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Jeunesse à risque. Rite et passage. Par Denis Jeffrey, David Le Breton et Joseph Josy Lévy. (Saint-Nicolas, Presses de l’Université Laval, 2005. Pp. 168, ISBN 2-7637-8202-7)[Record]

  • Francesca Désilets

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  • Francesca Désilets
    Université Laval

L’ouvrage a été élaboré à la suite d’un colloque du même nom, Jeunesse à risque. Rite et passage, qui s’est tenu à Montréal en novembre 2003. Le livre rassemble des textes inspirés des communications présentées à ce colloque. Des sociologues, sexologues, anthropologues et chercheurs en sciences de l’éducation de l’Université Marc Bloch de Strasbourg et d’universités québécoises, de même que des intervenants qui gravitent dans l’univers des jeunes ont participé à la rédaction de ce collectif dirigé par Denis Jeffrey, David Le Breton et Joseph Josy Lévy. Dans les sociétés traditionnelles, la transition vers l’âge adulte était marquée par des rites de passage, c’est-à-dire des épreuves planifiées par les adultes. Une fois franchies grâce à leur endurance et leur capacité à dépasser leurs limites, les jeunes acquéraient le statut d’adulte. Les mythes fondateurs et les normes sociales du groupe étaient transmis lors de ces rites. De nos jours, ce passage n’est guère plus facile : les pratiques de violence et les risques se substitueraient-ils aux épreuves des sociétés traditionnelles ? Les conduites risquées et la transgression de normes sont des pratiques courantes à l’adolescence pour mettre à l’épreuve ses limites. Cette période est aussi une quête identitaire, de sens et d’idéaux. Tous ne sont pas préparés à cette étape de la vie. Certains sont confiants, alors que d’autres ne sont pas à l’écoute d’eux-mêmes, des changements et des interrogations qu’ils ressentent. Les treize textes qui composent ce livre visent à analyser les comportements des jeunes afin d’améliorer les interventions sociales. Les trois premiers revisitent la notion de rites de passage développée par Arnold Van Gennep pour comprendre la transition vers l’âge adulte dans le monde actuel. Les neuf autres articles présentent des exemples de situations vécues par la jeunesse d’aujourd’hui en relatant des témoignages émouvants d’automutilations, de viols, d’agressions et d’autres épreuves difficiles. Le sociologue David Le Breton s’intéresse au sens des risques pris par des jeunes ayant des difficultés à définir leur trajectoire de vie et à se projeter dans l’avenir. Il s’agit de manières d’exister et de revendiquer sa place dans le monde adulte. Certes douloureuses, les conduites à risques expriment plus une volonté de vivre, une quête identitaire, un désir de reconnaissance et d’attention de ses proches que l’autodestruction. L’auteur fait référence au concept de rites ordaliques pour expliquer les conduites à risques. Les jeunes s’en remettent à l’imprévisibilité de la suite des événements, une roulette russe, où surmonter la mort détermine si la vie vaut la peine d’être vécue et lui attribue un sens. Le corps est l’objet mis à l’épreuve et par lequel s’effectue la transition vers l’âge adulte. À défaut de s’exprimer par le langage, la douleur physique symbolise la souffrance ressentie. À titre d’exemples, l’auteur fait état d’individus ayant recours à l’entame corporelle comme moyen de faire face à leurs souffrances. Transformer son corps permet de pallier de manière provisoire son impuissance pour changer son milieu. Contrairement aux rites de passage dans les sociétés traditionnelles, les pratiques à risque ne se déroulent pas sous le regard d’une communauté consentante. Selon l’anthropologue Thierry Goguel d’Allondans, les structures socialisantes d’autrefois auraient fait place à des rites intimes n’ayant de sens que pour l’individu lui-même. Elles puisent dans la souffrance une réponse temporaire au sens de l’existence. Elles ne font pas appel à une mémoire collective ni à la transmission de savoirs. Révélatrice de l’identité et de ses limites, c’est en ce sens qu’on peut parler de rites. Selon l’auteur, le travail social n’aurait pas adapté ses pratiques au processus des rites de passage. Les actions à l’égard des jeunes délinquants portent plutôt sur l’urgence …