Abstracts
Résumé
Les récits de Pascal Quignard font dialogue du critique et du fictif. Ce trait de l’écriture contemporaine ne relève pas simplement d’une investigation des limites génériques de l’écriture mais d’une articulation inédite de l’invention fictive et de la pensée critique qui n’est plus un rapport d’illustration ou de servitude mais de confrontation et de collaboration. Au delà de l’hybridité formelle, l’enjeu est de nature critique, au sens fort du terme, et mêle les considérations littéraires, rhétoriques, biographiques, socio-historiques, anthropologiques, psychanalytiques… Pascal Quignard, très réservé envers les catégorisations de la pensée, se livre ainsi à une archéologie de la prérationalité et active un paradigme archaïque aux confins de la prédation, de la sexualité et du sacré. La rêverie d’un « premier récit prémigratoire » nourrit ses fictions autant que ses méditations, désormais indissociables les unes des autres. Elle s’oppose aux « grands méta-récits » en construisant face à leur téléologie, une archéo-logie ou plus exactement une archéo-pathie. Le langage s’offre à l’écrivain comme l’instrument de cette recherche et le lieu sur lequel elle s’exerce. Quignard retrouve dans le mot le vestige de la chose plus que sa signification. L’explication du mot lui permet de reconstituer son environnement archaïque et produit ainsi un retour au sens ancien, concret, « rude ». Elle accomplit ainsi une désymbolisation du langage. De tels déplacements favorisent les récits : ils sont en puissance de fiction, de représentations imaginaires. Le discours se résorbe alors dans une « raison » fabulante dont la présente contribution étudie les caractéristiques.
Abstract
Pascal Quignard’s texts put the critical and the fictional in a dialogue with each other. This characteristic of contemporary writing does not simply derive from the investigation of the generic limits of writing, but also from the novel articulation of fictional invention and critical thought, which is no longer a relationship of illustration or of servitude, but rather one of confrontation and collaboration. Beyond formal hybridity, the problematic is of a critical nature, in the strong sense of the term, and combines literary, rhetorical, biographical, socio-historical, anthropological and psychoanalytical considerations. Pascal Quignard, very reserved towards the categorization of thought, devotes himself to an archaeology of pre-rationality and activates an archaic paradigm at the limits of predation, of sexuality, and of the sacred. The dream of a “first pre-migratory narrative” inspires his fictions like his meditations, now inseparable from one another. This opposes the “grand meta-narratives” by confronting their teleology with an archaeo-logy, or more specifically an archaeo-pathy. For the writer, language is both the tool for this research and the terrain on which it is conducted. Quignard finds in the word the remains of the thing more than its signification. The explanation of the word permits him to reconstruct its archaic environment and thus produces a return to its ancient, concrete and rude meaning. Therefore, this accomplishes a desymbolisation of language. Such movements privilege the narratives, powered by fiction and by imaginary representations. The discourse is thus absorbed in an imaginary “reason,” of which this present contribution studies the characteristics.