Présentation[Record]

  • Bernard Beugnot

En dépit de cette épigraphe, plusieurs signes font penser qu’Anouilh (1910-1987) et son oeuvre sortent aujourd’hui du relatif oubli où ils semblaient être tombés après les hommages appuyés de 1987 où s’entendaient parfois les accents des années 1930 ; les pièces commencent à échapper à l’éclipse qui les a marquées, au moins sur les scènes françaises, appelées à ne pas s’engloutir dans l’éphémère de la société qu’elles reflètent. Plus de dix ans après le plaidoyer bien inspiré de Christophe Mercier (Pour saluer Jean Anouilh), Jacqueline Blancart-Cassou vient de publier une pénétrante monographie (Jean Anouilh. Les jeux d’un pessimiste). Le service des Célébrations nationales a inclus une notice dans sa brochure de 2010. Enfin, outre la présente livraison d’Études littéraires, la Revue d’histoire littéraire de la France a programmé pour 2010 un numéro spécial que coordonne Jeanyves Guérin. L’initiative, courageuse et au départ risquée de la maison Gallimard, de consacrer Anouilh par un Théâtre en deux volumes dans la Bibliothèque de la Pléiade pour laquelle les droits furent acquis à l’aube du nouveau siècle, n’est sans doute pas étrangère à ce réveil, qu’elle le stimule ou simplement l’accompagne. L’accueil de la critique, hormis des réserves défendables sur le principe et le contenu d’une édition anthologique, témoigne de la présence d’Anouilh dans la mémoire culturelle et dramatique. Bon spectre, la quarantaine de recensions, globalement favorables, émane en effet d’horizons sociaux et politiques très divers, et de plumes qui n’appartiennent pas seulement à la génération nostalgique des années 1950 ou 1960. Les épithètes qui rappellent une défaveur (le mal-aimé, le réprouvé) ou une inspiration (l’anticonformiste) invitent le public à une relecture, les directeurs de théâtre à un retour sur la scène. Même les courtes notices, reprises par des manuels d’histoire littéraire, lot de lieux communs, contribuent à entretenir ou réveiller une présence mémorielle. Plus pertinentes et décisives, d’heureuses formules rafraîchissent le regard comme si la relecture distanciée effaçait la patine ou l’usure : théâtre poétique ; ample autobiographie morale ; cruauté à la Daumier ; laboratoire de formes nouvelles ; mélodie faite de mélancolie, de tendresse et de colère parfois ; poésie du souvenir, des fantômes du passé. On redécouvre que, si ce théâtre ne trouve que sur la scène sa dimension authentique et sa force, il ne se refuse pas au plaisir d’une lecture dans un fauteuil. Reste que, ces dernières années, se manifeste un goût pour de nouvelles mises en scène. Qu’il suffise d’évoquer quelques exemples récents : Becket ou L’honneur de Dieu, mis en scène par Didier Long avec Bernard Giraudeau et Didier Sandre (Théâtre de Paris, 2000) ; Léocadia (Wild Orchid) au festival de Chichester en 2002 ; Antigone, mis en scène par Nicolas Briançon avec Barbara Schulz et Robert Hossein (Théâtre Marigny, 2003) ; Le voyageur sans bagage, réalisé à la télévision par Pierre Boutron avec Danielle Lebrun et Jacques Gamblin (France 3, septembre 2004) ; un spectacle intitulé Anouilh le réprouvé au Studio Raspail (11 février 2008, avec Patrice Rostain et Jean Bouquin) ; Eurydice, mise en scène par Pacöme Rupin (grand amphithéâtre de l’ESSEC, 9 et 10 avril 2008) ; Médée au Vingtième théâtre, mise en scène de Ladislas Chollt, avec Elodie Navarre dans le rôle-titre, 2009 ; Le bal des voleurs, mis en scène par Thierry Harcourt (Sofia, 2009). Colombe va être à l’affiche de la Comédie des Champs-Élysées au début de février 2010. Divers autres projets, dramatiques ou culturels, sont en cours d’élaboration tant à Bordeaux, ville natale d’Anouilh, qu’en Belgique ou en Tunisie. Hors du circonstanciel, Anouilh et son théâtre sont …

Appendices