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Regarde bien la peau de cette femme
la couleur des lèvres où se découpent
quelques mots un moment d’hésitation
regarde bien le fin doigté de la chevelure
ou la fragilité qui glisse sur son front
Claude PARADIS
je ne pense qu’à toi
beau fruit rouge
gambade chaude
Paul-Marie LAPOINTE
la terre se tourne se retourne se détrousse
imprécise elle se multiplie et s’épuise
elle effrite tous les murets de pierre se jette sur les herbes folles
ouvre les yeux et naît dans la courbure des os telle la chute libre d’un baiser
elle déjoue l’apesanteur des larmes
emplit son souffle et souffle la colère des délaissements
défaite dans le béton
la terre rattrape ramasse ses êtres
va à la mémoire dévastée
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le sein creuse le territoire
où les jours passent trop vite
le temps devient attente du lointain
l’aurore offre des margelles infinies
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voyez le sol d’où jaillit le coeur
il dira les traces de l’ombre qui meublent l’angoisse d’une origine
il dira comment la vie se peuple derrière
des murs irrésolus derrière la violation des espaces
la fébrilité d’une existence ineffaçable
derrière un vaste voyage où ne se perdent des racines
jamais
voyez le sol où pétrir l’enfance d’avant la mort
et où saluer les grands sables mouvants de la mémoire
une femme écarte le voile
sur le nombril du monde
éparpille les graines de vérité
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a-t-elle saisi
que la naissance est plus profonde que le puits tari
une femme s’effondre dans le sel de la mer
elle prend l’illicite des vents
la terre ronde des cris
au moindre frémissement elle court
telle une jument folle d’azur et de sang
elle cherche les frontières inachevées
les escales tachées de suc
sur ses traces un alphabet étrangement sauvage
celui des histoires cassées où s’accélère le pouls
celui de l’inclassable amour qui se donne comme du foin
et elle dit où les premières eaux se démontent
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il y a des ruines éternelles des flammes tatouées
or il reste toujours un siège libre pour les horizons distillés
on ne se déleste pas de sa naissance
comme d’une marque au fer rouge
la peau est fièrement amoureuse
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le soleil mord aux grains de sable
pour dénouer l’éternité des couvertures en peau de caresses
des cahiers d’encres rouge et bleue
le muscat coule et réchauffe le ventre
des fois une femme respire les moulins qui sentent la neige
ne la rappelez point à l’ordre
JE DIS QUE LE SOLEIL ENDORMI PEUT CONFESSER CEUX QUI LE VEULENT
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une femme entrave le silence qui s’élargit
elle est le muguet et la patience des êtres
elle danse comme une fleur andalouse
sa chevelure a des reflets fleuves et méditerranée
l’or épouse ses tresses
elle sent l’haleine chaude des chevaux
le fumet des terriers la nature sèche
le baiser sur la peau des olives
une femme traverse les jardins
un cygne sur l’épaule comme une maison d’été
elle ouvre la grille et la douceur de sa voix
mille césariennes enfantent son pays
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quand a-t-elle découvert la violence du sang
quand a-t-elle noyé les drames du passé
pourquoi les armes de l’oubli
rompre le bois de teck
caresser les volets et le crépis blanc
inventer des dessins en pastel peindre la pluie
et retrouver le tournoiement des coeurs
s’étendre les seins pointés au soleil d’autrefois
revivre la poésie d’une magie enterrée
la sécheresse s’échappant des mains
lézard lièvre tortue
la blondeur de l’espace serre le dos
l’arène chaude ressemble à une robe
défroisser son âme
découdre la ficelle ou l’haleine blanche rouge des jours
JE SUIS CETTE FEMME QUI INVITE
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oui il y a des latitudes jamais évanouies
et un mas en lézardes déglingué
des voyelles en terre de Sienne
des garces accrochées à leurs décolletés
sous l’énergie palpitante des hommes
aux cheveux noirs aux yeux de gouffre
le sexe est une féria où les corps se défont
comme des bouteilles jetées aux murs
il y a des vents qui matraquent et suavent le dos
des parfums de pins et de sable
j’entends les ciels brûlés du midi
je respire la vierge noire des gitans
qui boit aux courbes du monde
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j’aime cette femme au corps de safran et de paroles chaudes
elle se sauve et se sauvera
avec de petits rubans verts jaunes rouges
comme des cocardes
elle chante et chantera la mer
la victoire des taureaux la lavande dans les murmures
le thym au pied des jours nouveaux
lorsque les cigales sont
alors elle voit et verra un soleil de plomb
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le sud existe dans la marge des mots
croûtés de sang et d’aventures
il y a des clefs immenses
lourdes en fer noir
le sud regarde tomber le raisin dans les livres
caresse les dictionnaires comme on apprend à aimer
l’univers devient une fresque restaurée
autour voyelles et consonnes ont des avidités
de saisons vives
Appendices
Note biographique
Anne Peyrousse
Née dans le Midi de la France, Anne Peyrouse vit au Québec depuis plus de 25 ans. Docteure en littérature, elle enseigne la création littéraire à l’Université Laval au Département des littératures et à la Formation continue. Elle a publié un recueil de nouvelles et deux recueils de poèmes : Des neiges et des cendres (Québec, Le Loup de gouttière, 2001) et Dans le vertige des corps (Québec, Le Loup de gouttière, 1998) qui a obtenu le Prix Félix-Leclerc. Elle a publié également deux anthologies de poésie et un renku : Comme papiers au vent (Québec, Le Loup de gouttière, 2005). Elle a gagné plusieurs prix littéraires, à la fois pour son écriture poétique et pour ses nouvelles. On retrouve plusieurs de ses textes dans des revues au Québec et en France. Elle a été directrice littéraire de la maison d’édition Le loup de gouttière et elle poursuit actuellement cette implication aux Éditions Cornac.