Abstracts
Résumé
Cet article propose d’analyser le cheminement vers l’autonomie politique au Nunavik sous un nouvel angle et de comprendre quelles difficultés les Nunavimmiut ont pu rencontrer au cours des 40 dernières années pour mettre en oeuvre ce projet. En s’appuyant sur une perspective relationnelle et ontologique, il montre que les Nunavimmiut envisagent moins l’autonomie politique comme une séparation ou une rupture que comme un processus à travers lequel ils tentent de préserver leur relation avec l’État. Les Nunavimmiut partagent majoritairement cette idée qu’un bon gouvernement, qu’il soit fédéral, provincial ou régional, doit consulter le peuple et combler ses besoins. Cette conception octroie aux instances gouvernementales une fonction de pourvoyeur et les placent dans une position de pouvoir. Dans ce contexte, l’autonomie politique est conçue comme un processus à travers lequel les Nunavimmiut tentent de redéfinir la place qu’ils occupent au sein de cette relation de pouvoir. Cela passe notamment par l’acquisition de savoirs pertinents à la conduite d’une société moderne et dans ce processus, ils doivent être accompagnés par les gouvernements. Alors que les voix affirmant le désir de parler aux gouvernements sur un pied d’égalité étaient minoritaires dans les années 1970 et 1980, les événements entourant le référendum du 27 avril 2011 laissent penser qu’opposer un «non» aux entités gouvernementales a trouvé une nouvelle légitimité.
Abstract
This article aims to analyse the path toward political autonomy in Nunavik from a new angle and to understand the difficulties Nunavimmiut have encountered during the last 40 years in implementing this project. Through a relational and ontological approach, it shows that Nunavimmiut consider political autonomy to be a relational process that should preserve their relationship with the State rather than a separation and rupture with the Canadian and Quebec governments. Most Nunavimmiut share the idea that a good government, be it federal, provincial, or regional, should consult the people and fulfil their needs. This perspective gives the governments a role of provider and puts them in a position of power. In this context, political autonomy is seen as a process where Nunavimmiut try to redefine their position in the power relationship. This notably requires becoming knowledgeable about how a modern society works, and they have to be accompanied in this process by the governments. Those who were trying to talk to the governments on an equal footing during the 1970s and 1980s were in a minority, but the events surrounding the referendum of April 27, 2011 imply that saying “no” to governmental entities has found new legitimacy.
Article body
Introduction
Le 27 avril 2011, 66% des habitants du Nunavik ont répondu «non» à la question «Approuvez-vous l’Entente finale sur la création du gouvernement régional du Nunavik?» Aboutissement de 40 années de négociations laborieuses, cette entente visait à la mise en place d’une assemblée régionale élue par la population et la fusion des grands organismes régionaux déjà existants. Même si certains remous laissaient présager, à l’approche du référendum, que l’accord ne serait pas si facile à obtenir, il était difficile de prévoir un rejet si massif: le non s’est affirmé majoritairement dans chacun des 14 villages du Nunavik, ainsi que chez les électeurs résidant à l’extérieur du territoire. Les arguments soulignés par de nombreux Inuit convergeaient vers l’idée que le modèle de gouvernement proposé n’avait pas assez de pouvoirs distincts par rapport au gouvernement provincial et qu’il ne garantissait pas la pérennité de la langue et des pratiques culturelles inuit. Ce rejet de l’entente finale a rappelé, à plus d’un observateur, les précédentes impasses du projet autonomiste au cours des dernières décennies au Nunavik. En s’appuyant sur une approche relationnelle et ontologique, cet article propose d’analyser sous un nouvel angle le cheminement laborieux des Inuit du Nunavik vers l’autonomie politique et d’identifier certains blocages structurels qui les empêchent d’envisager de façon unanime la création de leur propre gouvernement.
De nombreuses publications, produites par des personnes de terrain ou des chercheurs en sciences sociales, ont déjà analysé les différents enjeux et les processus de l’histoire politique du Nunavik des 60 dernières années (Arteau 2011; Bussières 1992; Canobbio 2009; Cloutier 2010; Dufour 1982; Rodon 2003; Savoie 2009; Tremblay 2002). D’autres travaux, portant sur le mouvement des coopératives, ont quant à eux permis de bien comprendre l’implication du mouvement coopérateur dans l’émergence et l’affirmation d’un désir autonomiste (Simard 1982; Mitchell 1996; Tulugak et Murdoch 2007; Vallee 1967). Les quelques travaux produits par des Inuit ou cherchant à transcrire leur perspective fournissent des données essentielles du point de vue de l’histoire personnelle ou collective pour comprendre ces années de négociations et les tensions qui les accompagnent (Bouchard 2008; Koperqualuk 2011; Qumaq 2010; Simard et Duhaime 1981; Therrien 1979; Tulugak 2002; Uitangak 1994). Duhaime (1992) a, de son côté, examiné les difficultés des Nunavimmiut à concrétiser le projet d’autonomie politique en analysant les conditions sociopolitiques favorisant l’existence de deux discours autonomistes antagoniques. Cet article souhaite poursuivre cette réflexion en mettant en valeur les fondements ontologiques de ce processus de l’autonomie au Nunavik. Il propose donc de contribuer à éclairer l’histoire politique de la région en épaississant la trame chronologique et l’expérience institutionnelle par un recours aux discours des Nunavimmiut afin de révéler les significations qu’ils donnent à l’autonomie et à ce que doit être un gouvernement. Il s’agit de repérer les manifestations d’une ontologie singulière dans le domaine du politique et d’observer comment elle se déploie.
Plutôt que de considérer l’existence d’un seul monde réel dont ils s’agirait d’étudier les différentes représentations culturelles, l’approche ontologique, notamment celle dessinée à travers les travaux de Latour (1991), d’Ingold (2000) ou de Descola (2005) met l’accent sur la pluralité des mondes et assigne à l’anthropologie le soin d’en explorer les multiples réalités. Ce tournant épistémologique invite à repenser la nature du lien politique qui structure les sociétés humaines en se penchant sur la façon dont les individus envisagent eux-mêmes ce lien. Ainsi, il apparaît que les concepts d’autonomie individuelle et d’autonomie collective portent intrinsèquement l’idée que l’autonomie est constituée par la séparation d’individus ou de groupes d’individus entre eux, mais également par la séparation de ces individus d’avec le monde naturel dans lequel ils vivent. Or, si l’ontologie occidentale repose sur les principes de séparation, de classification et de manipulation d’entités et de substances, les savoirs autochtones, eux, mettent l’emphase sur les relations et les processus (Blaser et al. 2010: 6-8). Ayant dressé ce constat, les auteurs de l’ouvrage collectif Indigenous Peoples and Autonomy invitent à repenser le phénomène d’autonomie politique des peuples autochtones à partir d’une perspective relationnelle. Pour les peuples autochtones, ce sont les relations, que ce soit avec le monde visible ou le monde invisible, qui fondent l’existence individuelle et collective, et ce, même dans le contexte de conflits (Feit 2010). Si les rationalités politiques, institutionnelles ou économiques restent importantes à mettre en lumière, l’ontologie politique, qui consiste à focaliser le regard sur les dynamiques de pouvoir produites dans la rencontre entre l’ontologie moderne dominante et les ontologies autochtones telles qu’elles se manifestent dans les pratiques (Blaser 2009: 877), ouvre la possibilité de comprendre sous un nouveau jour les dynamiques historiques. Les débats, les conflits politiques, deviennent alors des noeuds révélant l’entrelacement d’ontologies politiques singulières.
Les témoignages et les récits des Nunavimmiut au sujet de leur histoire politique sont rares. J’ai pu en recueillir quelques-uns[1] au cours de ma recherche de doctorat en anthropologie consacré aux relations de pouvoir et à la construction de la figure du leader chez les Inuit du Nunavik (XXe siècle à 2011). Pour cela, il a fallu recourir à des sources écrites et orales variées, tels que des audiences publiques, des documents d’archives, des mémoires et, pour la période plus récente, celle notamment du référendum de 2011, des médias sociaux. Ces sources écrites, même si elles sont hétéroclites, présentent l’avantage de révéler les perspectives des Nunavimmiut au sujet de leur vie politique. Cet article puise également parmi des entretiens conduits durant mon doctorat et menés avec plusieurs acteurs et témoins clés de la vie politique contemporaine du Nunavik, qu’il s’agisse d’Inuit ou de personnes ayant travaillé avec eux. Qu’elles soient écrites ou orales, ces sources ont été traitées avec la même distance critique et elles ont été l’objet d’une analyse dynamique prenant en compte la relation entre l’expérience vécue et les formes narratives dans le but de mettre à jour des motifs culturels structurants (Cruikshank 1988).
Préserver le lien politique
Plutôt que d’envisager la séparation, les ontologies autochtones privilégient la préservation de relations avec les différents mondes qui les entourent. Leur inscription dans la réalité s’exprime, comme Feit (2010: 54) l’a montré pour les Cris de la Baie James, par la reconnaissance de l’existence d’un monde complexe et imprévisible fait de connexions qui sont à renouveler sans cesse. Briggs (2000) a déjà montré à quel point il était important pour les Inuit de favoriser des relations sociales harmonieuses et de montrer une image unifiée de leur groupe. Mais l’importance centrale accordée à l’harmonie sociale n’est pas restreinte aux relations interpersonnelles. Les conflits des dernières décennies au Nunavik et les différentes critiques adressées par les Nunavimmiut aux gouvernements montrent qu’elle s’étend en effet aux entités politiques. Tout au long des 50 dernières années, les habitants du Nunavik n’ont pas cessé de rappeler l’importance de favoriser la bonne entente et l’harmonie sociale, que ce soit au niveau communautaire, régional ou national. Cette bonne entente n’est pas forcément synonyme d’unanimité, elle est plutôt, comme le note Duhaime (1992: 150), le résultat d’une «démarche qui conduit à aplanir les divergences».
Pour les Nunavimmiut, l’idée même d’autonomie gouvernementale ne renvoie pas à celle de séparation d’avec l’État, mais elle engage au contraire la poursuite d’une relation. Au tout début des années 1970, l’idée d’un gouvernement autonome inuit au Nunavik émerge dans le sillage du mouvement des coopératives. Ce projet est exprimé officiellement devant des représentants gouvernementaux lors de deux événements: la tournée de la Commission Neville-Robitaille dans les villages du Nunavik en 1970 et la rencontre entre les représentants des conseils communautaires et le ministre québécois des Richesses naturelles, Gilles Massé, en février 1971. Les Nunavimmiut expriment alors clairement qu’ils ne veulent plus être assujettis aux lois édictées sans leur consentement par les gouvernements provincial et fédéral. Ils réclament leur propre gouvernement afin de prendre eux-mêmes les décisions concernant leur collectivité[2]. Mais dès le départ, ils établissent clairement qu’ils ne souhaitent pas de séparation radicale avec l’État. Ce gouvernement régional inuit doit se faire en partenariat avec les gouvernements du Québec et du Canada, tout en respectant leur cadre légal et constitutionnel. Même si les gouvernements du Québec et du Canada avaient de leur côté déjà imposé la condition de négocier à l’intérieur du cadre constitutionnel, les différents projets de gouvernement régional dessinés au cours des décennies suivantes n’envisagèrent à aucun moment l’indépendance ou la souveraineté. Même la Déclaration sur un gouvernement du Nunavik, rédigée au lendemain du référendum de 2011 dans l’optique de rediscuter des lacunes de l’entente finale jugée trop peu autonomiste et de poser, une nouvelle fois, les bases d’un futur gouvernement régional, rappelle l’importance de respecter la Charte des droits et libertés du Québec et celle du Canada, et de rester sous la juridiction de l’Assemblée nationale du Québec et du Parlement du Canada.
Ce désir de favoriser une bonne relation avec les entités politiques ne s’affirme pas uniquement dans le contexte de la relation avec les gouvernements du Québec et du Canada. Les Nunavimmiut répètent à de nombreuses reprises que leurs organisations régionales doivent elles aussi coopérer davantage (FQTFS 1984: 31), mieux communiquer entre elles et consulter plus régulièrement la population:
Ceux qui servent dans les grandes organisations comme Makivik, les maires et tous ceux qui voyagent dans les différentes communautés sont tous d’une certaine façon attachés à l’exercice de l’autonomie politique. Alors que nous, les gens ordinaires, nous n’avons aucune connexion de quelque sorte avec le gouvernement. Nous ne sommes jamais en lien avec Makivik, ou du moins, je n’ai jamais été le sujet de leur attention. On ne m’a jamais demandé ce que je souhaite ou ce dont j’ai besoin.
Elisapie Williams, Inukjuak, 2000[3]
Toute l’emphase est mise sur la nécessité de préserver la «connexion», le «lien» entre les entités politiques et le peuple. La légitimité de l’action politique, que ce soit au niveau national, provincial ou régional, se trouve ainsi justifiée par sa propension à assurer la continuité d’une relation.
Pour les Nunavimmiut, la bonne entente entre et avec les institutions politiques passe avant tout par une bonne communication et la prise en compte des avis de chacun. Ils souhaitent participer à toutes les étapes de la vie démocratique. Déjà, lors des audiences de la Commission Neville-Robitaille, en 1970, les Inuit reprochaient aux deux paliers de gouvernements qui venaient les rencontrer de ne pas les consulter. Ils faisaient alors référence aux décennies précédentes pendant lesquelles les bureaucraties gouvernementales géraient, de loin, leur devenir économique et social. Lorsque les organisations régionales se sont structurées à partir de la fin des années 1970 et qu’elles ont mis en place de nouvelles structures décisionnelles devant favoriser la participation inuit, l’insatisfaction a perduré. Lors de la reprise des négociations en 1984, les Nunavimmiut expriment le fait qu’ils se sentent brimés par le manque de consultation (NQTFS 1984: 32). De façon générale, ils regrettent de ne pas être assez impliqués dans les prises de décision des organismes qui les représentent et ils reprochent à l’Administration régionale Kativik de n’être qu’un intermédiaire auprès du gouvernement provincial, un messager plutôt qu’un initiateur (ibid.: 13)[4]. Ils expriment par là leur insatisfaction face à un modèle de gouvernance dans lequel ils participent plus à l’exécution qu’à la prise des décisions politiques et dans lequel le peu de pouvoir décisionnel qu’ils possèdent ne concerne que des domaines spécifiques du fait du découpage organisationnel de la vie politique régionale. Dans ce contexte, ils se retrouvent dépossédés du pouvoir souverain de gérer l’ensemble de leurs affaires communes (Duhaime 1992: 158-159). Pour satisfaire leur besoin constant de participer à toutes les étapes de la vie politique, les Nunavimmiut devront imaginer une forme de partage et d’exercice du pouvoir qui garantirait une plus grande démocratie participative.
Ces mêmes critiques s’étendent aux règles du jeu démocratique. Les Nunavimmiut ne veulent pas seulement prendre les décisions concernant leur devenir collectif, ils veulent aussi contrôler le fonctionnement du processus décisionnel. Que ce soit en 2000, lors des audiences de la Commission du Nunavik, ou en 2011, au moment du référendum devant entériner l’Entente finale, de nombreux Nunavimmiut questionnent la légitimité des négociateurs qui, selon eux, n’ont pas été choisis par le peuple et prennent des décisions avant de consulter la population[5]. Une personne déclare même sur les réseaux sociaux qu’elle aurait aimé être consultée pour fixer les règlements du référendum. Johnny Kasudluak, l’un des chefs de file du mouvement contestataire dans le contexte du référendum de 2011, précise que les négociateurs auraient dû utiliser les moyens modernes de communication en employant par exemple un chargé de communication et en utilisant mieux les médias sociaux (Kasudluak 2011). À l’approche du référendum, les habitants d’Inukjuak sentent qu’ils ne sont pas assez consultés et pour favoriser le débat, ils lui demandent de créer une page Facebook qui constituera, quelques semaines après, un véritable forum sur lequel les Nunavimmiut rappelleront aux négociateurs leur devoir envers la population:
J’étais frappé de voir à quel point de nombreux Inuit se sentaient aliénés par le leadership et la façon dont trop de leaders actuels n’essayaient même pas de construire des ponts vers eux. Ils semblaient penser qu’ils pouvaient simplement nous imposer leur agenda. Nous avons rejeté cette approche et nous allons continuer à la rejeter. Nous avons besoin de leaders qui seront en sincère communication avec nous. Ils doivent venir vers nous pour trouver des directions, de la force et du soutien. Nous voulons être impliqués et que nos préoccupations soient pleinement prises en compte et représentées. Nous voulons soutenir nos leaders pendant qu’ils défendent des affaires importantes pour nous.
Johnny Kasudluak, 2011[6]
Si ces critiques condamnent une nouvelle fois le fonctionnement bureaucratique, elles constituent également une formidable pression que les Nunavimmiut imposent sur les structures et les acteurs politiques tout au long de la période. Elles martèlent en fait l’idée que le pouvoir appartient au peuple. Il doit pouvoir choisir ses représentants politiques et ces derniers doivent s’en remettre à lui pour toute décision concernant l’avenir de la collectivité.
Le manque de consultation de la part des acteurs et des organisations politiques n’est pas seulement l’origine d’une insatisfaction. Il est vécu douloureusement par les Nunavimmiut pour lesquels l’indifférence constitue une forme de sanction sociale (Rouland 1979; van den Steenhoven 1962). Chez les peuples autochtones en effet, le bien-être renvoie directement à la présence d’une relation (Quemenado 2010). Parce qu’elle n’est pas consultée par les organismes inuit, une Inuk dit qu’elle se sent isolée:
À chaque fois que Makivik vient dans notre communauté ou lorsqu’ils ont leur assemblée annuelle, je n’ai jamais été l’objet de leur intérêt. Et pourtant je suis le sujet de leur réunion car je suis une des leurs. J’ai atteint le milieu de l’âge adulte dans cette situation (d’isolement). Je me demande si cette situation sera la même lorsque ma fille sera grande[7].
Plusieurs Nunavimmiut disent même se sentir traités comme des animaux par les gouvernements (Simard et Duhaime 1981: 121), et plus particulièrement comme des chiens car leur avis n’est pas sollicité, une métaphore filée tout au long de la période:
Lorsque nous menons un attelage de chien, le chien n’est pas le maître. La même chose s’applique ici; nous ne voulons pas être comme des chiens et voir se prendre des décisions que nous devons ensuite suivre. Ce document [transfert de la région au gouvernement provincial] a été signé sans notre consentement. Cela nous ennuie[8].
Quelques Inuit vont même plus loin en utilisant l’analogie du chien le plus faible[9]. Le chien est considéré comme un animal qui n’a aucun esprit d’indépendance puisqu’il suit les directives de son maître. Il constitue un partenaire de second ordre et les orphelins qui, dans la mythologie inuit, renvoient au statut social le plus bas, dorment avec eux. Le fait de ne pas être consultés renvoie ainsi les Inuit à une image d’eux-mêmes négative et à une position de statut inférieur.
Le gouvernement pourvoyeur
Chez les Inuit, les relations interpersonnelles et celles que les humains entretiennent avec les non-humains se perpétuent par le biais des pratiques quotidiennes d’entraide (Bodenhorn 1990; Hervé 2013). Il en va de même des relations entre humains et entités politiques. Tout au long des dernières décennies, les Nunavimmiut insistent sur l’idée qu’un «bon» gouvernement doit combler les besoins du peuple, que ceux-ci soient alimentaires, matériels, financiers ou immatériels (en termes de savoirs par exemple). Ils attendent des gouvernements du Québec et du Canada que ceux-ci partagent leurs richesses, qu’il s’agisse d’argent, d’emplois, d’éducation (Dorais 2001: 66-68) et c’est là la condition d’une bonne relation avec eux. Cet aspect était frappant dans les années 1960, alors que le Nouveau-Québec était transféré sous la tutelle du gouvernement québécois. Tout l’enjeu pour les Inuit était de parvenir à s’assurer la continuité de l’assistance fédérale car ils craignaient que le petit gouvernement, kavamaapik, celui du Québec, ne leur fournisse pas assez d’aide (Simard et Duhaime 1981: 122). Mieux, nombreux étaient ceux qui réclamaient que les deux gouvernements continuent à leur apporter de l’aide: «Nous voulons que les deux gouvernements soient égaux. Nous ne voulons pas que l’un soit plus puissant que l’autre. Nous voulons pouvoir obtenir de l’aide des deux gouvernements», explique Paulussie Napartuk, président du conseil communautaire de Kuujjuarapik, lors d’une rencontre avec Éric Gourdeau, le directeur de la Direction générale du Nouveau-Québec en 1964 (Beaudoin 2000: 104). Les représentants des gouvernements, le provincial comme le fédéral, avaient alors bien conscience de cet aspect et pour s’assurer de la loyauté des Inuit, ils ne cessèrent de rappeler leur volonté et leur capacité de les aider matériellement et financièrement:
Nous, représentants du gouvernement fédéral, pensons que c’est une bonne chose. C’est une bonne chose que le peuple puisse avoir deux gouvernements pour l’aider. C’est toujours mieux qu’un homme ait deux bons amis plutôt qu’un. Nous ne disons pas qu’il faille choisir entre les deux gouvernements, nous disons, «laissons donc les deux gouvernements aider».
Anonyme 1964
Mais cette fonction de pourvoyeur n’est pas seulement attribuée aux gouvernements de tutelle. Elle est tout autant assignée à un gouvernement autonome inuit. Au cours des consultations organisées par Ujjituijiit, un groupe de travail ayant la mission de consulter les Nunavimmiut sur ce qu’ils désireraient en termes d’autonomie gouvernementale en 1983, s’imposait l’idée d’un gouvernement comme d’un carrier out, un organe qui met en oeuvre, qui exécute les directions données par les enseignements de la Bible ou les coutumes, les croyances ou les désirs personnels ou collectifs (FCNQ 1984). Au cours des audiences de la Commission du Nunavik, en 2000, les Nunavimmiut précisèrent qu’un gouvernement autonome doit aider les démunis: «L’une des missions du nouveau gouvernement doit être d’aider les Inuit qui n’ont rien, d’étendre cette aide à nos aînés en tout premier lieu»[10]. Cette aide concerne des domaines très variés:
Lorsque nous aurons notre propre gouvernement, toutes les préoccupations que les gens auront pourront être résumées en une seule idée: le besoin de combattre la pauvreté. Nous sommes très pauvres ici. Notre manque d’argent rend nos vies difficiles. Nous ne pouvons pas acheter de motoneiges, nous n’avons pas assez de nourriture. Nous ne pouvons pas payer nos loyers. Ce sont là des aspects de nos vies que nous devons améliorer[11].
D’autres Nunavimmiut regrettent même d’avoir à payer leur essence, leurs factures d’électricité ou de téléphone[12]. Tout au long de la période, ils ne cessent de réclamer plus d’aide de la part du gouvernement, que celui-ci soit fédéral, provincial ou inuit. Ils exercent une pression continue pour s’assurer que ces figures de pouvoir redistribuent leurs richesses.
Cette conception du gouvernement comme d’un pourvoyeur reflète et instaure dans le même temps un rapport de pouvoir. Les figures de pouvoir, chez les Nunavimmiut, sont celles qui possèdent des biens dont les autres sont démunis, qu’il s’agisse de biens alimentaires, matériels, humains ou immatériels. Contraintes de redistribuer leurs richesses, elles sont néanmoins suivies dans les décisions qu’elles prennent et leurs requêtes sont écoutées (Hervé 2013: 302-305). On dit d’elles qu’elles sont iliranaqtut, à la fois craintes et respectées, un sentiment central dans le maintien de l’harmonie sociale (Briggs 1978: 65-66; Rasing 1994: 112-113). Ce n’est donc pas anodin si l’entité gouvernementale est souvent associée à la figure du père par les Nunavimmiut (Filotas 1984: 6-7) et qu’il doit être obéi. Au sein de la famille, le père (ataatak) et avec lui la mère (anaanak) se situent dans une position de pouvoir par rapport à leurs enfants. Autant ils doivent subvenir aux besoins de leur progéniture, autant leurs enfants doivent les assister en tout temps. On fait référence aux parents par le terme angajuqqaaq, terme également utilisé dans le registre organisationnel où il désigne les fonctions de directeur, de président, de chef. Le gouvernement, qu’il soit fédéral, provincial ou régional, est ainsi considéré comme une figure de pouvoir qui est respectable tant que celle-ci joue pleinement son rôle de pourvoyeur. D’ailleurs, les critiques que les Inuit adressent aux gouvernements pour recevoir plus d’argent, plus de services, plus d’infrastructures viennent le rappeler constamment à son devoir.
Pour exprimer l’idée de répondre à une contrainte, les Nunavimmiut utilisent les termes de suivre (maliktuq[13]) et de dire oui (angaajuq), des termes qui sont tout autant mobilisés dans le registre des relations interpersonnelles que dans celui de la relation avec les gouvernements[14]. Ainsi, lorsque les membres de l’association dissidente Inuit Tungavingat Nunamini (ITN)[15] parlent des signataires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois aujourd’hui, ils expliquent qu’ils n’ont sans doute pas eu d’autre choix que de signer (Aliva Tulugak, Puvirnituq, 8 avril 2010; Tulugak 2002: 160). Dans la bouche des dissidents, les signataires ont donc «suivi» le gouvernement (Uitangak 1994: 27), ils n’ont pas su lui dire «non»:
Peut-être pensaient-ils qu’ils ne pouvaient pas dire «non» au gouvernement. Ils pensaient que le gouvernement était très puissant, si puissant que nous devions acquiescer à tout ce qu’il disait. […] Peut-être que nous ne dirons jamais «non». La seule chose que nous pouvons dire est «oui, oui, oui» au gouvernement, «nous vous suivons quoi que vous disiez». C’est probablement ce que le gouvernement avait l’intention de faire avec les gens du Nunavik.
Elyassie Sallualuk, Puvirnituq, 8 juin 2010
Tout comme un Inuk dit «oui» à son aîné, à son parent, à celui qu’il décide de suivre parce qu’il lui fournit les moyens matériels ou immatériels dont il a besoin pour vivre, les signataires ont dit «oui» (angaajuq) au texte de la convention, et derrière, aux gouvernements qui en poussaient la concrétisation. C’est ce que soulignaient les quelques lignes de ce poème rédigé par Joaniapik Uqaittuk et Matiussie Tulugak, deux membres de l’association ITN:
Cours donc à Ottawa
Voir si le gouvernement fédéral
ne nous donnerait pas un pays.
Notre vieux pays nous ne l’avons plus
Pour 90 millions, il a été vendu
Séduits par tout cet argent
Nos représentants ont dit oui
Et tandis que je m’ennuie de mon pays
Ils achètent des avions et des bateaux (ITN 1983: 94).
La volonté des Nunavimmiut de préserver ce soutien des gouvernements provincial et fédéral ne doit pas être ainsi comprise comme la conséquence d’un colonialisme paternaliste ou encore comme la marque d’une indolence des peuples autochtones face aux gouvernements de tutelle. Elle est au contraire une forte affirmation identitaire. En consentant aux termes de la convention, et plus généralement, en acceptant que l’appareil législatif et bureaucratique des gouvernements façonnent leur vie collective, les Nunavimmiut font le choix de se mettre sous la protection d’un pourvoyeur. Certains d’entre eux expriment qu’ils n’ont pas les mêmes besoins et, se sentant plus en mesure de se gouverner par eux-mêmes, décident de prendre une autre direction que celle montrée par les gouvernements. Le cheminement vers l’autonomie, qu’il soit personnel ou collectif, est avant tout celui d’une maturation lente qui s’opère, non pas dans la séparation et la rupture de la relation de tutelle, mais dans l’accompagnement. L’autonomie est alors un processus à travers lequel s’opère un repositionnement dans une relation de pouvoir.
L’autonomie politique: un processus relationnel
Pour les Nunavimmiut, l’autonomie politique est considérée comme un processus relationnel dans lequel tout l’enjeu est d’acquérir une nouvelle position dans une relation de pouvoir. Or, chez les Inuit, une entité est dotée de pouvoir lorsqu’elle possède des biens alimentaires, matériels, humains ou immatériels (tels que des savoirs) qui lui permettent de subvenir à ses propres besoins et à ceux des autres (Hervé 2013). Tout l’enjeu pour les Nunavimmiut est alors d’acquérir une autonomie financière, matérielle, économique pour ne plus dépendre des gouvernements. Ils insistent sur le fait qu’ils doivent tout d’abord apprendre et maîtriser les savoirs pertinents au fonctionnement d’un gouvernement. Ils souhaitent pour cela être accompagnés dans leur cheminement vers une plus grande autonomie (Dorais 2001: 64). Mais tant qu’ils n’en ont pas les moyens financiers ou techniques, ils attendent que les gouvernements continuent à jouer leur rôle de pourvoyeur. Cette idée est formulée très tôt, en 1971, lors de la rencontre entre les présidents des conseils communautaires et Gilles Massé, le ministre des Richesses naturelles du Québec (Anonyme 1971). En 2000, lors de la Commission du Nunavik, elle est encore fortement exprimée par la population:
Nous ne voulons pas être abandonnés avant d’avoir atteint la possibilité d’avoir notre propre gouvernement sur pied. Nous devons nous faire transmettre les outils nécessaires pour atteindre éventuellement l’autosuffisance. Nous devons atteindre ce but d’autosuffisance[16].
L’apprentissage de nouvelles connaissances apparaît donc comme le moyen d’acquérir une nouvelle position dans la relation de pouvoir, qui n’est plus une position de dépendance, mais une position d’autonomie.
L’idée d’autonomie collective rejoint celle d’autonomie personnelle en ce sens qu’un Inuk est autonome à partir du moment où il est capable de subvenir à ses propres besoins sans recourir à l’aide des autres (Aliva Tulugak, Puvirnituq, 8 août 2010). Il devient alors légitime de refuser de suivre une personne ou une entité politique, de lui dire «non». Au cours des années 1960, certains Inuit ont refusé les premières maisons fournies par l’État, d’autres ont renoncé à l’aide proposée par les gouvernements pour créer les coopératives, d’autres encore ont exclu les administrateurs gouvernementaux des villages nouvellement constitués en affirmant qu’ils n’avaient pas besoin de nouveaux biens et services. Leurs connaissances cynégétiques, territoriales, techniques leur suffisaient à vivre de façon autonome et légitimaient leur refus de l’aide proposée par les gouvernements.
La Fédération des coopératives du Nouveau-Québec est venue par la suite semer les germes d’une revendication autonomiste en transmettant aux membres des coopératives de nouvelles connaissances, comptables et managériales, pour leur permettre de gérer leurs coopératives locales. Puis ils ont nourri le développement d’une nouvelle culture politique, en donnant à leurs membres des cours sur l’histoire politique de la région et sur des concepts comme le gouvernement ou l’autonomie (Peter Murdoch, Montréal, 8 février 2009). Renforcés par ces nouvelles connaissances, les membres des coopératives ont acquis le sentiment qu’ils pouvaient envisager de prendre en main leurs affaires collectives et ils l’exprimèrent dès 1970 lors de la Commission Neville-Robitaille (Simard et Duhaime 1981: 121). Ils ne réclamaient pas le départ des gouvernements du Québec et du Canada, et donc la rupture de la relation, mais ils revendiquaient le droit d’occuper une nouvelle position, d’égal à égal, de gouvernement à gouvernement, avec la province et le fédéral. Il s’agissait pour eux d’une nouvelle relation qui garantissait la continuité d’une forme d’entraide mutuelle, sans que celle-ci engage un rapport de pouvoir.
Forts des connaissances qu’ils ont acquises à travers leurs expériences au sein des coopératives, les membres d’Inuit Tungavingat Nunamini se présentent comme ceux qui ont osé dire «non» à la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ) et aux gouvernements en refusant de les suivre (Qumaq 2010: 119). Harry Tulugak présente ainsi les fondateurs du mouvement: «Ils ont tous dit non. Non, non, non, 2.1 et 2.6[17], ce n’est pas bien!» (Harry Tulugak, Puvirnituq, 10 août 2012). Les «dissidents», tels qu’ils sont qualifiés, ont trouvé la force de rompre avec l’ordre établi en puisant dans leur éducation, en se remémorant que pour survivre, leurs ancêtre n’avaient pas d’autre choix que de se battre parfois sans l’aide des autres (Harry Tulugak, Puvirnituq, 10 août 2012 et Elyassie Sallualuk, Puvirnituq, 8 juin 2010). Mais à l’époque, tous les Inuit ne se sentaient pas prêts à se couper de leur pourvoyeur principal, ce qui a causé des dissensions politiques au niveau régional. L’opposition entre la Northern Quebec Inuit Association (NQIA) et l’association dissidente, Inuit Tungavingat Nunamini (ITN), à son comble dans les années 1970, représente à ce point, un véritable traumatisme collectif que les Nunavimmiut ont encore de la peine à se remémorer. Lors de la Conférence des aînés en 1982, Paulusie Sivuak, le président d’ITN, cherchait à rassurer la crainte collective en affirmant l’importance de conserver l’unité régionale:
Nous avons créé l’ITN parce que nous nous opposions à l’accord [CBJNQ]. Il semble donc que c’est nous qui causons ces conflits. Nous ne voulons pas causer de conflits; nous n’essayons pas non plus de gêner qui que ce soit. […] L’ITN essaie simplement de trouver les moyens de s’unir à eux.
Institut culturel Avataq 1982: 14-15
Dans les débats qui ont animé l’opposition entre la NQIA et ITN, tout l’enjeu était ainsi de montrer que l’autre partie était celle qui se désolidarisait du groupe. La NQIA avait en fait réussi à imposer l’idée qu’ITN s’opposait à la majorité et intentait un procès à tous les Inuit[18]. Selon Elyassie Sallualuk, membre actif d’ITN et pasteur de l’église Full Gospel de Puvirnituq, l’association a fait l’objet d’une véritable stigmatisation:
Les gens pensaient vraiment que la seule chose que nous essayions de faire était de casser tout ce qui était bon pour eux. Et c’est la raison pour laquelle ils soutenaient fortement la NQIA. Je me souviens que nous avions fait un tour des communautés juste avant qu’ils signent la convention [CBJNQ]. Dans l’une d’elles, les gens chantaient des prières pour que Dieu les sauve. Ils pensaient que nous allions les fourvoyer, y compris au niveau religieux. Nous étions de tels ennemis qu’ils chantaient des prières à Dieu pour qu’il les sauve.
Elyassie Sallualuk, Puvirnituq, 8 juin 2010
Le traumatisme est vif encore aujourd’hui au point que certains expriment le besoin d’une guérison communautaire[19]. La raison principale pour laquelle les représentants d’ITN étaient associés à des forces néfastes réside, selon Elyassie Sallualuk (ibid.), dans le fait qu’ils exprimaient un point de vue opposé, dissonant de la majorité, mais surtout qu’ils imposaient une rupture au sein du groupe. Or toute rupture de la relation est véritablement le signe d’un conflit. Comme Feit (2010) l’a montré pour les Cris de la Baie James, l’harmonie sociale est préservée même dans l’affirmation de divergences ou d’oppositions mais, lorsque la relation en tant que telle est niée, les conflits apparaissent.
Si le fait d’opposer un non au gouvernement était très mal vu par la majorité encore dans les années 1970 et 1980, les choses changent dans les années 2000, et notamment lors des débats qui ont entouré le référendum de 2011 où l’expression du «non» trouve une nouvelle légitimité. Les Nunavimmiut sont mécontents du travail des négociateurs qu’ils jugent trop distants. Ils pensent que l’entente finale ne garantit pas assez d’autonomie puisqu’elle ne prévoit que la fusion des organisations déjà existantes pour former le nouveau gouvernement. Ils sont également déçus de voir que cette entente ne garantit pas la protection de la langue et de la culture inuit. Zebedee Nungak, l’un des signataires de la CBJNQ, reconnaît que les débats qui entourent le référendum constituent un nouvel épisode de conflit entre le «oui» et le «non» (Nungak 2011c). Les discussions qui ont lieu sur Facebook quelques jours avant le vote mettent clairement en évidence que deux camps se dessinent et les internautes commencent à parler de «Yes group» et de «No group». L’un d’entre eux explique ainsi les divergences de points de vue: «Vote oui, si tu veux entrer plus profondément dans la gouvernance québécoise. Vote non, si tu veux voir Québec te parler sur un pied d’égalité et non pas comme un obstacle à tes rêves et tes aspirations»[20].
Ainsi, les Nunavimmiut souhaiteraient que l’entente finale reflète une relation plus égalitaire avec le gouvernement du Québec. En 2011, l’opposition face aux gouvernements est ainsi facile à envisager pour une plus grande majorité de Nunavimmiut. Ils se considèrent en effet mieux outillés pour pourvoir à leurs propres besoins et ils se voient davantage comme des partenaires des gouvernements. On sent même dans les échanges précédant le référendum un vent d’enthousiasme et de libération. Les internautes ont l’air heureux de pouvoir affirmer leur opposition librement. À la veille du référendum, un internaute scande:
NON, NON, NON
NENNI, NENNI, NENNI
JAMAIS, JAMAIS, JAMAIS
OUI, OUI, OUI (que l’enfer gèle)
PAS tant que je respire encore
PAS dans cette vie
Je m’exerce pour le vote de demain[21].
Une autre internaute écrit: «Alianatuuq [«c’est agréable»], le mot “NON” n’a jamais sonné aussi bon» (ibid.). La signification de ce non va bien au-delà du rejet d’un texte, celui de l’entente finale. Il résonne du point de vue relationnel et ontologique. À travers lui, les Nunavimmiut réaffirment leur libre arbitre et leur pouvoir, individuel et collectif, de décider de suivre ou de ne pas suivre un individu, un groupe ou une organisation politique. Ils signifient qu’ils n’ont plus besoin de personne pour subvenir à tous leurs besoins. Leurs lentes intégration et maturation des savoirs modernes leur permettent de se sentir plus solides pour devenir autonomes et considérer leur relation avec les gouvernements du Québec et du Canada sur un pied d’égalité. Ils veulent désormais collaborer avec ces gouvernements, sans pour autant être placés en position de subordination. Eux aussi, ils peuvent se gouverner. Au lendemain du référendum, ICAN (Inuit Citizen’s Assembly of Nunavik) est le sigle choisi pour désigner un nouveau groupe constitué pour rediscuter du projet autonomiste.
Conclusion
Tout comme il est important de préserver l’harmonie sociale dans les relations interpersonnelles, les Nunavimmiut insistent sur la nécessité de favoriser la bonne entente avec les organisations régionales et les gouvernements. Dans ce contexte, l’idée d’autonomie politique ne doit pas mener à une rupture et à une séparation, mais elle passe plutôt par un partenariat – dont les Inuit sont censés profiter des avantages en termes de moyens matériels et financiers mais également en termes de savoirs politiques et organisationnels – qui, à terme, peut les mener vers plus d’indépendance. Cette perspective ontologique de l’autonomie politique des Nunavimmiut permet ainsi de comprendre plusieurs noeuds dans l’histoire politique des dernières décennies. On saisit désormais pourquoi la majorité d’entre eux ne s’opposent pas aux transferts de fonds ou au financement des négociations politiques par les gouvernements et qu’ils n’y voient pas là une pratique radicalement contradictoire avec l’idée d’autonomie mais, plutôt, la continuité de leur relation avec l’État. Cette dépendance les place certes, durant un temps, dans une position inférieure par rapport à leur pourvoyeur. Mais cela ne leur enlève en rien leur libre arbitre et leur individualité. Comme le note Lee (1976: 41), pour les Indiens du Dakota du nord, l’obéissance elle-même peut être un acte autonome, le choix de s’en remettre à ceux en qui l’on a confiance et dont on pense qu’ils ont un meilleur jugement de la situation. L’autonomie, qu’elle soit personnelle ou collective, est donc avant tout un processus relationnel à travers lequel les individus cherchent à redéfinir leur place par rapport aux autres.
La nature hétérocentrique du pouvoir inuit et la légitimité extrinsèque de celui-ci, telle qu’elle s’observe au sein des relations interpersonnelles (Hervé 2013), s’étend à la relation que les Inuit entretiennent avec des entités gouvernementales. Ces dernières sont considérées comme des figures de pouvoir qui doivent redistribuer leurs richesses à ceux qui en ont besoin. Elles sont iliranaqtut (objet de crainte et de respect) et doivent donc être suivies et écoutées. Mais leur pouvoir est attribué par le groupe et elles doivent le consulter sans cesse pour bien connaître ses besoins. Le gouvernement apparaît donc comme une entité digne d’une relation humaine. Il est considéré du point de vue du vivant: «Un gouvernement ressemble à une créature et contient beaucoup d’éléments»[22], dit un Inukjuamiuq. On lui attribue des intentions: il est mauvais lorsqu’il ne porte pas assez d’attention au peuple qui se sent dès lors délaissé, voir traité comme un chien. Il prend sa place au sein d’un réseau de collaboration dans lequel il joue le rôle de pourvoyeur. Mais jusqu’à quel point les Inuit perçoivent-ils des ressemblances entre les êtres humains et les gouvernements? Ces entités politiques feraient-elles partie de ce monde invisible avec lequel les Inuit sont en perpétuelle interaction?
Les conditions d’exercice du pouvoir se sont considérablement modifiées au cours du siècle dernier et on ne peut nier qu’une nouvelle culture politique se soit développée au Nunavik (Duhaime 1992), mais la nature même des relations de pouvoir qui unissent les individus entre eux et avec d’autres entités est structurellement la même. Même si cette dimension ontologique est niée par l’appareillage bureaucratique, elle s’impose d’elle-même (de la Cadena et Legoas 2012: 9). L’autonomie politique, chez les Nunavimmiut, est l’un des liants d’une collectivité nouvelle qui ne cesse de se reproduire. Celle-ci ne passe pas par des conflits juridiques, comme c’est le cas chez les nations amérindiennes. Elle ne se réalise pas non plus par le biais de batailles électorales comme en Amérique du Sud où le poids numérique des Autochtones leur permet de prendre place dans les hautes instances décisionnelles. L’autonomie politique au Nunavik s’opère par le biais de négociations politiques. Elle passe par la préservation de liens de collaboration avec les instances politiques canadiennes et par l’instauration d’une relation d’égal à égal avec l’État. C’est à cette condition que les Inuit se sentiront respectés dans leur individualité et qu’ils s’estimeront reconnus en tant que peuple.
Appendices
Remerciements
Plusieurs institutions et programmes de recherche doivent être remerciés ici pour leur soutien financier durant mon doctorat: le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, l’Institut Paul-Émile Victor (France), l’ARUC Inuit Leadership and Governance in Nunavut and Nunavik, le Consulat général de France à Québec et le Ministère québécois des relations internationales, la Faculté des sciences sociales et le département d’anthropologie de l’Université Laval, et le Programme de formation scientifique dans le Nord. Je tiens aussi à remercier les évaluateurs de cet article pour leurs remarques constructives qui m’ont permis de développer certains points essentiels dans cet article.
Notes
-
[1]
Les entrevues citées dans le présent article ont été faites entre 2009 et 2012.
-
[2]
L’expression inuktitut pour traduire l’autonomie gouvernementale, namminiq kavamatsaliriniq, suggère ainsi l’idée de pouvoir se gouverner par soi-même et de ne plus se retrouver dans la situation où les décisions concernant la collectivité sont du ressort d’une organisation bureaucratique qui les dépasse et qui n’a pas de liens avec la réalité locale (traduction repérée dans Makivik News, 1988, 7, janvier: 10).
-
[3]
Propos tenus lors des Audiences de la Commission du Nunavik (ACN), voir Commission du Nunavik (2000). Toutes les traductions de l’anglais au français sont de l’auteure.
-
[4]
Voir également Dorais (2001: 66).
-
[5]
ACN, Kuujjuarapik, 2000; Nungak (2011a, 2011b).
-
[6]
Facebook, groupe «Nunavik and the Nunavik Regional Government’s Final Agreement», 26 avril 2011.
-
[7]
ACN, Inukjuak, 2000.
-
[8]
Audiences de la Commission Neville-Robitaille, Inukjuak, 23 février 1970.
-
[9]
ACN, Salluit, 2000.
-
[10]
ACN, Ivujivik, 2000.
-
[11]
ACN, Salluit, 2000.
-
[12]
ACN, 2000.
-
[13]
Voir Therrien (1997) pour une discussion morpho-sémantique au sujet du terme maligaq («loi»).
-
[14]
ACN, Inukjuak, 2000 et ACN, Puvirnituq, 2000.
-
[15]
Association formée en 1976 par les habitants de Puvirnituq, d’Ivujivik et une partie de ceux de Salluit qui s’opposent à la Convention de la Baie James et du Nord québécois et plus particulièrement à deux de ses articles qui consacrent l’extinction des droits des Nunavimmiut sur leur territoire et leur cession.
-
[16]
ACN, Inukjuak, 2000.
-
[17]
Les chiffres 2.1 et 2.6 renvoient aux articles de la Convention de la baie James et du Nord québécois qui stipulent la cession et l’extinction des droits des Inuit sur leur territoire ancestral.
-
[18]
ACN, Puvirnituq, 2000.
-
[19]
Facebook, groupe «Nunavik and the Nunavik Regional Government’s Final Agreement», 26 avril 2011.
-
[20]
Facebook, groupe «Nunavik and the Nunavik Regional Government’s Final Agreement», 26 avril 2011.
-
[21]
ibid.
-
[22]
ACN, Inukjuak, 2000.
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