Abstracts
Résumé
Les relations complexes, ombrageuses, entre littérature et histoire semblent trouver aujourd’hui de nouvelles perspectives, apaisées, dans le désir revendiqué des historiens d’utiliser une belle langue, d’autoriser des modèles pluriels de récit ou d’assumer une position subjective. L’engouement pour les « écritures du réel » semble lever une autre barrière, d’autant que les historiens s’intéressent désormais aux anonymes, aux victimes, au fait divers même. Mais valoriser les textes de témoignage parce qu’ils seraient une « littérature de non-écrivains » ou insister sur la dangerosité morale de textes, comme Les Bienveillantes de Jonathan Littell, qui racontent l’histoire du point de vue des bourreaux, n’est-ce pas au fond, reprendre la vieille querelle au point même où elle s’alimente depuis que l’histoire s’est constituée comme discipline contre la littérature : la crainte de « l’esthétisation » des processus historiques n’est-elle pas le grand délit du procès en démoralisation que l’histoire fait à la littérature ? Loin de contester cette « démoralisation », l’article revient sur le « siècle de l’histoire » pour tenter d’en mesurer la valeur et peut être la fonction ; pour, autrement dit, tenter de comprendre ce que la littérature fait à l’histoire.
Abstract
Nothing was ever simple between Literature and History. Today, however, it seems that new prospects could alleviate their complex relationship: historians now speak about their desire to use rhetoric and writing style; they no longer claim a radical separation between author and subject and even argue about subjective positions and positioning the self in relation to their (his)storylines; and they are interested in the anonymous and the history of emotions… Memory writings were once discarded by historians, today testimonies, memoirs and hybrid combinations of academic and life writings are (nearly) common place. But acknowledging the so called “literature of facts” and testimonies as valuable because they are a literature of non-professional writers, or pointing to the moral danger of novels such as Jonathan Littell’s The Kindly Ones, whose fictional protagonist is a SS officer, reminds of something else. Since the birth of History as an academic discipline (and its effort in the meantime to discredit literature as unreliable) historians have feared the “aestheticization” of historical processes, as if literature could reconfigure historical understanding and, thus, demoralize History. Far from challenging that demoralization, this article aims to analyze it in an attempt to understand what Literature does to History.