Abstracts
Résumé
Cet article est une invitation à redécouvrir les Mémoires de l’Amérique septentrionale (1703) du baron de Lahontan. Ce portrait ethno-géographique du Canada colonial se révèle être un témoignage rare du transfert des langues et des cultures entre l’Europe et le Nouveau Monde au Siècle des lumières. En étudiant en particulier la dernière partie des Mémoires, le « Petit Dictionnaire de la langue des Sauvages », nous proposons d’analyser de près les réflexions linguistiques de Lahontan afin de mieux comprendre le rôle joué par les langues indigènes dans les échanges interculturels entre Français et Amérindiens, ainsi que dans les processus de la colonisation. La vision des langues indigènes épousée par Lahontan s’avère différer radicalement de celle propagée par les missionnaires jésuites qui, à des fins évangélisantes, poursuivaient des recherches sur les langues amérindiennes depuis le début du dix-septième siècle. Ceci n’est pas étonnant : célèbre iconoclaste et précurseur des philosophes, Lahontan est principalement connu comme étant le créateur d’Adario, archétype du « bon sauvage » et protagoniste des Dialogues curieux entre l’Auteur et un Sauvage de bon sens qui a voyagé (1703), qui prend la défense de la culture amérindienne pour critiquer les abus de la civilisation occidentale, notamment en matière de religion. Cependant, quoique fortement hostile à la colonisation religieuse des missionnaires, Lahontan ne s’oppose pas pour autant à l’occupation française du Canada : son « Petit Dictionnaire » montre qu’il envisage même la maîtrise des langues indigènes comme un moyen de maîtriser et le pays et ses habitants.
Abstract
This article seeks to shed new light on the Mémoires de l’Amérique septentrionale (1703), by the Baron de Lahontan, better known as the author of the polemical Dialogues in which Amerindian chief Adario condemns the European colonisation of the New World. The Mémoires, an ethno-geographic description of colonial Canada, provide invaluable evidence of the transfer of languages and cultures between Europe and the New World in the early Enlightenment. Taking as its primary focus the “Petit Dictionnaire de la langue des Sauvages” included as an appendix to the Mémoires, this article examines Lahontan’s reflections on the languages spoken by the inhabitants of “la Nouvelle-France.” This leads to an exploration of the role of language as a medium of cultural exchange between French and Native Canadians, and, more widely, as an element in the process of colonisation. Importantly, Lahontan’s theories regarding native languages will be shown to differ radically from those propagated by the Jesuit missionaries, who had piloted the linguistic study of Amerindian languages in the seventeenth century. This is hardly surprising, given Lahontan’s well-known anticlerical and heterodox views. However, despite his evident hostility to the religious colonisation of Canada by Jesuit missionaries, Lahontan is no opponent of colonialism, and seeks through his work to further the exploitation of the country by the secular authorities. Indeed, this detailed study of his “Petit Dictionnaire” reveals that its author considers the command of Amerindian languages to be a means of taking command of “la Nouvelle France,” and of its native inhabitants.