Noms d’auteurs. Présentation[Record]

  • Yves Baudelle and
  • Mirna Velcic-Canivez

La question de l’auteur est une question ancienne. Elle est incontournable au sein de la philologie et des disciplines historiques qui s’occupent de l’attribution des textes et manuscrits anciens, des oeuvres anonymes en particulier. La question de l’auteur a aussi beaucoup d’intérêt pour la sémiotique, l’analyse du discours et la rhétorique, disciplines qui s’attachent à l’image de soi que le locuteur construit dans son discours (éthos) et à la figure de l’auteur telle qu’elle est représentée dans son texte, quel qu’en soit le genre. Plus récemment, et avec les moyens de calcul fournis par l’informatique, certaines études relevant de la linguistique appliquée – lexicométrie, textométrie et logométrie – ont développé des méthodes de reconnaissance des formes de la langue, notamment sur le plan syntaxique, et des outils d’analyse textuelle comme la statistique lexicale, dont l’objectif est l’identification de l’auteur d’un texte sur la base de récurrences stylistiques. Dans un tout autre domaine, celui des métiers du livre, la question de l’auteur envisagé comme le propriétaire de son oeuvre, bénéficiaire à ce titre de droits d’auteur, a refait surface au cours des trente dernières années dans un nouveau champ de recherche ouvert par l’histoire de l’imprimé. Elle fait notamment l’objet de travaux d’historiens qui s’interrogent sur l’auteur et les traces de ses identités dans les textes marquant une époque. Enfin, comment ne pas rappeler que c’est en se focalisant sur la personne de l’auteur que Sainte-Beuve fut à l’origine de la refondation de la critique littéraire au xixe siècle, son approche essentiellement biographique n’ayant cessé d’informer, à tout le moins en France, un enseignement de la littérature dominé par l’histoire littéraire jusque dans les années 1960, aussi bien à l’université qu’au lycée ? Cependant la question spécifique du nom propre d’auteur est moins présente dans les études littéraires et dans les disciplines portant sur l’étude des textes. Elle a surtout été introduite par une conférence restée célèbre de Michel Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? », où le philosophe accorde au nom d’auteur une attention particulière. Foucault avance la thèse que l’auteur est une fonction et que le nom d’auteur agit comme une marque distinctive : les textes signés d’un même nom d’auteur forment une oeuvre et s’opposent aux autres textes. La « fonction auteur » ne sauve pas simplement certains discours de l’anonymat, elle introduit aussi un critère discriminatoire qui s’applique aux textes porteurs d’un nom d’auteur. Elle conduit ainsi aux différentes conditions d’assignation des textes et surtout à une dénivellation entre les discours. Depuis lors, ce fonctionnement du nom d’auteur a intéressé les historiens, qui se sont notamment tournés vers la valeur de la signature dans le processus de publication et de production de textes. Les linguistes et les analystes du discours, quant à eux, abordent occasionnellement le nom d’auteur dans le cadre de leur étude du nom propre en général, en se penchant, par exemple, sur le statut référentiel des pseudonymes ou, encore, sur la circulation des noms d’auteurs dans les textes non littéraires. Quant aux poéticiens, c’est le rapport de l’auteur à son nom qui fait l’objet de leurs analyses ou bien le fonctionnement des noms propres dans les oeuvres de fiction et leurs effets poétiques. Du côté des études littéraires, ce qui reste à explorer, en revanche, ce sont les noms d’auteurs dans la spécificité de leur rapport aux différents genres de discours et leur traitement éventuellement différencié selon qu’ils apparaissent, par exemple, en mode fictionnel ou non fictionnel. Aussi est-ce l’optique dans laquelle nous avons souhaité rouvrir ce dossier du nom d’auteur. Mais la présente publication ne se justifie pas seulement au …

Appendices