Abstracts
Résumé
Au cours des deux dernières décennies, on a pu observer en Guyane française la montée en puissance d’une expression politique amérindienne construite sur l’affirmation de « l’autochtonie », et un développement notable des connaissances archéologiques et historiques relatives au monde amérindien, largement médiatisées dans l’espace régional. Mais, alors qu’en Guyane aujourd’hui le rapport au passé et l’inscription dans une histoire représentent un élément majeur des stratégies de définition de soi, il n’y a eu que peu ou pas de connexion entre ces deux processus. Le mouvement politique amérindien, dans sa composante majoritaire kali’na, ne s’est pas emparé de ces matériaux pour appuyer ses revendications dans l’espace régional et n’a pas cherché non plus à instituer les sites que l’archéologie mettait au jour en « monuments » opposables aux autres monuments que mettent en avant les autres cultures en présence. Cette situation s’explique par la manière dont le groupe pense son rapport au passé et construit sa mémoire, et par la difficulté à former un « patrimoine » commun dans une société qui s’organise sur une base familiale et qui se reproduit dans une logique factionnaliste, mais aussi par la volonté des jeunes leaders d’inscrire leur histoire dans d’autres « monuments » pour affirmer une présence dans une histoire guyanaise qui se constitue désormais comme commune.
Abstract
Over the past two decades, it has been possible to observe, in French Guyana, the increasing power of Amerindian political expression founded on an affirmation of “indigeneity” and a notable development in archeological and historical knowledge in relation to the Amerindian world, with significant press coverage in regional areas. Yet, while in Guyana today the relationship to the past and the record thereof into history represent a major element in the strategies of self-definition, there has been little or no connection between the two processes. The Amerindian political movement, in its main component kali’na, has not taken hold of these materials to support its claims in the regional area; neither has it sought to establish the sites uncovered by archeology as “monuments” as opposed to other monuments highlighted by other neighbouring cultures. This situation can be explained by the way in which the group perceives its link to the past and build its memory, and by the difficulty in forming a common “heritage” in a society organized on a family basis, one which finds itself reproduced according to a factionalist logic, but also through the will of its young leaders to record their history in other “monuments” to affirm their presence in Guyanese history, thus resulting in its being common.
Appendices
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