Abstracts
Résumé
Vigny l’affirme clairement dans sa préface à la réédition de son roman, en 1829 : selon lui, la littérature a pour fonction de transfigurer le matériau historique en une leçon morale utile à l’édification du lecteur ; elle peut donc s’affranchir de la réalité des faits afin que la signification profonde de l’Histoire apparaisse de façon intelligible. Il opère ainsi, dans Cinq-Mars, une recomposition de la chronologie, afin de placer, notamment, au fondement de la conscience morale de son héros, l’épisode frappant du procès de Loudun – preuve éclatante de l’immoralité du gouvernement de Richelieu, et légitimation du bien-fondé de la mission de Cinq-Mars, conjuré coupable de haute trahison, ainsi élevé au rang de valeureux croisé au service de Dieu. Mais cette claire désignation des bons et des méchants de l’histoire permet-elle vraiment au lecteur de se rallier au projet d’une refondation réactionnaire, sur le modèle de l’idéal médiéval ? La mélancolie romantique, à l’oeuvre dans le roman, aurait plutôt tendance à le décourager…
Abstract
As stated in his 1929 preface, Vigny considers that Literature is meant to turn History into a morality lesson. And to do so, it is perfectly acceptable to change factual detail so long as the deep meaning of human destiny is made clearer to the reader. In the example of Cinq-Mars, Vigny re-writes history and alters the date of Loudun’s rigged witch trial, which in turn becomes the origin and legitimization of Cinq-Mars’s hatred for Richelieu. Rather than being considered guilty of high treason, the hero becomes a brave white knight serving God’s purpose. Yet, despite the fact that this retelling clearly indicates who are the “good” and the villains of History, the novel does not really encourage the reader to adopt its retrograde cause. On the contrary, its romantic melancholy tends to disillusion the reader about politics.