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Dautruche, Joseph Ronald. Haïti, Culture et patrimoine dans la construction d’une destination touristique. (Québec : 2021, Presses de l’Université Laval, Collection Patrimoine en mouvement. Pp. 198. ISBN : 978-2-7637-5739-1, eISBN : 978-2-7637-5740-7).[Record]

  • Kesler Bien-Aimé

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  • Kesler Bien-Aimé
    Université Laval

Par l’approche méthodologique de l’ethnographie multi-site, ce livre de Joseph Ronald Dautruche, Haïti,Culture et patrimoine dans la construction d’une destination touristique, offre un angle de vue non fermé de la culture haïtienne et de ses représentations dans l’histoire mondiale. Cette publication fait la promesse aux lecteurs/lectrices de montrer comment l’image d’Haïti comme destination touristique a été conçue dans le temps et dans l’espace. Ce faisant, parmi les manifestations constitutives de l’offre touristique haïtienne, les récits sur le vodou et la peinture comme pratiques et marqueurs touristiques ont retenu son attention. En ces termes, son terrain non délimité, non clairement localisé, emploie la technique du following, au sens où le chercheur s’est mis à « suivre les choses, les personnes, les métaphores, les récits, etc., à travers le temps et l’espace » étudiés (p. 7). Découlant de sa thèse de doctorat en ethnologie et patrimoine soutenue en 2013 à l’Université Laval, cette étude porte sur la « dynamique de la construction d’Haïti comme destination touristique ». La temporalité de la construction de l’image d’Haïti à laquelle l’auteur fait référence se situe entre les années 1920-2008, ce qui correspond à une image soigneusement centrée autour de l’affirmation d’une authenticité, d’une « essence haïtienne » coincée entre des référents du monde rural haïtien et l’Afrique des grands royaumes. Pour lui, cette construction coïncide avec le développement de l’indigénisme haïtien. Bien ancrée dans les disciplines de l’anthropologie et de l’ethnologie, cette publication est structurée en cinq chapitres qui témoignent de l’approche multi-site choisie. Tel qu’indiqué dans la quatrième de couverture, Dautruche propose une lecture « fine, étendue et critique des jeux et enjeux de la valorisation des patrimoines et du développement du tourisme en Haïti ». Son analyse critique de la perspective indigéniste, croisant celle de Ulysse (2020), renvoie aux théories des destinations touristiques, de l’identité et de la culture haïtienne. Du général au particulier, en plusieurs chapitres relativement indépendants les uns des autres, l’auteur livre au public une revue critique des rapports à soi, à l’« Autre », aux patrimoines culturels et à chaque morceau de territoire considéré dans son étude. Avec les contenus identitaires de cette « culture » pour toile de fond, chaque chapitre traite de l’aspect d’une image consolante d’Haïti, vécue comme étant « authentique », d’une région particulière du territoire. Par exemple, lors de l’Exposition internationale de 1949, commémorant le bicentenaire de la fondation de Port-au-Prince, le regard construit sur la peinture haïtienne comme marchandise par excellence de l’époque perçoit cet « art-haïtien » comme intemporel. La peinture est présentée et vendue comme une « essence », une pureté exceptionnelle. Parcourant l’ouvrage, on note que le quartier du Bicentenaire, le carnaval de Jacmel, le Rara de Léogâne, les pratiques vodou aux Gonaïves sont autant de sous-thèmes analysés sous des angles de vue ouverts sur l’avenir de ces sites et pratiques. Cette posture de l’auteur, tel un photographe, laisse interpréter sa position par rapport à son objet d’étude. Pour bâtir sa théorie critique de l’« image-construite » d’Haïti comme destination touristique, l’auteur expose dans le premier chapitre la complexité des notions de « culture » et d’« identité ». Afin d’élaborer son argumentaire, Dautruche s’appuie notamment sur les éclairages théoriques de Clifford (1996 [1988]) et Friedman (2004). En outre, je remarque que le sous-titre « le désir de l’« Autre » ou désir d’exploiter l’« Autre » (p. 12) est bien ancré dans les travaux de l’anthropologue suisse Kilani (2014 [2009, 2000]). Cet « Autre » y est présenté comme « l’homme « authentique », le « bon sauvage » [qui] remplace l’homme « primitif », …

Appendices