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Cet ouvrage collectif multidisciplinaire regroupe 32 textes qui furent d’abord présentés, sous forme d’exposés, par les participants à la «Conférence sur l’exposition du Nord / Northern Exposure Conference» organisée par l’Institut de recherche en politiques publiques, les 26 et 27 octobre 2007, à Montébello (Québec). Il s’agit donc à la fois d’un collectif et d’un abrégé. Le livre est divisé en sept chapitres, dont le premier constitue l’introduction, tandis que les autres portent sur six thèmes distincts: 1) l’environnement et la souveraineté dans l’Arctique; 2) la gouvernance; 3) le développement économique; 4) l’éducation et la santé; 5) les voix des résidents du Nord; et 6) les politiques publiques sur le Nord.
L’ouvrage examine l’incidence des changements sociaux, économiques, politiques et environnementaux qui ont eu lieu, au cours des trois dernières décennies, dans les territoires (Yukon, Territoires du Nord-Ouest, Nunavut) et dans les régions du Nunavik (Nord du Québec) et du Nunatsiavut (Labrador). Il vise à apporter une contribution au débat concernant la mise en oeuvre de politiques publiques ayant pour but de répondre aux défis politiques, sociaux, environnementaux et économiques auxquels les résidents du Nord sont confrontés. On y présente un ensemble de thèmes fort différents les uns des autres, mais ayant tous un impact à des degrés divers sur la qualité de vie de la population locale: l’éducation, la santé, la gouvernance, les changements climatiques, l’environnement, la croissance militaire dans le nord, l’exploration pétrolière et gazière, la souveraineté canadienne dans l’Arctique.
Ce volume rassemble 35 auteurs qui proviennent de divers milieux (universités, gouvernements, organismes paragouvernementaux, Premières nations, etc.). Cette situation donne naissance à une multitude d’opinions. L’ouvrage n’exprime donc pas un seul thème ou une seule perspective face aux grands enjeux socioéconomiques du Nord canadien. Dans l’introduction (pp. 3-18), les rédacteurs de l’ouvrage soulignent les trois grands défis contemporains auxquels le Nord canadien est confronté: 1) la gouvernance; 2) le développement économique; et 3) les enjeux sociaux. Ils nous informent de leur désir d’éclairer une prise de conscience au sein du public canadien sur ces grands défis (p. 5). Un autre de leurs objectifs consiste à analyser ces enjeux politiques et socioéconomiques afin que le gouvernement fédéral canadien puisse mettre de l’avant des politiques publiques qui sauront améliorer la qualité de vie des résidents nordiques (p. 6).
De manière à mieux comprendre les réalités du Nord, les rédacteurs se sont aussi donné comme objectif de privilégier les points de vue et les perspectives des habitants de la région (p. 14). Toutefois, nous notons que seulement 10 des 35 auteurs sont des résidents du Nord. En fait, le chapitre intitulé «Les voix des résidents du Nord» (pp. 499-520), qui regroupe l’essentiel des textes de ces auteurs et relate leurs expériences personnelles, ne fait que 20 pages au total. Il nous paraît dès lors difficile d’affirmer que les auteurs du Nord ont contribué de façon importante à cet ouvrage. Néanmoins, plusieurs des textes que l’on retrouve dans ce chapitre sont pertinents et auraient mérité d’être approfondis. En somme, nous avons l’impression que ces auteurs ne font ici qu’une apparition symbolique car la majorité des textes ont été rédigés par des activistes ou des universitaires qui résident dans le sud du Canada.
Comme dans la plupart des ouvrages collectifs, les chapitres et les textes sont de dimension et de qualité inégale. Certains s’avèrent très brefs (Global Warming and the Threat of the Inuit Culture, pp. 507-508), tandis que d’autres sont davantage détaillés (Education: A Critical Foundation for a Sustainable North, pp. 427-467). Nous devons aussi souligner l’attention particulière portée aux territoires canadiens, Nunavut, Yukon, Territoires du Nord-Ouest. En effet, seulement deux textes discutent du Nunavik et du Nunatsiavut et l’un d’entre eux ne compte que quatre pages (pp. 511-514). Par ailleurs, on ne découvre aucun texte portant sur les régions du Nord des autres provinces canadiennes. Il faut donc conclure que pour les rédacteurs, le Nord canadien se résume pour l’essentiel aux territoires. Le chapitre sur la gouvernance dans le Nord est de loin le plus intéressant et le plus volumineux (pp. 187-372). Les auteurs y relatent l’évolution politique récente. Plusieurs soulignent les difficultés rencontrées par les Inuit et les peuples des Premières nations dans la mise en oeuvre des ententes qui concernent l’autonomie gouvernementale et les revendications territoriales.
Dans leur conclusion (pp. 561-594), les rédacteurs insistent sur le fait qu’il faut donner davantage de pouvoir décisionnel aux résidents du Nord et à leurs gouvernements en matière d’initiatives politiques (p. 567). Ils affirment que ceux qui sont les plus affectés par les changements politiques, environnementaux et socioéconomiques qui sévissent dans le Nord sont les mieux à même de trouver des solutions. Enfin, ils ajoutent qu’une stratégie politique qui s’adresserait aux résidents du Nord devrait tenir compte des enjeux de cette région (les ressources humaines, la gouvernance, l’éducation et la santé, le réchauffement climatique) (p. 562). Cette prise de position est louable car, après tout, les résidents du Nord réclament depuis déjà plusieurs années le transfert des pouvoirs du gouvernement fédéral vers les territoires (dévolution) et vers les communautés autochtones (autonomie gouvernementale).
Nous croyons que la publication de cet ouvrage se situe à un moment fort opportun dans l’évolution des politiques publiques portant sur le Nord canadien. Il faut toutefois noter que le gouvernement canadien n’a pas encore mis de l’avant une politique publique globale qui répondrait à l’ensemble des enjeux dévoilés dans le livre: les changements climatiques; la souveraineté canadienne dans l’Arctique; la présence accrue des effectifs militaires canadiens dans le Nord; le potentiel croissant en matière de développement énergétique et minier du Nord canadien; le besoin d’améliorer les services des secteurs de l’éducation et de la santé; et les débats autour des politiques en matière d’autonomie gouvernementale et de revendications territoriales des peuples autochtones du Nord. Nous appuyons la conclusion des rédacteurs de ce collectif: les politiques publiques devront tenir compte des opinions des principaux intéressés, à savoir les résidents et les gouvernements du Nord.
Ce livre à saveur multidisciplinaire s’avère instructif et agréable à lire. Il s’adresse à un vaste éventail de lecteurs: étudiants, enseignants, fonctionnaires, activistes, etc. Les textes se lisent facilement et ne renferment aucun jargon théorique qui pourrait être rébarbatif pour le profane. Ainsi, l’ouvrage devrait susciter l’intérêt de toutes les personnes concernées par le Nord canadien, en particulier les lecteurs qui s’intéressent aux faits sociaux, politiques et économiques des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut. Nous recommandons donc sa lecture.