Abstracts
Résumé
L’anthropologie descriptive et essentialiste échafaudée par le duc de La Rochefoucauld dans ses Maximes (1678) nous présente un être, le moi, gravitant dans un espace abyssal vertigineux : l’homme dont le moraliste brosse un portrait implacablement lucide est prisonnier d’un espace quadripolaire désespérant. Les facteurs de dépossession et d’aliénation qui rendent le moi tragiquement étranger à lui-même, clivé de lui-même, privé de lui-même, sont, contradictoirement, tant immanents à son être que transcendants à lui.
Passions délétères, amour-propre tentaculaire, fortune capricante, humeurs physiologiques fatidiques, paresse incommensurable font de l’homme un ludion balloté sur l’océan de l’inconnu métaphysique.
Que l’on en fasse une lecture jansénisante ou ultra-mondaine, les Maximes de La Rochefoucauld ouvrent au lecteur un espace de mystère et d’inquiétude philosophique, somptueusement peuplé de fantômes du moi tragiquement inatteignable.
Abstract
The descriptive and essentialist anthropology elaborated by the Duc de La Rochefoucauld in his Maximes (1678) depicts a being, the self, orbiting about in an unfathomable vertiginous space. As portrayed by the moralist with implacable lucidity, man is imprisoned within a hopeless, four-pole space. Dispossession and alienation, the factors that leave the self tragically estranged from itself, sundered from itself, and deprived of itself are, in contradictory fashion, both immanent and transcendent to his being. Noxious passions, clutching self-love, yo-yoing chance, fateful physiological humours, and incommensurable laziness all turn the human being into a “ Cartesian devil ”, or, mere flotsam tossed about on the ocean of the metaphysical unknown. Whether La Rochefoucauld’s Maximes are interpreted from a Jansenizing or an ultra-mondaine perspective, they allow the reader to enter a space of mystery and philosophical disquiet that is sumptuously peopled with phantoms of the tragically unattainable self.
Appendices
Références
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