Volume 46, Number 2, 2010 Hergé reporter : Tintin en contexte Guest-edited by Rainier Grutman and Maxime Prévost
Table of contents (10 articles)
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Présentation. Hergé reporter : Tintin en contexte
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Tintin avant Tintin : origines médiatiques et romanesques du héros reporter
Guillaume Pinson
pp. 11–25
AbstractFR:
Cet article entend répondre à une question : que doit Tintin à la fiction du xixe siècle ? Un long processus historique mène de la progressive autonomisation de la figure du reporter au héros du Petit Vingtième. D’abord déconsidéré, consacré aux basses tâches du journal, le reporter est à l’origine un fait diversier qui hante la ville à l’affût de petits événements à noter. Peu à peu, son champ d’action s’élargit, son rayonnement géographique grandit et son statut au sein d’un journal en voie de professionnalisation, autour de 1900, acquiert ses lettres de noblesse, jusqu’à détrôner le chroniqueur dans la hiérarchie du journal. À la même époque, ce succès est nettement perceptible à travers une série de romans : Michel Strogoff et Claudius Bombarnarc de Jules Verne (1876 et 1893), Le Sieur de va-partout de Pierre Giffard, oeuvre située à mi-chemin entre la fiction et le témoignage (1880), La vie des frelons de Charles Fenestrier (1908) et surtout la série de Rouletabille de Maurice Leblanc (1907) — elle-même précédée par un feuilleton méconnu, paru dans Le Matin en 1900 : Que faire ? de Desnard (et son nègre Apollinaire). La lecture de ces romans montre d’une part que la professionnalisation du reporter est en phase avec un processus de délittérarisation des enjeux que porte la fiction du journalisme, et d’autre part que s’inventent à cette époque les procédés poétiques et thématiques qu’Hergé reprendra et adaptera aux contraintes spécifiques de la bande dessinée.
EN:
This article attempts to answer a question : what does Tintin owe to 19th century fiction ? Through a lengthy process, the figure of the reporter progressively automatized into the hero of the Petit Vingtième. Initially relegated to menial newspaper tasks, then as lowly cub reporter looking for minor scoops, his news beat gradually expanded, geographically, as did his professionalism and status at the paper. By about 1900, he had earned his journalistic spurs, rising in the ranks to displace the venerable columnist. It was an era of notably successful novels of the likes of : Michel Strogoff and Claudius Bombarnarc by Jules Verne (1876 and 1893), Le Sieur de va-partout by Pierre Giffard, a work which straddled the realms of fiction and reportage (1880), La vie des frelons by Charles Fenestrier (1908) and, most notably, the Rouletabille series by Maurice Leblanc (1907)—itself preceded by a little known series that had appeared in Le Matin in 1900 : Que faire ? by Desnard (and his ghostwriter Apollinaire). A reading of these works reveals, for one thing, that that the reporter’s professionalization was evolving amid a deliterarization of the elements of journalistic fiction, while concomitantly Hergé’s poetical and thematic processes were reconfiguring within the challenging constraints of the comic strip.
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Hergé est un personnage : quelques figures de la médiation et de l’autoreprésentation dans Les aventures de Tintin
Jean Rime
pp. 27–46
AbstractFR:
En posant de façon contradictoire la vraisemblance des Aventures de Tintin et leur appartenance à un univers régi par des conventions différentes du nôtre, Hergé interroge sans cesse le rapport entre réalité et fiction et pointe la nécessité d’une instance de médiation qu’il s’est toujours efforcé d’assumer lui-même, tant dans ses bandes dessinées que dans son discours médiatique. Il en a même fait un moyen pour imprimer son autorité sur des créatures — Tintin surtout — qui tendent à s’autonomiser. Après avoir expérimenté dans les Exploits de Quick et Flupke le procédé de l’autoportrait en abyme, il en réinvestit certaines composantes soit dans les marges de son oeuvre où il élabore des postures de victime, de démiurge, de père ou d’alter ego, soit au coeur des albums de Tintin où il métaphorise sa médiation en agrégeant sa fonction de narrateur à des supports thématiques tel celui du « reporter » ou, dans une moindre mesure, celui du « médium ».
Grâce à ce subtil dévoilement de l’artifice diégétique, « Hergé », dont le nom ne désigne plus un avatar de Georges Remi, mais un personnage créé par lui pour jouer ce rôle de pivot, réussit le tour de force de simultanément construire — par la médiation qu’il opère — et déconstruire — par la monstration de cette contrainte narrative — l’illusion référentielle qui fonde le contrat de lecture réaliste des Aventures de Tintin. Au fur et à mesure que son « fils » de papier lui échappe pour entrer dans l’imaginaire collectif, il rompt de plus en plus avec cet équilibre, au point de saturer toujours davantage ses albums de signes de sa médiation. Il en pervertit ainsi le fonctionnent narratif et, à l’heure des Studios, il inscrit au plus profond de son oeuvre le désir, maintes fois exprimé lors de déclarations publiques, que personne ne lui succède.
EN:
Through The Adventures of Tintin with its universe governed by conventions different from our own, Hergé constantly juxtaposed the similarity to probe the relation between reality and fiction, seeking a form of mediation for himself, in comic strip and journalism alike. He sought authority over his characters—especially Tintin—who tended to veer into lives of their own. With Les Exploits de Quick et Flupke, he ventured into self-portraiture which he scattered in episodes as victim, demiurge, the father, the alter ego. These appeared in the narrative core of Tintin albums, his mediation transposed to incorporate themes such as reporter or (less so) as “medium.”
Through the subtle narrative device of Hergé, the name no longer designating an avatar of Georges Remi but assuming a pivotal role, he could successfully construct—through operative mediation—and deconstruct—through monstration of this narrative constraint—the referential illusion that underpins a realistic reading of The Adventures of Tintin. But as his literary “son” increasingly slipped away to become part of the collective imagination, he upsets this fragile balance more and more by saturating his albums with signs of his mediation, thus perverting their narrative order and inscribing, in the depths of his work, his wish, often publicly stated, that he have no successor.
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Basil Zaharoff et la guerre du Chaco : la tintinisation de la géopolitique des années 1930
Marc Angenot
pp. 47–63
AbstractFR:
L’oreille cassée (1937) transpose de manière caricaturale divers événements de l’actualité, événements qui, par leur « exotisme », avaient fait les délices de la grande presse : la guerre du Chaco entre le Paraguay et la Bolivie, l’une des guerres les plus cruelles et les plus sanglantes des années 1932-1935 ; la carrière de Basil Zaharoff, marchand d’armes mort à Monaco en 1936 ; la disparition en Amérique du Sud de l’explorateur Percy Fawcett dans les années 1920, etc. Cet article se propose de circonscrire le concept de « tintinisation » de manière à déterminer les règles de filtrage et de remodelage qu’Hergé fait subir à ces événements pour les absorber dans le monde et l’ethos de Tintin. Un rapprochement est esquissé avec la transposition comico-aventurière de l’Amérique latine, ses jungles, ses mystères et ses pronunciamientos chez quelques écrivains « pour la jeunesse » qui ont précédé Hergé dans cette voie.
EN:
L’oreille cassée (1937) caricatures news items whose “exotic” aspect grabbed the attention of the mainstream press : the Chaco war between Paraguay and Bolivia, one of the cruelest and most bloody wars of the years 1932-1935 ; the career of Basil Zaharoff, an arms merchant who died in Monaco in 1936 ; the disappearance in South America of the explorer Percy Fawcett in the 1920s, etc. This article examines the concept of “tintinization” and the manner in which Hergé filtered and reshaped these events within the world and ethos of Tintin. They are compared with other comic-adventures describing the jungles, mysteries and pronunciamientos of Latin America, by writers who preceded Hergé in this genre.
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L’Île Noire, un album ancré dans le contexte culturel des années 1930
Ludovic Schuurman
pp. 65–81
AbstractFR:
Le modeste et discret Hergé était en réalité, oserait-on dire, un créateur « médiatique », non pas au sens de « médiatisé », mais au sens où son oeuvre n’a cessé d’établir un dialogue foisonnant avec les médias (au sens le plus large qui soit). Artiste toujours de son temps, à l’image de son héros, Hergé faisait ainsi malgré lui, et sous la forme encore dénigrée de la bande dessinée, oeuvre de véritable reporter prompt à livrer, au sein des organes de presse pour lesquels il travaillait (Le Vingtième Siècle, ici, en l’occurrence), le climat authentique de l’actualité la plus brûlante — et la plus parlante pour les lecteurs. L’analyse génétique d’un seul album, L’Île Noire, historiquement capital car paru en 1938, dans la période trouble et tendue de l’avant-guerre, peut aisément illustrer par l’exemple les interférences nombreuses et prégnantes entre les mouvements de l’actualité socioculturelle (voire politique) et les Aventures de Tintin. Si l’intrigue peut rappeler certains épisodes de Zig et Puce, les célèbres héros du Français Alain Saint-Ogan, elle pioche en même temps dans les articles et les faits divers du Crapouillot ou du Vingtième Siècle pour susciter un personnage, un gag, une péripétie ou une ambiance. Hergé s’inspire pareillement du cinéma populaire, art alors en pleine expansion, et plus particulièrement des réalisations de Schoedsack et Cooper ou d’Alfred Hitchcock, sans jamais les plagier ni même les citer. Mieux qu’une suite de références précises et nommées à des faits ponctuels avérés et susceptibles (pour certains) de sombrer dans l’oubli, c’est bien la capacité de syncrétisme d’Hergé qui lui permet en effet, dès les années 1930, de restituer avec universalité le contexte socioculturel de son époque tout en inscrivant son oeuvre dans le temps.
EN:
The modest and discreet Hergé arguably played to the media, not as “mediatized” but in the sense that his work continually sought a serious dialogue with all media. Attuned to his time, like his hero, the artist Hergé reported eloquently on the burning issues of the day, through the working press (Le Vingtième Siècle, referenced here), as well as the less esteemed comic strip. A general analysis of L’Île Noire (The Black Island), for instance, historically notable since it appeared in 1938 during the tense and troubled prewar period, is revelatory of allusions between socio-cultural incidents (i.e., political) and the The Aventures of Tintin. While intrigues surface in some episodes of Zig and Puce, the famous heroes of Français Alain Saint-Ogan, they are also referenced in articles and facts appearing in Crapouillot or Vingtième Siècle where characters, gags, events and ambiance are evoked. Hergé also drew on popular films, a growing art of the day, especially works by Schoedsack and Cooper or Alfred Hitchcock, without directly plagiarizing or even citing them. Going beyond specific references or topical names and facts, soon forgotten, it is Hergé’s skill at syncretism that enabled him from the 1930s, to depict the universality of the socio-cultural context of his era while writing within and of his time.
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« Eih bennek, eih blavek » : l’inscription du bruxellois dans Le sceptre d’Ottokar
Rainier Grutman
pp. 83–99
AbstractFR:
Le présent article part de la présence cryptée du dialecte bruxellois dans Le sceptre d’Ottokar pour montrer comment la bande dessinée réfracte subtilement la situation socio-linguistique de son premier public. Loin de se réduire à une sorte d’« escorte verbale » enfermée dans les phylactères qui accompagnent le dessin, les traces écrites de la (et des) langue(s) commentent, situent et prolongent l’image, de manière à obtenir un équilibre sui generis qui permet à Hergé d’étager les sens. Dans Les aventures de Tintin, ces derniers se superposent sans s’annuler, créant un exemple complexe susceptible de plaire, non seulement aux proverbiaux « jeunes de 7 à 77 ans », mais encore aux lecteurs d’ici et d’ailleurs, « ici » étant en l’occurrence la Belgique francophone et plus particulièrement Bruxelles, ville natale de Georges Remi. Il est en effet frappant de constater à quel point Tintin combine des références très internationales (paneuropéennes à défaut d’être vraiment « universelles ») et des allusions tout à fait locales (belges ou mieux : bruxelloises). Ce constat, souvent répété au sujet du versant iconique des albums, peut être étendu à leur versant linguistique : malgré le gommage d’expressions et références jugées trop exclusivement belges et pouvant nuire à la pénétration tant souhaitée du marché français, il subsiste un substrat linguistique bruxellois, dont la présence discrète mais constante rapproche Les aventures de Tintin du palimpseste.
EN:
Taking its cue from the cryptic use of Brussels dialect in King Ottokar’s Sceptre, this article shows how Hergé’s comics subtly refract the socio-linguistic situation of their initial Belgian audience. In Tintin’s Adventures, written traces of language(s) comment upon and prolong the images, rather than being confined to the role of “verbal escort,” playing second violin to the drawings. Different layers of meaning are superimposed without erasing each other, thus creating a finely balanced final product. This complex operation enables Hergé to cater not only to the proverbial “youth aged between 7 and 77” he had in mind, but also to readers both close by and far removed, where “close by” stands for French-speaking Belgium, and in particular Brussels (Georges Remi’s home town). Indeed, the Tintin series excels at combining international references with quite local ones (intelligible mainly to Belgians and especially to fellow Brusselers). Often made in visual analyses focusing on Hergé’s use of national vs. international settings, this latter point is valid as well for the comic strip’s linguistic dimension : in many corners of Tintin’s universe, and in spite of Hergé’s conscious choice of a neutral and elevated style for the speech of his main characters, lurks a very local substratum, rooted in the Flemish dialect of Brussels. While it remains carefully hidden from the eyes (and ears) of foreign readers, its discreet yet constant presence gives a special edge to Tintin’s Adventures in the original French.
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La rédemption par les ovnis : lectures croisées de Vol 714 pour Sydney et de la revue Planète
Maxime Prévost
pp. 101–117
AbstractFR:
Avec le personnage de Mik Ezdanitoff (« de la revue Comète »), Hergé a rendu hommage au Jacques Bergier de la revue Planète. Cet article propose de lire Vol 714 pour Sydney à la lumière de la philosophie, de la politique, voire de l’esthétique véhiculées au cours des années 1960 par cette revue dirigée par Louis Pauwels. On se demandera si l’intérêt que porte Hergé aux objets volants non identifiés et aux « civilisations extraterrestres » ne procède pas en partie d’une quête de rédemption politique, plus d’un quart de siècle après la « politique de présence » prônée par le roi Léopold III pendant l’Occupation de la Belgique, ce d’autant plus que, dans le texte d’introduction au premier numéro de la revue, Pauwels mobilisait une rhétorique transposant la résistance maquisarde sur le terrain du paranormal, où, cette fois, Hergé, comme d’autres anciens inciviques de la Belgique libérée (Raymond De Becker, Bernard Heuvelmans), pourrait être d’emblée du bon côté des choses, et racheter, à l’échelle cosmique, ses errances passées.
EN:
With the character of Mik Ezdanitoff (Mik Kanrokitoff in the English-language version), Hergé pays tribute to Jacques Bergier, a frequent contributor to the magazine Planète. This paper attempts to read Flight 714 for Sydney from the perspective of the philosophy, politics and aesthetics expressed in this magazine founded by Louis Pauwels. It contends that Hergé’s interest in Unidentified Flying Objects and “extra-terrestrial civilizations” stems from a quest for political redemption, twenty-five years after the German occupation of Belgium. In the introduction to the first issue of Planète, Pauwels had transposed the rhetoric of resistance to the terrain of the supernatural, thus offering Hergé and other former journalists of the collaborationist press (such as Raymond De Becker and Bernard Heuvelmans) the opportunity to cosmically redeem their misguided past.
Exercices de lecture
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Lire avec les yeux de l’histoire, ou le temps retrouvé de la critique sollersienne
Shawn Duriez
pp. 121–135
AbstractFR:
Ce texte propose une réflexion sur l’oeuvre critique de Philippe Sollers — qui compte à ce jour trois tomes : La guerre du goût (1994), Éloge de l’infini (2001) et le plus récent Discours parfait (2010) — composée principalement de courts textes de critique littéraire, artistique et culturelle issus de la contribution régulière de l’auteur au journal Le Monde. L’objectif de cette réflexion est de montrer en quoi la critique sollersienne, qui se veut une véritable guerre défensive contre le mauvais goût, repose en dernière instance sur une conscience « vivante et verticale » de l’histoire, qui s’oppose à une conception linéaire du temps axé sur la succession, le dépassement et l’obsolescence.
La spécificité de cette conscience du temps sera d’abord dégagée par le recours au concept d’histoire monumentale de Nietzche, ainsi qu’à l’interprétation heideggerienne de ce concept, mobilisée par Sollers dans la préface à La guerre du goût, selon laquelle « L’Histoire n’est pas une succession d’époques, mais une unique proximité du Même, qui concerne la pensée en de multiples modes imprévisibles de la destination, et avec des degrés variables d’immédiateté. » La mise en dialogue de ces deux philosophies de l’histoire conduira à la conclusion selon laquelle la « guerre du goût » menée par Sollers est en fait une guerre contre le ressentiment et le nihilisme métaphysique, considérés comme les principaux fondements de la société du Spectacle et de son mépris de la grandeur, de l’intelligence et du génie.
Cette réflexion sur le temps et l’histoire servira par la suite à interroger l’oeuvre critique dans sa composition, qui, par le rapprochement d’artistes et de penseurs tels que Rimbaud, Sade, Montaigne, Joyce, Dante, Proust, Voltaire et Picasso, traduit une recherche de la « singularité universelle » de l’art par-delà la distance historique qui sépare les oeuvres. De cette conception de la critique sera dégagé l’impératif sollersien de « lire avec les yeux de l’histoire », c’est-à-dire savoir distinguer, apprécier et critiquer ce que, de l’énorme masse de signes qui se donnent pour lisibles, l’histoire elle-même révèle comme incarnation de sa propre singularité.
EN:
This article is intended as a reflection on the literary and artistic criticism of Philippe Sollers who has published three such volumes to date : La guerre du goût (1994), Éloge de l’infini (2001) and the more recent Discours parfait (2010) mainly featuring short articles originally printed in the French newspaper Le Monde. The objective of this study is to show how Sollers’ criticism, labelled as a defensive war against bad taste, is contingent upon a specific historical consciousness, described by the author as “alive and vertical,” the essence of which confronts the more commonplace understanding of time and history derived from the concepts of linearity, succession and obsolescence.
The nature of this historical consciousness will first be delineated using the Nietzschean concept of monumental history as well as Heidegger’s interpretation of this concept, recalled by Sollers in his preface to La guerre du goût wherein he states that “History is not a mere succession of eras but a unique proximity of the Same, which concerns thought in multiple unpredectible modes of destination, and with variable degrees of immediateness.” The dialogue established between these two philosophers will lead us to the conclusion that the war against bad taste advanced by Sollers is in fact a war against resentment and metaphysical nihilism, considered as the basis for the “society of spectacle” and its contempt for grandeur, uniqueness and intellect.
This account of Sollers’ take on time and history will provide insight into the composition of the author’s critical work, which, by bringing together artists and thinkers such as Rimbaud, Sade, Montaigne, Joyce, Dante, Proust, Voltaire and Picasso, seeks to reveal the “universal singularity” of art that prevails over the historical distance separating individual work. This notion of artistic criticism will ultimately shed light upon Sollers’ understanding of the act of reading itself, which consists of distinguishing, appreciating and criticizing that which, out of the immense sum of what is considered readable, History itself reveals as an incarnation of its own singularity.
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À la recherche de l’identité dans Alto solo d’Antoine Volodine
Alexandra Reuber
pp. 137–152
AbstractFR:
Le roman Alto Solo (1991) d’Antoine Volodine provoque deux questions fondamentales : « Qui suis-je ? » et « Qui es-tu ? » Ce sont des questions qui explorent la notion du soi et de l’autre en mettant en relation le lieu habité, c’est-à-dire géographique, et le lieu psychologique ainsi que celui de l’énonciation. Ce sont des questions dont les réponses font référence aux signes distinctifs entre des individus d’une société, qui, dans Alto Solo, produisent une sensation d’étrangeté, d’anonymat et d’exil de l’un par rapport à l’autre. Ces réponses prononcées ou implicites produisent une sensation d’étrangeté et d’aliénation sociale qui est renforcée par une aliénation de l’identité personnelle, celle-ci n’étant, dans la plupart des cas, qu’une identité collective.
Qui sont les citoyens de Chamrouche par rapport aux personnages aux noms bizarres ? Comment caractériser les personnages que nous rencontrons dans cette oeuvre de Volodine et auxquels l’auteur ne fait référence que dans un langage symbolique ? Il parle des voix, des oiseaux, des nègues et des hommes portant des imperméables, sans expliquer le choix de son vocabulaire. Cette absence d’information concrète confirme non seulement la notion d’étrangeté dans le texte de Volodine, mais elle provoque également la réitération des deux questions, « Qui suis-je ? » et « Qui es-tu ? ». Elle stimule notre recherche de l’identité dans Alto Solo.
EN:
Antoine Volodine’s novel Alto Solo (1991) raises two fundamental questions : “Who am I ?” and “Who are you ?” These questions address the notion of the self and the other in relation to geographic and psychological place as well as that of speech. The answers to these questions are intrinsic to the distinct characteristics of individual, interacting members of society, which in Alto Solo stir feelings of otherness, anonymity, and even of exile among the fictional characters. The responses to these two questions, whether overt or implicit, yield an aura of social disjunction and alienation, and hence questions of the identity of the individual characters who seem largely remote, their identities more collective than personal.
Who then are the citizens of Chamrouch, in relation to those with bizarre names ? How can we define the characters in Volodine’s novel when they are depicted only as symbols, their verbal expression in the form of voices, birds, nègues, and men wearing raincoats without the author ever explaining his choice of words ? The absence of concrete information not only reinforces the pervasive aura of otherness in Volodine’s text, but also summons a reiteration of the two questions, “Who am I ?” and “Who are you ?” Thus we are impelled in our search for identity in Alto Solo.
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De la crudité au grand Cru : une étude de l’invective dans les romans de Louis-Ferdinand Céline
Marie-Hélène Larochelle
pp. 153–171
AbstractFR:
Cet article constitue une exploration des sens, des métaphores, voire des jeux de mots, qu’implique le cru. Cette problématique souhaite renouveler et approfondir le rapport spécifique que le style de Louis-Ferdinand Céline entretient avec la violence verbale. L’hypothèse de notre travail est que l’écriture crue résulte de l’union d’une rhétorique rigoureuse et d’une forme de délire, de féerie. Nous pensons que l’écrivain se laisse emporter (comme on l’est par un transport et par une humeur) par les mots qui le manoeuvrent et qu’il manoeuvre à la fois. Visant à comprendre et interpréter la poétique du cru dans les romans de Céline, notre étude entend faire dialoguer différentes sémantiques, soit la cruauté, la crudité et le grand Cru.
EN:
This article addresses meanings, metaphors and word games of raw, harsh and crude discourses. We investigate the violence in Louis-Ferdinand Céline’s novels, examining the hypothesis that the violent writing stems from a confluence of serious rhetoric and a kind of delirium. Our work describes and interprets the aesthetic forms of violence from a literary point of view. We not only analyze the violent terminology but show that Céline’s writing recreates the rough common language through his own imagined exclamations.