Abstracts
Résumé
Enfant, infans : celui « qui ne parle pas ». Qui ne se laisse pas écrire. C’est vers ce mutisme et cette résistance que Nathalie Sarraute procède, péniblement, à écrire son récit d’enfance, « une enfance qui n’est pas un âge de la vie et qui ne passe pas. Elle hante le discours » (Lyotard). C’est un discours rapporté par la voix narratrice. L’enfance de « Natacha » est déjà tortillée, déchirée, donc loin de cette image de « pureté », d’« innocence » ; la narration de cette enfance devient ainsi plurielle, ramifiée, morcelée. D’où les repentirs : d’une part, le sentiment d’impuissance, d’échec, de culpabilité ; d’autre part, dans la terminologie de peinture, ce mot désigne « changement apporté, correction faite en cours d’exécution », donc entreprise toujours à reprendre, à repenser, à corriger et à défaire. L’écriture, en devenir, en mouvement, en transformation, laisse voir sa texture, son processus. Le procédé du repentir est souvent opéré par cette seconde voix dérangeante. C’est la voix critique au second degré, la mauvaise conscience à l’égard des « beaux souvenirs d’enfance ». La recherche de l’enfance, chez Sarraute, est moins une reconstitution de quelque unité qu’un dispositif de dispersion, d’éparpillement, de fragmentaire.
Abstract
From its Latin sources, the word infans means “someone who doesn’t speak.” A child, then, expresses him or herself rather by ambiguous voices than by articulated sentences as an adult. Thus there is a silence and a resistance rooted in the childhood that Nathalie Sarraute proceeds to describe by words in her autobiographical text about childhood: Enfance. The narration transmits the plurality and the ambiguity of child voices. The repentirs, on the one hand, express the feeling of guilt about childhood writing and, on the other hand, designating corrections made on a painting in arts terminology, represent writing process as in permanent movement and transformation, always to be interrogated. The critical voice of the narration reveals the reflexive aspect of the text and contributes to construct a poetics of fragmentation.