Introduction: les peuples de l’Arctique et le boisIntroduction: Arctic peoples and wood[Record]

  • Claire Alix

…more information

  • Sous la direction de / Guest editor
    Claire Alix
    Chaire CNRS/Université de Paris 1, Panthéon-Sorbonne, Archéologie des Amériques, UMR 8096, Maison de l’Archéologie et de l’Ethnologie, R. Ginouvès, 21 allée de l’Université, 92023 Nanterre, France
    Claire.Alix@univ-paris1.fr

J.L. Giddings, pionnier de la recherche dendrochronologique et archéologique en Alaska, a été probablement le premier à reconnaître le potentiel d’analyse des vestiges en bois conservés dans les sites de l’Arctique pour mieux comprendre les cultures inuit du passé et les environnements terrestres et maritimes d’autrefois (Giddings 1941, 1943, 1952). Cela ne veut pas dire pour autant que le contraste entre l’absence d’arbres dans l’Arctique et l’importance du bois dans la société inuit était passé entièrement inaperçu (par ex., Gulløv 1982), mais plutôt que cette contradiction apparente était rapportée de façon souvent anecdotique par les premiers explorateurs et ethnographes. Incidemment, suite aux premiers travaux dendrochronologiques de Giddings, on note une absence presque totale d’intérêt pour les vestiges archéologiques en bois et les études de cernes, malgré leur excellent état de conservation, parfois même dans les dépôts les plus anciens (Nash 2000). Les 20 dernières années, en revanche, ont été marquées par un intérêt sans cesse croissant pour la recherche sur le bois en archéologie arctique. Les six articles de ce numéro d’Études/Inuit/Studies nous donnent un aperçu de ce champ de recherche en plein essor, par le biais d’une documentation précise de l’importance culturelle du bois pour les societés nordiques, aux deux extrémités de l’Arctique nord-américain. Au milieu des années 1990, plusieurs chercheurs de différents domaines ont contribué à faire prendre conscience de l’importance du bois et du bois flotté en Arctique, pour les recherches environnementales comme pour celles sur le passé des sociétés arctiques. La paléobotaniste D. Laeyendecker procédait systématiquement à l’identification de charbons et de vestiges en bois de sites dorsétiens, thuléens et de la période du contact au Labrador (Fitzhugh et al. 2006) et sur la Terre de Baffin (Laeyendecker 1993a, 1993b). L’archéologue C. Arnold (1994), dans l’ouest de l’Arctique canadien, reconnaissait le rôle essentiel joué par le bois dans la migration thuléenne. En science de l’environnement, le dendrochronologue O. Eggertsson relança la recherche dendrologique sur bois flotté en Islande (Eggertsson 1993), au Svalbard (Eggertsson 1994a), en Terre de Baffin (Eggertsson et Laeyendecker1995) et dans le delta du Mackenzie (Eggertsson 1994b). Le géologue A. Dyke utilisa le bois flotté provenant d’anciennes crêtes de plage pour reconstituer les variations postglaciaires de la circulation des eaux de l’océan arctique (Dyke et Savelle 2000; Dyke et al. 1997). Plus récemment, les instruments de chasse complets, ou presque complets, découverts dans les zones alpines du subarctique, remontant pour certains à 8000 ans, renforcent l’idée que les outils de pierre et d’os ne témoignent que partiellement de l’histoire des premiers habitants du subarctique et de l’Arctique (Andrews et MacKay 2012). Parallèlement, les recherches menées par S. Kaplan au Labrador ont grandement contribué à montrer que l’environnement apparemment intact de l’Arctique a été altéré par les activités humaines et que les habitants ont été en fait des agents actifs de la transformation des paysages que nous avons aujourd’hui sous les yeux (Kaplan 2009). Le long des rivages dépourvus d’arbres de la toundra arctique, le bois n’était disponible que sous sa forme flotté, une ressource longtemps perçue comme un don des rivières et de la mer (Alix et Brewster 2004; Charpentier 1984; Fienup-Riordan 1986). Cette ressource exogène mais disponible localement, avec parfois quelques arbrisseaux locaux, a joué un plus grand rôle qu’on ne le pense habituellement dans la vie quotidienne des peuples arctiques. L’outillage du chasseur saqqaq décrit par B. Grønnow (1994, ce numéro) montre que le bois a été essentiel à la vie dans l’Arctique dès les premières occupations de ces régions il y a quelque 4000 ans. Ainsi qu’il le souligne, les premiers peuples paléoesquimaux sont arrivés dans l’Arctique oriental avec une …

Appendices