Abstracts
Résumé
Cette étude porte sur la réécriture de « Hamlet » par Laforgue, dans ses Moralités légendaires. À partir d’une indication sur un « pavillon de Montevideo », aperçu par Laforgue à Hambourg, au retour du Danemark, nous situons sa fable dans le sillage de la critique d’Yves Bonnefoy, et notamment la notion de « readiness ». Nous proposons ensuite une relecture de la Moralité, où le personnage principal, avec les modifications que lui apporte Laforgue, représente au mieux une injonction à partir qui est vécue comme un retour aux origines, filiales notamment. Ainsi peut-on mieux comprendre le rôle de Montevideo dans l’oeuvre laforguienne : un lieu où on pourrait partir, maintenu à distance, comme horizon.
Abstract
This paper focuses on the rewriting of Hamlet by Laforgue, in his Moralités légendaires (Moral Tales). From an indication on a Montevideo flag, seen by Laforgue in Hamburg, as he was returning from Denmark, we place this tale in the wake of Yves Bonnefoy’s critique, and notably his notion of “readiness.” We then propose a reinterpretation of the Moralité, where the main character, as modified by Laforgue, represents, at best, an injunction to leave experienced as a return to the origins, in particular filial. Thus, we are able to better understand the role of Montevideo in the work of Laforgue : a place where we could go, kept at a distance, as a horizon.
Article body
Dans une lettre à Gustave Kahn, souvent citée lorsqu’il est question de « Hamlet ou les suites de la piété filiale », Jules Laforgue évoque succinctement « le pavillon de Montevideo », puis il le dessine en marge, dessin qu’on a perdu depuis. Laforgue, comme on sait, a quitté Montevideo en 1866, à l’âge de six ans, pour vivre d’abord à Tarbes, puis ensuite à Paris. Cette lettre, commencée le vendredi 1er janvier 1886, à Elseneur (Danemark), poursuivie à Copenhague, mais finalement envoyée de Berlin, raconte le pèlerinage hamletien de Laforgue, sur les traces du héros danois mis en scène par le Saxo Grammaticus, puis repris par Shakespeare. C’est ce périple qui le mènera, au printemps suivant, à redécouvrir la pièce et à revoir son conte. Voyage particulièrement ardu, sur une mer inhospitalière, dans une atmosphère de spleen où le poète symboliste peut facilement se transposer dans le personnage torturé de Shakespeare. Mais un voyage, aussi, tourbillonnant, où se multiplient les stimuli, à la frontière de plusieurs cultures, comme si Laforgue avait pu y retrouver une donnée fondamentale de tout son parcours : l’impulsion à partir, ce qu’Yves Bonnefoy appellera une certaine « readiness », une impatience de l’être qui pousse constamment vers l’avant. C’est du moins le type d’énergie qui m’apparaît clairement, là plus qu’ailleurs, dans cet extrait de la lettre à Kahn :
Entre temps [c’est-à-dire pendant la traversée en bateau entre Korsör et Kiel], comme disent les bons Belges, j’ai eu un beau jour d’artiste, de 10 h. du matin à 6 h. en mer, un temps d’orage avec des intermittences de rayons bas, des mouettes, la pluie, mer sans horizon – horrible, horrible, comme on dit à Elseneur (j’en viens, Messieurs !).
Puis deux bonnes journées de janvier à Hambourg – le port – l’arrivée d’un paquebot avec le pavillon de Montevideo (raies bleues sur blanc, et soleil d’or dans le coin), vécu dans le quartier des matelots, indigestion des fruits du Sud, bananes et [un mot illisible], intéressantes séries de caboulots, négresses, chanteuses norvégiennes et anglaises, tirs, kiosques où l’on se pèse, ménageries des îles, phénomènes, etc. (surtout et caetera)[1].
On est bien sûr frappé par l’escalade des impressions qui s’accumulent et qui se déplacent, par les points de vue qui se croisent, par la forte disproportion des « choses vues » à grande et à petite échelles. Mais un trouble encore plus grand nous saisit devant le conflit des pronoms et des sujets, sinon leur dissipation, au fil des phrases. Des trois sujets possibles au début du deuxième paragraphe, les « journées », le « port » et « l’arrivée », aucun ne semble devoir s’appliquer au participe passé « vécu », qui continuerait plutôt la proposition du paragraphe précédent : « [J]’ai eu un beau jour, j’ai vécu dans le quartier des matelots. » Et comme dans le paragraphe précédent, ce « je » laisse place à un « on », de telle sorte que le foyer de perception se dilue : « [J]’ai eu un bon jour… comme on dit, j’ai vécu… kiosques où l’on se pèse. »
Un trouble qui, à mon sens, n’est pas sans lien avec l’évocation du pavillon montévidéen, segment de phrase beaucoup plus élaboré que le reste et d’ailleurs complété par le dessin en marge. Quelque chose s’y devine, un drame peut-être, un repentir, un défaut de l’attention, un souhait, un désir ; quelque chose qui réclame qu’on y jette de la couleur, pour l’attester, comme on a attesté plus tôt des paroles d’Hamlet, sur la terre de ses origines, en redisant en français son « Oh, horrible, oh, horrible[2] ». Quelque chose fut laissé en plan dans ce croquis et demeurera dans cet état, sans pour autant disparaître complètement, en restant comme horizon, précisément. Laforgue était d’évidence attaché à découvrir les origines sous la représentation, puisqu’il fait le pèlerinage à Elseneur comme s’il s’agissait du vrai foyer d’Hamlet ; il note une expression des habitants dont Hamlet père, certainement, se souvient lorsqu’il parle ; et dans sa version du mythe, il conservera les noms danois de Saxo Grammaticus, source lointaine de Shakespeare[3]. Qu’il rencontre alors – dans un port allemand, dans ce pays où il réside depuis maintenant cinq ans sans pour autant oublier Paris, où il reviendra peu après –, qu’il croise de retour du Danemark un bateau montévidéen, ne peux que laisser songeur. Lui qui parlait si peu de ses origines uruguayennes, a-t-il entendu, comme Hamlet, le fantôme paternel lui rappeler ses devoirs filiaux ? Peut-on nous-même noter cette image et poursuivre la lecture, comme si elle n’avait qu’une fonction décorative ? Comme le dit Borges, que cite Lisa Block de Behar : « Omettre toujours un mot, avoir recours à des métaphores inadéquates et à des périphrases évidentes, est peut-être la façon la plus démonstrative de l’indiquer[4]. »
Nous tenterons d’éclairer ces questions en relisant le « Hamlet » de Laforgue à l’aide notamment de la critique qu’en offre Yves Bonnefoy, chez qui Laforgue apparaît avec la même fugacité, malgré une attention indéniable à son oeuvre. Bonnefoy, lui-même traducteur et grand lecteur d’Hamlet, comme de tout Shakespeare, et qui a donc avec son oeuvre un même désir de réactualisation, de réappropriation, de découverte et de critique que Laforgue ; et qui peut ainsi mieux cerner son fondement et son ambition, sa teneur et sa texture propre. Bonnefoy et Laforgue ont tous deux regardé Hamlet comme un être de transition et de stabilité tout aussi bien, quelqu’un qu’une voix appelle vers le passé pendant qu’une autre voix, contradictoire, l’attire vers l’avenir et ses espoirs peut-être heureux ou malheureux. Ils en font l’être d’une stupéfaction, d’un suspens et d’une impulsion. En Hamlet au bord de la décision lui-même, Laforgue regarde le pavillon montévidéen à Hambourg, prêt à repartir.
Le Laforgue de Bonnefoy
La position que tient Laforgue dans l’oeuvre critique de Bonnefoy est des plus particulières et tient lieu de ce type d’« omission » flagrante dont parle Borges. On connaît la prédilection de Bonnefoy, longtemps affirmée, pour les poètes modernes du XIXe siècle, Baudelaire, Rimbaud et Mallarmé. On connaît par ailleurs son attention constante à Shakespeare, dont il a passé sa vie à traduire les pièces. Ces deux voies dominent largement sa critique littéraire, au point de laisser dans l’ombre d’autres corpus peut-être plus attendus, comme la poésie et la littérature de son époque, la poésie étrangère, la critique d’art ou la littérature antique. Mais il reste encore un point aveugle dans ce portrait. Une seule fois, en effet, celui-ci s’est prononcé sur Jules Laforgue, pourtant lui aussi un poète important de la modernité ; un poète que son ami Borges considérait parmi les plus grands, et que les poètes anglais modernes, qu’il a lus avec beaucoup d’attention, ont élu parmi leurs pères. C’était alors pendant son cours de poétique au Collège de France, en l’année 1987-1988, un article qu’il aura remanié pour un collectif sur Laforgue, et encore récemment, dans un essai de 2014, intitulé de façon perspicace Le Siècle de Baudelaire – preuve que Laforgue, modestement, aura constitué pour Bonnefoy un problème crucial quoique largement dissimulé. Car cet article constamment remanié aura suivi Bonnefoy pendant près de trente ans, période pendant laquelle il traduira ou relira six des pièces de Shakespeare, en plus de ses sonnets. Mais au final, Laforgue est le seul auteur dont Bonnefoy a considéré avec attention la lecture shakespearienne. Le contraste avec Victor Hugo, dont je dirai un mot à la toute fin, est à ce titre frappant ; car à aucun moment Bonnefoy n’a considéré son William Shakespeare, pourtant majeur dans le siècle.
Or on doit encore considérer un autre aspect étonnant. C’est que Bonnefoy vient à Laforgue non par la voie des poèmes désillusionnés des Complaintes, non par son invention du vers libre, dans « L’hiver qui vient » notamment, ni non plus par ses traductions des Leaves of Grass de Whitman. C’est plutôt aux Moralités légendaires qu’il s’intéresse, et particulièrement à sa réécriture du mythe shakespearien par excellence, qui devient, chez Laforgue, « Hamlet ou les suites de la piété filiale ». Et c’est pour aussitôt surprendre encore, car Bonnefoy veut lire dans cette Moralité un récit pictural, où la « couleur » serait un personnage fondamental. Et son texte, malgré de profondes refontes, conservera toujours le même titre, qui est « [Jules] Laforgue : Hamlet et la couleur ».
Deux raisons au moins motivent qu’on s’intéresse aujourd’hui à cette trace laforguienne dans l’oeuvre critique de Bonnefoy. La première, c’est que pour une des rares fois, sa lecture du Hamlet laforguien l’oblige à jeter un regard historique sur l’ensemble du XIXe siècle. C’est pourquoi sa place dans le recueil Le Siècle de Baudelaire est justifiée : non tant parce qu’il y parle de Baudelaire, ce qu’il fait du reste mais brièvement, mais plutôt parce que Laforgue lui permet une vue surplombante sur le XIXe siècle, qui trouve en son centre Baudelaire (ce que nous savions déjà), mais aussi et peut-être surtout, Hamlet. La seconde raison est que Laforgue aurait aperçu, avec beaucoup plus de justesse qu’il n’y paraît, le drame shakespearien, ce que Paul Bourget déjà affirmait. Il est clair que, de tous les drames de Shakespeare, Hamlet est celui qui a le plus sollicité Bonnefoy ; des toutes premières traductions (c’est la deuxième pièce que Bonnefoy a traduite, après Jules César) jusqu’à l’essai récent, de 2015, intitulé joliment L’Hésitation d’Hamlet et la décision de Shakespeare. J’aimerais ici montrer que la question que pose la Moralité se situe au coeur de sa réflexion sur Hamlet et déborde le cadre de son article sur Laforgue. Et cette question que Bonnefoy retient nous mènera par la suite à reconsidérer la place qu’a occupée le pavillon montévidéen dans le périple laforguien, vers la patrie d’Hamlet.
Dans sa préface à l’édition chez Gallimard, combinée, de Hamlet et du Roi Lear, Bonnefoy note que le premier de ces drames trace, d’une limite qui passe en son coeur même, entre le père et le fils nommés Hamlet, la fracture entre l’ancien Moyen Âge et les temps modernes. Le père Hamlet, qui vient hanter son fils et le rappeler à son devoir, par ce « oh, horrible, most horrible » que j’ai cité plus haut, reste encore attaché à l’ordre ancien ; alors que l’hésitation du fils, ses multiples atermoiements, son doute et son ironie le montrent plus lucide, certes, mais aussi grevé de l’espoir qui rassurait son père encore. Bonnefoy affirme : « “Avant” – c’est quand une pensée du tout, de l’unité, et de celle-ci comme vie, comme présence, réglait tous les rapports qu’on pouvait entretenir avec les réalités particulières[5]. » Puis vient l’époque du fils Hamlet, une ère qui semble à Bonnefoy encore ouverte aujourd’hui :
Mais un jour vint où la technique et les sciences commencèrent à repérer, dans ce qui du coup devint objet, simplement, des caractères qui ne s’intégraient pas aux structures de sens traditionnelles. L’ordre se fragmenta, la terre des signes et des promesses se retrouva la nature, la vie matière, le rapport de la personne à soi une énigme, et le destin une solitude. C’est la faille que je disais, dont les tassements ultimes ne se sont pas encore produits[6].
Or il vaut la peine de citer un dernier extrait de cette préface écrite en 1978, soit plus de vingt ans après sa première traduction d’Hamlet. Bonnefoy se penche sur la « readiness » que met en oeuvre Hamlet et qui le prédispose à apprendre et à recevoir les multiples désillusions de ce monde. On y voit cheminer comme une approche de la moralité laforguienne, un aperçu des grincements du poète moderne :
Le nouveau rapport à soi du souverain sans royaume n’est pas une paix, un grand rire clair déchirant l’antique souci, il faut y reconnaître au contraire un affinement de la souffrance invaincue, sa réduction à une note suraiguë, presque inaudible et pourtant omniprésente, l’ironie, presque celle dont parlera Kierkegaard, qui n’est l’entrain ou le rire que pour les glacer de sa nostalgie.
Puis Bonnefoy ajoute aussitôt cette formule, qui rappelle bien plus Laforgue que Kierkegaard : « Non pas la libération mais le célibat de l’âme[7] […]. » Voilà le champ qui s’était ouvert dans Hamlet, où l’on découvre un héros qui hésite à être, qui ne croit plus aux discours qui ne sont que « words, words, words », et surtout, qui est incapable d’aimer Ophélie comme elle le mériterait, et qui pousse même l’ingratitude, toujours selon Bonnefoy, jusqu’à mépriser sa propre mère, et particulièrement tout ce qui, en elle, rappelle la femme féconde. Ce « célibat de l’âme » n’a bien sûr pas encore la note comique qu’elle aura chez Laforgue, il n’en reste pas moins que, comme morceau d’ironie, elle met à mal, déjà, tous les discours sérieux.
Or s’intéressant cette fois à Laforgue, quelque dix ans plus tard, Bonnefoy réactive ce modèle de la fracture historique, et campe clairement deux types de lecture du Hamlet shakespearien qui se seraient opposés au XIXe siècle, entre les romantiques et les modernes, ou « du romantisme à Mallarmé[8] », pour reprendre la formulation du cours au Collège de France. Plus tard il parlera d’Hamlet comme de cette « ambiguïté qui va diviser tout le siècle », ce « comédien[9] » ayant été interprété de deux façons différentes. Selon la première interprétation, Hamlet n’est pas « fou » mais plutôt « visionnaire », c’est le génie raillé qui cache ses visions. Mais selon la seconde, Hamlet est celui qui a oublié Ophélie, qui a tout sacrifié à l’idéal pour se perdre. Selon Bonnefoy, la première lecture traverse tout le siècle, elle fait l’aliment du romantisme, on la trouve encore dans l’Axël de Villiers de l’Isle-Adam et même chez Mallarmé, au moins dans ses premières oeuvres ; et surtout, dans les tableaux et dessins de Delacroix. La seconde lecture est pour sa part marginale, on la voit esquissée d’abord dans le poème « La Béatrice » de Baudelaire, lorsqu’il se compare furtivement à Hamlet[10], « ce bon vivant / Ce gueux, cet histrion en vacances, ce drôle[11] » ; puis, dans la moralité de Laforgue qui, seule dans tout le siècle, n’aurait pas succombé au « manteau d’encre » d’Hamlet. Bonnefoy rappelle à ce titre l’« Avertissement » des Fleurs de bonne volonté écrit par Laforgue à Elseneur, où il se montre très critique envers l’idéal littéraire :
Alors, j’ai fait d’la littérature
Mais le Démon de la Vérité
Sifflotait tout l’temps à mes côtés :
« Pauvre ! As-tu fini tes écritures ? »
Or, pas le coeur de se marier,
Étant, moi, au fond, trop méprisable[12] !
Ce mépris de la littérature, de la poésie qui n’est faite que pour entretenir les illusions, semble alors, selon Bonnefoy, bien loin « de la poétique orgueilleuse qui s’affirmait dans les Hamlet pourtant tragiques et parfois suicidaires de Delacroix, de Mallarmé, de Villiers[13] ». En cela Laforgue aurait suivi Baudelaire, en s’attachant « lui aussi dans la tragédie de Shakespeare à ce qui n’en semble que le subplot, l’action secondaire : la fascination sans bonheur que garde le prince près d’Ophélie[14] ». Surtout, Laforgue multipliera les dialogues dans son Hamlet, au contraire des romantiques qui l’ont choisi comme représentation du moi solitaire, et il retrouvera ainsi une valeur fondamentale chez Shakespeare, pour qui chaque personnage ne se définit que par les relations qu’il entretient avec ceux qui l’entourent : « En se tournant vers Laërte, en renouant ainsi avec Shakespeare de ce point de vue qui est essentiel, Laforgue accroît son refus du romantisme. Et même il conçoit une poétique tout autre[15]. »
Cette nouvelle poétique sera celle de la couleur, moins une volonté de représentation que d’attestation du monde tel qu’il est, sans désir de le dissimuler derrière une illusion insatisfaite. Et se découvre alors dans la Moralité ce que Bonnefoy nomme un « tableau », qui mettrait en scène un « pur “voir” » qui vient trancher l’hésitation à « être ou ne pas être », pour s’imposer dans son évidence comme une nouvelle vérité, par-delà les mensonges passés :
[Q]uand c’est la pure couleur, la forme brute, l’apparence nue de la chose qui prend le pas sur les mots, alors renaît, même sans espoir justifiable, l’évidence que nous sommes, que c’est là le fait d’origine qu’aucun doute ne peut défaire. Et s’affirme alors un savoir – serait-il réduit à cette pensée – qu’aucune critique du signifiant, aucune ironie de moderne n’a droit ni pouvoir de mettre en question[16].
Ce savoir positif – le récit de Laforgue le montre bien – ne peut être qu’une partie de l’équation, car si des éclaircies de couleur se font jour dans son conte, c’est que les auront préparées les mots de l’ironie qui, eux, accusent plus qu’ils n’éloignent le mensonge. C’est donc à une autre ambiguïté que nous enjoint l’Hamlet de Laforgue, une ambiguïté que Bonnefoy veut nommer précisément la « poésie », ou encore « le complexe d’Hamlet » :
Et je pourrais aussi bien – en souvenir de la difficulté de cette décision qu’il faut prendre, et de l’hésitation qui s’ensuit – la nommer le « complexe d’Hamlet », entendant par ce mot non la structure psychique qui contrôle et aliène une façon d’être mais le noeud qu’on n’en finit plus de défaire, et qu’en somme il faut donc trancher[17].
Pour lui, Laforgue aura montré « la frontière du signe et de ce qui reste au-dehors de lui », et « que la poésie ne naît pas des mots mais de l’excès sur leur sens de la présence des choses[18] ». Et c’est ainsi que Bonnefoy retrouve sa quête propre, paradoxalement dans ce récit en prose, en cette fin de siècle qui déclare une crise ouverte en poésie. Car pour qui entend renouveler toujours la poésie, les critiques qui lui sont adressées sont parfois plus instructives que la mise en oeuvre stérile des canons traditionnels. De ces deux Hamlet qui ont traversé le XIXe siècle, traçant en son coeur une fracture semblable à celle que Bonnefoy décelait entre le père et le fils Hamlet, il est clair que Bonnefoy, pour sa part, choisit le second : celui précisément que Laforgue aura mis en oeuvre, presque seul, avec Baudelaire mais brièvement dans son cas. Entre le Hamlet romantique et le Hamlet laforguien, Bonnefoy choisit le second, un Hamlet de la « présence », et le poursuit.
Mais si Laforgue trouve ainsi sa place parmi les grands modernes qui ont su renouveler la poésie, il faut voir si sa lecture de Shakespeare reste, elle aussi, présente dans l’esprit de Bonnefoy. Et c’est donc vers l’essai tout récent de Bonnefoy que je vais me tourner, pour confirmer que la découverte de Laforgue y est encore effective. Bonnefoy y donne libre cours à un intérêt qui s’est de plus en plus confirmé chez lui au fil des ans, pour les subplots chez Shakespeare, ceux-là mêmes qui intéressaient Laforgue, en se concentrant presque exclusivement sur Hamlet, depuis longtemps reconnu comme un noeud central chez le dramaturge anglais. Bonnefoy note en tout premier lieu ce qu’il nomme son « côté artiste », qui lui a fait perdre Ophélie « faute de savoir se garder de ce que son imagination faisait d’elle », ce qui, ajoute-t-il, avait tant séduit Delacroix ou Mallarmé[19]. Ainsi Hamlet est-il constamment voué à « l’introspection », ce qui représente son trait marquant selon Bonnefoy :
Cette crainte voue Hamlet à l’introspection, et c’est cette conscience de soi exacerbée, parfois l’horreur, parfois des velléités d’espérance, qu’il nous faut tenir pour le trait marquant de son caractère et l’explication de certains aspects de sa conduite, notamment son rapport au meurtrier de son père[20].
Et c’est ainsi qu’il en vient à considérer, comme l’a développé Laforgue, ce théâtre dans le théâtre où Hamlet se fait metteur en scène, versificateur, et même, pour un moment, acteur ; où Hamlet montre, en somme, son « côté artiste » devant toute l’assistance, au risque de paraître pour un temps sortir de son rôle propre. Et c’est alors, non pas au Meurtre de Gonzague que Bonnefoy s’attarde, qui sera joué le lendemain pour révéler le meurtre commis par Claudius, mais plutôt à La Mort de Priam, cette pièce qu’Hamlet a vu jadis, avec délice, et qu’il souhaite maintenant revoir. Et alors, pris à son propre jeu, c’est Hamlet lui-même qui se révèle l’auteur d’un crime lorsque, pris d’émotion devant le cri d’Hécube, il en vient à reconsidérer sa haine pour sa mère Gertrude, et plus globalement sa haine de la femme en général. Il découvre que la femme n’est pas prisonnière des représentations conceptuelles, celles qui selon Bonnefoy s’abstraient de la présence au monde et aux autres, il découvre le fait brut de la mort de Priam, sans artifice ni arguties :
[A]utrement dit une épiphanie de la finitude humaine, le surgissement de cet irréfutable réel dans l’espace des représentations, des simples figures. Et ce qui l’émeut le plus, aussitôt, c’est la douleur d’Hécube, d’une épouse, c’est cette preuve de l’amour d’un être pour un autre être[21].
Or Bonnefoy ne peut insister à ce point sur le théâtre dans le théâtre, qui brise les mensonges plus qu’il ne les entretient, sans considérer du même souffle que Shakespeare a voulu ainsi réécrire les pièces de son époque, se faisant, incidemment, pasticheur des travers de son temps. C’est ce qu’il rappelle un peu plus loin : « D’où suit qu’historiens et critiques tournent souvent leurs yeux aujourd’hui vers les auteurs contemporains de Shakespeare – ou un peu antérieurs à lui – pour trouver parmi eux celui ou ceux qu’il aurait voulu contrefaire[22]. » Même s’il ne donne pas entièrement crédit à ces hypothèses, Bonnefoy n’en considère pas moins l’ensemble des procédés de représentation, qui tournent tous autour d’Hamlet, tant le personnage que la pièce. C’est du moins ce que révélait Laforgue, lorsqu’il faisait de sa Moralité un pastiche de la pièce shakespearienne, reprenant ainsi, peu importe comment on l’interprète, une contrefaçon que le théâtre dans le théâtre implicite. Et se justifie aussi, par cette voie, que Laforgue fasse de Yorick, ce fou du roi dont le crâne provoque des pensées métaphysiques, un demi-frère d’Hamlet. Car le saltimbanque, aussi, a comme tâche de contrefaire les travers de son temps, de les caricaturer et ainsi les révéler à un second niveau. Nous savons comment Shakespeare manie l’humour dans ses pièces, comment il y fait se frotter les registres les plus variés, où la caricature se déplace, tantôt vers les agents de pouvoir, tantôt vers la naïveté de la jeunesse, tantôt dans l’hyper-intellectualisation ou la plus irréfléchie des témérités. C’est cela, pour une part, ce que Bonnefoy nomme « la décision de Shakespeare » et que Laforgue avait bien compris en son siècle.
C’est ainsi que Bonnefoy termine son article en reprenant une idée essentielle dans tous ses écrits sur Shakespeare, à savoir que celui-ci aurait mis en scène dans son théâtre la quête et la recherche d’une voix poétique. Je ne m’attarderai pas à cette question, qui est vaste et qui dépasse largement les études génériques, mais j’aimerais seulement noter une remarque apparemment incidente, mais qui pointe un fait central dans le récit de Laforgue :
Le cri d’Hécube enseigne à Shakespeare qu’il faut entendre ce que les mots, que la poésie ranime, pressentent ou même savent de l’être au monde fondamental ; et qu’il n’a donc pas à observer l’homme Hamlet comme on peut imaginer qu’il existe, à le situer dans la société qui l’environne et le détermine, à le laisser, en somme, se dire avec ce que le langage a d’éteint, de résigné : mais l’écarter, hardiment, décider de prendre sa place dans la réflexion sur l’existence et sur l’être, travailler sur ces situations de vie quotidienne que le dramaturge d’auparavant se contentait d’observer[23].
Si Laforgue n’est pas nommé ici, à ce point d’acmé où se concentrerait toute la quête de Shakespeare, quête « poétique » selon Bonnefoy, on ne manque pourtant pas d’y songer. Car qui mieux que Laforgue a su utiliser la poésie pour rendre les « situations de vie quotidienne », comme le dit ici Bonnefoy : de la monotonie de « L’hiver qui vient » aux multiples « Dimanches » répétitifs qui parsèment son oeuvre, de la « Complainte de la fin des journées » à la « Complainte du Temps et de sa commère l’Espace » ? Et ce sera précisément ainsi que commencera « Hamlet ou les suites de la piété filiale », en postant Hamlet dans sa tour au pied d’une « mer qui est à tous », en le faisant croupir « au bord d’une anse stagnante où le Sund s’arrange aussi pour envoyer moisir le moins clair de l’écume d’épave de ses quotidiens et impersonnels travaux » (OCII, p. 379). S’il existe un mentir-vrai typiquement shakespearien, Laforgue nous aide peut-être à voir qu’il présente aussi un rire-sérieux pas moins révélateur.
Laforgue et Hamlet
Or si fécond que soit ce dialogue entre Bonnefoy et Laforgue[24], il n’en laisse pas moins dans l’ombre des aspects importants, et qui touchent tant à l’oeuvre d’ensemble de Laforgue qu’à l’interprétation particulière de son Hamlet. On peut par exemple souligner la profonde imprégnation qu’a eue Hamlet sur la fin de la vie de Laforgue. Celui-ci termine l’écriture de sa Moralité à l’été 1885, soit quelques mois avant un voyage de quelques semaines au Danemark, sur les traces de son héros ; il se trouve à Elseneur le 1er janvier 1886, où il signe l’« Avertissement » qui ouvrira les Fleurs de bonne volonté, ainsi que le poème « Gare au bord de la mer ». Il composera également pendant ce voyage un essai devant accompagner sa Moralité, intitulé « À propos d’Hamlet », où il nomme lui-même certains héritiers de Shakespeare, soit son ami Paul Bourget et Rimbaud. Dans les quelques mois qui suivront, il rencontrera Leah Lee, qu’il mariera peu de temps avant de mourir, qui lui donne des cours particuliers d’anglais et avec qui il relit Hamlet. On en trouve une trace indéniable dans le recueil qu’il compose alors, les Fleurs de bonne volonté comptant pas moins de dix poèmes introduits par une épigraphe tirée d’Hamlet, sur les cinquante-six poèmes du recueil[25]. Toutes ces épigraphes sont en anglais, avec parfois des erreurs de transcription, et pointent généralement toutes vers la relation trouble et quelque peu misogyne qu’Hamlet entretient avec Ophélie, un aspect que la Moralité déjà soulignait et qui retiendra l’attention de Bonnefoy également, comme on l’a vu. Cette dernière sera publiée en novembre et décembre 1886, dans un des riches numéros de La Vogue. Comme dans la pièce originale, Laforgue y fait jouer une pièce dans la pièce, dirigée par Hamlet, où les comédiens ont à réciter des vers, parfois transformés, qu’on retrouvera dans divers poèmes des Fleurs de bonne volonté.
Les éditeurs des Moralités légendaires, dans l’édition critique de L’Âge d’Homme, notent que la plupart de celles-ci traitent de motifs peints par Gustave Moreau, dont un Hamlet de 1854. Ils notent également que Flaubert, qui fournit l’épigraphe du recueil, est un des modèles incontestés de la « Salomé » de Laforgue. On verra plus loin comment son « Saint-Julien l’Hospitalier » est également repris[26]. Sinon, par rapport au modèle proprement shakespearien, Laforgue fait subir au récit plusieurs transformations. Outre Yorick, dont j’ai déjà dit qu’il était ici le demi-frère d’Hamlet, certains des personnages principaux retrouvent chez Laforgue leurs noms danois, son père devenant Hoewendill, sa mère Gerutha, et Claudius, Fengo ; sans compter qu’une comédienne se nomme Ophelia, mais doit emprunter rapidement son surnom, Kate, pour ne pas troubler la mémoire d’Hamlet. Son acolyte, lui, se nomme William. Laforgue fait précéder son récit d’un prologue de son cru, il fait mourir Polonius avant l’entrée des comédiens, hors du temps diégétique, tout comme Ophélie du reste. Mais surtout, le Hamlet de Laforgue est remarquable par sa violence gratuite et spontanée, qui tranche avec l’impossibilité d’agir du héros shakespearien.
Mais il y a plus, si on veut bien poursuivre plus avant la lecture de la Moralité dans sa texture propre. Quelques indices, même loufoques, nous montrent que la Moralité traite la matière shakespearienne comme un substrat déjà connu du lecteur[27]. Après une brève mise en situation du lieu de l’action, énoncée par un narrateur extradiégétique, le récit fait tout de suite un retour sur ce qui a été dit et évoque le caractère déjà connu d’Hamlet : « Voilà quel fut le point de départ de ses méditations et de ses aberrations » (OCII, p. 379). Cette phrase trace rigoureusement la ligne entre ce qui est connu et ce qui est inconnu, les « méditations » et « aberrations » d’Hamlet n’étant pas plus développées, parce que déjà connues, alors que « sa fenêtre préférée » avec ses « grêles vitres jaunes » qui ont beaucoup intéressé Bonnefoy n’étaient pas encore connues. La même technique servira au ton comique dans la phrase suivante, lorsque le narrateur mentionne le décès du père Hamlet et en parle comme de « l’irrégulier décès de son père », une mention qui sera répétée dans le conte et qui renvoie, un sourire en coin, aux circonstances troubles et déjà connues de la mort du père Hamlet.
Ces procédés, dès les premières lignes du conte, suggèrent que l’hypotexte de Laforgue n’est pas seulement la pièce shakespearienne mais peut-être davantage son squelette, ou ce qu’on appellerait le « mythe » d’Hamlet, celui qui est connu des lecteurs français du XIXe siècle. Et comme pour appuyer cette piste, Laforgue a inséré dans son conte diverses mentions qui pointent directement vers le XIXe siècle, même s’il souligne par ailleurs les marqueurs spatio-temporels de l’histoire originale, au Danemark « le 14 juillet 1601, un samedi », comme il le dit ironiquement. Ainsi son Hamlet « domestiqué par un temps et des milieux » et qui proclame que « […] tout est hérédité. Soyons médical et nature, et nous finirons par y voir clair » (OCII, p. 381-382), semble bien le fils du déterminisme de Taine. La méthode expérimentale de Bernard, mâtinée par l’inconscient de Hartmann, est aussi évoquée dans cette tirade lyrique :
Un héros ! Ou simplement vivre. Méthode, Méthode, que me veux-tu ? Tu sais bien que j’ai mangé du fruit de l’Inconscience. Tu sais bien que c’est moi qui apporte la loi nouvelle au fils de la Femme, et qui vais détrônant l’Impératif Catégorique et instaurant à sa place l’Impératif Climatérique !…
OCII, p. 381
On retrouve aussi une mention furtive du « Progrès » (OCII, p. 384), puis une reprise des discours sociaux de l’époque, lorsque Hamlet croise sur le chemin « des troupeaux de prolétaires, vieux, femmes et enfants, revenant des bagnes capitalistes quotidiens, voûtés sous leur sordide destinée » (OCII, p. 388). C’est à Polonius, qualifié de « philanthrope quelconque », qu’il fera dire peu après le mot de Guizot : « Enrichissez-vous ! » (OCII, p. 388).
Mais ces références, furtives et stéréotypées, n’affectent en rien le conte comme peut le faire l’épisode de la chasse, à mi-chemin, qui serait de pure invention s’il n’évoquait pas, de multiples manières, le conte de « La Légende de Saint-Julien l’Hospitalier » de Flaubert. Toute la cruauté du Hamlet laforguien provient de cet épisode, qui commence lorsque celui-ci, sans motivation, se jette sur un canari et le lance « à la tête (mais ceci par hasard) d’une petite fille qui est là » (OCII, p. 386), ce qui rappelle l’épisode, chez Flaubert, où Julien tire par mégarde sur sa mère, la manquant de justesse. Cet épisode est immédiatement suivi d’une analepse, qui nous montre Hamlet à la chasse, ivre de plaisir à provoquer la mort partout autour de lui, comme le Julien de la fable flaubertienne. Laforgue mentionne alors que le personnage est sous l’emprise du « Démon de la Réalité », pris de remords, comme s’il pressentait le drame oedipien que cette soif de violence suggère :
Il rentra à pas de loup, courut s’enfermer dans sa tour, sans lumière, barbotant halluciné dans un grouillement clignotant d’yeux crevés, d’yeux crevés barbouillés d’inessuyables larmes, puis se blottit tout habillé sous ses couvertures, cuisant de sueurs froides, pleurant de l’élixir des larmes, songeant presque à s’assassiner, ou du moins à se balafrer, en expiation ; sentant bien dans son coeur, son coeur d’or submergé à jamais dans cette mare de pauvres yeux crevés immortellement pensifs.
OCII, p. 387
Ces yeux de la conscience rappellent les « yeux flamboyants, solennel[s] comme un patriarche et comme un justicier » du cerf de la légende flaubertienne, tout comme les multiples yeux d’animaux qui peuplent sa forêt. Cet épisode nous montre un Hamlet beaucoup plus porté à l’action que l’original, mais nous montre également comment l’action, en tant que telle, est liée à des pulsions fautives qui pallient des désirs refoulés.
Mais cet épisode, à n’en pas douter, dépasse largement les buts parodiques de la Moralité. S’il se souvient de Flaubert, c’est aussitôt pour en effacer ce qui gêne, pour transformer ces « yeux flamboyants » – comme un « patriarche », par des « yeux crevés », expressions inlassablement répétées et obsédantes. Si Hamlet songe alors à « s’assassiner » devant l’insupportable de cette vision, tranchant son hésitation du côté du « not to be », ce n’est qu’une parenthèse qui confirme plutôt sa « readiness », le fait qu’il est, lui aussi et comme le héros shakespearien, un personnage toujours sur le point de faire quelque chose d’autre, même ici, au climax de son parcours actif.
Or on ne peut manquer, à ce point, de noter un autre changement majeur apporté par Laforgue au récit shakespearien, de même qu’au mythe hamletien. Ce changement touche précisément l’alternative bien connue à laquelle Hamlet est confrontée, soit ce « to be or not to be » de l’acte 3, scène 1. Une première inflexion en est donnée lorsque Hamlet, feuilletant ses cahiers dans la chambre de son château, traduit en grec l’alternative shakespearienne par l’exclamation « Ô désir d’être ! ». Mais il oppose alors non l’existence à la mort, mais plutôt la réalité de ses souvenirs à la représentation artistique, celle qui aura le pouvoir d’annuler les souvenirs : souvenirs de son père, de sa mère et d’Ophélie, du pouvoir qui lui est destiné.
Mon sentiment premier était de me remettre l’horrible, horrible, horrible événement, pour m’exalter la piété filiale, me rendre la chose dans toute l’irrécusabilité du verbe artiste, faire crier son dernier cri au sang de mon père, me réchauffer le plat de la vengeance ! Et voilà (ω Ποθος του ειναι) ! je pris goût à l’oeuvre, moi ! J’oubliai peu à peu qu’il s’agissait de mon père assassiné, volé de ce qu’il lui restait à vivre dans ce monde précieux (pauvre homme, pauvre homme !), de ma mère prostituée (vision qui m’a saccagé la Femme et m’a poussé à faire mourir de honte et de détérioration la céleste Ophélie !), de mon trône enfin !
OCII, p. 382
Le choix ici proposé à la conscience d’Hamlet fait alterner la vie et le désir de jouer, au point que la pièce ne sert plus à démasquer le crime de Claudius-Fengo, mais vise plutôt Hamlet lui-même, pris en flagrant délit d’orgueil artistique, jusqu’à oublier les « suites » attendues de sa « piété filiale ». Interprétation qui, on le remarque, rejoint parfaitement les dernières lectures de Bonnefoy, et l’importance qu’il donne au cri d’Hécube, dans La Mort de Priam, plutôt qu’au Meurtre de Gonzague.
Or cette première alternative, qui déplace déjà les termes shakespeariens, sera elle-même remplacée un peu plus loin, dans une formulation du reste beaucoup plus proche de celle de la pièce originale. Ici, la vengeance et la représentation théâtrale sont prises d’un même mouvement, et laissent apparaître, inopinément, une troisième option, dont la justification peut étonner au premier regard :
– Ça y est. Le sieur Fengo va comprendre. À bon entendeur, salut ! Et je n’aurai plus qu’à agir, qu’à signer ! Agir ! Le tuer ! […] Il faut agir ! Il faut que je tue, ou que je m’évade d’ici ! Oh ! m’évader… O liberté ! liberté ! Aimer, vivre, rêver, être célèbre, loin ! Oh ! chère aurea mediocritas ! Oui, ce qui manque à Hamlet, c’est la liberté.
OCII, p. 385
Il est frappant de voir comment la critique a pu lire ce passage sous le seul angle de la parodie, des éditeurs de L’Âge d’Homme, pour qui la « médiocrité dorée » d’Horace est ici travestie, alors qu’elle rappelle presque littéralement les « quotidiens […] travaux » de la situation initiale ; et Michelle Hannoosh n’y voit qu’un être attaché à sa « future glory[28] », ce qui est pourtant loin d’être assuré. Cela nous éloigne du texte lui-même, pourtant bien assez surprenant déjà. Car si l’injonction à agir apparaît ici parfaitement décisive, en intégrant l’alternative entre la vie et l’art qui paralysait plus tôt le personnage, elle est aussitôt remplacée, dès qu’apparue, par l’injonction à fuir – qui aurait été, du reste, bien plus pertinente en conjonction : tuer et partir. Le souvenir du père, la piété filiale semblent rapidement oubliés. Et le plus surprenant est que le départ se présente comme si Hamlet était coupable de rester, comme si le départ permettait de répondre à un devoir, tellement il trouve à s’exprimer par des termes pleins et sans remords, comme la seule décision « positive » qui soit donnée à un homme. Pourtant, je le répète, cette option aurait tout résolu si elle était apparue après le meurtre de Claudius-Fengo plutôt qu’à sa place.
Quant à Polonius et Ophélie, Laforgue reprend le schème shakespearien, quoiqu’il le laisse intact en dehors de l’action. Ici comme là, nous avons, d’un côté, une apparence de meurtre qu’Hamlet sait n’être qu’accidentel (Polonius), de l’autre côté, une apparence d’innocence qu’Hamlet sait être plus coupable (Ophélie). Et tout comme chez Shakespeare, les motivations supérieures du meurtre de Claudius-Fengo risquent d’être mal comprises, de sorte qu’une fuite après le meurtre permettrait de conserver à l’injonction paternelle sa validité, sans remettre en cause la justice de l’homme. Et surtout, la fuite plutôt que le meurtre ne permet pas de satisfaire ni d’effacer le fantôme d’Hamlet père, qui est bien le seul personnage de la pièce qui n’est pas attaché à un lieu particulier. Quelle est donc cette « liberté » promise par une fuite hors de ces lieux ?
On ne l’entendra guère tant qu’on ne pourra pas supposer que cette fuite, ouvrant tout ensemble à « l’amour, la vie, le rêve, la célébrité et l’éloignement », permette de retrouver le père, que c’est par la fuite que le personnage pourra renouer avec son identité et faire honneur à son sang : il le dit peu après, il « ne peu[t] piétiner ainsi, anonyme ! » (OCII, p. 385) ; et partir lui semble « la plus hamlétique » de ses idées (OCII, p. 386). Tranquillement, en somme, « les suites » (au pluriel) qui peuvent être données à la « piété filiale » se précisent : si, dans un premier temps, et en restant au niveau et au plan de l’action shakespearienne, le Hamlet de Laforgue oppose l’action à l’inaction, le meurtre à l’amnistie, la représentation théâtrale l’empêchant de venger son père, dans un deuxième temps, une nouvelle alternative se présente, où les deux choix répondront, à leur façon, à l’injonction paternelle : tuer ou partir. Ce sont là, au sens propre, les deux « suites » à la piété filiale initiale, et c’est en cela précisément que la récriture de Laforgue change le canevas de base et lui apporte un nouvel éclairage ; de sorte qu’on peut entendre au moins doublement la phrase suivante : « Oui, ce qui manque à Hamlet, c’est la liberté » (OCII, p. 385). Ce « Hamlet » ne désigne pas seulement le personnage de la diégèse, mais aussi le personnage shakespearien, et le mythe qui s’ensuit : à ce Hamlet historique il manque l’option de la liberté, de celle que procure le départ physique, celle que promettent tous les paquebots et tous les pavillons de ce monde.
***
Hamlet, le personnage de l’hésitation, de l’indétermination ? Laforgue en fait plutôt un personnage qui, par mille stratagèmes, se tient toujours prêt à partir, toujours au départ, pour qui la fuite est une option constamment maintenue et ouverte. De la même façon, le narrateur s’avise, en fin de conte, et encore avec cette apparence de parodie, que Laërte « aurait plutôt mérité, [il] y songe, hélas ! trop tard, d’être le héros de cette narration » (OCII, p. 399). C’est toujours cette façon qu’a Laforgue de faire sentir que d’autres récits sont possibles, que peut-être ils auraient quelque chose d’essentiel à nous dire, et qu’en somme on doit s’aviser, se soucier de ce qui n’est jamais dit, comme de ces lieux où on n’ira jamais – tout ce que Bonnefoy, pour sa part, appellera « l’arrière-pays[29] ». C’est pourquoi Anne Holmes a choisi d’intituler le chapitre où elle parle d’Hamlet de ce vers si caractéristique du poème « Avertissement », le même poème que citait Bonnefoy (mais sans citer ce vers, pour sa part) : « Bonne girouette aux trent’-six saisons[30] » (OCII, p. 147). C’est pourquoi, encore, Alfons Knauth, que cite Lisa Block de Behar, parle à son propos de « poète hydraulique » et de son « herménautique[31] » ; ce que Behar traduit par la tentation constante des départs : « Après le départ de Montevideo, le départ de Tarbes, le départ de Paris, les départs successifs qui l’éloignent de tout enracinement, de tout lieu[32]. » Ce sont surtout les deux chapitres que Jean-Pierre Richard dédie à Laforgue, dans ses Pages paysages, chapitres qu’il vaudrait la peine d’associer – ce que Richard du reste esquisse brièvement –, et qui portent, l’un sur les Complaintes et le motif du « sang », qui charrie notamment le thème de la filiation, et l’autre sur un vers des « Préludes autobiographiques », marqué par ce désir de partir[33]. Dans ce vers tiré du poème liminaire des Complaintes, « Donc Je m’en vais flottant aux orgues sous-marins » (que Richard note « je », même s’il insiste sur la majuscule du pronom), le critique voit à l’oeuvre l’acte d’un performatif : « [S]’y prononce dans l’ordre du performatif (je m’en vais : je le dis et je le fais, je le fais par ce dire même) l’événement, ou la décision d’une cassure, événement qui serait aussi avènement[34]. » Évoquant ensuite la majuscule du pronom, Richard affirme que ce qui part réellement dans cet énoncé performatif est précisément le « Je » « magistral et majuscule », la « conscience de soi, maîtresse d’elle-même et reine de son monde[35] ». Ce Laforgue n’est plus tout à fait un personnage qui hésite, même si sa forte résolution a quelque chose d’ironique et de désespéré. Mais on peut aussi, il me semble, lire ce performatif dans l’optique de l’alternative que je soulignais plus tôt, entre l’action et l’oeuvre d’art, alternative où le départ se scinderait entre son effectuation réelle et sa transposition en art. Et du coup, dire « Je m’en vais » performativement, ou « le Je s’en va », remplacerait l’obligation de le faire réellement, deviendrait cette action même, du fait seul de son énonciation, et permettrait ainsi de le dire (de l’écrire, de le réciter) indéfiniment. Et à tout coup la parole garderait en suspens l’acte lui-même, garantirait plus précisément la suspension continue de l’acte lui-même, ce qui ferait de ce « Je m’en vais » un énoncé continuellement « flottant », la possibilité du dire garantissant l’impossibilité du faire, ceci tant que cela durera. Ce qui nous permet de rejoindre encore, mais plus étroitement il me semble, l’interprétation finale de Richard, qui souligne « Le Nom qui flotte » dans cet extrait. En effet, il remarque comment la finale du vers nous ramène aux questions de filiations, celles mêmes qui président à la symbolique du « sang » dans les Complaintes : « La plongée sous-marine renvoie la rêverie […] vers l’utopie, toute régressive, d’un corps maternel intérieurement réinvesti » ; « Et cet onirisme foetal a quelque chose à voir aussi bien sûr, mais d’une autre manière, avec la figure paternelle. […] Car notre vers […] nous donne à entendre un anagramme assez complet, bien que dispersé, du nom du père[36] […] ». Aspect régressif que nous pouvons entendre, pour notre part, comme la confirmation que la projection du départ a comme horizon, chez Laforgue, le retour au giron familial. Retour dont le « pavillon de Montevideo » est le prototype, lui qui ramène à l’origine des origines. Comme le rappelle Albert Sonnenfeld, toute l’esthétique de Laforgue peut se résumer par cet autre vers, cette fois tiré d’un des « Dimanches » des Fleurs de bonne volonté : « J’aurai passé ma vie à faillir m’embarquer[37]. » Et c’est pourquoi son Hamlet est celui qui regarde constamment la possibilité de partir, pour parachever le portrait d’un personnage indécis auquel il manquait cette donnée, qui n’avait encore connu la possibilité de la « Liberté ».
Bonnefoy n’a pas noté ces aspects du conte laforguien, qui lui auraient permis de creuser davantage le portrait d’un Hamlet parcourant tout le XIXe siècle. Le plus surprenant sera encore d’observer que Bonnefoy retrouve, au moins en partie, le Shakespeare romantique d’où il était parti, assez sommairement il est vrai. Il fait une brève mention de la traduction de François-Victor Hugo, encore courante aujourd’hui et, d’un certain point de vue, toujours en concurrence avec les traductions de Bonnefoy. Mais il ne dit absolument rien de son père, malgré de multiples mentions au romantisme. Or le titre de son tout dernier essai est pratiquement une citation de Victor Hugo qui, dans son William Shakespeare, avec son allant habituel, établissait que le monde n’avait connu que deux héros, Prométhée et Hamlet :
Deux Adams prodigieux, nous venons de le dire, c’est l’homme d’Eschyle, Prométhée, et l’homme de Shakespeare, Hamlet.
Prométhée, c’est l’action. Hamlet, c’est l’hésitation.
Dans Prométhée, l’obstacle est extérieur ; dans Hamlet il est intérieur[38].
Certes l’hésitation hugolienne n’est pas encore celle de Bonnefoy, elle se limite à l’espace du rêve dans ce que Hugo qualifie de « tragédie rêve[39] ». Mais on ne peut la mentionner avec des positionnements si différents sans songer à son potentiel de traductions, de commentaires, d’interprétations. Si Hamlet a tant fasciné les auteurs du XIXe siècle, de toutes allégeances esthétiques, n’est-ce pas précisément parce qu’étant celui qui hésite, il n’apparaît que comme une préfiguration qui appelle tout particulièrement les artistes, peintres et écrivains, à poursuivre son récit ? C’est à ce point que le « Hamlet » de Laforgue montre toute son originalité, qui ne fût possible que par son positionnement particulier face à ses origines. En établissant que le départ peut être un retour, et que ce retour aurait les attributs d’une reconnexion filiale, le Hamlet de Laforgue conquiert ainsi la liberté que n’ont pas les autres Hamlet, qui se tiennent tous face à un choix déchirant. Et il est temps, maintenant, de noter que Laforgue rencontre le pavillon montévidéen, au port d’Hambourg, à son retour d’Elseneur ; et qu’il revient ensuite à la lecture d’Hamlet, avec une meilleure connaissance de la langue originale, de même qu’à l’écriture de son propre conte. Et tout cela, dans la circonstance particulière de sa rencontre avec Leah Lee, qu’il mariera ; ce qui est bien, pour le paraphraser, « la plus laforguienne » de ses idées. Seul l’horizon de Montevideo lui offre cette possibilité, cette promesse d’un départ qui soit en même temps un retour. Et d’avoir trouvé cela, c’est suffisant pour lui donner toute la liberté dont il a besoin.
Il ne restait plus qu’à l’écrire, et Hamlet, mieux que quiconque, lui semble ce personnage qui peut partir.
Appendices
Note biographique
Nelson Charest est professeur de poésie moderne à l’Université d’Ottawa. Il a publié aux éditions Nota Bene un essai intitulé Vaisseau, le grand poème, un numéro de la revue Études littéraires portant sur Le Verset moderne ainsi que le collectif Genres littéraires et peinture. Il a en outre publié des études sur Pierre Morency, Pierre Perrault, James Sacré, Coleridge, Nelligan, Loranger, Verlaine et Mallarmé, notamment. Il prépare un ouvrage sur la brièveté en poésie. Il a aussi publié aux éditions Le Lézard amoureux un recueil intitulé Les Icônes démodées.
Notes
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[1]
Jules Laforgue, « À Gustave Kahn », Correspondance. Oeuvres complètes II, édition établie par Maryke de Courten et al., Lausanne, L’Âge d’Homme, 1995, p. 810. Les références subséquentes à cet ouvrage seront indiquées par le sigle OCII, directement dans le corps du texte.
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[2]
À la 5e scène de l’acte 1, le fantôme d’Hamlet père lance à son fils l’injonction qui règle toute l’action, par une expression, nous dit malicieusement Laforgue, encore usitée au Danemark à cette époque : « Oh, horrible, oh, horrible, most horrible ! / If thou hast nature in thee, bear it not. / Let not the royal bed of Denmark be / A couch for luxury and damnèd incest. »
-
[3]
On s’entend à considérer que Shakespeare s’est surtout servi d’une traduction française, largement enjolivée, de François de Belleforest, parue en 1570, et d’une pièce aujourd’hui disparue, l’Ur-Hamlet, possiblement composée par Thomas Kyd (1589 environ).
-
[4]
Jorge Luis Borges, « Le Jardin aux sentiers qui bifurquent », cité par Lisa Block de Behar, Jules Laforgue ou les métaphores du déplacement, traduction d’Albert Bensoussan, Paris, L’Harmattan (Espaces littéraires), 2004, p. 15.
-
[5]
Yves Bonnefoy, « Readiness, ripeness : Hamlet, Lear », dans William Shakespeare, Hamlet. Le Roi Lear, préface et traduction d’Yves Bonnefoy, Paris, Gallimard (Folio classique), 1978, p. 7.
-
[6]
Ibid., p. 8.
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[7]
Ibid., p. 16 ; je souligne.
-
[8]
Yves Bonnefoy, « Jules Laforgue : Hamlet et la couleur 1987-1988 », Lieux et destins de l’image. Un cours de poétique au Collège de France 1981-1993, Paris, Éditions du Seuil (La Librairie du XXIe siècle), 1999, p. 141.
-
[9]
Yves Bonnefoy, « Laforgue : Hamlet et la couleur », Le Siècle de Baudelaire, Paris, Éditions du Seuil (La Librairie du XXIe siècle), 2014, p. 167.
-
[10]
Anne Holmes conteste l’hypothèse de Bonnefoy, qui se demande si cette « Béatrice » ne serait pas une nouvelle Ophélie, en ces termes : « But “Béatrice” – the original title of two other poems by Baudelaire – is appropriate to Baudelaire as Ophelia would not have been. Beatrice has unparalleled heroic stature as an eternal female ideal. The frail, immature, Northern, rather than Mediterranean, figure of Ophelia, whose evocative force lies in her innocence rather than in her virtue, in her sexual inexperience rather than her spirituality, was discovered for the French by Laforgue » (Jules Laforgue and Poetic Innovation, Oxford, Clarendon Press, 1993, p. 61-62).
-
[11]
Charles Baudelaire, « La Béatrice », Oeuvres complètes I, édition établie par Claude Pichois, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1975, p. 117.
-
[12]
OCII, p. 147, cité par Yves Bonnefoy, Le Siècle de Baudelaire, op. cit., p. 175.
-
[13]
Id.
-
[14]
Ibid., p. 176.
-
[15]
Ibid., p. 178.
-
[16]
Ibid., p. 184-185.
-
[17]
Ibid., p. 186-187.
-
[18]
Ibid., p. 187.
-
[19]
Yves Bonnefoy, L’Hésitation d’Hamlet et la décision de Shakespeare, Paris, Éditions du Seuil (La Librairie du XXIe siècle), 2015, p. 18.
-
[20]
Ibid., p. 19.
-
[21]
Ibid., p. 27.
-
[22]
Ibid., p. 62.
-
[23]
Ibid., p. 76.
-
[24]
J’aimerais préciser que mon objectif n’est pas ici de donner une vision un tant soit peu exhaustive de la critique et de la poétique de Bonnefoy, considérée en soi. De nombreuses études, de Acke (1999), de Thélot (1983) et surtout de Née (2006, 2008) notamment, y pourvoient déjà. Mon but est plutôt de tracer un parallèle entre les lectures de Bonnefoy et de Laforgue, afin de mieux comprendre, chez ce dernier, sa relation avec une origine perdue, et donc la filiation fantomatique et troublée qu’il entretient avec (le pavillon de) Montevideo.
-
[25]
Voir sur cette question le chapitre 4 d’Anne Holmes, op. cit., p. 60-81.
-
[26]
Ce qu’Anne Holmes soulignait, ibid., p. 63.
-
[27]
Un élément que soulignait Alissa Leblanc pour l’ensemble des Moralités, sans par contre citer cet extrait, certes plus subtil que les autres (« Du poncif etc… Le cas des Moralités légendaires de Jules Laforgue » [en ligne], Cahiers de narratologie, n° 17 [2009] [https://narratologie.revues.org/1167]).
-
[28]
Michele Hannoosh, Parody and Decadence. Laforgue’s Moralités légendaires, Columbus, Ohio State University Press, 1989, p. 75.
-
[29]
Yves Bonnefoy, L’Arrière-pays, Paris, Gallimard (Poésie), 2005 [1972].
-
[30]
Expression elle-même shakespearienne pour Albert Sonnenfeld, qui rappelle à son propos la réplique d’Hamlet : « I am but mad north-north-west » (acte 2, scène 2). Cf. Albert Sonnenfeld, « Hamlet the German and Jules Laforgue », Yale French Studies, n° 33 (1964), p. 93.
-
[31]
Alfons Knauth, « Ricochets sur le vieil Océan », cité par Lisa Block de Behar, op. cit., p. 90.
-
[32]
Id.
-
[33]
Cf. Jean-Pierre Richard, « Le sang de la complainte (Laforgue) » et « Donc je m’en vais (Laforgue) », Pages paysages. Microlectures II, Paris, Éditions du Seuil (Poétique), 1984, p. 39-52 et p. 53-58.
-
[34]
Ibid., p. 53.
-
[35]
Ibid., p. 54.
-
[36]
Ibid., p. 57 et p. 58.
-
[37]
OCII, p. 219, cité par Albert Sonnenfeld, art. cit., p. 94.
-
[38]
Victor Hugo, William Shakespeare, édition établie par Dominique Peyrache-Leborgne, Paris, Flammarion (GF), 2003, p. 212.
-
[39]
Ibid., p. 216.
Références
- Baudelaire, Charles, Oeuvres complètes I, édition établie par Claude Pichois, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1975.
- Block de Behar, Lisa, Jules Laforgue ou les métaphores du déplacement, traduction d’Albert Bensoussan, Paris, L’Harmattan (Espaces littéraires), 2004.
- Bonnefoy, Yves, L’Arrière-pays, Paris, Gallimard (Poésie), 2005 [1972].
- Bonnefoy, Yves, Le Siècle de Baudelaire, Paris, Éditions du Seuil (La Librairie du XXIe siècle), 2014.
- Bonnefoy, Yves, L’Hésitation d’Hamlet et la décision de Shakespeare, Paris, Éditions du Seuil (La Librairie du XXIe siècle), 2015.
- Bonnefoy, Yves, Lieux et destins de l’image. Un cours de poétique au Collège de France 1981-1993, Paris, Éditions du Seuil (La Librairie du XXIe siècle), 1999.
- Hannoosh, Michele, Parody and Decadence. Laforgue’s Moralités légendaires, Columbus, Ohio State University Press, 1989.
- Holmes, Anne, Jules Laforgue and Poetic Innovation, Oxford, Clarendon Press, 1993.
- Hugo, Victor, William Shakespeare, édition établie par Dominique Peyrache-Leborgne, Paris, Flammarion (GF), 2003.
- Laforgue, Jules, Correspondance. Oeuvres complètes II, édition établie par Maryke de Courten et al., Lausanne, L’Âge d’Homme, 1995.
- Leblanc, Alissa, « Du poncif etc… Le cas des Moralités légendaires de Jules Laforgue » [en ligne], Cahiers de narratologie, n° 17 (2009) [https://narratologie.revues.org/1167].
- Richard, Jean-Pierre, Pages paysages. Microlectures II, Paris, Éditions du Seuil (Poétique), 1984.
- Shakespeare, William, Hamlet. Le Roi Lear, préface et traduction d’Yves Bonnefoy, Paris, Gallimard (Folio classique), 1978.
- Sonnenfeld, Albert, « Hamlet the German and Jules Laforgue », Yale French Studies, n° 33 (1964), p. 92-100.