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Cet essai examine la situation de l’éducation dans les communautés inuit du Nord-du-Québec. Cette tentative de comprendre s’est imposée à Nicolas Bertrand en réponse au choc d’un premier contact avec une communauté du Nunavik, Kangirsuk, en tant que nouveau milieu de vie. Sa représentation idéalisée du monde inuit a été confrontée aux réalités quotidiennes d’une société millénaire qui vit des transformations rapides et récentes en raison de l’intervention coloniale.

La démarche est rigoureuse et le résultat, généreux. Chaque question est pertinemment et systématiquement documentée. L’auteur expose des situations problématiques surprenantes et offre des pistes de questionnement, de réflexion, de recherche et d’action pour une transformation du système scolaire du Nunavik. Ceci est d’intérêt général et s’avère fort pertinent dans la foulée des travaux de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.

Les chercheurs et les enseignants en formation ou en exercice, ainsi que les administrateurs de l’éducation y trouvent une description de la problématique de la scolarisation en milieu inuit et un questionnement qui ont été documentés, alors que la problématique a été élaborée au contact du lieu où se pratiquent les actions d’enseigner et d’apprendre. Bertrand présente ses observations au sujet d’une situation scolaire vue de l’intérieur, ainsi que l’analyse qu’il en fait. Fort de ses expériences de travail et de vie, il observe la situation scolaire en se référant à sa connaissance d’un modèle d’établissement organisé et fonctionnel du sud du Québec, analyse, corrobore ses observations, les organise et les documente. Il formule une lecture fiable de la situation, ainsi que des propositions pertinentes porteuses de pistes d’action. Son ouvrage est imprégné de sensibilité et de respect à l’endroit de tous les acteurs de l’école, Inuit et Qallunaat. Cette recension prend principalement appui sur l’expérience et des savoirs développés en situation de partenariat pour la formation des enseignants inuit dans deux communautés du Nunavik.

Le premier chapitre présente une fine description de la situation organisationnelle de l’établissement scolaire où l’auteur est embauché comme enseignant. Les difficultés d’embauche et de rétention d’enseignants de langue seconde, française ou anglaise sont telles, au Nunavik, que dans l’attente du recrutement d’une nouvelle personne pour remplacer celle qui vient de se désister en tout début d’année, on lui offre un poste d’enseignant suppléant, bien qu’il n’ait pas les qualifications requises. La situation se répétera au cours du séjour.

Bertrand décrit la situation d’enseignement dans laquelle il se trouve. Il observe et discute l’absence de balises claires en ce qui a trait aux contenus à enseigner, la disponibilité d’un matériel didactique qui est éclectique et jugée peu approprié à l’âge des élèves, un désintéressement marqué des élèves pour les activités strictement scolaires en langue seconde, qui se manifeste aussi par des comportements qui le surprennent en classe. L’auteur décrit l’absence de dialogue entre les enseignants et la direction, ainsi qu’avec les parents. Il s’ensuit le constat d’une désorganisation, attribuée à des facteurs humains et structurels, ces derniers référant particulièrement aux conditions de vie nordiques. Les facteurs humains mettent en cause l’assiduité du personnel scolaire en général. Ces constats donnent lieu à une démarche de recherche et de compréhension de la pertinence du système éducatif « bipolaire » en place. L’auteur rappelle que la finalité formellement énoncée de l’éducation est la conservation de la langue et de l’identité inuit, ainsi que la réussite scolaire, selon les standards de la société englobante. Il y a consensus voulant que les jeunes inuit n’aient pas le choix d’accomplir la seconde pour se sentir bien dans le monde actuel et à venir. Or, pour réussir sa scolarisation, du point de vue de l’individu, il faut se sentir bien à la fois dans son identité et dans son milieu d’études, ce qui n’est apparemment pas le cas dans les écoles du Nunavik. Une obligation s’impose donc autant à la société inuit qu’à la société québécoise : constater et comprendre l’échec de l’école au Nunavik dans le but de mettre en place un projet éducatif pertinent et efficient dans l’intérêt de la jeunesse et de toute la population inuit.

Le deuxième chapitre d’Une école à la dérive. Essai sur le système d’éducation au Nunavik présente un résumé de l’histoire de l’éducation au Nunavik. Il évoque d’abord les phases de peuplement, des Tuniit pré-dorsétiens et dorsétiens aux ancêtres de la population actuelle, les Thuléens. Les premiers contacts avec les Européens aux XVIe et XVIIe siècles sont évoqués. Jusque-là, l’activité économique en était une de subsistance. Depuis, l’économie de marché s’est installée progressivement. Retenons que les échanges commerciaux autour du marché des fourrures étant devenus inégaux en raison de contingences extérieures au rapport au territoire et étrangères à l’économie de subsistance, les Inuit se retrouveraient à la fois en position de faiblesse dans les négociations et en position de dépendance aux biens que procure le commerce des fourrures. Dès lors, ne peut-on entrevoir l’espace qui s’offre aux visées et ambitions coloniales qui suivront, et anticiper la généralisation de celles-ci à toutes les dimensions de la vie ?

Les premiers étrangers à s’installer sur le territoire seront les missionnaires. Les modes d’interaction humaine singuliers, les croyances et les mythes constitutifs de la culture inuit sont dévalorisés. Le missionnaire évangélise, la population adhère et le chaman disparaît vers la fin de la première moitié du XXe siècle. Une version en inuktitut de la Bible est introduite et sert aussi à l’apprentissage de l’écriture syllabique. Bertrand met en évidence le bouleversement socio-culturel qui se produit et que l’école institutionnalise dès le début des années 1950, jusqu’au XXe siècle. De cette mouvance résultera une « mutation cruciale de la société inuit ».

Suivra une succession d’interventions étatiques canadienne et québécoise dont la présentation offre une compréhension de la trajectoire historique de la colonisation pratiquée sur le territoire ancestral du peuple inuit, éclairant ainsi la situation actuelle de l’éducation au Nunavik décrite au chapitre précédent. L’école est implantée en vue d’assimiler ces populations à la culture canadienne-anglaise, ce que facilitera la sédentarisation de ces populations semi-nomades. À la lecture, on comprend que les gouvernements interviennent dans leur propre intérêt : l’occupation et la souveraineté sur le territoire nordique, dans le cas du Canada ; les ressources naturelles, dans le cas du Québec. Il s’agit ainsi d’une double colonisation, la dernière étant le fait d’une société qui s’est trouvée en situation similaire à la fin du XVIIIe siècle (traité de Paris entre la France et l’Angleterre, en 1791). Par ailleurs, la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ, en 1975) jette les bases d’une certaine autonomie économique, politique et socioculturelle des Inuit du Nunavik. Cette entente conclue entre le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec et les représentants des Inuit crée juridiquement un ensemble d’organismes susceptibles de permettre aux Inuit d’administrer les services publics sur leur territoire du Nunavik. La Commission scolaire Kativik (CSK) est de ceux-là. L’argumentaire de l’auteur démontre les limites de l’autonomie économique et politique des Inuit en raison de l’encadrement étatique des pouvoirs consentis.

Dans ce cadre, le double mandat de la Commission scolaire Kativik concerne l’éducation des jeunes. Sa finalité est : la conservation de la langue et la préservation de l’identité inuit des jeunes générations, d’une part ; et la transmission des savoirs institutionnels qui conduisent à la réussite scolaire selon les standards de la société québécoise (ce qui est également valorisé par les Inuit), d’autre part. Nicolas Bertrand rapporte que l’inuktitut est parlé par 94 % de la population du Nunavik, bien que cette pratique se déroule principalement dans la sphère privée et au cours d’activités traditionnelles. Par ailleurs, force est de constater l’échec du système sous l’angle de la présence, de la persévérance et de la réussite de la majorité des jeunes qui débutent leur scolarisation. L’auteur observe que la CSK est coincée entre les exigences du Ministère de l’Éducation du Québec et les demandes des Inuit, tout en reconnaissant l’ampleur démesurée de la tâche à effectuer lors de sa création. Beaucoup a été accompli, notamment avoir permis l’accès à l’école à tous les jeunes Inuit jusqu’à la fin du secondaire. Cependant, en arriver à s’approprier la scolarisation et à en bénéficier pleinement lorsqu’on est une minorité ethnoculturelle involontaire, vivant sur un territoire éloigné sans lien terrestre avec celui où vit la société dominante, est une situation complexe. Est-il étonnant qu’après trois décennies d’existence institutionnelle, le défi ne soit pas relevé malgré l’ampleur des ressources investies dans l’établissement d’un réseau, ainsi que dans la formation des enseignants inuit ? A-t-on pris la décision de développer des actions éducatives pertinentes sur la base d’une connaissance valide des situations où se déroule l’action ? Que se passe-t-il réellement dans ces situations d’enseignement-apprentissage où des enseignants et des élèves interagissent ?

Au chapitre III, l’auteur observe et discute les particularités de l’« adaptation des professeurs qallunaat au contexte particulier du Nunavik » en tant que milieu de vie au quotidien. Des observations tirées des expériences personnelles d’acteurs de milieux de travail diversifiés, dont l’école, sont analysées en référence à la théorie des différences culturelles, notamment. Sa démarche démontre une fine compréhension de la difficulté, voire de l’incompréhension culturelle existant entre les enseignants qallunaat, d’une part, et les élèves, leurs parents et la communauté, d’autre part. Il constate un isolement des enseignants qallunaat, qu’il lie à leurs conditions de vie (physiques, particulières et facilitantes). Le choc culturel vécu par plusieurs d’entre eux trouverait une issue, notamment en compensant l’isolement de la vie communautaire par le dynamisme d’une vie sociale intrinsèque du groupe. Par ailleurs, des enseignants recherchent plutôt le rapprochement et l’interaction avec les Inuit dans différentes situations, intra-scolaires et plutôt extra-scolaires, en développant de l’empathie et en se dotant d’une compréhension des situations qui leur permette d’adapter leur agir. L’auteur conclut, en invitant les enseignants qui font le choix d’aller pratiquer dans les milieux inuit, à développer des compétences interculturelles d’intégration à la communauté, lesquelles impliquent notamment, une attitude d’ouverture et une posture de négociation des différences culturelles.

Le chapitre IV de l’essai met à plat une démonstration fiable, rigoureuse et pertinemment documentée de la problématique du choc culturel qui se manifeste au point de rencontre de l’enseignement et de l’apprentissage, c’est-à-dire des deux processus centraux de la scolarisation des élèves. Les savoirs enseignés à l’école et les savoirs traditionnels transmis au quotidien par la famille sont le produit de deux processus singuliers de production, opérant dans des contextes de vie distincts. L’un, décontextualisé, de nature techno-scientifique, produit une connaissance reconnue comme étant valide et généralisable selon des critères formels. L’autre est partie prenante du processus de la survie humaine au sein de milieux naturels, donc contextualisé, par rapport aux conditions de la vie sur ces territoires. Ces deux types de savoirs sont considérés comme étant étrangers l’un à l’autre, bien que des projets de recherche et de développement commencent à s’intéresser à leur complémentarité, en sciences pures ou à leur parenté, en sciences humaines. Or, leur statut respectif, dans les mentalités et à travers les structures, ainsi que les pratiques de scolarisation, tient d’un rapport dominant-dominé qui est à l’origine de l’implantation de l’éducation formelle dans les communautés inuit. La tâche des enseignants consiste donc à introduire les élèves à une deuxième socialisation, en rupture avec les acquis de la première. L’auteur d’Une école à la dérive documente les situations de ruptures qui résultent des points de vue des différents acteurs concernés : d’une part, les enseignants de langue seconde en poste à l’école depuis un temps relativement court ; et d’autre part, les élèves, les parents, ainsi que les aînés porteurs d’un héritage culturel millénaire qui a aussi évolué, notamment depuis l’arrivée des Européens. Enseignants, parents et aînés souhaitent tous la meilleure éducation possible pour les jeunes et leur réussite. Cependant, le processus pour y arriver, les moyens à prendre et l’action éducative elle-même sont conçus et mis en oeuvre à partir de paradigmes distincts. Les valeurs fondamentales, les contenus et les processus de l’intervention éducative vécue par les élèves transmettraient des messages contradictoires contre-productifs qui contribuent à l’abandon scolaire de la majorité des élèves.

La transformation de l’école en un lieu d’apprentissage efficace pour tous les élèves inuit et dans leur langue, demeure l’objectif ultime à atteindre. Néanmoins, toute amélioration de l’école implique la prise de conscience et la remise en question, de la part des Qallunaat, de l’ethnocentrisme individuel, collectif et institutionnel qui la définit. Les difficultés liées aux rapports interculturels n’étant pas seules en cause dans la situation, les structures et les processus organisationnels respectifs mis en oeuvre par la commission scolaire et les établissements doivent aussi faire l’objet d’analyses et de redéfinitions, au regard des besoins éducatifs réels des élèves. Bertrand attire l’attention sur une autre réalité de la vie des élèves, soit les conditions socio-économiques qui prévalent et sont pour le moins similaires à celles qui définissent les milieux défavorisés ailleurs au Québec.

Le chapitre V privilégie un cadre d’analyse macroscopique pour discuter et comprendre la valorisation de la culture des temps passés dans l’énoncé de la double finalité, c’est-à-dire la conservation de la langue et de la culture inuit, ainsi que l’apprentissage des savoirs et des savoir-faire pour bien vivre dans la société actuelle. Assume-t-on que la définition figée dans une époque d’une culture constitue la référence dans le discours actuel ? La question est lancée. Néanmoins, l’orientation privilégiée pour la traiter consiste à mettre en évidence l’ampleur de l’ancrage du colonialisme dans les actions et les mentalités. L’auteur construit un assez long argumentaire en référence au concept de « réduction », développant les quatre champs d’action suivants : géographique, économique, politique et idéologique. La réduction géographique a été juridiquement établie par la signature de la CBJNQ. Le processus de réduction économique, ayant cours depuis l’activité des Inuit sur le marché des fourrures, sera confirmé par la mise en application de la CBJNQ. Un indicateur significatif consiste en la présence dominante des Qallunaat dans les structures, notamment dans les postes les mieux rémunérés, alors que les Inuit occupent ceux qui sont moins rémunérés, faute de qualifications. Ces réalités interpellent directement l’école.

La faiblesse du pouvoir économique des Inuit est inscrite dans une réduction politique que la sédentarisation, suivie de l’intervention des États, a structurée et rendue fonctionnelle. L’encadrement étatique n’a laissé ni le temps ni la marge de manoeuvre nécessaires à la redéfinition des rapports sociaux dans le contexte de ces nouvelles conditions de vie liées à la sédentarisation. La gouvernance coloniale fait obstacle à des processus de décision qui opéreraient en référence aux communautés, chez un peuple qui s’est assumé et gouverné pendant des siècles. On mentionne l’exemple de la CSK qui entretient plus de liens politiques avec l’État québécois qu’avec les parents et les communautés parce que c’est là que les gains en ressources financières et autres se font (p. 192).

La réduction idéologique constituerait à la fois les justifications et la base de la structure coloniale. Elle traverse toutes les sphères de l’activité humaine des milieux inuit et autochtones en général. Cette idéologie informe les mentalités en opposant les Autochtones et les Allochtones, ces derniers étant présentés comme les acteurs de l’avènement de la modernité dont les premiers ont été les victimes. Qualifiant cette réduction idéologique d’« obsolète », Nicolas Bertrand propose la prise de conscience et la vigilance à l’égard des stéréotypes qui la maintiennent. Il invite à actualiser les grilles d’analyse, les discours et les pratiques sociales – notamment, les pratiques éducatives de l’école – en prenant en compte le lien des Inuit avec le territoire. Ainsi, il incite à actualiser la définition de la culture inuit, dans une perspective de transmission de sa richesse et, à éviter ou à prévenir une approche qui risquerait de la folkloriser.

Le chapitre VI discute la théorie des différences culturelles. L’auteur y présente un examen critique d’une proposition expliquant la transformation de l’identité culturelle inuit qui a cours depuis la sédentarisation des populations et ses impacts sur le développement et l’éducation des jeunes générations. Bertrand explicite sa compréhension de la situation à la lumière de cette théorie (tirée de la psychologie sociale) et de ses deux années d’expérience au contact des enseignants qallunaat en poste ainsi que des enfants, de leurs parents, de leurs aînés et des autres membres de la communauté. Partant de l’a priori qu’une identité culturelle clairement définie constitue le liant d’un groupe ainsi que la nécessaire référence à la définition de l’identité individuelle, on constate que cette identité culturelle claire, développée en référence au territoire dans un contexte de survie, « a été mise en lambeaux » par l’intervention coloniale. Il en résulterait une absence de valeurs et de buts communs qui sont nécessaires à la définition, par les enfants, les adolescents et les adultes d’un groupe, de leur identité personnelle. Le vide identitaire entrave le processus de définition d’une conception du soi et d’un projet de développement personnel, dont les objectifs à long terme, ont priorité et motivent le fait de différer la satisfaction des plaisirs immédiats qui peuvent nuire à la réalisation de soi et engendrer toutes sortes de problèmes sociaux. Le manque de contrôle de soi, en tant qu’action individuelle et pratique sociale, devient donc le principal problème à résoudre pour améliorer la présence, la persévérance et la réussite scolaires des élèves. Selon cette logique, la prise en charge de la redéfinition de l’identité culturelle dans le domaine communautaire est donc requise pour changer la relation actuelle des jeunes et de leurs parents avec l’école en tant qu’institution sociale.

La discussion de la proposition relative à la question identitaire est soit enrichie, soit remise en question, en référence à d’autres perspectives dont celle de l’action éducative proprement dite dans les contextes actuels de la communauté et de l’établissement scolaire. Se reportant notamment aux travaux de Louis-Jacques Dorais, Bertrand rappelle la présence de deux postures identitaires en interaction, celle des Inuit et celle des Qallunaat. La redéfinition de l’identité culturelle implique la nécessaire prise en compte des processus d’acculturation et d’adaptation qui ont eu cours depuis les premiers contacts. Le défi à relever serait l’intégration de deux identités culturelles mal définies ou mal connues dans un environnement où de nombreux stimuli, notamment technologiques, contribuent à la fragmentation identitaire. Renvoyant aux travaux de C. Taylor, le constat des maux engendrés par le colonialisme et la modernité, venus de l’étranger, justifierait un statut de victime qui pourrait conduire à l’inaction face à la situation de l’éducation et, possiblement, donner lieu à la complaisance. Si on reconnaît que les conditions socio-économiques de la population amplifient certains problèmes sociaux, ces derniers deviennent compréhensibles en eux-mêmes – pensons à la structure d’emplois, notamment, qui maintient la majorité des travailleurs inuit dans les postes les moins stimulants et les moins rémunérés. L’auteur complète la discussion en mettant en évidence les difficultés et défis que soulèvent la proposition de la redéfinition de l’identité culturelle et ses pistes de solution afin de renverser la posture collective existante, qui est à l’évidence contre-productive, face à l’école. Bertrand propose aux Inuit de travailler à s’émanciper des effets pervers de la réduction idéologique dans laquelle ils ont été enfermés et qu’ils contribuent à maintenir jusqu’à un certain point, et les appelle à redéfinir leur identité culturelle en cohérence avec leur vie aujourd’hui.

En conclusion, l’auteur invite les Inuit à réformer le système éducatif actuel dont le résultat est l’échec de la majorité des élèves, tant sous l’angle de la conservation de la langue et de la culture que sous l’angle de la maîtrise des savoirs nécessaires à la vie en société au XXIe siècle. Qu’on ait l’audace de développer et d’offrir un curriculum scolaire bilingue, en inuktitut et en langue seconde, qui permettra d’améliorer la maîtrise de l’inuktitut et d’offrir un enseignement des autres matières scolaires en inuktitut. La définition de ce système éducatif sera fondée sur la reconnaissance et l’inclusion du lien organique des Inuit avec leur territoire, une composante fondamentale de l’identité et des milieux de vie aux caractéristiques uniques sur le territoire du Québec. (À ce sujet, les travaux de réforme curriculaire entrepris par le Nunavut offrent un modèle pertinent. Voir l’article de Heather McGregor et Catherine McGregor dans ce numéro.) Bien sûr, l’avènement d’un gouvernement autonome offrirait une condition facilitante pour la mise en oeuvre et la réalisation d’un projet de si grande envergure, mais d’ici à ce que cette réorganisation politique advienne, la sensibilité et la collaboration du gouvernement du Québec s’avéreront une condition sine qua non à une nécessaire contextualisation de la scolarisation par les Inuit sur le territoire qu’ils habitent. Des actions peuvent déjà être entreprises, moyennant détermination et disponibilité des ressources nécessaires. Parmi les priorités à considérer, la formation professionnelle d’enseignants inuit bilingues, capables d’enseigner en inuktitut et en langue seconde, fondée sur une analyse fine des besoins éducatifs des jeunes, s’impose. Entre-temps, c’est-à-dire dans l’attente d’un nombre d’enseignants inuit suffisant, compléter la formation professionnelle des enseignants qallunaat devrait, à court terme, être l’objet d’une action spécifique, eu égard aux conditions et aux exigences de la pratique enseignante sur le territoire du Nunavik.