Abstracts
Résumé
Jean Cocteau adapte à l’écran trois de ses pièces : L’Aigle à deux têtes en 1947, Les Parents terribles en 1948 et Orphée en 1950. À travers la structure de leur intrigue, leur langage, leurs décors et un jeu de mise en abyme, les deux premières adaptations affichent une théâtralité qui les apparente. Mais elles se distinguent en ce que leur degré d’utilisation des techniques cinématographiques, et par conséquent la profondeur de leur pouvoir de théoriser le rapport liant le théâtre et le septième art, diffère significativement. De plus, l’écriture cinématographique se révèle en elles essentiellement par le changement de l’échelle des plans et la variation des angles. Or, Cocteau réussit pleinement sa deuxième pièce filmée, puisque la caméra y joue le rôle d’un spectateur, qui se déplace librement sur une scène de théâtre. Avec Orphée, le poète détourne la source théâtrale de son film en multipliant les intrigues, les actions et les décors extérieurs. Plus encore, il recourt à nombre de trucages fabriqués et d’artifices que permet le montage. Ces astuces cinématographiques témoignent parfaitement du réalisme irréel tant recherché par Cocteau. L’adaptation de pièces en films permet donc à l’auteur d’explorer l’art de l’artifice afin de mettre en scène l’invisibilité et de déjouer son statut de poète inconnu et incompris. C’est ce que nous verrons dans cet article.
Abstract
Cocteau made movies of three of his plays : the 1947 L’Aigle à deux têtes, the 1948 Les Parents terribles and the 1950 Orpheus. The first two share a plot structure, a language, sets and mirror text that are theatrical in nature. Where they do differ markedly, however, is in their cinematic techniques and how deeply each theorises the relationship between stage and screen, focusing chiefly on changes in shooting angles and framing.Cocteau pulls off his second foray quite successfully, making the camera a member of the audience who moves freely about the stage.However, he dilutes the theatrical origins of his third venture, Orpheus, with an abundance of plots, subplots and outdoor settings, not to mention several mechanical effects and tricks made possible at the editing stage.All these point to the unreal realism of which Cocteau was so fond.This essay will explain how adapting his plays into movies allowed Cocteau to delve into deceit, to stage the invisible and to break free of his reputation as a little known, misunderstood poet.
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Appendices
Note biographique
Docteure en littérature française depuis 2012, Rana El Gharbie a effectué ses études universitaires à Paris-Sorbonne – Paris 4. Après y avoir obtenu sa licence de lettres modernes, elle a présenté un mémoire (master 1) intitulé « Le journal intime de l’entre-deux-guerres. Pozzi Dabit Cocteau » (2006), sous la direction d’Antoine Compagnon. Après un second mémoire (master 2) sur « Les journaux personnels de Jean Cocteau » (2007), sous la direction d’Henriette Levillain, qui a aussi supervisé sa thèse, Rana El Gharbie a approfondi cette thématique dans le cadre de ses études doctorales. Depuis 2010, elle a publié plusieurs articles et participé à des colloques, où elle s’est intéressée à la question de l’esthétique de la réception en l’appliquant aux journaux coctaliens, et à la correspondance, qui associe la littérature — journal personnel et théâtre —, le dessin et le cinématographe chez le poète. Spécialiste de Jean Cocteau et des écritures du moi, la chercheuse s’intéresse également à la poétique des genres, aux théories de la lecture et au dialogue entre les arts.
Références
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