Abstracts
Résumé
Rares sont les textes dans lesquels Maurice Blanchot s’interroge explicitement sur l’idée qu’il se fait de sa propre pratique de critique littéraire. Lorsqu’en 1959, dans un texte dédié à la critique littéraire, il se demande « Qu’en est-il de la critique ? », on a donc là un indice du fait que l’auteur de cette question a déjà cessé de croire que nous vivons à « l’âge de la critique » (Emmanuel Kant). Et pourtant, comme le montre son bref essai en une lecture pertinente, il est toujours possible de parler de critique, même si une telle critique remet inexorablement en jeu la conception traditionnelle de la critique et de la critique littéraire en s’éloignant apparemment des fondements sur lesquels la philosophie kantienne des Lumières avait bâti sa pensée critique. En recourant à Heidegger et à Foucault, on parvient dans cet article à concrétiser la question blanchotienne du néant de la critique, véritablement ontologique, comme l’art de n’être pas gouverné à un tel point par telle ou telle vérité, signification ou pouvoir. Tant la littérature que la critique seraient ainsi des stratégies de désassujettissement dans le jeu des significations et des effets de pouvoir, et la tâche de la critique littéraire, en particulier, serait dès lors de préparer le bonheur de la lecture, ainsi délesté et libéré.
Mots-clés :
- Critique,
- Critique de la littérature,
- Théorie de la littérature,
- Critique des Lumières,
- Kant-Heidegger,
- Blanchot,
- Foucault,
- Qu’est-ce que « la littérature »,
- Poésie et Pensée
Abstract
Writings in which Maurice Blanchot explicitly questions his own idea of the practice of literary criticism are rare. When in 1959, in a piece dedicated to literary criticism, he asks “What about criticism ?”, we understand that the author of this question has already stopped believing that we live in the “age of criticism” (Immanuel Kant). And yet, as his short essay shows in a relevant reading, it is still possible to talk about criticism, even if such criticism inexorably challenges the traditional conception of criticism and literary criticism by seemingly moving away from the foundations on which Kantian Enlightenment philosophy built its critical thinking. This article draws on Heidegger and Foucault to concretizes the Blanchiotian question, truly ontological, of the nothingness of criticism as the art of not being governed to such and such a degree by this or that truth, meaning, or power. It follows that both literature and criticism may be strategies of desubjugation in the set of meanings and effects of power, and the task of literary criticism, notably, would be to prepare the joy of reading, thus unburdened and liberated.
Keywords:
- Criticism,
- Criticism of literature,
- Theory of literature,
- Criticism of the Enlightenment,
- Kant-Heidegger,
- Blanchot,
- Foucault,
- What is “literature”,
- Poetry and Thought
Appendices
Références
- Blanchot, Maurice, L’Entretien infini, Paris, Gallimard, 2012.
- Blanchot, Maurice, Faux pas, Paris, Gallimard, 2011.
- Blanchot, Maurice, « Préface », Lautréamont et Sade, Paris, Les Éditions de Minuit, 1963, p. 9-14.
- Blanchot, Maurice, « Qu’en est-il de la critique ? », Arguments, no 12-13 (1959), p. 34-37.
- Blanchot, Maurice, « Vaste comme la nuit », La Nouvelle Revue française, no 76 (1959), p. 684-695.
- Foucault, Michel, « Qu’est-ce que la critique ? », Bulletin de la Société française de philosophie, no 2 (1990), p. 35-63.
- Heidegger, Martin, Approche de Hölderlin [Erläuterungen zu Hölderlins Dichtung], traduit de l’allemand par Henry Corbin, Michel Deguy, François Fédier et Jean Launay, Paris, Gallimard, 1973 [1962].