Abstracts
Résumé
La conception mallarméenne de l'Idée est généralement rattachée à une forme d'hégélianisme: on la fait volontiers découler de l'idéalisme allemand, auquel Mallarmé aurait été sensibilisé par son ami Villiers. Des propositions comme « Le Verbe, à travers l'Idée et le Temps qui sont "la négation identique à l'essence" du devenir, devient le Langage » laissent croire, en effet, que l'auteur d' Igitur n'était pas insensible à la négativité productive de l'Idée, propre à la conception dialectique de Hegel. On ne peut cependant ramener complètement l'eidétique mallarméenne à un tel principe abstrait. Plongeant en fait ses racines dans la pensée présocratique - avec laquelle l'idéalisme platonicien est en dialogue constant, à travers, notamment, sa théorie du langage ( Cratyle ) et de la nature ( Timée )- l'Idée mallarméenne ne peut être considérée comme un « incorporel». Mallarmé parle, en effet, de « la figure, que demeure l'Idée », ou encore des « gestes de l'Idée », et affirme que c'est « par la seule sensation » qu'il est « arrivé à l'Idée de l'Univers », montrant par là que l'idéalité, comparable à un « théâtre mental » ou à une « scène spirituelle », peut être vue comme le lieu où se manifestent, dans leur « forme » ou leur « type », les « qualités sensibles » communes aux Mots et aux Choses. L'article explore, dans l'oeuvre de Mallarmé, cette conception de l'Idée comme lieu des « formes » de la sensation, de même que le lien qu'elle entretient avec le Réalisme de Platon, tel qu'on peut l'interpréter à la lumière de sa philosophie de la Nature.
Abstract
We usualy think of Mallarmé's view of « Ideas » as a kind of Hegelianism, which was familiar to his friend Villiers de l'Isle-Adam. As a matter of fact, some statements like « Le Verbe, à travers l'Idée et le Temps qui sont "la négation identique à l'essence" du devenir, devient le Langage » seem to belong to German idealism, namely to Hegel's theory of « negativity ». But we cannot reduce Mallarmé's eidetics to this general abstract principle. The Idea, according to the author of Igitur, is not an abstract entity; it is a kind of « figure » or «gesture » - « la figure que demeure l'Idée », « les gestes de l'Idée » about which he asserts that we can reach it only by our senses : « par la seule sensation ». He also compares Ideas with « mental plays », « spiritual scenes », regarded as the locus where the Forms (in a Platonic sense) of words and things meet together. This paper discusses, according to several excerpts of his work,the way Mallarmé thinks about the eidos (Ideas as Forms) not only in the frame of the classical interpretation of Plato's philosophy, mostly based on the Republicor Cratylus, but from the viewpoint of the Platonic philosophy of Nature, exposed in Timaeus, where we can observe that Forms are closely linked with perception and sensation. Thus, Mallarmé's philosophy of Ideas is not typically an idealism, but a kind of neo-realism based on believing in a perceptible and sensible existence of Forms, embodied, for instance, in the forms of language and mostly of poetry.
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