Abstracts
Résumé
Dans les sociétés africaines, l’initiation, en tant que rite, consacre le passage de l’enfance à l’âge adulte. Comme elle est très codifiée sur les plans anthropologique et sociologique, l’examiner sur le plan littéraire permet de voir comment le fantasme et l’imaginaire collectif, associés à l’acte d’écriture, exposent et distordent parfois la vision du corps, de sa préparation à sa mutilation. L’enfant noir de Camara Laye et Les soleils des indépendances d’Ahmadou Kourouma illustrent respectivement de manières différentes, et parfois antagoniques, l’initiation pubertaire du garcon (Laye) et celle de la fille (Salimata). La mise en scène dont le corps fait l’objet rend compte d’abord de sa dualité sexuelle et sociale, pressentie souvent dans les textes comme une confusion et une impureté. L’accès à l’âge adulte et la promotion sociale se font ensuite au prix de la mutilation du corps. Les deux personnages, Laye et Salimata, n’échappent pas à cette règle. Cependant, les épreuves et le rapport au corps ne sont pas vécus de la même manière. Laye traverse une épreuve ritualisée et euphémisée qui aboutit avec succès à son intégration sociale. Salimata, au contraire, subit dans la douleur son excision, puis son viol, auxquels elle imputera sa stérilité et l’exclusion qui en découle.
Abstract
In African societies, strict rules govern the initiation rituals that mark the passage from childhood to adulthood. Both anthropologically and sociologically, these rituals demonstrate concretely how the collective imagination exposes and distorts the human body in order to prepare it for mutilation. These rituals have also been examined from a literary viewpoint. L’enfant noir by Camara Laye and Les soleils des indépendances by Ahmadou Kourouma illustrate, from opposed perspectives, the initiation rites of a boy (Laye) and a girl (Salimata). The novels stress the dichotomy of the body as a social and sexual entity. In a social environment marked by confusion and in which great stress is placed on impurity, adulthood and its corresponding social standing is attained by mutilating the body. Laye and Salimata do not escape this destiny. However, their ordeals and their relation to the human body are not represented in the same manner. Laye’s ritualized rite of passage leads to a successful social integration. Salimata, on the other hand, endures a painful excision and is subsequently raped; she attributes her sterility and resulting social exclusion to her body’s violation during her “ritualized rite of passage.”