des projets de régénération urbaine par la culture, un type de stratégie en vogue depuis les années 1980. S’inscrivant plus précisément à l’adresse du « place branding » (Kalandides, Kavaratzis, Lucarelli, & Olof Berg, 2011), c’est-à-dire s’appuyant sur la promotion de l’ADN d’un lieu, le Quartier des spectacles propose de prolonger l’histoire d’un secteur urbain bigarré, longtemps chef-lieu de la vie nocturne et interlope de Montréal, tombé en déclin dans les années 1960 et pilonné dès lors de vastes chantiers institutionnels (Place des Arts, Complexe Desjardins, etc.). Or, voilà qu’au détour des années1980, plusieurs festivals montréalais, qui incarnent aujourd’hui l’identité « festive » de la ville, s’installent dans les espaces interstitiels du Faubourg St-Laurent. À L’ore des années 2000, on cherchera ainsi à consolider la fonction spectaculaire de l’est du centre-ville par l’entremise d’un projet d’urbanisme, ledit « Quartier des spectacles », permettant de reconnecter les éléments disjoints du secteur et d’imposer au quartier cette ambiance festive qui était devenu sa marque distinctive. Depuis, plan lumière, pavés thématiques, places hybrides servant autant festivaliers et utilisateurs au quotidien, ainsi que l’ajout ou la rénovation de divers équipements culturels ont renforcé l’identité du secteur et promu les arts de la scène comme carte de visite de Montréal. Or, comme le signale Simon Harel, l’un des codirecteurs de l’ouvrage, ce traitement « horizontal » de l’espace urbain, oscillant entre table rase du passé et référencement à une époque révolue, continue de soulever diverses controverses – évoquées dans le livre – que le bruit de l’hyperfestivalité n’a pas été en mesure d’enterrer à ce jour. Le chapitre de Joël Thibert, placé en liminaire d’une série de réflexions sur la symbolique des lieux, nous signale d’emblée que l’entité « Quartier des spectacles » n’est pas une production anonyme sortie des cartons de quelque fonctionnaires obscurs, mais bien le fruit d’un travail collectif de conception qui passera de mains en mains au cours de sa jeune histoire. Proposé par l’ADISQ au Sommet de Montréal de 2001, le projet de destination culturelle autour de la Place des Arts sera négocié dès le départ, voire contesté par de nombreux acteurs institutionnels, de sorte que la désignation courante de Quartier des spectacles recouvre en fait plusieurs réalités. De sa mouture originale naitra en effet le Partenariat du Quartier des spectacles, l’entité responsable notamment de la communication de la marque du secteur, à ne pas …

Appendices