De l’exaltation à la métamorphose : les relations du sujet à la nature en littérature québécoise contemporaine

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Cover of De l’exaltation à la métamorphose : les relations du sujet à la nature en littérature québécoise contemporaine, Volume 53, Number 2, 2024, pp. 7-315, Études littéraires

Une nouvelle conscience des rapports qui unissent le sujet aux autres formes de vie émerge dans le sillage des mouvements écocritique ou écopoétique aux États-Unis dans les années 1970 (William Rueckert, Lawrence Buell, etc.) avant de se répandre en Europe (Pierre Schoentjes, Riccardo Barontini, Sara Buekens, Daniel Finch-Race, etc.) et au Canada (Greg Garrard, Stephanie Posthumus, Jonathan Hope, Élise Lepage, Julien Defraeye, Elspeth Tulloch, Jenny Kerber, etc.). La présence accrue de préoccupations pour l’environnement et le désir de dépasser l’anthropocentrisme poussent les auteurs contemporains à développer différentes modalités de représentation leur permettant d’exprimer des rapports sensibles aux altérités autres qu’humaines. De ce fait, ils explorent de nouvelles images pour traduire des relations qui entremêlent à la fois des connaissances sur les autres êtres ou éléments, et une prise de conscience des liens et des réseaux qui les réunissent. Dès lors, le sujet ne se situe plus seulement dans une relation de domination, de maîtrise ou d’observation de la nature perçue comme arrière-plan de ses actions : le sujet est à envisager dans un rapport de co-existence, souvent de co-dépendance avec ces altérités autres qu’humaines. Sa posture change, délaissant les schèmes verticaux de la domination pour ceux indiquant une expansion et une ouverture à la nature : extase, exaltation, désir de communion ou de fusion, voire de métamorphose. Le sujet découvre des analogies entre les différents règnes, métaphorise certains éléments, en personnifie ou en érotise d’autres. Plus encore, ce renouvellement des relations à la nature ancre solidement le sujet dans un espace ou un territoire concret et l’encourage à être attentif à des processus, des déplacements, des transformations qui s’inscrivent souvent dans la durée. Ces motifs déplacent les frontières entre l’humain et son environnement telles qu’elles ont été pensées dans les sociétés occidentales jusqu’ici. C’est à partir du constat de la prégnance de ces motifs dans la littérature québécoise et les littératures autochtones contemporaines que l’idée de ce dossier a pris forme. Jusque vers l’entre-deux-guerres, la relation à la nature se caractérisait par la proximité. La plupart du temps signe de labeur, elle s’imposait avec évidence au quotidien. Qu’il s’agisse de l’archétype du colon ou de l’agriculteur qui défriche puis cultive sa terre, ou du coureur des bois qui sillonne les pays d’en haut pour faciliter le commerce des fourrures ou le repérage de chantiers forestiers, dans la littérature du terroir qui prévalait jusqu’alors, la nature était principalement envisagée comme un ensemble de ressources dans lequel puiser. Par ailleurs, on l’associait aux difficultés du climat et des milieux qu’elle présentait (tourbières, forêts aussi denses qu’immenses, côtes escarpées, etc.). Il semble qu’il aura fallu attendre que la nature soit quelque peu mise à distance de la vie de tous les jours pour la majeure partie de la population pour qu’elle suscite un intérêt renouvelé : de nouvelles façons de penser les relations entre nature et subjectivité, de nouvelles images et dynamiques d’interaction apparaissent progressivement dans les dispositifs littéraires. La modernité de la littérature québécoise se manifeste quelque peu tardivement, autour notamment du motif de l’arrivée en ville. Si Bonheur d’occasion (1945) de Gabrielle Roy en est sans doute l’exemple paradigmatique, on remarque cependant que cette modernité du propos s’actualise dans des romans de facture réaliste au milieu du xxe siècle, et qu’assez vite ensuite, l’oeuvre de Roy s’oriente vers des représentations de la ruralité de son Manitoba natal, s’ancrant ainsi dans un territoire résolument nord-américain. À ce titre, Gabrielle Roy – contemporaine des premières préoccupations environnementales qui prennent forme autour des années 1960 – pourrait être considérée comme précurseure d’une nouvelle sensibilité environnementale, cette dernière s’attachant à dépeindre une nature vivante, …

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