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La protection des noms de lieux et des sites sacrés autochtones, au niveau des instances internationales[Record]

  • Françoise Morin

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  • Françoise Morin
    Département d'Anthropologie,
    Université Lumière Lyon 2,
    5 Avenue Pierre-Mendès-France 69676 Bron cedex,
    France.
    morin@univ-tlse2.fr

Les réflexions qui suivent ont été présentées lors du colloque «Autochtonie et Gouvernance», à la suite de la communication de Bernard Saladin d’Anglure sur «La toponymie religieuse et l’appropriation symbolique du territoire par les Inuit du Nunavik et du Nunavut». Elles visaient à resituer la démarche des Inuit dans le contexte plus global des revendications autochtones devant les instances internationales. Je les ai complétées par de nouvelles données recueillies à l’ONU en décembre 2004. La toponymie religieuse fait en effet partie du patrimoine culturel que les Peuples Autochtones cherchent à préserver pour le transmettre aux générations futures. A cette fin, ils en font un élément essentiel de leurs revendications auprès des instances onusiennes. Depuis une vingtaine d’années, différents organismes du système des Nations Unies ont commencé à prendre en compte cette préoccupation autochtone. Tout débute à la sous-commission pour la lutte contre les mesures discriminatoires et la protection des minorités qui chargea, en 1971, Martinez Cobo de réaliser une Étude du problème de discrimination à l’encontre des populations autochtones. Son rapport, publié en 1986, est l’un des premiers documents onusiens à souligner ce lien spirituel des autochtones avec la terre. Il stipule qu’ «Il est essentiel de connaître et de comprendre la relation particulière, profondément spirituelle, que les populations autochtones ont avec la terre, élément fondamental de leur existence et substrat de toutes leurs croyances […]». Puis l’Organisation Internationale du Travail (OIT) entreprit en 1987 une révision de la Convention n°107 «concernant la protection et l’intégration des populations aborigènes et autres populations tribales ou semi-tribales dans les pays indépendants» dont les visées assimilationnistes et le ton paternaliste étaient fortement critiqués par les autochtones. Le nouveau texte, connu sous le nom «Convention n°169», fut adopté en 1989. Il incorpore certains droits collectifs, en particulier des droits sur les terres occupées traditionnellement par les peuples indigènes. La dimension spirituelle du territoire est là aussi prise en compte, en particulier l’article 13: «Les gouvernements doivent respecter l’importance spéciale que revêt pour la culture et les valeurs spirituelles des peuples intéressés, la relation qu’ils entretiennent avec les terres ou territoires, […] qu’ils occupent ou utilisent d’une autre manière, et en particulier des aspects collectifs de cette relation». Entre temps la sous-commission avait créé en 1982 un Groupe de Travail sur les Populations Autochtones, où les experts onusiens, les délégués autochtones et les représentants gouvernementaux ont longuement discuté cette question. Ensemble, ils ont élaboré un projet de Déclaration sur les droits des Peuples Autochtones qui traite dans 4 articles (sur 45) des lieux sacrés et des toponymes religieux : Ce projet fut adopté en 1994 par les experts de la sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités et transmis à la Commission des Droits de l’Homme. Composée de 53 États membres, la Commission des Droits de l’Homme est un organe plus politique qui évalua le texte de la sous-commission comme un simple document de travail. Elle décida alors d’élaborer elle-même un projet en créant un Groupe de Travail intersessionnel où se retrouvent chaque année depuis dix ans dans les locaux de l’ONU à Genève les représentants des États et les délégués autochtones. Une très grande majorité des autochtones souhaite s’en tenir au premier projet de la sous-commission qui promeut leurs droits collectifs alors que les États veulent l’amender ou même proposent des formulations nouvelles soulignant la dimension individuelle des droits de l’homme. Les articles 13 et 14 font partie des droits culturels et religieux. Leur rédaction initiale ne fait pas l’objet de critiques importantes de la part des représentants étatiques. Par contre les articles 25 et 29 posent …

Appendices