Abstracts
Résumé
En référence à la réflexion sur l’exil proposée par Edward Saïd et Tzvetan Todorov, nous nous concentrons sur l’ambivalence et le paradoxe de l’exil dans l’écriture de Milan Kundera : les rapports ambigus et compliqués entre l’exil et l’écriture, et les thèmes conjoints tels que la patrie, l’identité, la langue dans ses essais comme dans ses romans. L’exil est perçu comme souffrance et comme champ de fécondité pour l’écrivain tiraillé entre deux patries, deux cultures et deux langues. Correspondant au nomadisme, au pluralisme et à l’esprit d’aventure de l’écrivain, l’exil se transforme ainsi en point positif. Si l’exil soulève inévitablement la question identitaire en lien avec les langues, la patrie, le passé et la mémoire, il métaphorise aussi le destin humain moderne caractérisé par le déracinement et l’instabilité. Sous l’ambiguïté identitaire, l’homme se met à la recherche du vrai chez-soi qu’est l’art, la patrie littéraire. L’écriture de l’exil représente une expression des angoisses identitaires devant les mutations, mais aussi le besoin de dépassement. Correspondant à l’aspiration de l’écrivain à la liberté et à l’éternité en créant des oeuvres résistant à la force du temps, l’art devient la patrie, la littérature, un vrai chez-soi. L’ambivalance de l’exil est un reflet du paradoxe de l’homme qui connaît une reconstruction identitaire, culturelle et axiologique perpétuellement renouvelée. L’écriture de l’exil est un reflet de son parcours visant à trouver le point d’équilibre d’une existence entre la fluidité et l’immutabilité, entre la déconstruction et la reconstruction.
Abstract
With reference to the reflection on exile proposed by Edward Said, Tzvetan Todorov, etc., we focus on the ambivalence and paradox of exile in the writing of Milan Kundera: the ambiguous and complicated relations between exile and writing, and joint themes such as homeland, identity, language in his essays, as well as in his novels. Exile is perceived as suffering and as a field of fertility for the writer torn between two homelands, two cultures and two languages. Corresponding to nomadism, pluralism and the adventurous spirit of the writer, exile is thus transformed into a positive sign. If exile inevitably raises the question of identity in connection with languages, the past and the memory; it also metaphorizes the modern human destiny characterized by uprooting and instability. Under an ambiguous identity, man sets out in search of the true homeland that is art, literature. The writing of exile is an expression of identity anxieties in the face of change, but also of the need to overcome them. Art becomes the homeland, literature a true home, because it corresponds to the writer’s aspiration to freedom and eternity by making works resistant to the force of time. The ambivalance of exile is a reflection of the paradox of man who goes through perpetually an identity, cultural and axiological reconstruction. The writing of exile is a reflection of his journey to find a point of equilibrium between fluidity and immutability, between deconstruction and reconstruction.
Appendices
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