Abstracts
Mots-clés :
- Exaltation,
- Métamorphose,
- Nature,
- Sujet,
- Érotisation,
- Fusion,
- Littérature québécoise contemporaine
Keywords:
- Exaltation,
- Metamorphosis,
- Nature,
- Subject,
- Erotization,
- Fusion,
- Contemporary Quebec Literature
Une nouvelle conscience des rapports qui unissent le sujet aux autres formes de vie émerge dans le sillage des mouvements écocritique ou écopoétique aux États-Unis dans les années 1970 (William Rueckert, Lawrence Buell, etc.) avant de se répandre en Europe (Pierre Schoentjes, Riccardo Barontini, Sara Buekens, Daniel Finch-Race, etc.) et au Canada (Greg Garrard, Stephanie Posthumus, Jonathan Hope, Élise Lepage, Julien Defraeye, Elspeth Tulloch, Jenny Kerber, etc.). La présence accrue de préoccupations pour l’environnement et le désir de dépasser l’anthropocentrisme poussent les auteurs contemporains à développer différentes modalités de représentation leur permettant d’exprimer des rapports sensibles aux altérités autres qu’humaines. De ce fait, ils explorent de nouvelles images pour traduire des relations qui entremêlent à la fois des connaissances sur les autres êtres ou éléments, et une prise de conscience des liens et des réseaux qui les réunissent. Dès lors, le sujet ne se situe plus seulement dans une relation de domination, de maîtrise ou d’observation de la nature perçue comme arrière-plan de ses actions : le sujet est à envisager dans un rapport de co-existence, souvent de co-dépendance avec ces altérités autres qu’humaines. Sa posture change, délaissant les schèmes verticaux de la domination pour ceux indiquant une expansion et une ouverture à la nature : extase, exaltation, désir de communion ou de fusion, voire de métamorphose. Le sujet découvre des analogies entre les différents règnes, métaphorise certains éléments, en personnifie ou en érotise d’autres. Plus encore, ce renouvellement des relations à la nature ancre solidement le sujet dans un espace ou un territoire concret et l’encourage à être attentif à des processus, des déplacements, des transformations qui s’inscrivent souvent dans la durée. Ces motifs déplacent les frontières entre l’humain et son environnement telles qu’elles ont été pensées dans les sociétés occidentales jusqu’ici. C’est à partir du constat de la prégnance de ces motifs dans la littérature québécoise et les littératures autochtones contemporaines que l’idée de ce dossier a pris forme. Jusque vers l’entre-deux-guerres, la relation à la nature se caractérisait par la proximité. La plupart du temps signe de labeur, elle s’imposait avec évidence au quotidien. Qu’il s’agisse de l’archétype du colon ou de l’agriculteur qui défriche puis cultive sa terre, ou du coureur des bois qui sillonne les pays d’en haut pour faciliter le commerce des fourrures ou le repérage de chantiers forestiers, dans la littérature du terroir qui prévalait jusqu’alors, la nature était principalement envisagée comme un ensemble de ressources dans lequel puiser. Par ailleurs, on l’associait aux difficultés du climat et des milieux qu’elle présentait (tourbières, forêts aussi denses qu’immenses, côtes escarpées, etc.). Il semble qu’il aura fallu attendre que la nature soit quelque peu mise à distance de la vie de tous les jours pour la majeure partie de la population pour qu’elle suscite un intérêt renouvelé : de nouvelles façons de penser les relations entre nature et subjectivité, de nouvelles images et dynamiques d’interaction apparaissent progressivement dans les dispositifs littéraires. La modernité de la littérature québécoise se manifeste quelque peu tardivement, autour notamment du motif de l’arrivée en ville. Si Bonheur d’occasion (1945) de Gabrielle Roy en est sans doute l’exemple paradigmatique, on remarque cependant que cette modernité du propos s’actualise dans des romans de facture réaliste au milieu du xxe siècle, et qu’assez vite ensuite, l’oeuvre de Roy s’oriente vers des représentations de la ruralité de son Manitoba natal, s’ancrant ainsi dans un territoire résolument nord-américain. À ce titre, Gabrielle Roy – contemporaine des premières préoccupations environnementales qui prennent forme autour des années 1960 – pourrait être considérée comme précurseure d’une nouvelle sensibilité environnementale, cette dernière s’attachant à dépeindre une nature vivante, …
Appendices
Références
- Abraham, David, The Spell of the Sensuous : Perception and Langage in a More-than-human World, New York, Vintage Books, 2017.
- Alaimo, Stacy et Susan J. Hekman (dir.), Material Feminism, Bloomington, Indiana University Press, 2008.
- Bachelard, Gaston, Poétique de l’espace, Paris, Presses universitaires de France, 1967.
- Bachelard, Gaston, L’Eau et les rêves. Essai sur l’imagination de la matière, Paris, José Corti, 1942.
- Barbeau-Lavalette, Anaïs, Femme fleuve, Montréal, Marchand de feuilles, 2022.
- Barbeau-Lavalette, Femme forêt, Montréal, Marchand de feuilles, 2021.
- Barontini, Riccardo et Pierre Schoentjes, « Quand l’écologie s’impose en littérature », Études, no 2 (2022), p. 95-104.
- Biron, Michel, François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge, Histoire de la littérature québécoise, Montréal, Boréal, 2007.
- Bouvet, Rachel et Kenneth White (dir.), Le Nouveau Territoire. L’exploration géopoétique de l’espace, Montréal, Université du Québec à Montréal, 2008.
- Bouvet, Rachel, Vers une approche géopoétique, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2015.
- Bradette, Marie-Ève, « Érotisation et décolonisation du corps et du langage dans le roman L’Amant du lac de Virginia Pésémapéo Bordeleau » [en ligne], Les Cahiers du CIÉRA, no 20 (2022), p. 50-60 [https://doi.org/10.7202/1092549ar].
- Buekens, Sara et Julien Defraeye (dir.), Animal et animalité : stratégies de représentation dans les littératures d’expression française, Paris, Classiques Garnier, 2022.
- Buekens, Sara, Émergence d’une littérature environnementale : Gary, Gascar, Gracq, Le Clézio, Trassard à la lumière de l’écopoétique, Genève, Droz, 2020.
- Buell, Lawrence, The Environmental Imagination : Thoreau, Nature Writing, and the Formation of American Culture, Cambridge, Harvard University Press, 1995.
- Burgart Goutal, Jeanne, Être écoféministe. Théories et pratiques, Paris, L’Échappée (Versus), 2020.
- Certeau, Michel de, L’Invention du quotidien. Tome 1. Arts de faire, nouvelle édition établie et présentée par Luce Giard, Paris, Gallimard (Folio Essais), 1990 [1980].
- Collot, Michel, Pour une géographie littéraire, Paris, José Corti, 2014.
- Collot, Michel, La Pensée-paysage, Paris, Actes Sud, 2011.
- Cousineau Mollen, Maya, Enfants du lichen, Wendake, Éditions Hannenorak, 2022.
- DeChamplain, Virginie, Avant de brûler, Chicoutimi, La Peuplade, 2024.
- Descola, Philippe, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard (NRF - Bibliothèque des sciences humaines), 2005.
- Descola, Philippe, « Par-delà la nature et la culture », Le Débat, no 114 (2001/2), p. 86-101.
- Desmeules, Anne-Marie, Nature morte au couteau, Montréal, Le Quartanier, 2021.
- Desrochers, Julien, « “Cette grâce entière, insaisissable et mystérieuse” : formes et enjeux de l’éco-épiphanie dans trois romans québécois contemporains », Études littéraires, vol. 48, no 3 (2019), p. 51-65.
- Defraeye, Julien et Élise Lepage (dir.), dossier « Approches écopoétiques des littératures française et québécoise de l’extrême-contemporain », Études littéraires, vol. 48, no 3 (2019).
- Engélibert, Jean-Paul, Fabuler la fin du monde : la puissance critique des fictions d’apocalypse, Paris, La Découverte, 2019.
- Engélibert, Jean-Paul, Apocalypses sans royaume : politique des fictions de la fin du monde, xxe-xxie siècles, Paris, Classiques Garnier (Littérature, histoire, politique 7), 2013.
- Foessel, Michaël, Après la fin du monde : critique de la raison apocalyptique, Paris, Éditions du Seuil (L’Ordre philosophique), 2012.
- Frenette-Vallières, Andréane, Tu choisiras les montagnes, Montréal, Le Noroît (Chemins de traverse), 2022.
- Frenette-Vallières, Andréane, Sestrales, Montréal, Le Noroît, 2020.
- Frenette-Vallières, Andréane, Juillet, le Nord, Montréal, Le Noroît (Initiale), 2019.
- Gagné, Mireille, Frappabord, Chicoutimi, La Peuplade, 2024.
- Gagné, Mireille, Bois de fer, Saguenay, La Peuplade, 2022.
- Gagné, Mireille, Le Lièvre d’Amérique, Chicoutimi, La Peuplade, 2020.
- Garrard, Greg, Ecocriticism, London, Taylor & Francis, 2004.
- Gervais, Bertrand, L’Imaginaire de la fin : temps, mots et signes. Logiques de l’imaginaire. Tome III, Montréal, Le Quartanier (Erres essais), 2009.
- Guay-Poliquin, Christian, Les Ombres filantes, Chicoutimi, La Peuplade, 2021.
- Guay-Poliquin, Christian, Le Poids de la neige, Chicoutimi, La Peuplade, 2016.
- Guay-Poliquin, Christian, Le Fil des kilomètres, Chicoutimi, La Peuplade, 2013.
- Guéricolas Gagné, Alice, « D’eau et de mémoire : la Maison de la culture innue d’Ekuanitshit » [en ligne], Gazette des femmes. Arts et culture, 2 août 2022 [https://gazettedesfemmes.ca/22221/deau-et-de-memoire-la-maison-de-la-culture-innue-dekuanitshit/].
- Hamelin, Louis, Betsi Larousse ou l’ineffable eccéité de la loutre, Montréal, XYZ (Romanichels plus), 2003 [1994].
- Hope, Jonathan, « Faire une littérature environnementale. Le pragmatisme à l’essai », Épistémocritique, no 21, (2023).
- Hope, Jonathan, « “All this universe is perfused with signs”. The nostalgia of sentient others, (bio)semiosis and SF », Green letters, Studies in ecocriticism, vol. 24 no 3, (2020), p. 291-305.
- Jung, Delphine, « Ma fille porte tout un peuple » [en ligne], Radio-Canada. Espaces autochtones, 22 septembre 2022 [https://ici.radio-canada.ca/espaces-autochtones/1917265/elections-provinciales-quebec-solidaire-uapukun-innu-duplessis].
- Kerber, Jenny and Cheryl Lousley, « Literary Responses to Indigenous Climate Justice and the Canadian Settler-State », dans Adeline Johns-Putra et Kelly Sultzbach (dir.), The Cambridge Companion to Literature and Climate, Cambridge, Cambridge University Press, 2022, p. 269-279.
- Kerber, Jenny, « Nature Trafficking : Writing and Environment in the Western Canada-US Borderlands », dans Ella Soper and Nichoas Bradley (dir.), Greening the Maple : Canadian Ecocriticism in Context, Calgary, University of Calgary Press, 2013, p. 199-226.
- Lachance, Micheline, « Le biologiste du roman » [en ligne], L’Actualité, 15 novembre 1996 [https://lactualite.com/culture/le-biologiste-du-roman/].
- Lalonde, Robert, Le Monde sur le flanc de la truite, Montréal, Boréal (Compact), 1999.
- Lalonde, Robert, Le Petit Aigle à tête blanche, Montréal, Boréal, 1994.
- Lalonde, Robert, Sept Lacs plus au nord, Montréal, Boréal, 1994.
- Larrère, Catherine, L’Écoféminisme, Paris, La Découverte, 2023.
- Lepage, Élise, Géographie des confins. Espace et écriture chez Pierre Morency, Pierre Nepveu et Louis Hamelin, Ottawa, Éditions David, 2016.
- Lepage, Élise, « Le devenir paysager. De quelques paysages postindustriels entre arts visuels et poésie », Journal of Canadian Studies / Revue d’études canadiennes, vol. 49, no 2, (2015), p. 106-132.
- Létourneau, Jean-François, « L’enseignement de la littérature autochtone », Littoral, no 10 (2015), p. 53-57.
- Melançon, Benoît, « Fortune de la tchén’ssâ » [en ligne], L’Oreille tendue [blogue], 18 juillet 2012 [https://oreilletendue.com/2012/05/19/histoire-de-la-litterature-quebecoise-contemporaine-101/].
- Merleau-Ponty, Maurice, L’Oeil et l’esprit, Paris, Gallimard, 1964.
- Mestokosho, Rita, Atiku Utei. Le Coeur du caribou, Montréal, Mémoire d’encrier, 2022.
- Morency, Pierre, La Vie entière. Histoires naturelles du Nouveau Monde, tome III, Montréal, Boréal, 1996.
- Morency, Pierre, Lumière des oiseaux. Histoires naturelles du Nouveau Monde, tome II, Montréal, Boréal, 1992.
- Morency, Pierre, L’ Oeil américain. Histoires naturelles du Nouveau Monde, tome I, 1989.
- Nelson, Melissa K., « Getting dirty. The Eco-Erotisicm of Women in Indigenous Oral Literatures », dans Joanne Barker (dir.), Critically Sovereign Indigenous Gender, Sexuality, and Feminist Studies, Durham, Duke University Press, 2017, p. 229-260.
- Papillon, Joëlle, « Bleuets et abricots : la femme-territoire de Natasha Kanapé-Fontaine », Études littéraires, vol. 48, no 3 (2019), p. 79-95.
- Patsauq, Markoosie, Chasseur au harpon, Montréal, Boréal, 2022 [1969].
- Plumwood, Val, « Ecofeminism : An overview and discussion of positions and arguments », Australasian Journal of Philosophy, vol. 64 (1986), p. 120-138.
- Pomerleau-Cloutier, Noémie, La Patience du lichen, Chicoutimi, La Peuplade, 2021.
- Pomerleau-Cloutier, Noémie, Brasser le varech, Chicoutimi, La Peuplade, 2017.
- Posthumus, Stephanie, French « Ecocritique » : Reading Contemporary French Theory and Fiction Ecologically, Toronto, University of Toronto Press, 2018.
- Psésmapéo Bordeleau, Virginia, L’Amant du lac, Montréal, Mémoire d’encrier, 2012.
- Rodriguez, Antonio, Le Paysage originel, Paris, Hermann, 2022.
- Roy, Gabrielle, La Montagne secrète, Montréal, Boréal, 2011 [1961].
- Roy, Gabrielle, La Route d’Altamont, Montréal, Boréal, 1993 [1966].
- Roy, Gabrielle, La Rivière sans repos, Ottawa, Beauchemin, 1970.
- Roy, Gabrielle, Cet été qui chantait : récits, Montréal, Boréal, 1993 [1972].
- Roy, Gabrielle, Le Temps qui m’a manqué, Montréal, Boréal (Les Cahiers Gabrielle Roy), 1997.
- Rueckert, William, « Literature and Ecology : An Experiment of Ecocriticism », Iowa Review, vol. 9, no 1 (1978), p. 71-86.
- Saucier, Jocelyne, Il pleuvait des oiseaux, Montréal, XYZ (Romanichels), 2011.
- Savard, Rémi, La Forêt vive. Récits fondateurs du peuple innu, Montréal, Boréal, 2004.
- Schoentjes, Pierre, Ce qui a lieu. Essai d’écopoétique, Marseille, Éditions Wildproject, 2018.
- Simon, Anne, Une Bête entre les lignes. Essai de zoopoétique, Paris, Wildproject, 2021.
- Simon, Anne, « Qu’est-ce que la zoopoétique », Sens-dessous, vol. 2, no 16 (2015), p. 115-124.
- Simon, Anne et André Benhaïm (dir.), « Zoopoétique : les animaux en littérature de langue française » [Princeton University, 16-18 octobre 2014], Revue des Sciences humaines, no 238 (2017).
- Starhawk, Webs of power. Notes from the Global Uprising, Gabriola Island, New Society Publishers, 2002.
- Soja, Edward W., Postmodern Geographies : The reassertion of Space in Critical Social Theory, Londres, Verso, 1989.
- Sullivan, Marnie M., « Shifting Subjects and Marginal Worlds : Revealing the Radical in Rachel Carson’s Three Sea Books », dans Douglas A. Vakoch (dir.), Feminist ecocriticism : environment, women, and literature, Lanham, Md. : Lexington Books, 2012, p. 77-91.
- Tremblay, Emmanuelle, « Une identité frontalière. Altérité et désir métis chez Robert Lalonde et Louis Hamelin » [en ligne], Études françaises, vol. 41, no 1 (2005), p. 107-124. [https://doi.org/10.7202/010849ar].
- Tremblay, Lise, La Héronnière, Montréal, Léméac, 2003.
- Tulloch, Elspeth, « Husbandry, Agriculture, and Ecocide : Reading Bessie Head’s When Rain Clouds Gather as a Postcolonial Georgic », European Journal of English Studies, vol. 16, no 2 (2012), p. 137-150.
- Vadnais, Christiane, Faunes, Montréal, Alto, 2018.
- Villeneuve, Mathieu, Borealium Tremens, Chicoutimi, La Peuplade, 2017.
- Vincent, Sylvie, « Le projet de la rivière Romaine vu et rapporté par la presse écrite », Recherches amérindiennes au Québec, vol. 28, no 2 (2008), p. 148-152.
- Voyer, Marie-Hélène, Mouron des champs, Chicoutimi, La Peuplade, 2022.
- Voyer, Marie-Hélène, Expo Habitat, Chicoutimi, La Peuplade, 2018.
- Warren, Karen, « The power and the promise of ecological feminism », Environment Ethics, no 12, p. 125-146.
- White, Kenneth, La Figure du dehors, Marseille, Le Mot et le reste, 2014.
- White, Kenneth, La Route bleue, Marseille, Le Mot et le reste, 2012.
- White, Kenneth, Le Plateau de l’albatros : introduction à la géopoétique, Paris, Grasset, 1994.
- Willis, Janes, Geniesch : an Indian Girlhood, Toronto, The New Press, 1973.