Laurent-Sébastien Fournier, maître de conférences à l’Université de Nantes, est spécialisé dans l’étude des gestes rituels et festifs en Provence, des mouvements corporels et du patrimoine immatériel. Dans cet ouvrage, l’auteur s’intéresse à la mise en valeur patrimoniale des fêtes en Provence, une perspective nouvelle et actuelle dans un champ d’étude, les fêtes, qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. En effet, l’auteur situe sa recherche dans le contexte du débat sur le patrimoine et de sa récente extension à l’immatériel. À partir d’une enquête de terrain, l’ethnologue a observé des festivités provençales pour y examiner la part d’éléments patrimoniaux et non patrimoniaux qui y sont intégrés, c’est-à-dire les excès qui remettent en question l’ordre social. Il a aussi eu recours à la documentation sur les fêtes observées afin d’analyser les perceptions de chacun des acteurs en regard du patrimoine dans les fêtes. L’ethnologue met en relation les notions de patrimoine, de fête et d’identité pour comprendre la définition et l’affirmation du sentiment d’appartenance à une communauté. L’ouvrage comprend deux parties. Dans la première, Fournier, présente les données recueillies dans le cadre de ses enquêtes de terrain menées entre 1998 et 2000. Il décrit en détail les systèmes festifs de deux villages en Provence : la fête ancienne de saint Éloi à Mollégès et celle, plus récente, des Olives vertes à Mouriès. La Saint-Éloi s’adresse aux résidents de Mollégès et à leur réseau social. Il s’agit d’une des fêtes du système festif vouant un culte à un saint patron local et reproduite chaque année selon la tradition régionale. Elle est organisée par la Société de Saint-Éloi. Selon Fournier, la fête de saint Éloi transmet à ses participants une manière de penser le monde propre à l’héritage culturel de Mollégès et réactualise des pratiques agricoles anciennes. Le village détient un patrimoine religieux en lien avec le culte du saint. Différents exemples démontrent de manière convaincante la relation entre la fête de saint Éloi et le patrimoine. Par son thème, la fête des Olives vertes rejoint un plus large public que les festivités de la Saint-Éloi. Les activités proposées sont des concours, des expositions, des bals et des défilés. Il s’agit moins d’un événement promotionnel que d’une manifestation originale d’un produit du terroir culturellement valorisé. Ainsi, la transmission du savoir et de la symbolique reliés à l’olivier se patrimonialise, après que les activités agricoles aient influencé les manières de penser de plusieurs habitants de Mouriès. Dans la seconde partie de l’ouvrage, les réflexions de l’auteur sur les systèmes festifs l’amènent à proposer une analyse de l’intégration différenciée du patrimoine selon deux catégories de fête. D’une part, les fêtes anciennes regroupent les fêtes votives et les fêtes de confrérie tandis que, d’autre part, les fêtes plus récentes sont thématiques. Les fêtes votives célèbrent un saint patron local dans le but de renouveler des voeux. Elles sont liées davantage à des stratégies de maintien de l’ordre social qu’à une valorisation patrimoniale. La fête est vécue au présent et non en dialogue avec un passé patrimonialisé. Il s’agit moins d’une tradition que d’une coutume comportant peu d’intégration de nouveauté. Quant aux fêtes de confrérie, le discours historique et légendaire permet de les comprendre en tant que tradition, marqueur identitaire et élément du patrimoine. Elles n’ont pas la même importance dans toutes les localités quant à la définition et à l’affirmation du sentiment identitaire. Plus la fête se limite à ne rassembler que les membres de la collectivité, plus elle présentera seulement les fondements religieux de la célébration. Elle est alors dépourvue de visée patrimoniale ou culturelle. Selon Fournier, le patrimoine indiquerait la présence de modernité. …
La fête en héritage. Enjeux patrimoniaux de sociabilité provençale. Par Laurent-Sébastien Fournier. (Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 2005. Pp. 182, ill., ISBN 2-85399-623-9)[Record]
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Francesca Désilets
Université Laval, Québec