Volume 46, Number 3, 2010 Faute de style : en quête du pastiche médiéval Guest-edited by Isabelle Arseneau
Table of contents (10 articles)
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Présentation. Faute de style : en quête du pastiche médiéval
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« Car tot est dit » : parodie, pastiche, plagiat ? Comment faire oeuvre nouvelle au Moyen Âge
Madeleine Jeay
pp. 15–35
AbstractFR:
La complexité et la fluidité des relations transtextuelles au Moyen Âge déjouent, dans une large mesure, les tentatives de définitions qu’on a tenté d’élaborer à partir de textes de la littérature moderne et contemporaine. Dans une période qui a précédé la mise en place de l’institution littéraire et l’émergence d’une figure d’auteur progressivement assimilée à celle d’un créateur, parler de pastiche ne va pas de soi. Ceci d’autant plus que la littérature médiévale relève de la réécriture sous les formes de la réappropriation de motifs et de topoi, de la parodie, et que tout texte est un texte second. Il est cependant possible de repérer des exemples d’imitation qui relèvent du pastiche. À partir d’un corpus dont le point de départ est un groupe de trois sirventes-ensenhamens où un troubadour met au défi les compétences de son jongleur en énumérant le répertoire des oeuvres qu’il devrait connaître et dont le plus ancien sert de modèle attesté, nous observerons comment s’interpénètrent les différents modes de relation entre les textes. Ceux que nous avons retenus dans notre analyse ont en commun de projeter une image précise du passeur de mots à travers leur appropriation d’un topos, celui de la démonstration de son répertoire poétique et de ses autres savoir-faire.
EN:
Transtextual renderings of literary works in the Middle Ages were so complex and fluid that today’s definitions intended for modern and contemporary texts essentially don’t apply. The notion of pastiche is problematic for this period which preceded an organized literary institution and the emergence of an author figure progressively identified as creator. Moreover, the fact that medieval literature includes a diversity of ways of rewriting such as the recycling motifs and topoi or parody makes each text a second text. There are nonetheless imitative examples that can be considered as pastiches. Our corpus will start with a group of sirventes-ensenhamens in which a troubadour challenges the skills of his minstrel by enumerating the works he should have in his repertoire. From the earliest piece, which serves as a model, we will identify different modes of relationships between the texts. The works selected for our analysis are consistent in depicting the image of authors and their mediators through their appropriation of what can be seen as a topos, demonstrating the authors’ poetic repertoire and other talents.
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Gaber et renouveler la tradition des romans en vers : pastiche de genre et pastiche de style dans Le Chevalier aux deux épées
Hélène Bouget
pp. 37–56
AbstractFR:
L’écriture du Chevalier aux deux épées (ca. 1240), roman anonyme conservé dans un manuscrit unique, relève à la fois du pastiche de genre et du pastiche de style à partir du modèle romanesque en vers instauré par Chrétien de Troyes. Les emprunts lexicaux et onomastiques témoignent tout d’abord de ce travail d’imitation qui reprend des traits récurrents du modèle pour mieux les détourner ou les gaber par amplification ou inversion. Situé dans le manuscrit BnF fr. 12603 avant Le chevalier au Lion, Le chevalier aux deux épées réécrit également deux grandes scènes de genre propres à ce roman : la joie de Calogrenant et la scène de lecture dans le verger de Pesme Aventure . Mais ici encore le pastiche est à l’oeuvre et transforme la réception et le sens initiaux de ces épisodes. Malgré l’intention affichée de renouer avec la tradition générique et formelle des romans en vers, le texte subit aussi l’influence des cycles et romans en prose dans le traitement des personnages, des motifs et de la narration. L’épisode crucial de l’épée qui saigne et de la révélation du nom du héros repose sur une réécriture globalisante de multiples traits figuratifs hérités à la fois du Conte du graal et des grands cycles du Graal. Ancré dans une double tradition qu’il se plaît parfois à malmener ou à amplifier, Le chevalier aux deux épées témoigne de la réception et de l’assimilation d’une masse romanesque considérable qu’il s’attache à renouveler autant qu’à perpétuer.
EN:
The writing of the Chevalier aux deux épées (ca. 1240), a medieval romance preserved in a single manuscript, is inspired by the pastiche of genre and style based on the model of narrative literature set in verse by Chrétien de Troyes. Evident in this work are the lexical and onomastic borrowings that highlight and enhance the recurring features of the model through amplification and inversion. In the BnF fr. 12603 manuscript that precedes Le chevalier au lion (The Knight with the Lion), Le chevalier aux deux épées (The Knight of the Two Swords) also rewrites two major scenes of the romance : Calogrenant’s “joie,” and the reading scene in the orchard from Pesme Aventure. But here again pastiche is at play, transforming the initial reception and experience of these episodes. While renewal of the formal verse tradition and genre is clearly intended, the text succumbs to the influence of prose cycles and romances in its treatment of characters, motifs, and narration. The crucial episode of the bleeding lance and the revelation of the hero’s name entails a global rewriting of the many figurative traits passed down from the Story of the Grail and the great Grail Cycles. Rooted in a dual tradition that is often content to dissemble or embellish, Le chevalier aux deux épées has manifestly received and assimilated a massive corps of romance that it strives to renew and perpetuate.
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La tentation du pastiche dans L’Estoire del saint Graal : retraire, refaire, défaire la Bible
Mireille Séguy
pp. 57–78
AbstractFR:
Après avoir évalué les conditions de possibilité d’un pastiche de la Bible, l’article analyse les modalités et les enjeux de deux pastiches bibliques qui peuvent se lire dans L’Estoire del saint Graal. Dans un roman qui oeuvre constamment à brouiller les limites entre écriture profane et Écriture sainte — notamment grâce aux procédés de la reprise et de la suture textuelles —, le pastiche apparaît comme le moyen idéal, pour la fiction romanesque, de s’immiscer dans le texte évangélique tout en l’assimilant à sa propre trame. À la faveur de ce processus, l’Estoire, qui se donne comme un cinquième Évangile écrit par le Christ lui-même, peut prétendre renouveler la Parole divine dans ses modes de signification comme dans son énoncé. Les pastiches bibliques de l’Estoire apparaissent dès lors comme l’occasion idéale pour la fiction littéraire d’accroître son domaine d’influence, tout en maintenant — comme l’implique toute pratique mimétique — un écart avec le modèle scripturaire qu’elle se donne. Grâce à cet écart, qui fonctionne comme un espace de jeu aux deux sens du terme, l’écriture romanesque tend moins à s’identifier à la Bible qu’elle ne s’arroge le droit de se surajouter à elle, de l’interpoler et de la mimer, bref de l’ouvrir au grand brassage intertextuel qui caractérise la pratique littéraire médiévale.
EN:
This article first examines the possible conditions for a pastiche of the Bible, then analyzes the modalities and issues of two Biblical pastiches that can be read in the story of the Quest for the Holy Grail. In a novel that constantly challenges the limits between profane writing and Holy Scripture, especially through textual repetition and reworking, the pastiche would seem an ideal vehicle for romantic fiction to insinuate into the evangelical text, entwining it within its own fabric. Drawing on this process, the Grail Story can self-proclaim as a fifth Gospel written by Christ Himself, asserting to renew the Divine Word in both meaning and statement. Thus would Biblical pastiches of the Grail Story seem an ideal opportunity for literary fiction to expand its sphere of influence, all the while retaining, like all imitation, an arms length from the scriptural model it has adopted. Because this intermediary distance acts as a playing field in both senses of the term, the romance writing tends less to align itself with the Bible than to assume the right to overlay it, to mimic and embellish, in short to indulge in a major intertextual medley characteristic of medieval literature.
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Perceforest : de l’entremets et de l’entrelardement au pastiche, ou l’art de cuisiner les textes
Christine Ferlampin-Acher
pp. 79–97
AbstractFR:
Perceforest est un vaste roman en prose que Christine Ferlampin-Acher propose de dater, non du xive siècle, mais du xve. C’est sur cette datation qu’est basée l’étude qui suit. S’interroger sur le pastiche dans une oeuvre médiévale est tributaire d’une approche stylistique, problématique. À l’inverse, le questionnement sur le pastiche peut contribuer à nourrir une réflexion sur le style dans les oeuvres médiévales. Perceforest se présente comme une suite, à la fois de l’Historia Regum Britaniae et des Voeux du Paon , et comme une préhistoire du Graal du cycle de la Vulgate : y a-t-il continuité stylistique (et donc pastiche) entre Perceforest et les textes qui le bornent, en amont et en aval ? Le sujet, vaste, est abordé à travers l’étude du maintien de déclinaisons à morphologie latine (sera étudiée la relation entre Perceforest et ses modèles en amont) et de deux discours, du Christ et d’Alain (sera ciblée la relation avec le cycle Vulgate). Par ailleurs, Perceforest , comme chronique fictive, présente des traits qui vieillissent le texte et qui pourraient ressortir du pastiche : cependant, la patine naît surtout d’une nouvelle conception du passé, nostalgique, du fait de la confrontation avec le présent. L’étude du Conte de la Rose, dont la version en vers peut se lire comme un pastiche de lai et la version en prose comme un pastiche de mise en prose, confirme que c’est par la prise en charge du présent (les mises en prose sont un genre « moderne ») que l’écart temporel avec le passé se trouve le mieux mis en perspective. Finalement, comme les entremets et l’entrelardement (ce terme désigne dans Perceforest une conception esthétique fondée sur la variété), le pastiche a pour enjeu essentiel de redonner du goût à ce qui risque de devenir plat, monotone, routinier, topique.
EN:
Perceforest is a long prose romance which, in Christine Ferlampin-Ache’s view, could have been written not during the 14th, but during the 15th century. Pastiche is based on stylistic imitation and it seems difficult to reference pastiche in relation to medieval works. But it is necessary to develop studies focused on medieval style, and dealing with pastiche can be an opportunity to do so. Perceforest is a continuation of the Historia Regum Britaniae and Les Voeux du Paon, recounting what happened before the Vulgate Cycle. Is there stylistic mimicry between Perceforest and these texts ? Two points are examined : the use in Perceforest of Latine declensions, and two speeches (from Christ and Alain). More than real pastiches, we find here references to specific narrative worlds which guide the readers. Moreover, Perceforest seems to pastiche ancient texts in order to suggest that it is an authentic chronicle : the confrontation with present times and nostalgia play an important part in this view. A Burgundian reader can understand the Conte de la Rose in prose as a pastiche of a “mise en prose,” a prose rendering, and the Conte de la Rose in verse could be a pastiche of a lai. Like “entremets” and “entrelardement” (in Perceforest, the word refers to an aesthetic concept based on “variety”), pastiche has to do with pleasure, taste and variety.
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La condition du pastiche dans le roman lyrico-narratif de Jean Renart (Le Roman de la Rose ou de Guillaume de Dole)
Isabelle Arseneau
pp. 99–122
AbstractFR:
La relecture du Roman de la rose ou de Guillaume de Dole (1212-1214) fait apparaître que, au contraire de ce que l’on a souvent avancé, ce roman lyrico-narratif répond à des objectifs qui vont bien au-delà de la thésaurisation des chansons qu’il « brode » à la trame du récit. L’examen méthodique de la laisse épique et des 46 fragments lyriques qui y sont insérés fait plutôt apparaître que l’invention le dispute fortement à la conservation et à la monumentalisation que l’on serait en droit d’attendre d’une « anthologie ». En effet, il y a dans l’ensemble des pièces rapportées quelques morceaux qui se détachent du lot et qui invitent au réexamen des frontières médiévales entre les différentes pratiques imitatives. En l’absence de tout autre témoin manuscrit, les analyses thématique, stylistique et formelle de la chanson que l’auteur attribue à « Gautier de Saguies » et de la laisse qu’il dit emprunter au Gerbert de Metz tendent plutôt à suggérer que le romancier a succombé à la tentation du pastiche.
EN:
A rereading of the Roman de la rose or Guillaume de Dole (1212-1214) reveals that contrary to what is commonly advanced, this lyrical poetic narrative achieves objectives that far exceed a compilation of songs embroidering a storyline. Instead, a methodical examination of this epic laisse and the 46 lyrical fragments inserted therein shows a forceful counterpoint of invention vying with the conservation and monumentalization generally associated with an “anthology.” Indeed, several exemplary pieces stand out from the pack and inspire a closer look at the medieval frontiers of different imitative practices. In the absence of any other manuscript, the thematic, stylistic and formal analyses of the song which the author attributes to “Gautier de Saguies” and the laisse that he claims is borrowed from Gerbert de Metz tend however to suggest that the romancier has succumbed to the temptation of pastiche.
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Le pastiche à l’épreuve du manuscrit Paris, BnF fr. 146 : le dépit amoureux de Fauvel
Armand Strubel
pp. 123–142
AbstractFR:
Le cheval Fauvel, synthèse des Vices, s’est lancé dans une aventure insensée : demander la main de Fortune, qui le repousse brutalement et l’agonit de sarcasmes. La version du Roman de Fauvel contenue dans le manuscrit Bnf fr. 146 place à ce moment-clef du poème réécrit à partir de Gervais du Bus une longue interpolation de plus de 700 vers, qui amplifie le dépit amoureux du soupirant éconduit. Même si ce n’est pas, littéralement, l’âne à la lyre, la situation paraît idéale pour identifier les traces du pastiche, d’autant plus que la complainte est enrichie de citations lyriques et de pièces musicales insérées. L’enjeu est de repérer les indices textuels, iconographiques et autres, les marqueurs de l’imitation décalée. On constate, en cours d’analyse, que malgré l’évidence globale, le pointage précis se heurte à de nombreuses difficultés : entre le pastiche, la parodie et la satire, la ligne de partage est malaisée à tracer, et la part subjective de l’interprétation reste irréductible.
EN:
Fauvel the horse, symbol of the combined Vices, embarks on an insane adventure : to woo the hand of Dame Fortune, who brutally rebuffs him, hurling abuse and sarcasm his way. The version of the Roman de Fauvel contained in the Bnf fr. 146 manuscript inserts at this key moment of the poem, rewritten from that of Gervais du Bus, a lengthy interpolation of over 700 verses that amplify the amorous yearnings of the rejected suitor. While this is not the literal fable of the donkey and the lyre (“l’âne à la lyre”) the situation appears ideal to pinpoint traces of pastiche, especially because the lament is enriched with addition of lyrical quotations and musical pieces. The challenge is to discover the textual, iconographic, etc. indices of disjunctive imitation. In so analyzing we realize that despite the overall evidence, a precise perception is fraught with obstacles : it is difficult to discern the exact lines of demarcation between pastiche, parody and satire and the subjective aspect of interpretation prevails.
Exercices de lecture
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Le prince de la jeunesse : Roland Barthes, cet écrivain mineur
Sophie Létourneau
pp. 145–157
AbstractFR:
Dans la tradition humorale, l’enfant est porté vers la mélancolie parce qu’influençable. Comme il croît, il se meut, il s’émeut. La mélancolie de l’enfant se nomme néoténie : elle est causée par la « prématuration spécifique de la naissance chez l’homme », comme le rappelle Jacques Lacan. Mélancolique en raison du jeu de sa forme, l’enfant est ouvert au temps : il est la figure instable de ce qu’on devine être plus tard le même et autrement. On ne s’intéressera donc pas à l’enfant en tant qu’il serait l’objet d’une nostalgie du temps passé, mais plutôt à l’enfant comme à la Mélancolie même, son emblème, sa figure et son mouvement. On appellera « enfant » quelque chose comme le manque à être. Ce sera aussi, l’enfant, une figure en formation, le mouvement vers l’accomplissement. Ce pourrait être la figura d’Auerbach, la promesse d’une incarnation — image, photographie ou roman. Ce sera, ici, l’enfant présenté dans les photographies et les récits du Roland Barthes par Roland Barthes. Reléguée aux limbes de l’oeuvre, cette figure semble avoir échappé au regard critique. Bien qu’il soit mineur, l’enfant a pourtant portée théorique. On voudra, dans le présent article, se pencher sur l’enfant et sa mélancolie, sur le désir d’être formé, sur l’exigence de la copie et sur la photographie.
EN:
Humoral medicine views children as melancholic for they are readily influenced, the clay waiting to be shaped. In the process of growing up, from the time of birth, premature, immature, they evolve. But the child remains incomplete, and the term neoteny has been used to define the melancholy of children. In this article, we look at the figure of the child as representing a work in progress. We will observe the child’s movement and changes toward completion through education, mimetism, writing and photography. In this respect, we will consider Roland Barthes par Roland Barthes a theory of neoteny and foremost example of children’s literature.
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L’étal du pré : états d’une géographie pongienne
Virginie Harvey
pp. 159–179
AbstractFR:
Cet article aborde la question de la surface, du lieu et de la référence dans La fabrique du pré de Francis Ponge, en interrogeant une conception de la disposition également développée dans un autre texte pongien, La Table . Du pré à la table, il en va chez Ponge d’une poétique de la mise à plat et de l’étalement qui sert ici à questionner ce qui sera défini comme l’étal du pré. La table, comme le pré, est un étal (présentoir et table de travail) au niveau du sol et dont la surface permet l’étalement (monstration et disposition). Il s’agira de montrer en quoi la mise à plat (du texte, des brouillons) opérée dans La fabrique permet de générer une véritable collection de représentations, en l’occurrence, du pré, mais aussi en quoi cette collection étalée n’est pas seulement celle de « prés », puisqu’elle se constitue également à partir d’autres textes de Ponge, auxquels La fabrique fait maintes fois référence, et qui se voient, sur cette surface qu’est le pré, étalés. Il sera d’autant plus pertinent de constater que plusieurs des textes que La fabrique dispose sont clairement associés à des lieux, le tout permettant au final de circonscrire les états d’une sorte de géographie pongienne. Sur l’étal du pré, cette table où s’étalent brouillons, poèmes et représentations, où s’étendent les références à d’autres textes écrits en/sur d’autres lieux, une carte apparaît et permettra de penser une véritable poétique pongienne du lieu, où l’étal articule et reconduit des relations multiples entre les éléments disposés, constellés, « géographiés ».
EN:
This article addresses the question of surface, location and reference in La fabrique du pré by Francis Ponge, by examining a concept of arrangement already developed in another Pongien text, La Table. From the meadow to the table, Ponge develops the poetics of flattening and display used here to investigate what will be defined as the stall of the meadow. The table, like the meadow, is a kind of stall (display stand and worktable) at ground level whose surface serves for displaying (showing and arrangement). The article suggests how the flattening (of the text, the drafts) used in La fabrique produces a true collection of representations, in this case, of the meadow, but also how this displayed collection is more than just “meadows,” since it devolves from other texts by Ponge, repeatedly referenced in La fabrique, and which are displayed on the surface that is the meadow. It is notable that several of the texts displayed by La fabrique are clearly associated with locations, which ultimately serve to delimit the states of a kind of Pongienne geography. On the stall of the meadow, this table upon which drafts, poems and representations are displayed, enhanced by references to other texts written in/on other sites, a map appears, and will suggest a genuine Pongienne poetic of location, where the stall articulates and renews multiple relationships between the laid out, arranged, and “geographied” elements.
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Le ciel de Québec de Jacques Ferron : épiphanie pour un pays à venir
Jacques Pelletier
pp. 181–199
AbstractFR:
Le ciel de Québec de Jacques Ferron s’offre comme une oeuvre complexe et déroutante. Et ce, tant sur le plan de l’énonciation que sur celui du propos. Sur le plan formel, il relève du conte et de la fable, de l’épopée, du roman d’apprentissage, aussi bien que de la chronique et de l’historiette. Sur le plan thématique, il emprunte plusieurs directions, se présentant tour à tour et simultanément comme un récit de fondation, une fable nationaliste, un règlement de comptes avec La Relève, une saga de l’Amérique amérindienne, une chronique des moeurs politiques des années 1930, une réflexion sur l’art, la littérature et la peinture. Bref, il forme une véritable courtepointe faite de pièces rapportées qui lui donnent un caractère hétérogène et bigarré sous lequel on peut toutefois retrouver une certaine unité liée à l’optimisme qui anime alors l’écriture de Ferron et qui repose sur sa conviction de voir bientôt l’avènement du pays québécois comme autorité enfin souveraine. On peut donc le lire comme l’expression euphorique d’un nationalisme que la Crise d’octobre 1970 allait bientôt ébranler, imprimant une bifurcation décisive dans l’oeuvre de Ferron au cours de la décennie suivante et le conduisant à une prise de distance effective à l’endroit d’un projet historique de plus en plus incertain et problématique.
EN:
Jacques Ferron’s Le ciel de Québec is a complex and disconcerting work, in expression as well as content. Its formal structure draws upon epic and fable, the coming-of-age novel, the chronicle and the anecdote. Thematically diverse, it offers an elemental story, a nationalist fable, a settling of accounts with La Relève, a saga of the North American Indian, a chronicle on political mores of the 1930s, reflections on art, literature and painting. This grab bag of disparate writings converges in a variegated unity to characterize Ferron’s optimistic vision of a sovereign Québec, the country in waiting. It can be read as a euphoric statement of nationalism, soon to be shattered by the October crisis of 1970, with the ensuing decade marking a decisive turn in Ferron’s work as he distanced himself from the increasingly uncertain and problematic historic project.