Abstracts
Résumé
Banville déclarait dans Odes funambulesques : « Il ne serait pas impossible d’imaginer une nouvelle langue comique versifiée, appropriée à nos moeurs et à notre poésie actuelle, et qui procéderait du véritable génie de la versification française en cherchant dans la rime elle-même ses principaux moyens comiques. » De la peinture de Watteau à sa critique d’art, notre ambition est de montrer comment, pour Verlaine, cette entreprise anachronique et donc ironique qu’est la composition d’une fête galante en plein xixe siècle s’inscrit dans la continuité d’un art identifié comme spécifiquement français et spirituel, mais aussi d’un genre humoristique des arts décoratifs : de Watteau et du xviiie siècle, Verlaine a peut-être moins pris pour modèle la fête galante que la singerie, cette peinture grotesque et rocaille où abondent singes musiciens, singes peintres et singes funambules. En plaçant le singe lascif de « Cortège » au centre d’une étude de Fêtes galantes, nous tentons d’étudier comment Verlaine a rêvé la pratique de la versification française comme la gestuelle comique, équivoque et sensuelle d’un singe funambule. Nous nous efforçons de définir les enjeux secrets de pratiques chères à un poète dont Lepelletier notait la physionomie « babouinesque » : certes la rime mais aussi l’autoparodie, cette manière de se singer soi-même. Nous inscrivons le parti rocaille de Fêtes galantes dans un débat historique contre le modèle hugolien et romantique des héritiers de 1793 : nous érigeons ainsi le singe verlainien en figure du fondement de l’Art pour l’Art, ce qu’Edgar Poe avait appelé « principe poétique ».
Abstract
Banville wrote in Odes funambulesques: “it is not impossible to imagine a new versified comic language adapted to our mores and to the poetry of the day, a language which would derive from the true genius of French versification, the rhyme itself being the source of its main comic devices.” By examining Watteau’s paintings and the comments of art critics, my goal is to show how, for Verlaine, to compose a fête galante in the Nineteenth Century—an anachronistic and therefore ironic enterprise—is consistent with an art identified as specifically French and witty, but also with a humorous genre in decorative arts. What indeed inspired Verlaine in Watteau’s works and in the Eighteenth Century more generally may not have been the fête galante but the singerie, that grotesque, rococo painting genre staging monkeys dressed up as musicians, painters and funambulists. By focusing my study on the lascivious monkey in “Cortège,” which is a part of Fêtes galantes, I try to analyze how Verlaine envisioned the practice of French versification as the comic, equivocal and sensuous style of a monkey walking on a tightrope. I attempt to define the secret stakes of practices to be found in the work of a poet whose “baboon-like” appearance was underlined by his friend and biographier Lepelletier—rhymes but also self-parody, a way of aping one’s own self. I examine the rococo dimension of Fêtes galantes in the context of a historical debate against the Hugolian, romantic model of the heirs to 1793. As a consequence, I consider Verlaine’s monkey the symbol of the founding principle of “art for art’s sake,” what Edgar Poe termed “the poetic principle.”