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Oui, nom de dieu, y a plus que ça aujourd’hui : la Grève Générale !

Revue du Père Peinard, 3 novembre 1889

Cochonne de manière de faire la guerre aux exploiteurs. Qui veut la fin veut les moyens, foutre ! Il s’agit de ne pas recommencer toutes ces gnoleries et de faire la guerre aux patrons comme on doit la faire !

La fréquence et la force de l’agression verbale chez Louis-Ferdinand Céline ont frappé les critiques, qu’il s’agisse du romancier ou à plus forte raison du pamphlétaire. Si un Lucien Rebatet a pu traiter l’auteur du pamphlet L’école des cadavres de « monomane de l’injure[1] », un Pierre Audiat, par exemple, salue, dès Voyage au bout de la nuit, premier roman de Céline, « le chevalier du désespoir qui insulte la vie avec des injures de bagnard » et il parle « de force continue d’invectives »[2].

Il semble en effet que toute parole chez Céline dégénère en invective sans raison apparente. Le début de Voyage au bout de la nuit est resté célèbre : « Tout a commencé comme ça. Moi, j’avais jamais rien dit. Rien. C’est Arthur Ganate qui m’a fait parler[3] ». Une dispute s’enclenche aussitôt sur la beauté de la race française ; c’est alors que Ganate s’écrie : « et bien cocu qui s’en dédit ! » Et le narrateur Bardamu d’ajouter : « Et puis le voilà parti à m’engueuler. J’ai tenu ferme bien entendu.[4] » Ce premier chapitre se clôt par l’engagement de Bardamu dans l’armée, prélude à l’épisode de la guerre, qui constitue la première partie du récit ; cet engagement est ponctué à nouveau par un échange injurieux :

— « T’es rien c… Ferdinand ! » qu’il me crie […].
« On verra bien, eh navet ! » que j’ai même encore eu le temps de lui crier avant qu’on tourne la rue […][5].

L’introduction au récit sous forme d’invectives est caractéristique d’une grande partie de l’oeuvre célinienne. Ainsi, la dernière injure adressée par Ganate à Bardamu est la même qui salue, de manière paradoxale, l’arrivée au régiment de Ferdinand au début de Casse-pipe : « Qu’il entre ce con-là ![6] », lance l’officier de garde à la nouvelle recrue appelée à devenir le souffre-douleur de toute l’escouade. Plus que d’une coïncidence, il s’agit là de logique intertextuelle : la même injure stigmatise chaque fois l’engagement volontaire du héros. Avec une différence cependant : aux trois points de Voyage a succédé le gros mot en son entier dans Casse-pipe ; le gros mot qui semblait audacieux dans le premier ouvrage est devenu courant dans l’oeuvre ultérieure.

Un peu comme les Anciens qui se lançaient des injures avant le combat pour exciter l’adversaire en le dévalorisant, pour s’échauffer mentalement et pour justifier leur propre agressivité[7], les personnages céliniens communiquent en s’invectivant. L’invective peut prendre différentes fonctions et elle paraît posséder une dynamique particulière sur le plan narratif.

De la parole à l’invective

Parler dans Voyage au bout de la nuit est présenté comme dangereux. C’est en effet la parole qui provoque la catastrophe finale, à savoir la mort de Robinson, alter ego du narrateur. Le coup de revolver de Madelon constitue le point culminant dans l’escalade des insultes qui ont précédé. Il suffit en effet d’un mot (en l’occurrence le verbe « s’amuser ») dans l’atmosphère de tension qui règne à la fin du roman pour que se déchaîne la tempête  :

on s’est reparlé et […] la dispute a repris alors tout de suite de plus belle. Avec les mots on ne se méfie jamais suffisamment, ils ont l’air de rien les mots, pas l’air de dangers bien sûr, plutôt de petits vents, de petits sons de bouche, ni chauds, ni froids, et facilement repris dès qu’ils arrivent par l’oreille par l’énorme ennui gris mou du cerveau. On ne se méfie pas d’eux des mots et le malheur arrive[8].

Si le mot devient si vite injure, c’est que les rapports humains sont régis par la haine jusque dans la banalité de la vie quotidienne :

D’ailleurs, dans la vie courante, réfléchissons que cent individus au moins dans le cours d’une seule journée bien ordinaire désirent votre pauvre mort, par exemple tous ceux que vous gênez, pressés dans la queue derrière vous au métro, tous ceux encore qui passent devant votre appartement et qui n’en ont pas, tous ceux qui voudraient que vous ayez achevé de faire pipi pour en faire autant, enfin, vos enfants et bien d’autres[9].

Ici, la malignité humaine s’exprime sur le ton nonchalant de la conversation ordinaire, ce qui donne un aspect comique à cette description des détails quotidiens. Mais cette malignité peut adopter également un ton plus sérieux, celui d’un véritable programme annoncé :

La grande défaite, en tout, c’est d’oublier et surtout ce qui vous a fait crever, et de crever sans comprendre à quel point les hommes sont vaches. Quand on sera au bord du trou faudra pas faire les malins nous autres, mais faudra pas oublier non plus, faudra raconter tout sans changer un mot, de ce qu’on a vu de plus vicieux chez les hommes et puis poser sa chique et puis descendre. Ça suffit comme boulot pour une vie tout entière[10].

L’écriture devient donc dans ce programme un moyen de provocation, de dénonciation, de vengeance et Céline ne cessera de proclamer par la parole émotive de son narrateur cette fonction tout au long de son oeuvre. Ainsi, dans Mort à crédit :

Je pourrais dire moi toute ma haine. Je sais. Je le ferai plus tard s’ils ne reviennent pas. J’aime mieux raconter des histoires. J’en raconterai de telles qu’ils reviendront, exprès, pour me tuer, des quatre coins du monde. Alors ce sera fini et je serai bien content[11].

Comment raconter des histoires « meurtrières » si ce n’est au moyen d’un style émotif chargé d’agressivité ? Ce style émotif consiste en partie à jouer de tous les moyens stylistiques de mise en relief de l’invective.

L’invective, expression du style émotif

Traduire l’émotion dans le langage, tel est le programme que Céline veut en effet imposer à son style par un travail constant sur la langue, comme en témoignent ses interviews, l’essai Entretiens avec le Professeur Y, sans compter ses pamphlets (Bagatelles pour un massacre est en effet en partie un pamphlet littéraire). Cette recherche stylistique de l’émotion s’oppose à la langue bourgeoise, académique ; elle se réalise par le passage du langage parlé à l’écrit. Dans ce procédé, l’invective possède une place de choix mais, comme l’écrivain l’a souligné dans une interview, elle est assujettie au travail du style, car « il faut monter ça [l’invective] pour en faire un édifice […], une architecture[12] ».

Le registre populaire, voire argotique, est sans aucun doute le moyen le plus facile pour atteindre et rehausser l’invective. Céline ne manque pas d’y recourir dans toute son oeuvre, expliquant dans un essai que l’argot, parler des classes dangereuses, représente l’expression de la haine et de la révolte envers les nantis ; il « est fait pour exprimer les sentiments vrais de la misère[13] ». Cependant, l’auteur prendra soin de préciser dans les Entretiens avec le Professeur Y que l’emploi de l’argot doit rester mesuré pour garder son efficacité : « piment admirable que l’argot !… mais un repas entier de piment vous fait un méchant déjeuner ![14] » L’argot et le français populaire ont donc leur importance dans ce style polémique, mais tout autant que les néologismes lexicaux ou la rhétorique traditionnelle de l’injure avec ses champs métaphoriques traditionnels, comme ceux de la saleté et de la sexualité ou encore le champ animalier[15]. Ainsi « vache », métaphore marquant la méchanceté, est-elle l’injure la plus fréquente de Voyage[16]. La puanteur signalant le rejet de l’autre caractérise la nouvelle recrue de Casse-pipe et sa faiblesse est incriminée par ses congénères sous forme d’injures appartenant au domaine de la sexualité[17].

Mais c’est également et avant tout dans sa position stratégique au sein de la phrase et / ou dans l’audace de sa forme grammaticale et syntaxique que réside l’originalité du style polémique de Céline. Ainsi l’adjectif injurieux peut-il être placé en début de phrase, faisant l’effet d’un cri spontané : « Ignobles que vous êtes tous ![18] » D’autre part, Voyage au bout de la nuit utilise largement la phrase segmentée dans laquelle la dislocation à droite ou à gauche du sujet renforce l’effet injurieux[19]. Ainsi, pour la dislocation à droite du sujet : « Ils m’horripilaient tous à la fin ces ratés, ces enculés, ces sous-hommes.[20] » Pour la dislocation à gauche du sujet : « rien qu’un mufle impuissant, moi, épais, et vain j’étais…[21] » De par sa position clé, avec souvent l’isolement que constitue la mise entre virgules, l’injure apparaît comme prononcée directement par le narrateur qui réactualise son émotion en se souvenant et en écrivant. À partir de Mort à crédit, Céline isolera encore davantage l’invective par le procédé de l’aposiopèse. Tel cet exemple où le cadencement de l’injure est encore accentué par le parallélisme de la répétition : « C’est que des pauvres culs coincés… des petits potes, des ratés jouisseurs… C’est de la révolte d’enfifré… c’est pas payé, c’est gratuit… Des vrais godilles…[22] »

Souvent encore la modalité exclamative vient renforcer l’effet injurieux, tel cet autre exemple de Mort à crédit : « — Ah ! vache ! de saligaud de vache ! Ah ! Il m’étripe le voyou ! Jamais j’aurais cru possible !… Et moi, empotée !…[23] » Par ailleurs, les singularités grammaticales font que l’invective gagne en impact et en résonance. Changement de genre, « ce brebis[24] », « ce putain[25] », « ma petite mufle d’amie[26] », « gredine[27] », « bandite[28] » ; changement de catégorie grammaticale avec adjectivation du substantif, « c’était fumier comme proposition[29] », exemple tiré de Voyage, ou, inversement, substantivation de l’adjectif, « ma putaine existence[30] ».

Enfin, dernière particularité syntaxique que Céline ne cessera de développer au cours de son oeuvre, l’accumulation d’adjectifs insultante qui trouvera un point culminant dans la logorrhée injurieuse des pamphlets[31] : « un sale maquereau pourri[32] », lit-on déjà dans Voyage, sorte de condensé d’injures à trois éléments sur la base de « maquereau ».

Fonctions de l’invective

Écrire pour Céline signifie donc dénoncer « la vacherie » des hommes, régler ses comptes. Cette vengeance sous forme de contre-attaque verbale peut être un moyen de défense magique qui conjure a posteriori l’anéantissement de l’adversaire, à l’instar de ce programme de vengeance promis par Bardamu médecin à ses malades qui lui ont montré les « hideurs » de « la boutique de leur âme » :

Attention, dégueulasses ! Laissez-moi faire des amabilités encore pendant quelques années. Ne me tuez pas encore. Avoir l’air servile et désarmé, je dirai tout. Je vous l’assure et vous vous replierez d’un coup alors comme les chenilles baveuses qui venaient en Afrique foirer dans ma case et je vous rendrai plus subtilement lâches et plus immondes encore, si tant est que vous en crèverez peut-être, enfin[33].

Du point de vue du narrateur ou du personnage insulteur, l’invective représente une décharge de l’affect d’autant plus salutaire si elle est accompagnée de succès. Céline souligne dans son oeuvre à plusieurs reprises la satisfaction narcissique que procure l’invective. Pour seul exemple, la vieille Henrouille dans Voyage réussit, par l’invective, à mettre en déroute Bardamu et ses enfants venus l’interner : « Quand […] nous fûmes assez loin, elle s’est remise à rigoler. Elle s’était bien défendue[34]. » Cette satisfaction se trouve encore accrue par la réussite formelle de l’invective qui devient trait d’esprit. Bardamu crie à ses congénères qui veulent l’empêcher d’aller en Amérique : « “[…] ce qu’il y a de certain, c’est que tous autant que vous êtes, c’est rien qu’un petit four que vous avez entre les jambes et encore un bien mou !”[35] ». La réussite stylistique de la comparaison et le plaisir suscité par la transgression du tabou sexuel contribuent au bonheur du narrateur qui remarque : « C’était envoyé ça, j’étais content ![36] » L’invective appelle naturellement une réponse adéquate verbale, sinon physique, et de pareilles joutes verbales dans l’oeuvre de Céline abondent. Acte perlocutionnaire[37], l’invective peut par ailleurs influencer l’action, voire la provoquer comme nous l’avons vu dans Voyage. Certes, si l’invective dans ce premier ouvrage contribue à la catastrophe finale, elle reste indépendante du déclenchement du récit, qui est l’épisode de la guerre. Cependant, au fur et à mesure de son oeuvre, Céline va confier à l’invective un rôle narratif plus important encore. Dans le programme de dénonciation et de vengeance du narrateur célinien, elle va quasiment propulser le récit. À partir de Mort à crédit, Céline va faire assister son lecteur à la naissance de son écriture dans des sortes de prologues[38], pages préliminaires au récit où l’invective joue le rôle primordial non seulement dans le déclenchement de l’action mais comme justification du récit.

Le prologue de Mort à crédit : l’invective, moteur de la narration

Dans le prologue de Mort à crédit, le narrateur écrivant, Ferdinand, se présente comme médecin de dispensaire et auteur de Voyage au bout de la nuit ; il justifie son choix d’écriture. Ce choix s’impose après l’échec que Ferdinand subit lors de la lecture de Lalégende du roi Krogold. En effet, à l’écoute de cette oeuvre, Gustin Sabayot, son collègue, amateur de beau style et de belles histoires, s’endort, ce qui prouve le peu d’intérêt pour Ferdinand de raconter « des choses agréables[39] ». Le sujet de Mort à crédit sera donc la réalité, mais une réalité qui rétablit la vérité autobiographique. Une explosion injurieuse va faire éclater cette vérité, réactivant le conflit familial, qui sera le sujet du roman. Au départ se trouve l’évocation du père par la mère, évocation mensongère et insultante pour le fils :

Nous sommes dans la poésie… Seulement qu’on vivait à l’étroit mais qu’on s’aimait énormément. Voilà ce qu’elle raconte. Il me chérissait si fort papa, il était si sensible en tout, que ma conduite… les inquiétudes… mes périlleuses dispositions, mes avatars abominables ont précipité sa mort… Par le chagrin évidemment… Que ça a porté sur son coeur !… Vlan ! Ainsi que se racontent les histoires[40]

Viennent s’ajouter à cette présentation idyllique du père et à cette accusation du fils d’autres enjolivements du passé et d’autres dénigrements de Ferdinand, si bien qu’à la fin celui-ci explose :

Je traite mon père comme du pourri !… Je m’époumone !… « Y avait pas un pire dégueulasse dans tout l’Univers ! de Dufayel au Capricorne !… » D’abord c’est une vraie stupeur ! Elle se fige ! Transie qu’elle demeure… Puis elle se ressaisit. Elle me traite plus bas qu’un trou. Je sais plus où je vais me poser. Elle pleure à chaudes larmes. Elle se roule dans le tapis de détresse. Elle se remet à genoux. Elle se redresse. Elle m’attaque au parapluie[41].

Échanges d’injures de part et d’autre, pleurs et même coups du côté de la mère, vomissements physiques accompagnant les éructations verbales : ainsi s’enclenche le roman de l’enfance qui est celui de « toutes les vannes qu’on peut vous filer avec des paroles ![42] »

Le premier épisode de Mort à crédit fait le récit de ces brutalités, en partie verbales, à l’égard du narrateur enfant et adolescent, épisode qui culmine avec la tentative de meurtre du fils sur le père. Comme dans le premier roman, la catastrophe met fin au flot intarissable des injures (en l’occurrence, celles du père) :

Il revient me souffler dans les narines des autres injures… toujours des autres… Je sens aussi moi monter les choses… Et puis la chaleur… Je me passe mes deux mains sur la bouille… Je vois tout drôle alors d’un coup !… Je peux plus voir… Je fais qu’un bond… Je suis dessus ! Je soulève sa machine la lourde, la pesante[43]

Dans cette escalade fatale, la tentative de meurtre apparaît comme la seule réponse possible du fils « bouc émissaire[44] ». Puisque la violence des adultes l’a rendu muet, l’adolescent, incapable de répondre à l’invective par une autre invective, ne peut se délivrer de la violence de la parole que par la violence de l’acte.

L’invective donne donc l’impulsion à la narration dans la mesure où la méchanceté et le mensonge provoquent l’émotion du narrateur qui réagit et décide de régler ses comptes avec le cercle familial.

La mauvaise réception de Mort à crédit ainsi que les tensions politiques de l’époque avec la perspective de la Seconde Guerre mondiale vont amener le romancier à se tourner momentanément vers le pamphlet. Or, la « parole pamphlétaire » se caractérise par un pathos agressif où l’invective se déchaîne[45]. Céline réglait ses comptes dans ses premiers romans avec les misères de son passé, dénonçant les maux de l’humanité comme la guerre, la colonisation, le matérialisme, l’enfance malheureuse et exploitée, la pauvreté. Nous lisons en exergue de Bagatelles pour un massacre des paroles programmatiques qui rappellent l’intention présidant à l’écriture des romans : « Il est vilain, il n’ira pas au paradis, celui qui décède sans avoir réglé tous ses comptes. Almanach des Bons-Enfants[46]  ». Cependant, si l’humanité continue à être prise à partie dans les pamphlets comme dans les romans, la virulence de l’invective liée à la charge antisémite confère à la parole pamphlétaire un accent particulier, modifiant ainsi l’effet sur le lecteur. Nous laisserons de côté l’analyse du contenu antisémite de ces pamphlets, laquelle dépasse notre propos[47], pour nous attacher au rôle narratif que continue de jouer l’invective.

L’invective, motivation du pamphlet

À part Mea culpa qui commence in medias res, les pamphlets se présentent comme la réponse à des attaques verbales extérieures visant l’écrivain Céline. Ce principe de contre-attaque appartient certes en propre au genre pamphlétaire. Selon Marc Angenot[48], le pamphlétaire feint, en effet, d’être un être pacifique qui n’attaque que parce qu’il se sent menacé.

Nous nous proposons d’étudier le début de L’école des cadavres, lequel constitue à nouveau un véritable prologue visant à prouver l’urgence de la contre-offensive en dépit de toute la détermination du pamphlétaire à ne pas répliquer.

Se promenant « tout pensif » au bord d’une Seine bourbeuse et jonchée de détritus, symbole d’une France avilie, Céline est apostrophé par une sirène qui lui reproche son impolitesse : « “Yop ! Eh ! dis donc ! Hop ! Ferdinand ! Tu dis plus bonjour folichon ! Grand tordu ! Crâneur malpoli ! Où que tu te précipites ?”[49] ».

Le pamphlétaire ne répond qu’à la troisième interpellation après s’être fait traiter de « Belle Bite » et d’« Affreux »[50]. Il s’ensuit un dialogue où dominent les injures sexuelles et ordurières propres au style de ce pamphlet : à « chère morue » répond « Vieux croulant coquin putassier ! Vieux trousseur ! Ravageur de pertes ! Honteux ! Honteux prostateux ! Mange-foutre ![51] » À « Navrante ordure ! Fleur de fosse[52] », « Barbaque d’épandage[53] » réplique « Navrante âme d’étron ![54] », « Pipi[55] ». Une certaine inventivité ludique apparaît dans l’accumulation, telles ces désignations qui visent l’inanité de Ferdinand : « “Fruit de la mer ! T’es en l’air  ! Vieux gaz ! Plumet ! Baudruche ! […] Culotté fretin !”[56] ». La sirène prévient Céline que des « ragots pourris » circulent sur son compte, ragots qui sont aussitôt ironisés en étant présentés sous forme de bribes sans suite logique, sorte de borborygmes : « “Et que tout enivré t’as… t’as… t’as… Comme ça qu’il a dit !… qu’elle a dit… qu’ils ont dit !… que si… si… que ça… que… que… si… si… qu’à… voilà !…”[57] ». Ici, le contenu injurieux est absent, mais l’injure n’en est pas moins présente dans sa structure syntaxique ; déclenchée par une calomnie, l’accusation d’ivresse, elle reste implicite mais non moins grande, malgré son faible apport informatif, avec l’accumulation du verbe « dire » et les bégaiements. L’« injurié » ne s’y trompe pas puisqu’il réagit violemment, une réaction qui provoque le sourire du lecteur par le caractère mécanique des répliques. La mimique théâtrale qu’impliquent les exclamations répétées est disproportionnée par rapport au vide informatif :

— « Non  ? Non  ? Non  ?
— Si  ! Si  ! Si  ! Donc ![58] »

Finalement, la fureur de l’« injurié » éclate, embrassant informatrice et insulteurs  :

« Passe-moi donc l’encre de la Seine… Tu vas voir comment j’ai à dire… comme je me la trempe la bite dans du vitriol ! Si ça va fulminer, embraser, crépiter la supplique ! Que j’aurai jamais pire foutu qu’au moment qu’on me pisse au cul ! Mords crevasse ! Amène moi quelque étron solide, tout près là !… […] que je trempe ma plume dare-dare… que je l’humecte… Maintenant dévergonderie !… retourne à tes gogs ! T’es sortie pour rien… Immerge ![59] »

Le style ordurier culmine encore dans la deuxième partie du prologue. Après une pseudo-rétractation de l’écrivain qui s’est calmé et a décidé de ne pas réagir aux premières insultes, la lettre d’injures du juif Salvador, intitulée « À Céline le dégueulasse », est destinée à enclencher définitivement l’écriture à la fois comme un acte impératif d’autodéfense et comme un renchérissement dans l’invective.

Ainsi constatons-nous une continuité chez le Céline romancier et le Céline pamphlétaire, continuité qui vient de la permanence et de la dynamique de l’invective. Cette invective répond au réflexe de défense et de contre-attaque d’un narrateur qui règle ses comptes avec le passé pour le roman ; pour le pamphlet, il s’agirait plutôt d’un narrateur agressé qui rivalise d’agressivité avec ses pseudo-agresseurs. Mais la caractéristique essentielle des pamphlets par rapport aux romans consiste dans l’aspect exagéré et cumulatif des attaques, d’une part, dans la judéité de l’agresseur, d’autre part. Or, l’acharnement d’une logorrhée agressive qui accumule et assène l’invective en faisant feu de tout le lexique ordurier possible, finit par lasser le lecteur dont l’adhésion est par ailleurs inhibée par la charge antisémite. En effet, pour que le tiers, témoin de l’injure, adhère à la violence de l’insulteur, il est nécessaire qu’il partage avec lui les mêmes idées, la même violence ou du moins que l’effet injurieux s’estompe devant la réussite formelle de l’injure qui perd ainsi de sa violence pour devenir trait d’esprit[60].

Les pamphlets antisémites dans le contexte historique des persécutions provoquent le scandale, même s’ils n’appellent pas explicitement à l’extermination des Juifs[61]. Ils entachent à jamais la réputation de l’écrivain. Céline devra payer avant de connaître l’amnistie finale et pouvoir rentrer en France[62]. C’est plein de rancoeurs que l’écrivain d’après-guerre affronte le lecteur ; considéré, dans la droite logique célinienne, comme faisant partie des épurateurs, ce lecteur est désormais engagé dans un dialogue polémique où l’agressivité vise autant le passé politique de l’écrivain que son écriture. Celui-ci se plaît à provoquer quand il s’agit de rendre compte des égarements politiques comme dans Féerie pour une autre fois : « Ah je fais front ! Ah ! je vous emmerde ! Voyez ma rébellion ouverte ![63] »

Dans D’un château l’autre, il conjure la force du souvenir et des rancunes pour se faire chroniqueur :

je veux remémorer !… je veux qu’on me laisse !… voilà ! tous les souvenirs !… les circonstances ! tout ce que je demande ! je vis encore plus de haine que de nouilles !… mais la juste haine ! pas « l’à peu près »[64].

Avant d’aborder la chronique de ses années allemandes, l’écrivain de la trilogie va devoir se décharger de ses rancoeurs sur ceux qui l’ont accusé. Biaisant avec une culpabilité qu’il n’avoue jamais explicitement mais qui ne le tracasse pas moins, le narrateur joue de l’injure stéréotype « traître » tantôt en s’autoaccusant, en se faisant accuser par son lecteur ou autre interlocuteur, tantôt en se défendant et en s’en prenant à une humanité jugée lâche, sadique et de plus en plus matérialiste. Le prologue justificatif est plus que nécessaire dans ce contexte[65] et ce seront à nouveau les invectives ajoutées aux récriminations qui feront basculer le discours vers le récit.

L’invective dans les prologues de la trilogie allemande[66]

Dans D’un château l’autre le récit, c’est-à-dire la description de la vie des collaborateurs à Sigmaringen (ridiculisé en « Siegmaringen »), met longtemps à s’enclencher. Féerie, premier ouvrage du Céline réprouvé, n’a pas reçu le succès escompté et c’est un auteur décrié, houspillé par son éditeur, un Céline nouvellement rentré d’exil, un médecin méprisé et sans clientèle qui prend la parole. La rencontre plus ou moins réelle du narrateur avec son ami Le Vigan et d’autres collaborateurs ainsi que la dispute qui s’ensuit amènent la résurgence du souvenir dans un accès de paludisme, selon un procédé semblable à celui du prologue de Mort à crédit. Dans Nord, le récit commence plus rapidement, dès la troisième page ; l’auteur a connu le succès avec l’ouvrage précédent et l’impatience du lecteur met fin aux élucubrations du narrateur : « vendez vos rancoeurs, taisez-vous ![67] »

Pour avoir droit au récit dans Rigodon, il faut attendre une vingtaine de pages qui ne comportent pas moins de 13 scènes de disputes. L’auteur a recouvré sa célébrité, mais c’est une célébrité entachée de scandale et de provocations : les altercations concernent pour la plupart des interviews accordées ou refusées aux critiques et journalistes. C’est enfin l’éditeur qui rappelle brutalement le narrateur à la réalité du récit, en reprenant à son égard la désignation insultante de l’écrivain en pitre / clown qui parcourt toute la trilogie : « Allons Céline !… vos lecteurs ont un petit peu le droit que vous cessiez de faire le pitre…[68] ».

Nous choisissons d’étudier deux altercations prologiques caractérisées par le jeu ambigu de l’invective, catalyseur du récit.

1) La scène de la Publique dans D’un château l’autre

Dans la scène de la Publique, l’altercation est provoquée par la fuite du narrateur en compagnie de son chien Agar ; ce narrateur, en effet, se méfie de ce bateau-mouche au nom si évocateur la Publique, un bateau peuplé de fantômes condamnés pour collaboration avec l’ennemi et dirigé par un Caron vengeur et brutal. De prime abord, cette allusion au mythe infernal antique permet d’aborder le thème de l’épuration ; nous apprenons en effet qu’un des occupants de la Publique est l’ami Le Vigan, que ce dernier a dans la réalité témoigné pour Céline devant le tribunal ; dans le récit de Nord, nous le retrouverons accompagnant le narrateur dans ses périples. Mais Céline s’empresse dans D’un château l’autre de tourner en dérision cette scène mystérieuse qui dégénère en dispute. Le prétexte fallacieux d’une visite urgente à une malade déclenche donc quolibets et injures de la part des occupants du bateau qui montrent ainsi leur dépit de ne pas pouvoir compter le narrateur parmi eux. Ces injures sont d’abord spécifiques[69] envers le fuyard qui se désolidarise et elles culminent dans « traître », l’injure thématique par excellence, témoignage de la mauvaise conscience du narrateur :

« Fausse vache ! plouc ! barre-toi, eh godiche !… calte ! lâche pas ton lion !… con  ! » Comme ça, moi Agar !… la colère que je reste pas !

« Saloperie ! boudin, vaurien !… vas-y, baver ! eh, vas-y donc ! traître ! traître ![70] »

Blessé au plus profond par cette dernière injure devenue rituelle lorsqu’on s’adresse à lui, ainsi que le montrera la trilogie (« Pour eux aussi traître ! … je vais pas laisser ! leur clou ![71] »), le narrateur réplique « du tac au tac » en s’en prenant au déguisement et au caractère sépulcral des occupants, injures accompagnées des métaphores traditionnelles de la répulsion et du rejet d’autrui (maladie et puanteur) : « “Chienlits ! frimands !… chancres ! puanteurs !”[72] ». La dispute s’envenime, c’est « la fâcherie complète[73] » ; malgré le souvenir du témoignage favorable de Le Vigan devant le tribunal d’épuration, l’offense prévaut chez le narrateur qui feint une rancune tenace : « il m’a traité !… ils m’ont traité !…[74] » ; suit le rappel de cette offense sous forme d’injures indirectes avec arrêt sur celle de « dingue » qui exige le « dressage des trois » ; c’est d’abord : « “Provocateurs !… valets de charognes !”[75] ». Puis : « “Vous êtes baths aux oeufs ! choléras !”[76] ». Ensuite : « “[…] salut ! grossiers !”[77] ». Enfin, ayant épuisé son vocabulaire injurieux traditionnel et spécifique, le narrateur lâche : « “Coloquintes ! volubilis ! hé ! clématites !”[78] ». Et il remarque aussitôt : « “Clématites” les déconcerte… ils savent plus… tout d’un coup. “Excrément !” ça revient ! ils reprennent !…[79] » Ainsi, après cette kyrielle d’insultes modulées dans le cadre du champ lexical traditionnel (certaines même sont passées sous silence et résumées de manière abstraite comme « traitent de tout »), la métaphore végétale absolument innocente désarçonne l’adversaire mieux que toutes les hyperboles injurieuses.

La tactique injurieuse habituelle, qui consiste à clouer le bec de l’insulteur et à avoir le dernier mot, trouve ici une illustration comique ; en même temps, le caractère saugrenu de l’injure provoque le rire du lecteur témoin. Céline est, dans toute cette scène, conscient de cet effet ludique ; le jeu est déjà annoncé dans certains détails ou notations scéniques exagérés et grotesques, comme ce départ à reculons pour éviter éventuellement un coup de « javelot » ou de rame des insulteurs ; si l’allusion au javelot cadre avec la réminiscence du mythe antique de Charon, elle étonne dans le contexte moderne du bateau-mouche.

L’impact sur l’« injurié » par contre est assuré, momentanément, il est vrai, dans le cas présent, puisque cet « injurié » va bientôt rétorquer. Cependant, sa répartie tirée du domaine scatologique traditionnel montre par sa grossièreté combien la dernière invective a déconcerté. Néanmoins, « Excrément » déclenche à son tour une nouvelle escalade dans l’agressivité du récepteur puisqu’il passe à l’injure raciste, ajoutant il est vrai quelques noms de petits oiseaux : « “Crougnats !… colibris !… fauvettes !”[80] ».

Toutefois, si « Clématites » avait marqué un sommet dans l’échange injurieux, c’est « glaïeul », lancé en dernier par les occupants de la Publique, qui préoccupera le narrateur cloué sur son lit par une crise de paludisme, et ce, bien plus que les autres injures plus traditionnelles comme « charognes[81] » : « et ce qu’ils m’ont dit, hurlé d’en bas !… “glaïeul !” de leur pourri de bateau de voyous !… ils ont osé !…[82] », « […]ramas d’olibris injurieux ! “glaïeul” qu’ils m’avaient appelé… glaïeul ! osé ! éhontés frappes ![83] » Cette dernière invective qui, malgré son apparence exotique, touche à l’antiphrase, amène, par association, des souvenirs douloureux de persécution : « ma mémoire est pas modérée, elle ! vache ! elle s’agite ! […] j’ai la nature jamais rien perdre !… jamais ![84] », nous prévient le narrateur qui se décide enfin à faire le récit de son séjour à Sigmaringen.

Cette scène est par ailleurs révélatrice de l’ambiguïté du Céline d’après-guerre. La traîtrise, véritable impulsion de l’écriture de la trilogie, se trouve pour ainsi dire escamotée dans un jeu d’injures non spécifiques et le lecteur, séduit par le trait d’esprit, se range du côté du narrateur.

2) « Tu m’as engueulé, t’es content ? »

La dernière dispute prologique que nous analyserons est, dans Rigodon, celle du narrateur-auteur avec son ami, l’écrivain Marcel. Cette dispute éclaire la personnalité du narrateur, puisqu’elle illustre chez lui le plaisir de la communication agressive. En même temps, nous voyons comment l’injure thématique de la traîtrise, sous-jacente à l’agressivité, affleure dans la dispute, propulsant l’action du récit.

Dès le départ, l’agressivité foncière de ce narrateur est flagrante. Nous avions déjà rencontré plusieurs fois cette agressivité sans fondement apparent ; elle surgit par exemple dès le premier dialogue de Rigodon, dans l’interview avec le critique Robert Poulet où nous assistons à des propos affables de la part du critique, alors que le narrateur ne cesse de lui envoyer des piques qui vont de « très cher abruti[85] » à « cul béni », allusion insultante au catholicisme du critique, en passant par « condamné à mort », allusion peu délicate à l’accusation de collaboration qu’a encourue Robert Poulet. Dans la scène présente, le « très cher abruti » de la première scène est adapté au cas de Marcel : « toi qui ne comprends pas grand-chose, surtout depuis ta maladie[86] ». Dès lors, chaque réplique ou simple remarque amène une injure de la part du narrateur : « tout ça t’ennuie, insipide !… » ; ou encore ce néologisme  : « doutif ![87] » Alors que les propos de Marcel restent brefs mais affables, le narrateur se montre particulièrement prolixe, ce qui provoque l’impatience de son interlocuteur pressé : « “— Où tu veux en venir Ferdinand ! abrège ! je dois déjeuner, il est midi et j’ai du monde …”[88] ». Pareille remarque va permettre au bavard de redoubler de prolixité en intercalant dans ses discours des propos injurieux : « malotru », « mufle » ; puis, Marcel, regardant sa montre tout en répondant à son ami, s’écrie  :

— « T’as peur de manquer les radis ?… les anchois ? la terrine du chef ? avoue, innommable !
— Non ! Mais tu me retardes pour rien !…
— Ah, c’est pour rien ! … je te gâte, tu m’insultes !
— Vas-y ![89] »

Ferdinand est non seulement incapable de comprendre la situation de son ami et de se taire en conséquence, mais il se juge « insulté » par l’impatience trop manifeste de son interlocuteur et il l’invective. Ces invectives se poursuivent avec « pâle inepte », « tu saisis, ignare ? » ; les élucubrations portant sur la fin de la littérature, le métissage de la race blanche continuent ; le sujet étant épuisé, l’interlocuteur est brutalement renvoyé  : « toi tu peux aller déjeuner ! », ce qui amène les répliques finales suivantes :

— « Tu m’as engueulé, t’es content ?
— Toi t’as assez voulu qu’on me pende !
— Non jamais !
— Oh, qu’on me fusille ! et comment !… taille Tartuffe ![90] »

Marcel souligne avec raison le plaisir que Ferdinand prend à invectiver. Dans la réponse de celui-ci surgit cependant la raison cachée de cette agressivité, qui n’est pas si innocente puisqu’elle se trouve dans le passé de l’auteur : le thème de la « traîtrise » surgit. Marcel est accusé de faire partie des épurateurs[91]. C’est à nouveau le narrateur qui a le dernier mot, une injure comme il se doit.

Ainsi cette altercation en apparence anodine finit-elle par intégrer à sa manière le thème principal sur lequel repose toute la trilogie ; ce thème est considéré comme une injure au narrateur qui y répond ou l’anticipe par l’agression verbale. La dispute avec Marcel peut servir d’archétype ; on en retrouve les marques au cours du roman dans les imprécations aux Français et au lecteur, à tous ceux qui sont soupçonnés de rejeter l’auteur.

Conclusion

Il existe de toute évidence chez le narrateur comme chez les personnages céliniens une propension naturelle à l’invective. Celle-ci correspond à la conception négative de l’humanité. Le scandale Céline provoqué par les pamphlets, avec les conséquences qu’il entraîne pour l’écrivain, ne fera que confirmer cette conception, comme en témoigne une interview des dernières années : « le goût profond de l’homme, c’est la mise à mort douloureuse, c’est la vivisection sous ses yeux, voilà ce qu’il veut voir[92] ! » Mais loin de se confiner à ces jugements pessimistes, voire paranoïaques[93], Céline a l’art de gérer au mieux les ressources de l’invective qu’il intègre dans la fabrique de son style et dans sa technique romanesque. Dans ce contexte, elle sert d’instrument de défense magique ou elle permet de contre-attaquer par la créativité d’une écriture qui dénonce le mensonge ou les maux de l’humanité, comme dans les premiers romans. Elle connaît une dérive raciste avec les pamphlets. Après la guerre, elle cherche alors à provoquer le lecteur ou autres accusateurs présumés. L’invective célinienne possède un dynamisme particulier dans le sens où elle fait avancer l’action ; dans les prologues, elle contribue à l’enclenchement du récit. Les différentes altercations prologiques que nous venons d’étudier ont montré le dynamisme de cette fonction narrative de l’invective avec les diverses facettes qu’elle peut prendre. Les prologues de la trilogie révèlent un plaisir évident de l’agressivité verbale chez un narrateur qui joue avec les mots et avec le lecteur pour établir avec lui, par delà les ambiguïtés politiques, une sorte de complicité. Complicité qui se fait par la révélation de la propre violence de ce lecteur ou par la séduction opérée par le trait d’esprit. L’invective fait partie intégrante de la verve de Céline.