Abstracts
Résumé
Cette étude se penche sur la situation contemporaine de l’écriture dramatique au Québec, en s’intéressant plus particulièrement à quelques textes de théâtre de Daniel Danis : Celle-là (1993), Cendres de cailloux (2000 [1992]) et Le chant du Dire-Dire (2000). Dans un premier temps, il est question de l’existence d’une polarisation dans l’usage de la langue dramaturgique, selon qu’un auteur privilégie l’oralité populaire ou la littérarité. Au-delà de cette tension constitutive de l’acte créateur, il est nécessaire de prendre en compte les écritures dramaturgiques qui se situent, pour ainsi dire, dans un entre-deux dynamique, cherchant ainsi à concilier le mode parlé et un dispositif textuel non mimétique. C’est par le biais des propositions d’Henri Meschonnic sur le rythme poétique que l’analyse de l’organisation du mouvement de la parole est susceptible de permettre de saisir les enjeux propres à la subjectivation dans l’écriture dramatique, par exemple, d’un Daniel Danis. Ce dernier propose une fiction dramatique où chaque personnage assume une part de l’instance auctoriale. Il en résulte un discours à la fois monologique et polyphonique dans lequel le récitatif en tant que partition vocale est indissociable d’une conscience corporelle qui surdétermine la parole. L’examen détaillé d’extraits des pièces de Danis montre comment ce dernier sature la substance phonique, tend globalement à une espèce de ritualisation de son dire qui a pour fondement une surconscience corporelle de l’acte de langage. Dès lors, l’existence du personnage tiendrait autant à la vocalité de son discours qu’à ce qui, dans la langue, échappe à la langue. Il existerait ainsi une poétique dramaturgique débrayée de l’illusion mimétique et ouverte sur d’autres dictions des corps parlants dans le théâtre québécois actuel.
Abstract
This study examines the contemporary situation of dramatic writing in Québec with special attention to a few theatre texts by Daniel Danis : Celle-là (1993), Cendres de cailloux ([1992], 2000) and Le chant du Dire-Dire (2000). First of all it deals with the question of “polarization” in the use of dramatic language, by which an author emphasizes either popular oral culture idiom or literariness. Besides this tension which constitutes the creative act, one must take into account the dramaturgical dynamics in writing which seeks to reconcile the spoken mode and a non-mimetic textual device. Henri Meschonnic’s statements on poetic rhythm, with analysis of the organization of speech movement, can serve to illuminate the issue of subjectivation in dramatic writing, for example, that of Daniel Danis. He proposes a dramatic fiction where each character assumes a share of auctorial input. The outcome is a discourse that is at once monologic and polyphonic, in which the recitative as vocal score is inseparable from a corporeal conscience which overdetermines the speech. A detailed examination of excerpts from Danis’s plays shows how he saturates the phonic substance, and holds it within its ritual pronouncement, whose basis is a corporeal conscience overdetermining the act of language. The characters will henceforth exist as much through the vocal aspects of their speech as through that which escapes language itself. Thus there would come into existence a dramatic poetic released from the mimetic illusion, and open to other dictions of the speaking bodies in the Québec theatre of today.