On trouve peu d’ouvrages sur le Nunavik contemporain. Cette plaquette de 200 pages, au titre aguicheur, est l’une des rares monographies publiées en français sur la société inuit du Nunavik d’aujourd’hui. Elle est ornée du sceau du programme de Management of Social Transformation de l’UNESCO et comprend une postface de Jean Malaurie, esquimologue francophone bien connu. L’auteur, professeur de sociologie à l’Université du Québec en Outaouais, est un ancien du GÉTIC (Groupe d’études inuit et circumpolaires) de l’Université Laval. Sa thèse de doctorat portait sur la re-localisation d’Inuit résultant des projets hydroélectriques dans l’Hudsonie québécoise et lui a valu le prix de la meilleure thèse de la faculté des sciences sociales (Martin 2001). Bien qu’on en retrouve plusieurs éléments, l’ouvrage n’est pas un condensé de sa thèse. Dans cet essai, l’auteur cherche à démontrer que la société inuit du Nunavik est capable de définir sa propre modernité et de résister à l’envahisseur global. Son raisonnement repose sur deux hypothèses théoriques fondamentales. D’abord, l’appropriation par une société des changements sociaux serait possible une fois que celle-ci est entrée dans la modernité réflexive, c’est-à-dire, lorsque «les sujets et les institutions développent une réflexion importante sur la nature du changement social qui les traverse et sur les valeurs et pratiques ancestrales qu’ils veulent maintenir» (p. 3). D’entrée de jeu, l’auteur avance que les Inuit ont les deux pieds dans la modernité réflexive. Le second argument est basé sur un refus des théories classiques qui tendent à concevoir le changement social comme un processus linéaire menant, à toute fin utile, à l’uniformisation des sociétés. En effet, pour l’auteur, la modernisation ne signifie pas le remplacement systématique des institutions traditionnelles par une modernité occidentale. De plus, sans nier l’influence des processus globaux sur les pratiques et les modes de vie, l’auteur suggère que la mondialisation laisse place à l’interaction entre le global et le local. L’auteur propose le concept de «glocalisation» pour décrire le phénomène. La glocalisation représente «la somme des stratégies mises en place par les acteurs locaux pour maintenir un mode de vie distinct, tout en le rendant compatible avec la circulation de plus en plus commune des artéfacts culturels et des valeurs propres des sociétés néolibérales» (p. 11). Autrement dit, son modèle de développement idéal repose sur le traditionalisme mais doit incorporer une dose de modernité. En somme, selon Martin, la société inuit du Nunavik, parce qu’elle est réflexive, est apte à influencer son développement à son avantage. Pour le démontrer l’auteur va repérer les stratégies favorisant la glocalisation. Sa méthode, très brièvement exposée, consiste en une relecture d’événements et faits auxquels il appose dans certains cas l’étiquette «glocal». Mis à part un ensemble de données hétérogènes recueillies lors de séjours sur le terrain effectués durant les années 1990 au Nunavik, les données sont empruntées à la littérature existante. Quant à son matériel, il n’est pas décrit et on ne connaît pas le traitement qu’il en a fait. Le coeur de l’ouvrage est divisé en cinq chapitres. Le premier, plutôt descriptif, esquisse à grands traits l’histoire socioéconomique et politique du Nunavik. L’auteur soutient qu’en dépit du poids de la colonisation, les Inuit ont tenté à maintes reprises de s’approprier leur destinée. L’auteur présente quelques chiffres sur la situation économique actuelle des trois villages étudiés et conclut que les Inuit, bien qu’ils soient toujours défavorisés par rapport aux autres Canadiens, «essaient de compenser la mauvaise position dans laquelle la modernité les a placés en s’appuyant sur des activités artisanales traditionnelles […]» (p. 54). Dans le chapitre suivant la vision québécoise du développement du Nord, centrée principalement autour de l’aménagement d’infrastructures hydroélectriques dans la …
Appendices
Références
- Duhaime, Gérard, Pierre Fréchette et Véronique Robichaud, 1999 The Economic Structure of the Nunavik Region (Canada). Changes and Stability, Québec, GÉTIC, Université Laval.
- GIDDENS, Anthony, [en ligne] Reflexivity and reflexive modernisation, in London School of Economics,TheDirector’s Home page, http://www.lse.ac.uk/Giddens/ FAQs.htm#Reflexivity&RM (Consulté le 25 octobre 2004).
- MARTIN, Thibault, 2001 Solidarités et intégration communautaire. Le projet Grande-Baleine et le relogement des Inuit de Kuujjuarapik à Umiujaq, Thèse de doctorat, Québec, Université Laval.
- SIMARD, Jean-Jacques, 1983 Par delà le Blanc et le mal. Rapports identitaires et colonialisme au pays des Inuit, Sociologie et sociétés, 15(2): 55-71.