Abstracts
Résumé
À partir du commentaire d’une page célèbre de Madame Bovary, dans laquelle le narrateur flaubertien définit la « parole humaine » comme un « chaudron fêlé », cet article analyse comment le roman procède à la mise en scène ironique des discours communs. Contre l’idéal chimérique de la parole pleine, le roman choisit la parole triviale, la parole vide, le retrait de la voix dans l’écriture. C’est ainsi sous l’emblème de ce chaudron fêlé que sont examinées certaines des représentations que le roman donne à l’incomplétude fondamentale de la parole, ou encore le jeu qu’il instaure entre complétude désirée et incomplétude constatée. Ce mouvement général conduit à accentuer certaines solutions esthétiques propres au roman du xxe siècle, notamment dans les figures de l’enfant (en tant qu’ in-fans ), ou dans la problématique du chant impossible. La voix perdue, chez Bernanos, des Forêts ou Quignard, fait office de fétiche en ce qu’elle désigne l’irrémédiable deuil de l’unité originelle. Singulière et pourtant étrangère à celui qui la profère, la voix — parce qu’elle s’absente de sa source physique — est ce par quoi s’exerce le charme toujours recommencé de la littérature.
Abstract
Starting with the close reading of a well-known page of Madame Bovary, in which Flaubert describes the “human speech” as “a cracked cauldron,” this article analyses how the novel puts up the ironic staging of common discourses. Against the illusory ideal of a full word, the novel elects the trivial and blank speech, the withdrawal of the voice into writing. Under the emblem of the cracked cauldron, are examined some of the representations that the novel gives to the essential non-fulfillment of speaking, and how it gives space to the interaction between the wish of fulfilment and the report of incompletedness. This general movement brings to underline some of the aesthetic solutions that the 20th century novel has chosen, especially through the figures of the infant (as in-fans ) or through the impossibility of singing. Lost voice, in the works of Bernanos, des Forêts or Quignard, stands as a fetish, bearing the mourning of original unity. Singular and yet strange to the one who utters it, the voice — because it withdraws from its physical source — is that through which the ever renewed charm of literature acts.