Abstracts
Résumé
Les universitaires français, tout particulièrement l’historien René Rémond, ont longtemps nié la possibilité même de l’existence d’un fascisme français — et ce, en dépit de l’évidence que constitue le régime de Vichy — en arguant d’une « immunité » ou d’une « allergie » locale à cette idéologie d’importation. Des chercheurs étrangers, tout particulièrement l’Israélien Zeev Sternhell, ont au contraire démontré que, non seulement on trouve des idées « préfascistes » en France dès la fin du xixe siècle — et ce, émanant de grands noms comme Barrès, etc. —, mais encore ces idées seraient à la base même du fascisme italien et du nazisme allemand. Facteur aggravant : tous les anticonformistes des années 1930 (Emmanuel Mounier, notamment) auraient été « fascistes sans le savoir ». Une telle charge a bien évidemment suscité des réactions indignées en France. Cet article montre comment la polémique de longue durée est certes motivée par des questions d’honneur national et de dicible académique, mais relève surtout d’une incompréhension fondamentale entre histoire des faits et histoire des idées.
Abstract
French academics, particularly historian René Rémond, have long denied the very possibility of the existence of French fascism—despite the obvious example of the Vichy regime—on the grounds of a local “immunity” or “allergy” to this foreign ideology. Researchers abroad, particularly the Israeli Zeev Sternhell, have on the contrary shown that not only are there “pre-fascist” ideas in France since the late nineteenth century—stemming from famous authors like Barrès, etc.—but that these ideas are in fact the very foundation of Italian fascism and German nazism. Aggravating factor : all of the anti-conformists of the 1930s (Emmanuel Mounier, notably) would have been “fascists without knowing it.” Such a claim has obviously provoked indignant reactions in France. This article shows how this long-term controversy is certainly motivated by considerations of national honor and academic taboo, but stems primarily from a fundamental misunderstanding between a history of facts and a history of ideas.