Abstracts
Résumé
Joseph Joubert (1754-1824) est-il écrivain ou philosophe, l’usage hésite encore sur les termes. Sa maison de Villeneuve-sur-Yonne porte l’inscription « philosophe », tout comme les dictionnaires, mais il ne fait partie d’aucun corpus philosophique et est publié dans une collection littéraire. Mais il n’est pas non plus « littéraire » au sens courant du terme, puisqu’il a été tenté un moment par la forme narrative, puis l’a rejetée violemment pour s’enfermer dans la réclusion de ses Carnets, rédigés pour lui seul dans le silence romanesque grâce auquel il invente malgré lui le genre très moderne de la prose fragmentaire. À l’aube de la modernité littéraire, l’oeuvre étrange de Joseph Joubert s’invente au croisement de la philosophie et de la littérature, refusant de raconter, mais racontant ce refus de manière fragmentaire dans un but d’édification philosophique, empruntant à sa façon le chemin platonicien d’abandon de la fable.
Abstract
It remains unclear whether Joseph Joubert (1754-1824) was a writer or a philosopher. Both reference dictionaries and his house in Villeneuve-sur-Yonne label him a “philosopher”, yet he belongs to no given school of philosophical thought, while being published as part of a literary collection. Neither is he a “writer”, though, at least not in the understood meaning of the word. Indeed, he toyed for a while with a narrative style before casting it far away prior to writing his introspective Carnets as a recluse listening to the silence of novels, through which he launched unwittingly a very modern genre: fragmentary prose. On the eve of literary modernity, Joseph Joubert’s strange output is a child of both philosophy and literature. His writings deny us the story, and his fragmentary denial is an attempt to raise our philosophical awareness, somewhat following in Plato’s footsteps in foregoing fables.
Appendices
Références
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