Volume 44, Number 1, 2022 Ethnographies nocturnes : esthétiques et imaginaires de la nuit Nocturnal Ethnographies: Aesthetics and Imaginaries of the Night Guest-edited by Eleonora Diamanti and Alexandrine Boudreault-Fournier
Table of contents (18 articles)
Préface / Preface
-
Introduction: Nocturnal Ethnographies: Aesthetics and Imaginaries of the Night
-
Introduction : ethnographies nocturnes : esthétiques et imaginaires de la nuit
-
Gathering up the Social: Nightlife Columns in the African-American Press
Will Straw
pp. 41–59
AbstractEN:
In the 1920s, the modern “nightlife” column emerged as a regular feature of metropolitan newspapers in the United States and other countries. This article looks at nightlife columns in the African-American press. Its central focus is the coverage of the urban night in the Inter-State Tattler, a weekly periodical published in Harlem between 1922 and 1932. It suggests that, in the African-American press more generally, during this period, one sees the emergence of many of the varieties of the nightlife column. This emergence is particularly evident in the writing of the journalist Geraldyn Dismond, whose writing is a central focus of the article.
FR:
Dans les années 1920, la rubrique moderne sur la « vie nocturne » est devenue une composante régulière des journaux métropolitains aux États-Unis et dans d’autres pays. Cet article se penche sur les colonnes sur la vie nocturne dans la presse afro-américaine. Son objet central est la couverture de la nuit urbaine dans l’Inter-State Tattler, périodique hebdomadaire publié à Harlem entre 1922 et 1932. Il suggère que, dans la presse afro-américaine plus généralement, à cette période, on voit émerger de nombreuses variétés de la colonne de la vie nocturne. Cette émergence est particulièrement évidente dans l’écriture de la journaliste Geraldyn Dismond, dont les écrits sont le centre d’attention de cet article.
-
Virtual Dance Communities and the Right to the Internet
Rebecca Krisel
pp. 61–83
AbstractEN:
The COVID-19 global pandemic forced most nightlife venues to shut their doors in March 2020, leading to a loss of employment for nighttime employees and freelancers as well as a loss of revenue for the city. As night clubs shut down, the social dancers who fuel this part of the nightlife economy lost access to the spaces where they dance with others who share their musical tastes. Yet seedlings can spring up even in burned over territory. In the face of these pandemic challenges, the dance music scene reinvented itself, shifting from existing in-person to entirely virtual performance. This reimagination of nightlife points to a key element in the resilience of night-time social dancing: community. These virtual dance parties stemmed from, and perpetuated dance communities that replaced, and in some cases redefined, the experiences that dance communities formerly enjoyed in in-person venues. This paper explores this world of virtual dancing. Through conversations with venue owners, performers, and social dancers, as well as through a digital ethnography of virtual dance parties and their corresponding social media pages, this study asks whether and how virtual dance parties replicate the sense of community experienced in in-person dance parties and interrogates what the advent of virtual dance parties means for the future of urban nightlife. Building on the idea that social dancing is a right to the city (Krisel 2020; see also Harvey 2008; Lefebvre 1996), this study also explores how social dancing may also be a right to the internet and explores the parallel between the urban and internet environments as venues where subcultures can form communities and co-create both physical and virtual spaces.
FR:
La pandémie mondiale de COVID-19 a forcé la plupart des lieux de vie nocturne à fermer leurs portes en mars 2020, entraînant une perte d’emploi pour les employés de nuit et les pigistes ainsi qu’une perte de revenus pour la ville. Avec la fermeture des boîtes de nuit, les danseurs sociaux qui alimentent cette partie de l’économie nocturne ont perdu l’accès aux espaces où ils dansent avec d’autres qui partagent leurs goûts musicaux. Pourtant, les semis peuvent pousser même sur un territoire brûlé. Face à ces défis pandémiques, la scène de la musique dance s’est réinventée, passant d’une performance en personne existante à une performance entièrement virtuelle. Cette réimagination de la vie nocturne renvoie à un élément clé de la résilience de la danse sociale nocturne : la communauté. Ces soirées de danse virtuelles sont nées et ont perpétué des communautés de danse qui ont remplacé, et dans certains cas redéfini, les expériences que les communautés de danse appréciaient auparavant dans des lieux en personne. Cet article explore ce monde de la danse virtuelle. Grâce à des conversations avec des propriétaires de salles, des interprètes et des danseurs sociaux, ainsi qu’à travers une ethnographie numérique des soirées de danse virtuelles et de leurs pages de médias sociaux correspondantes, cette étude questionne si et comment les soirées de danse virtuelles reproduisent le sens de la communauté vécu dans la danse en personne, et interroge ce que signifie l’avènement des soirées dansantes virtuelles pour l’avenir de la vie nocturne urbaine. S’appuyant sur l’idée que la danse sociale est un droit à la ville (Krisel 2020; voir aussi Harvey 2008; Lefebvre 1996), cette étude explore également comment la danse sociale peut aussi être un droit à Internet et explore le parallèle entre l’urbain et Internet. environnements comme lieux où les sous-cultures peuvent former des communautés et co-créer des espaces physiques et virtuels.
-
Chiller et autres faits ordinaires : les jeunes, la nuit à Montréal
Sarah-Maude Cossette, Mélissa Moriceau, Amani Braa, Chloé Couvy, Noah Oder, Nathalie Boucher and Valérie Amiraux
pp. 85–106
AbstractFR:
Six parcs, près de 500 heures d’observation, plus de 60 entrevues, une question: que font les jeunes de 16 à 25 ans, la nuit, à Montréal? Alors qu’elle se place en opposition à la vie civilisée et légitime du jour, la nuit se définit sous deux angles: d’une part comme un moment d’insécurité, de vulnérabilité accentuées pour certain-es, de l’autre comme un moment de liberté et d’explorations festives. Alors que Montréal entame une réflexion sur la gouvernance nocturne et au regard des exemples européens où la nuit est déjà bien investie par un encadrement misant sur la marchandisation de l’hyperactivité nocturne, nos données récoltées à l’été 2020 révèlent une troisième dimension de la nuit; celle où les jeunes vivent des activités nocturnes ordinaires, axées sur l’expérience sensorielle de l’accalmie, la recherche d’intimité (entre soi, en territoire connu) et de liberté (être soi-même, en-dehors des contraintes et exigences diurnes).
EN:
Six parks, nearly 500 hours of observation, more than 60 interviews, just one question: what do young people aged 16 to 25 do at night in Montreal? While often placed in opposition to the civilized and legitimate life of day, the night is defined from two angles: on the one hand, as a moment of accentuated insecurity and vulnerability for some, on the other hand, as a moment of freedom and festive explorations. As the city of Montreal begins a reflection on nocturnal governance, and in view of European examples where the night is already well invested by a framework focusing on the commodification of nocturnal hyperactivity, our data collected in the summer of 2020 reveals a third dimension of the night: one where young people experience ordinary nocturnal activities, centered on the sensory experience of calm, the search for intimacy (between themselves, in known territory) and freedom (being themselves, outside the diurnal constraints and demands).
-
Nocturnal Imaginaries: Rethinking and Redesigning the City After Dark
Nick Dunn
pp. 107–128
AbstractEN:
How do the multi-sensory experiences and aesthetics of nocturnal places enable us to reimagine how those environments might be? In addition, how do those who inhabit the urban night through their labour engage with its aesthetics and develop knowledge of specific geographies? This paper draws upon ongoing autoethnographic fieldwork including encounters and exchanges with a range of night workers and creative practitioners based in the city of Manchester, UK, to explore the entanglements between light and dark, work and respite, creativity and place. This paper proposes that understanding how nightscapes are used differently by various people is valuable to shaping how they may evolve. This is of critical importance if we are to develop wider and deeper knowledges of the situated, relational, and practised nature of the city after dark, and be able to rethink and reclaim it as a time and place that considers accessibility and equity.
FR:
Comment les expériences multisensorielles et l’esthétique des lieux nocturnes nous permettent-elles de réimaginer ce que pourraient être ces environnements? De plus, comment ceux qui habitent la nuit urbaine par leur travail s’engagent-ils dans son esthétique et développent-ils des connaissances sur des géographies spécifiques? Cet article s’appuie sur un travail de terrain autoethnographique en cours, y compris des rencontres et des échanges avec une gamme de travailleurs de nuit et de praticiens créatifs basés dans la ville de Manchester, au Royaume-Uni, pour explorer les enchevêtrements entre la lumière et l’obscurité, le travail et le répit, la créativité et le lieu. Cet article propose que comprendre comment les paysages nocturnes sont utilisés différemment par différentes personnes est précieux pour façonner leur évolution. Ceci est d’une importance cruciale si nous voulons développer des connaissances plus larges et plus profondes de la nature située, relationnelle et pratiquée de la ville après la tombée de la nuit, et être en mesure de la repenser et de la revendiquer comme un temps et un lieu qui tiennent compte de l’accessibilité et de l’équité.
-
“Cover the Fire” or Live in the Dusk
Derek Pardue
pp. 129–151
AbstractEN:
Informed by recent fieldwork with “Muslim youth” in Aarhus, Denmark, West African migrants in Lisbon, Portugal and personal experiences of mobility in both cities, I deploy dusk as a sensorial epistemology and fiction as a complementary aesthetic methodology as I attempt to write the city (creatively) back into the (critical) urban. Forays into fiction are pertinent, because it is through imagination and the creativity of textual expression that many find their voice and emerge from (daily) routine when confronted with the night. The image-texts presented are intended not as momentous highlights but as provocative suggestions of the nocturnal banal in terms of urban presences, borders and human-environment relationships. The overarching premise is that the difference of dusk is not a loss or necessarily a waning, but rather a generative force of meaning and belonging.
FR:
Informé par un récent travail de terrain avec la « jeunesse musulmane » à Aarhus, au Danemark, les migrants ouest-africains à Lisbonne, au Portugal et les expériences personnelles de mobilité dans les deux villes, je déploie le crépuscule en tant qu’épistémologie sensorielle et la fiction comme méthodologie esthétique complémentaire alors que je tente d’écrire le la ville (créativement) dans l’urbain (critique). Les incursions dans la fiction sont pertinentes, car c’est par l’imagination et la créativité de l’expression textuelle que beaucoup trouvent leur voix et sortent de la routine (quotidienne) face à la nuit. Les images-textes présentées ne sont pas conçues comme des moments forts mais comme des suggestions provocatrices du banal nocturne en termes de présences urbaines, de frontières et de relations homme-environnement. La prémisse fondamentale est que la différence du crépuscule n’est pas une perte ou nécessairement un déclin, mais plutôt une force génératrice de sens et d’appartenance.
-
Night Drawing: Re-writing Darkness in the Nocturnal Land/Cityscape
Chantal Meng
pp. 153–178
AbstractEN:
Night Drawing is an action that challenges perceptual habits—an embodied experience at the limits of the visible. Dealing with light at night is an urgent issue for a variety of social and cultural reasons and concerns the wider context of anthropogenic climate change. This paper deals with lighting conditions in the urban night on one hand and forms of cognition through drawing on the other. When it comes to artificial light at night, the foremost concerns include safety, light pollution, and the loss of darkness. However, the fact that darkness is also caused by and understood through artificial light is rarely discussed. Night Drawing aims to renegotiate long-standing assumptions about the benefits of urban nighttime lighting. This approach offers a challenge to the brighter the better idea and re-writes the appearance of nocturnal land/cityscapes. Night Drawing is a critical, innovative approach, a practice as a method to pay further attention to the representational power of the light at night. It aims at a technique of seeing in a new way—a re-examination and a new conception of urban darkness.
FR:
Le night drawing est une action qui défie les habitudes perceptives, une expérience incarnée aux limites du visible. La gestion de la lumière pendant la nuit est un problème urgent pour diverses raisons sociales et culturelles et touche au contexte plus large du changement climatique anthropique. Cet article traite d’une part des conditions d’éclairage dans la nuit urbaine, et des formes de cognition par le dessin d’autre part. En ce qui concerne la lumière artificielle pendant la nuit, les principales préoccupations sont la sécurité, la pollution lumineuse et la perte d’obscurité. Cependant, le fait que l’obscurité soit également causée et comprise par la lumière artificielle est un phénomène rarement discuté. Le night drawing vise à renégocier des hypothèses de longue date sur les avantages de l’éclairage urbain nocturne. Cette approche se situe en porte-à-faux avec l’idée que la brillance est nécessairement mieux, et réécrit la physionomie des paysages terrestres/urbains nocturnes. Le night drawing est une approche critique et innovante, une pratique en tant que méthode permettant d’accorder plus d’attention au pouvoir de représentation de la lumière pendant la nuit. Il vise une nouvelle technique du voir, de même qu’un réexamen et une nouvelle conception de l’obscurité urbaine.
-
Nocturnal Experiments on Worthless Bodies: Gothic Poetics in Friedrich Engels’ Ethnography of Night Work
Jayson Althofer
pp. 179–204
AbstractEN:
Friedrich Engels’ The Condition of the Working-Class in England (1845) features a pioneering multisensory ethnography of the factory system. His critique of the industrial revolutionization of light for 24/7 production adapted a contemporaneous Gothic imaginary of the night. In The Philosophy of Manufactures (1835), Andrew Ure repudiated a physician who condemned night-work’s effects on factory children – “if light is excluded from tadpoles, they never become frogs” – by counter-claiming: “the number and brilliancy of the gas-lights in a cotton-mill” militated against child-labourers lingering “in the tadpole state.” Dispelling Ure’s thinking as blinding fantasy, Engels revealed “the vampire property-holding class” penetrating night-workers with “very powerful light … most injurious to the sight.” He brilliantly anticipated Karl Marx’s demonstration in Capital (1867) that industrial revolutionism, involving capital’s rapid take-up of new lighting technologies, occurred “at the expense of the workpeople. Experimenta in corpore vili, like those of anatomists on frogs, were formally made.”
FR:
La condition de la classe ouvrière en Angleterre (1845) de Friedrich Engels constitue une ethnographie multisensorielle pionnière du système de l’usine. Sa critique de la révolution industrielle de la lumière pour une production 24/7 a traduit un imaginaire gothique contemporain de la nuit. Dans The Philosophy of Manufactures (1835), Andrew Ure répudie un médecin qui condamnait les effets du travail de nuit sur les enfants des usines – « si la lumière est niée aux têtards, ils ne deviennent jamais des grenouilles » – en rétorquant que « le nombre et l’éclat des lampes à gaz dans une filature de coton » allaient à l’encontre des enfants qui travaillaient « à l’état de têtard ». Évacuant la pensée d’Ure comme un fantasme aveuglant, Engels a révélé « le vampirisme de la classe des propriétaires » transperçant les travailleurs de nuit avec « une lumière très puissante... la plus nuisible à la vue ». Il a brillamment anticipé la démonstration de Karl Marx dans Le Capital (1867), selon laquelle la révolution industrielle, qui implique l’adoption rapide par le capital des nouvelles technologies d’éclairage, s’est produite « aux dépens des travailleurs. C’étaient de véritables expériences in corpore vili, comme celles des vivisecteurs sur les grenouilles ».
-
Ceci n’est pas un incendie : atrophie de gestes funéraires pyrotechniques dans l’archipel de Hong Kong
Marie Lecuyer
pp. 205–224
AbstractFR:
À la tombée de la nuit dans l’archipel de Hong Kong, une écologie de spectres – tantôt fantômes (gui 鬼), ancêtres et dieux – se manifestent à la lueur de brasiers allumés en leur mémoire. Cette écologie de spectres et les gestes de soin pyrotechniques qui l’animent, tendent à disparaître sous la pression de l’urbanisation et de campagnes écologiques. Dans cet article, je m’attarde sur ce et ceux que l’extinction de ces feux risque de faire disparaître. Je propose de considérer que ce qui disparait est moins un certain obscurantisme – tel que les campagnes d’éducation du gouvernement, promouvant des enterrements et funérailles écologiques le laissent suggérer – mais davantage un rapport à la nuit, au feu, au récit. Ce qui vient à disparaître en même tant que ces feux, c’est une perspective, celle des morts, qui confronte les vivants à leur propre finitude et devenirs post mortem.
EN:
As the night falls in the Hong Kong archipelago, an ecology of specters – sometimes ghosts (gui 鬼), ancestors and gods – appears in the glow of braziers lit in their memory. This ecology of specters and the pyrotechnic care gestures that animate it tend to disappear under the pressure of urbanization and ecological campaigns. In this article, I focus on what and who the extinguishing of these fires is likely to make disappear. I propose to consider that what is disappearing is less a certain obscurantism – such as the government’s education campaigns, promoting ecological burials and funerals suggest – but more a relationship to the night, to fire, to the story. What comes to disappear along with these fires is a perspective, that of the dead, which confronts the living with their own finitude and post mortem becomings.
-
Singing the Night: Lullabies as Reflexive Practice in Music and Peacebuilding
Lauren Levesque
pp. 225–253
AbstractEN:
This paper explores singing lullabies as a practice that opens spaces to reflect on ‘night’ as a sonic and sensory experience with implications for research in music and peacebuilding. Using arts-based and autoethnographic approaches, I ask: Can singing lullabies (Juvancic 2010) open a space to examine how sounding at night shapes a researcher’s ‘peace’ imaginary? This question aims to expand understandings of the ‘self’ as a site of an “aesthetics of resistance” (Möller 2020), or the notion that individual reflection and action sustain social engagement in music and peacebuilding scholarship. These understandings can contribute to interdisciplinary conversations on self-reflexivity and performance as ethnographic access points to peace imaginaries in Night Studies.
FR:
Cet article explore le chant des berceuses comme une pratique qui ouvre des espaces pour réfléchir sur « la nuit » en tant qu’expérience sonore et sensorielle ayant des implications pour la recherche en musique et la consolidation de la paix. À l’aide d’approches artistiques et autoethnographiques, je pose la question suivante : chanter des berceuses (Juvancic 2010) peut-il ouvrir un espace pour examiner comment le fait de sonner la nuit façonne l’imaginaire de « la paix » d’une chercheuse? Cette question vise à élargir la compréhension du « soi » en tant que site d’une « esthétique de la résistance » (Möller 2020), ou la notion selon laquelle la réflexion et l’action individuelles soutiennent l’engagement social dans la musique et la recherche sur la consolidation de la paix. Ces compréhensions peuvent contribuer à des conversations interdisciplinaires sur l’autoréflexivité et la performance en tant que points d’accès ethnographiques aux imaginaires de paix dans les études nocturnes.
Notes de recherche / Field Notes
-
Listening at Night: Toward an Ethnography of So(m)niferous Media
Josh Dittrich
pp. 255–272
AbstractEN:
Drawing on ethnographic research with undergraduate students on their listening and sleeping practices, this essay develops a concept of “so(m)niferous media” to describe how listeners/sleepers use audio media to (re)mediate their experience of the night. The essay outlines key theoretical and practical affinities between sleeping and listening, taking a sociocultural approach to sleep informed by critical work in sound and media studies. Sleeping is reconceived as a sonically mediated, non-conscious experience of listening that participates ambivalently in the 24/7 logic of commodification outlined by Jonathan Crary and others. One unexpected finding of the ethnographic work is that many sleepers deliberately avoid obvious sound media products for sleeping (e.g., sleep playlists and podcasts, noise machines, “nature” sounds, binaural beats, etc) and seek out attention-grabbing social media content instead. Rather than lull themselves to sleep, listeners seem to want to engage their attention fully, while paradoxically shutting it down at the same time. So(m)niferous media thus seem to work directly on the attention of the listener, not the acoustic ambience of the sleeping space.
FR:
S’appuyant sur une recherche ethnographique menée auprès d’étudiants de premier cycle sur leurs pratiques d’écoute et de sommeil, cet essai développe un concept de « médias so(m)nifères » pour décrire comment les auditeurs/dormeurs utilisent les médias audio pour (re)médier leur expérience de la nuit. L’essai décrit les principales affinités théoriques et pratiques entre le sommeil et l’écoute, en adoptant une approche socioculturelle du sommeil éclairée par un travail critique dans les études du son et des médias. Le sommeil est repensé comme une expérience d’écoute inconsciente et à médiation sonore qui participe de manière ambivalente à la logique de marchandisation 24/7 décrite par Jonathan Crary et d’autres. Une découverte inattendue du travail ethnographique est que de nombreux dormeurs évitent délibérément les produits médiatiques sonores évidents pour dormir (par exemple, les listes de lecture et les podcasts de sommeil, les machines à bruit, les sons « naturels », les battements binauraux, etc.) et recherchent plutôt un contenu de médias sociaux qui attire l’attention. Plutôt que de s’endormir, les auditeurs semblent vouloir engager pleinement leur attention, tout en la fermant paradoxalement en même temps. Les médias so(m)nifères semblent ainsi travailler directement sur l’attention de l’auditeur, et non sur l’ambiance acoustique de l’espace de couchage.
-
(Not) Surviving the Night: A Nocturnal Ethnography of the Hospital Corridor
Fiona Davies
pp. 273–287
AbstractEN:
While traditionally regarded as one of the many liminal nocturnal spaces within the often-labyrinthine complexes of contemporary hospitals, the corridor is not inscribed with specific activities, rules of conduct or dress codes. Instead, particularly at night they become in-between places of ambiguity and ambivalence. As a family member of an ICU patient, frequently you are asked to step outside while medical staff undertake some procedure. This can occur at any time of the night. In the early hours after midnight the family can be left to wander the darkened corridors, led on by the glow of the vending machines all safely locked inside the building and yet out of ICU. This experience of liminal nocturnal temporality by going beyond that expected of being in transition, can linger to become semi-permanent, and therefore alter the perception of the transition from life to death so that it may feel suspended, stalled, or never-ending.
FR:
Bien que traditionnellement considéré comme l’un des nombreux espaces nocturnes liminaux au sein des complexes souvent labyrinthiques des hôpitaux contemporains, le couloir n’est pas assigné à des activités spécifiques, des règles de conduite ou des codes vestimentaires. Au lieu de cela, en particulier la nuit, ils deviennent des lieux intermédiaires d’ambiguïté et d’ambivalence. En tant que membre de la famille d’un patient des soins intensifs, on vous demande souvent de sortir pendant que le personnel médical entreprend une procédure. Cela peut arriver à n’importe quelle heure de la nuit. Dans les premières heures après minuit, la famille peut être laissée à errer dans les couloirs sombres, guidée par la lueur des distributeurs automatiques, tous enfermés et en toute sécurité à l’intérieur du bâtiment bien que pourtant hors de l’USI. Cette expérience de la temporalité nocturne liminale, en dépassant ce que l’on attend d’être en transition, peut s’attarder pour devenir semi-permanente, et donc altérer la perception de la transition de la vie à la mort pour qu’elle puisse sembler suspendue, bloquée ou sans fin.
Postface / Afterword
Article hors-thème / Open-Topic article
-
L’ambivalence et le paradoxe de l’exil dans l’écriture de Milan Kundera
Jin Wan
pp. 313–330
AbstractFR:
En référence à la réflexion sur l’exil proposée par Edward Saïd et Tzvetan Todorov, nous nous concentrons sur l’ambivalence et le paradoxe de l’exil dans l’écriture de Milan Kundera : les rapports ambigus et compliqués entre l’exil et l’écriture, et les thèmes conjoints tels que la patrie, l’identité, la langue dans ses essais comme dans ses romans. L’exil est perçu comme souffrance et comme champ de fécondité pour l’écrivain tiraillé entre deux patries, deux cultures et deux langues. Correspondant au nomadisme, au pluralisme et à l’esprit d’aventure de l’écrivain, l’exil se transforme ainsi en point positif. Si l’exil soulève inévitablement la question identitaire en lien avec les langues, la patrie, le passé et la mémoire, il métaphorise aussi le destin humain moderne caractérisé par le déracinement et l’instabilité. Sous l’ambiguïté identitaire, l’homme se met à la recherche du vrai chez-soi qu’est l’art, la patrie littéraire. L’écriture de l’exil représente une expression des angoisses identitaires devant les mutations, mais aussi le besoin de dépassement. Correspondant à l’aspiration de l’écrivain à la liberté et à l’éternité en créant des oeuvres résistant à la force du temps, l’art devient la patrie, la littérature, un vrai chez-soi. L’ambivalance de l’exil est un reflet du paradoxe de l’homme qui connaît une reconstruction identitaire, culturelle et axiologique perpétuellement renouvelée. L’écriture de l’exil est un reflet de son parcours visant à trouver le point d’équilibre d’une existence entre la fluidité et l’immutabilité, entre la déconstruction et la reconstruction.
EN:
With reference to the reflection on exile proposed by Edward Said, Tzvetan Todorov, etc., we focus on the ambivalence and paradox of exile in the writing of Milan Kundera: the ambiguous and complicated relations between exile and writing, and joint themes such as homeland, identity, language in his essays, as well as in his novels. Exile is perceived as suffering and as a field of fertility for the writer torn between two homelands, two cultures and two languages. Corresponding to nomadism, pluralism and the adventurous spirit of the writer, exile is thus transformed into a positive sign. If exile inevitably raises the question of identity in connection with languages, the past and the memory; it also metaphorizes the modern human destiny characterized by uprooting and instability. Under an ambiguous identity, man sets out in search of the true homeland that is art, literature. The writing of exile is an expression of identity anxieties in the face of change, but also of the need to overcome them. Art becomes the homeland, literature a true home, because it corresponds to the writer’s aspiration to freedom and eternity by making works resistant to the force of time. The ambivalance of exile is a reflection of the paradox of man who goes through perpetually an identity, cultural and axiological reconstruction. The writing of exile is a reflection of his journey to find a point of equilibrium between fluidity and immutability, between deconstruction and reconstruction.