Abstracts
Résumé
À la suite d’Une phrase pour ma mère (1996) et de Grand-mère Quéquette (2003), le texte Demain je meurs (2007) prolonge l’enquête romanesque de Christian Prigent autour des figures de son ascendance. Ce récit de la vie du père refuse de se constituer comme récit d’un destin, c’est-à-dire comme ensemble cohérent et orienté dont il serait dès lors possible de déduire une leçon. La vie du père, communiste orthodoxe, aura été entièrement régie par ce régime de l’édification, sa philosophie dirigée par la croyance en un progrès régulier, en un sens de l’histoire. Le récit par le fils s’attachera a contrario à constituer la représentation la plus inexemplaire qui soit de cette vie exemplaire et, ce faisant, à contrecarrer une certaine philosophie de l’histoire, aux deux sens du terme (narration et Histoire). Tout est mis en oeuvre pour éviter la fixation et la progression du sens : variation des points de vue, récits enchâssés, décrochages versifiés, réécritures, parodies, etc. ; pourvu que le récit puisse s’extraire des lieux rhétoriques et idéologiques où l’on veut l’assigner. Le récit de filiation se fait ainsi récit de dé-familiarisation, « traversée critique des lieux communs et production d’inouï — d’inquiétante étrangeté (Christian Prigent, Quatre temps) », dans lequel le fils tout à la fois expose et liquide l’héritage qui est le sien.
Abstract
With Demain je meurs (2007), Christian Prigent continues to investigate the figures of his ancestry, refusing to represent his father’s life story as a destiny, or a coherent whole that imparts a lesson. An orthodox communist, his father led a life entirely constructed within this edifying framework, his philosophy buoyed by a belief in consistent progress, in a reason in history. The son’s story, however, sets out to represent this exemplary life in the most unexemplary manner, thereby confounding a certain philosophy of history as well as a common conception of storytelling. Every effort is made to preserve shifting meanings: varying viewpoints, encapsulated narratives, passages in verse, rewritings, parodies, etc.; provided the narrative manages to escape the rhetorical and ideological commonplaces. The narrative of “filiation” becomes a narrative of “defamiliarization,” a “traversée critique des lieux communs et production d’inouï—d’inquiétante étrangeté [“critical survey of common places and of unusual, disturbing strangeness”] (Christian Prigent, Quatre temps)”, in which the son at once exposes and liquidates his heritage.